Par Ronan Scavennec – Marketing Manager B2B & B2C – Butagaz groupe Shell
Depuis quarante-deux ans, Shell élabore des scénarios énergétiques mondiaux d’avenir. Ces scénarios ne sont en aucun cas des prévisions, ils aident uniquement à saisir les perspectives d’avenir possibles.
Scénarios énergétiques et perspectives d’avenir
En termes de méthodologie, des scénarios sont publiés tous les quatre à cinq ans et les travaux de recherche sont dirigés systématiquement par une personne « extérieure » à l’entreprise. Lesdits travaux ont donc consisté en l’analyse de quatre-vingts pays et de quatorze secteurs énergétiques, et ont abouti à deux scénarios principaux : «montagnes» et «océans».
Ils consistent en une analyse approfondie des différents aspects des systèmes mondiaux économiques, politiques, sociaux, énergétiques et environnementaux tout au long du 21ème siècle.
Ces scénarios vont au-delà des analyses comparables effectuées par d’autres entreprises : 2060 pour le système énergétique et 2100 pour certaines implications liées aux changements climatiques et au développement des énergies renouvelables. En raison de la longue durée de vie des infrastructures énergétiques, cette projection est nécessaire pour appréhender le véritable impact des choix et des investissements stratégiques à court terme. Shell est une entreprise commerciale et demeure consciente de l'importance du bien-fondé des décisions actuelles, mais en même temps elle reconnait que ce succès dépend des caractéristiques et des incertitudes de l'environnement futur.
Les scénarios Shell ne sont pas des prévisions traditionnelles, au sens d’une vision prospective précise et quantifiée. Les prévisions ont leur utilité mais peuvent être quelques peu mécanistes et ne donner qu'une vue unique et à court terme. Des scénarios bien pensés explorent quant à eux des perspectives multiples et divergentes de l'avenir sur lesquelles ils peuvent s'appuyer pour envisager des déroulements plausibles et quantifiés. Cette approche favorise les dialogues informés.
Le futur n’est ni complètement prévisible, ni absolument aléatoire. Compte tenu des incertitudes et des discontinuités que nous traversons depuis 40 ans, ces nouvelles optiques cherchent à mettre en perspective deux mondes futurs possibles et différenciés, afin de mieux prendre conscience des conséquences des choix effectués aujourd’hui.
Le scénario « montagnes »
Le scénario « montagnes » évoque le cas où l’influence et le pouvoir restent concentrés entre les mains de ceux qui l’ont déjà aujourd’hui. Il décrit un monde rigide, stable, qui ne se réforme pas. Il se traduit par une croissance relativement faible car le développement économique est freiné par les rigidités des structures et des institutions. En revanche, la prise de décision est facilitée, ce qui permet des progrès dans des domaines stratégiques secondaires : les projets d’infrastructures (gazières notamment), le développement des villes compactes (smart cities, etc...) ou encore le captage et stockage de carbone (CCS).
En termes énergétiques, ce scénario induit une modération des tensions entre l’offre et la demande. Les prix évoluent de façon relativement contenue et la croissance des énergies renouvelables est limitée. Dans ce scénario, le gaz devient l’épine dorsale du mix énergétique mondial. Les projets d’infrastructures gazières et dans le domaine des transports (véhicules électriques, à hydrogène, etc.) se concrétisent massivement. Par ailleurs, la production de CO2 reste modérée et la pression sur les ressources demeure limitée. Le gaz de schiste se développe rapidement, le recours au charbon diminue rapidement et le CCS prend son envol.
Le scénario « océans »
Le scénario « océans » se caractérise par un monde foisonnant où le pouvoir est diffus et parfois chaotique. Les États se réforment, les pays se développent. La croissance économique est forte. Dans cet univers plus réactif, lié à la difficulté d’aboutir à des consensus, des intérêts émergents et divergents sont occasionnellement satisfaits. Les gros projets d’infrastructures se concrétisent plus lentement. Le gaz de schiste ne se développe quasiment pas en dehors des États-Unis et le CCS ne se déploie que très tardivement.
D’un point de vue énergétique, l’équilibre entre l’offre et la demande est fragile et les prix sont élevés. Cette situation implique le déblocage de ressources coûteuses, mais génère également des comportements plus efficients de la part des consommateurs. Les hydrocarbures liquides et le charbon continuent à dominer, en attendant que le solaire devienne la nouvelle épine dorsale de l’énergie (à partir de 2050). Dans ce scénario, les impacts sur le CO2 sont importants, d’autant que le CCS n’est imposé que tardivement.
Comme l’a dit le Cheikh Yamani, ancien ministre du pétrole saoudien, l'âge de pierre ne s'est pas terminé par manque de pierres, l'âge du pétrole ne s'achèvera pas avec le manque de pétrole.
Si on examine l'évolution dans le temps des ressources qui ont dominé le système énergétique (les sources qui ont constitué l'épine dorsale énergétique), on peut voir comment Montagnes et Océans mènent à une réorientation.
Après la domination de la biomasse pour commencer, suivie du charbon et du pétrole, on peut voir que la transition au gaz devient la principale source d'approvisionnement dès les années 2030. Entre-temps dans Océans, la transition vers le Solaire, vers la fin du siècle (2070) est précédée d'une période continue à dominance de pétrole et de charbon.
