Fait par Bernard Reinteau, journaliste spécialisé
Le passage du chauffage fioul ou gaz à la chaufferie bois est désormais courant lors des rénovations énergétiques des bâtiments collectifs. Mais ce type d’installation demande un soin particulier de conception et d’entretien. L’Agence Qualité Construction s’est fait aider d’Envirobat Centre, du BET CEBI 45 et du CRER pour établir un retour d’expérience basé sur la visite d’une vingtaine d’installations de 4 à 400 kW … La simplicité et la rigueur s’imposent pour assurer un fonctionnement optimal.
Le chauffage au bois séduit les exploitants de bâtiments qui ont besoin d’installations thermiques de moyennes puissances en lieu et place de leurs chaudières aux énergies fossiles. Mais l’enthousiasme ne doit pas être contrarié par les malfaçons et contre-références. Certes, il existe déjà un guide Rage publié en Décembre 2015 sur les chaufferies bois - Cf. en bas de chronique - ainsi que l’arrêté du 15 Septembre 2009 sur l’entretien des chaudières de 4 à 400 kW … Mais l’examen du terrain est plus à même de refléter l’état des lieux.
Conception d’une chaufferie bois avec chaudière bois et ballon tampon
Pour aider les maîtres d’ouvrage et les bureaux d’études thermiques, l’Agence Qualité Construction (AQC) a missionné l’association environnementale Envirobat Centre pour mener l’expertise sur une vingtaine d’installations de chaufferies bois existantes et dresser un retour d’expérience factuel. Julie Durupt, chargée de mission au sein de cette structure prestataire, a été accompagnée de deux sachants sur ce sujet : Grégory Barrier du bureau d’études CEBI 45 basé à Orléans, et Denis Renoux du Centre Régional des Énergies Renouvelables (CRER) basé en Deux-Sèvres. Ce travail sera rassemblé dans un manuel édité par l’AQC, « Chaufferie biomasse en rénovation », à paraître sous peu. Lors d’un webinaire organisé le 4 Novembre dernier, la responsable de cette enquête a présenté quelques enseignements, principalement sur des chaufferies bois alimentées en plaquettes.
Bien dimensionner la solution biomasse
Julie Durupt ne manque pas de le rappeler : le dimensionnement d’une chaudière à énergie fossile n’est pas transposable à une solution biomasse. Ce problème est, pour partie, à l’origine de défauts de ces équipements thermiques. Tous les concepteurs peuvent aisément en imaginer les conséquences. La première est un fonctionnement par cycles courts et réguliers qui a pour effet de perturber la combustion et de produire des fumées épaisses, noires et persistantes. En clair, ça encrasse et ça use les foyers, sans compter que, dans ces conditions, le générateur ne fonctionne quasiment jamais à sa puissance nominale.
Pour autant, Julie Durupt trouve quelques circonstances atténuantes aux responsables de cette situation. Parfois, la chaudière a été dimensionnée pour une enveloppe de bâtiment non isolée, et après travaux de rénovation, elle s’est retrouvée … surdimensionnée, et présente de sérieux défauts de rendement. Ce qui, avec une chaudière gaz modulante, serait bien mieux passé, mais avec une chaudière biomasse, non. Autre explication possible : un calcul de puissance qui repose sur les besoins de chauffage et d’eau chaude sanitaire. Dans ce cas, en intersaison, le générateur se retrouve surpuissant.
Les solutions pour contourner ce type de difficultés sont connues. Il est possible d’interposer un ballon tampon entre la chaudière et le départ des réseaux de chauffage pour que la combustion se déroule à plein régime quelques heures par jour et à bon rendement. La régulation du circuit de chauffage s’effectuera à partir du ballon qui accumulera cette chaleur.
Sinon, Julie Durupt propose de concevoir une installation en tandem, soit mono-énergie avec deux chaudières biomasse de puissances équivalentes – une solution qui est réputée adaptée pour répondre aux fortes demandes en eau chaude sanitaire – soit biénergie, avec une puissance de la chaudière biomasse permettant de fournir 80-90% des besoins et un appoint au gaz qui répondra aux fortes demandes et assurera aussi la production de chaleur en cas de maintenance de la chaudière biomasse.
Silo ou stockage bois : le calculer avec précision
L’exposé de Julie Durupt insiste longuement sur le stockage de combustible. Les difficultés tiennent d’abord à son dimensionnement. Est-il adapté aux livraisons qu’il reçoit ? Le camion peut-il dépoter intégralement sa charge ? Le calcul du volume du silo apparaît bien comme un véritable casse-tête pour les concepteurs de chaufferies à plaquettes. Car les défauts entraînent des conséquences directes en termes de bilan économique de l’installation.
Une fréquence d’approvisionnement de bois trop importante sera impactée par des coûts de transport plus importants. Julie Durupt souligne aussi qu’il est parfois difficile de trouver des fournisseurs qui acceptent de livrer en petites quantités. Pour l’exploitant, cela peut se doubler du coût lié à la présence plus régulière d’un employé chargé de réceptionner le combustible. Il est donc recommandé de vérifier ce critère de quantité minimale livrable dès la conception de la chaufferie.