Les impacts en termes de CO2
La voie d’un réchauffement climatique contenu à + 2 °C représente l’objectif presque communément admis par la communauté scientifique. Il dresse la limite en terme d’augmentation des températures pour éviter la survenue de catastrophe climatique. Malheureusement, aucun des deux scénarios ne permet d’atteindre cet objectif. Même si « montagnes » s’avère plus vertueux qu’« océans », il reste supérieur de 50% en termes d’émissions de CO2. Ce signe devrait nous alerter dès maintenant. En revanche, les deux scénarios peuvent permettre d’obtenir à l’horizon 2100 des flux nets de CO2 proches de zéro. Les efforts en matière de puits de carbone, de CCS, d’énergies renouvelables ou encore d’efficacité énergétique pourraient permettre de réduire à presque zéro les émissions nettes de CO2. Cela signifie que la prochaine problématique ne sera plus celle des flux, mais celle du stock de CO2 accumulé dans l’atmosphère depuis des décennies.
CONTRASTE DES ÉMISSIONS : ÉMISSIONS DE CO2 LIÉES À L'ÉNERGIE CUMULÉES DANS LE MONDE
- Montagnes est environ 50% supérieur à la voie 2 degrés et Océans environ deux fois.
- Montagnes est nettement inférieur en raison de la progression importante du gaz qui ralentit en partie la croissance du charbon, et au déploiement précoce du CCS à grande échelle.
ÉMISSIONS MONDIALES DE CO2 LIÉES À L'ÉNERGIE
Les scénarios Montagnes et Océans sont façonnés par des trajectoires politiques, économiques et sociales très différentes, et pour chaque action nous avons une réaction.
Montagnes fige des influences existantes et le rythme des réformes institutionnelles essentielles est ralenti – inversement, certains domaines de réforme, comme le développement de villes plus intelligentes, sont facilités par le nombre restreint de personnes d'influence.
Dans Océans, les réformes essentielles sont adoptées et les institutions reflètent ces changements, mais un nombre croissant d'intérêts particuliers entravent ces domaines stratégiques secondaires – ce qui explique par exemple le CCS tardif dans Océans.
Ensuite, bien que la consommation totale en énergie primaire soit similaire pour les deux perspectives – la composition du mix énergétique est très différente – d'où l'épine dorsale de gaz dans Montagnes et le « long jeu des carburants liquides » dans Océans.
La similitude de la consommation énergétique globale est une conséquence intéressante de pressions très différentes – la modération de la croissance de la demande dans Montagnes étant due à des déconvenues économiques et des infrastructures énergétiques efficaces, et dans Océans à des prix élevés et à l'efficacité énergétique au stade de l'utilisation finale.
Dans l'ensemble, nous avons trouvé que des horizons à plus long terme et plus larges présentent un intérêt évident pour nos scénarios, car ils reconnaissent la longévité des conséquences des choix, et la corrélation entre le développement des systèmes économiques, politiques, énergétiques et environnementaux. Les décisions prises en matière d'énergie lors des 10 prochaines années auront des conséquences jusqu'à l'horizon 2050 et 2060.
Comprendre l'importance des facteurs économiques et politiques sur lesquels reposent les décisions énergétiques est aussi important pour la prise de décisions efficaces que de comprendre les particularités des ressources et de la technologie.
Les deux perspectives présentent des aspects positifs et mais aussi inquiétants – aucun scénario n'est préférable à l'autre. Ceci incite à dialoguer sur la façon de gérer le parcours de manière à favoriser un meilleur équilibre des éléments les plus positifs.
Les pressions sur les ressources sont complexes et urgentes – les deux perspectives en témoignent. Des combustibles fossiles plus propres seront nécessaires, ainsi qu'une révolution dans l'énergie renouvelable. Il ne s'agit pas de choisir l'un ou l'autre scénario, mais de les combiner. La vraie bataille n'est pas entre ces approches, mais contre la montre, car les retards de politique et de déploiement nous bloquent dans une « transition forcée » en ce qui concerne la réduction des émissions tout en permettant la généralisation des avantages économiques.
La technologie est un aspect critique du progrès mais les décisions politiques et les choix de société ont un énorme impact sur le déploiement efficace de la technologie. Pour comprendre, il suffit de considérer l'intensification du débat public sur la « fracturation » pour l’extraction du gaz naturel et l'efficacité des technologies de CSC.
Ces scénarios "nouvelle optique" représentent un outil important pour ouvrir les esprits et encourager les efforts au-delà des frontières traditionnelles, pour tenter de trouver des solutions nouvelles et créatives à des problèmes complexes. Les tensions ignorent les frontières nationales, les limites public et privé et les limites industrie/secteur, et nous pensons que seules de nouvelles formes de collaborations efficaces nous permettront d'avancer collectivement sur certaines de ces questions. Pour que la politique, la technologie, les marchés et les ressources se combinent de manière constructive, les entreprises, les gouvernements et la société civile doivent adopter de nouvelles approches de collaboration.
- Pour plus de détails sur les scénarios Shell, une présentation complète en français est disponible en téléchargement.
www.shell.com/global/future-energy
Par Ronan Scavennec
Marketing Manager B2B & B2C – Butagaz groupe Shell
SOURCES ET LIENS