Il est même conseillé de faire venir le livreur de bois durant les travaux et avant leur fin pour ajuster les installations de réception. Surtout, pour le maître d’ouvrage, l’important est de vérifier si le silo construit est bien conforme à la préconisation initiale … Sinon, la solution consistera à le rehausser. Au pire, pour assurer un remplissage complet, surtout dans les parties les plus hautes du stockage bois, on pourra abandonner la vis sans fin pour une solution de soufflage ; cette technique très efficace est d’ailleurs la plus courante et la moins chère à installer dans les chaufferies de moins de 100 kW.
Convoyage du combustible bois : faire simple
Malgré le faible nombre d’installations visitées, Julie Durupt semble avoir observé l’éventail complet des défauts rédhibitoires. Pour ce qui concerne le système de convoyage, elle recommande d’emblée de faire au plus simple et direct entre la trémie de livraison et le silo de stockage. Les exemples de non-qualité relevés sont les bourrages intempestifs, la casse du convoyage, des remplissages longs et bruyants. Et il faut reconnaître que ses inspections l'on amené à voir des montages de vis présentant un trajet avec deux ou trois changements d’axes, horizontaux et verticaux, dont le potentiel de casse est évident en cas d’empoussièrement ou de bourrage.
En clair, inutile de chercher la confrontation avec les éléments, car les impacts se soldent généralement par mise à l’arrêt de l’installation de chauffe avec utilisation de l’appoint. Surcoût de maintenance et allongement des délais de remplissage du silo sont garantis.
Conclusion : le remplissage le plus rapide s’effectue avec une seule vis, et il faut préférer les silos aériens ou semi-enterrés à ceux placés un niveau au-dessous de la chaudière. S’il faut plutôt envisager un système de soufflage pour les chaudières de moins de 100 kW, on peut aussi retenir un convoyage direct avec deux vis sans fin en parallèle depuis la trémie vers le silo. Avantage de cette redondance : si une casse survient, la deuxième vis prend le relais durant la maintenance en évitant l’utilisation de l’appoint.
Des défauts similaires ont été rencontrés entre le silo de stockage et la chaudière. Avec des constats à l’avenant : bourrages, casse du convoyage … Avec à la clé, des mises à l’arrêt, un surcoût de maintenance … Des modes de transferts simples et bien adaptés s’imposent, mais la conception de cet approvisionnement est cependant plus subtile car il dépend du type de silo et du combustible, notamment sa granulométrie (la taille des plaquettes de bois) et de son humidité. Julie Durupt recommande donc d’étudier les fournisseurs potentiels et de bien analyser le combustible disponible.
De manière plus pragmatique, elle encourage la création de silos aériens ou semi-enterrés, et demande d’éviter une trop grande différence de niveau entre le silo et le foyer ; la pente de la vis ne doit pas dépasser 15°. Par ailleurs, il est indispensable de prévoir des trappes de visite pour faciliter la maintenance.
Combustible : du bois uniquement !
Le constat est sans appel : des pierres dans les plaquettes bloquent et cassent les convoyeurs. Ce qui provoque l’arrêt de la chaudière, la sursollicitation de l’appoint, et des surcoûts. Ce qui doit être l’occasion d’un « échange avec le fournisseur de combustible » sur les conditions de stockage et l’identification des causes de la présence de ces « corps étrangers ». On préfèrerait des sujets de conversation moins conflictuels, mais il s’agit de s’assurer d’une qualité constante. Pour corser les débats, Julie Durupt propose la rédaction d’un contrat d’approvisionnement, le contrôle visuel du combustible lors du déchargement …
Autre point dur : le taux d’humidité des plaquettes bois. Les exploitants en connaissent les effets : fermentation et condensation dans le silo, et aussi, formation d’agglomérats, bourrage dans les vis sans fin, combustion incomplète qui entraîne un encrassement de la chaudière, la production de suies et de goudron dans le foyer et les cheminées, des émissions de fumée, d’odeurs, de monoxyde de carbone, avec une baisse de la puissance et des rendements de la chaudière … N’en jetez plus !
Ici aussi, l’action corrective passe par la rédaction d’un contrat d’approvisionnement du combustible bois indiquant les caractéristiques des bois appropriés à la chaudière, la formation de l’agent d’exploitation chargé d’évaluer la qualité du combustible. À noter aussi que le silo doit être vidé une fois par an pour une maintenance de tous ses composants. Les techniciens seront formés au matériel installé.
Le rapport de l’AQC va aussi traiter des sujets tels que l’évacuation des fumées – leur conception sans trop de rupture de charge, avec ou sans modérateur de tirage, et leur entretien par un double ramonage annuel. Il en va du bon fonctionnement de la chaudière, de l’acceptation de l’installation par la réduction des nuisances dans le voisinage (fumées, odeurs, poussières), voire de la santé des opérateurs qui pourraient subir des émissions de monoxyde de carbone. Cet exposé montre bien que ces équipements sont techniquement très pointus et demandent des procédures d’interventions précises. Au risque de devenir inefficaces et très chronophages en maintenance.
Fait par Bernard Reinteau, journaliste spécialisé dans le bâtiment et les solutions de construction,
de rénovation à valeurs ajoutées environnementales
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