Conception d’une solution PAC hybride collective : les points d’attention

Par Vincent Lallemand, Responsable Efficacité Energétique Cegibat

Avec l’évolution des réglementations thermiques – dans le neuf, avec la RE2020, comme dans l’existant, avec le DPE et le décret tertiaire – l’hybridation des solutions gaz devient indispensable pour respecter les seuils réglementaires. De nouvelles contraintes apparaissent dans la conception de ces installations, qu’il est indispensable de prendre en compte pour éviter les contre-références et un mauvais fonctionnement de l’installation.

Pour les lecteurs d’Xpair, en partenariat avec l’AICVF et CEGIBAT …


Conditions de fonctionnement : quel est le régime de température des émetteurs envisagés ?

En neuf, et plus encore en rénovation, il est indispensable de bien prendre en compte la température d’eau de départ de la PAC.
Classiquement, les pompes à chaleur permettent un départ à une température maximale de 55°C pour une température extérieure allant jusqu’à – 5°C au mieux. En deçà, la majorité des PAC peut continuer de fonctionner (jusqu’à – 20°C dans la plupart des cas), mais la température de sortie au condenseur chute et ne peut plus être garantie à 55°C (ou alors moyennant l’utilisation d’un appoint électrique).

température entrée sortie

L’association d’une chaudière avec une PAC permet donc à l’installation de fonctionner à ces températures extérieures basses, tout en étant performante, puisque c’est la chaudière qui prendra le relais, évitant à la PAC de fonctionner sur son appoint électrique et à de faibles rendements.
Ce point est d’autant plus important en rénovation, car souvent, les émetteurs existants sont des radiateurs à eau qui n’ont pas été dimensionnés à l’époque pour de la basse température, et sont donc sur des régimes d’eau de 80/60°C. Une température de départ de chauffage de 80°C, à température extérieure de base, est incompatible avec les possibilités qu’offrent les modèles de PAC d’aujourd’hui.
Même sur le marché du neuf, les régimes d’eau des émetteurs sont aujourd’hui encore assez élevés, puisqu’ils permettent d’avoir recours à des émetteurs de plus faible encombrement et donc moins coûteux à l’investissement.
Un autre élément important dans le fonctionnement d’une PAC est la nécessité d’avoir un débit minimal pour assurer une différence de température d’environ 5°C entre le départ et le retour de la PAC. Il est donc impératif de prévoir un volume d’inertie pour assurer ce bon débit, sinon la PAC se mettra en défaut.
À puissance égale, le débit d’eau pour le bon fonctionnement d’une PAC est 3 à 4 fois supérieur à celui d’une chaudière.


Le mode de régulation de la PAC Hybride

Plusieurs modes de régulation de la PAC hybride sont possibles. Cela impacte directement le dimensionnement de la puissance de la PAC et de la puissance de la chaudière ainsi que le taux de couverture de chaque appareil.
– Bivalent alternatif : la PAC fonctionne jusqu’à une certaine température extérieure ; en dessous de cette température, la PAC est mise à l’arrêt et une chaudière prend le relais (la PAC est utilisée pour couvrir entre 40% et 70% des besoins de chauffage annuels). Ce fonctionnement permet de s’affranchir des périodes de dégivrage de la PAC si la température de bivalence est supérieure à 2°C ou 3°C.
– Bivalent parallèle : la PAC fonctionne seule jusqu’à une certaine température extérieure (point de bivalence). En dessous de cette température, la PAC fonctionne avec une chaudière en relève (la PAC est utilisée pour couvrir entre 70% et 90% des besoins de chauffage annuels).
– Bivalent alternatif parallèle : ce mode est la fusion entre le mode bivalent parallèle et le mode bivalent alternatif : en dessous de la température du point de bivalence, dans un premier temps, la chaudière et la PAC fonctionneront ensemble puis, progressivement, à une certaine température extérieure, la PAC s’arrêtera complètement et la chaudière prendra à 100% le relais.


Quels sont les usages à hybrider ? Chauffage, eau chaude sanitaire ou les deux ?

En fonction des usages à hybrider, plusieurs types de schéma hydraulique peuvent être envisagés,comprenant un ou plusieurs ballons de stockage, et donc une emprise au sol plus ou moins importante.


1/ Hybridation des usages de manière séparée

Lorsque les deux usages sont à hybrider, le choix consiste à coupler à la chaudière une PAC dédiée au chauffage et une PAC dédiée au préchauffage de l’ECS. Cela permet de travailler sur la PAC dédiée au chauffage à des températures d’eau plus basses et donc sur des plages de fonctionnement plus favorables à la PAC, proche de ses COP optimaux. Au contraire, la PAC dédiée au préchauffage ECS sera à une température de départ de 55°C. On pourra donc sélectionner une PAC haute température dédiée à cet usage. Cette solution nécessitera un nombre d’équipements plus important (deux PAC, plusieurs ballons de stockage), une emprise au sol plus conséquente et donc un investissement plus important.


2/ Hybridation commune des usages chauffage et eau chaude sanitaire

À l’inverse, on peut choisir d’hybrider les deux usages avec une PAC unique fonctionnant sur un ballon  d’énergie. Le système nécessitera un investissement moindre, mais cela contraindra la PAC à fonctionner sur un régime de température plus élevé, à moins que le choix soit fait de diminuer la température de départ de la PAC et d’augmenter le complément fait par la chaudière.

mode régulation pac hybride


Un dimensionnement de l’hybridation variable, selon les objectifs

L’objectif poursuivi par l’installation d’une PAC hybride collective a un impact direct sur le dimensionnement de l’installation.

– Dans un objectif de décarbonation, il sera avantageux de laisser fonctionner la PAC quelle que soit la température extérieure, puisque même avec des COP très faibles à basse température, l’utilisation de gaz (hors gaz vert) aura toujours un impact carbone plus important, en attendant la reconnaissance des gaz verts dans la réglementation (fonctionnement bivalent parallèle).
– Dans un objectif économique de réduction des factures, l’utilisation de la chaudière dès que les COP de PAC sont inférieurs au ratio de prix entre kWh élec./kWh gaz sera le plus opportun. Le fonctionnement des équipements sera alors choisi en fonction de leur performance, mais aussi en fonction du coût des énergies (fonctionnement bivalent alternatif ou alternatif parallèle).
– Enfin dans un optimum technico-économique, la mise en place d’une PAC de petite puissance (PAC de puissance à 0/50°C comprise entre 15% et 30% des déperditions à la température de base) couplée à une chaudière permettra de réduire l’investissement mais aussi de couvrir 60% à 80% des besoins chauffage et d’ECS du bâtiment par la PAC.


Dimensionnement de l’installation : point d’attention sur la puissance de PAC installée

La première chose à faire est d’évaluer la puissance de chauffage maximale, sur la base des déperditions du bâtiment, ainsi que le besoin énergétique pour le chauffage et l’ECS. L’idéal est de récupérer les consommations réelles du bâtiment ou la monotone de chauffage. L’un des risques est de repartir des puissances estimées à la conception du bâtiment et souvent très surévaluées par rapport à la réalité. Dans ce cas, la puissance de la PAC sera surdimensionnée, entraînant un surcoût d’investissement, mais aussi un mauvais fonctionnement de la PAC : en raison de son surdimensionnement, la PAC fonctionnera sur des cycles courts, à faible charge, et aura donc de mauvaises performances et le compresseur une durée de vie raccourcie. 
Une fois la puissance de la PAC définie, il ne reste plus qu’à sélectionner la PAC chez le fabricant. Il ne s’agit pas de la puissance nominale affichée par les constructeurs, qui est généralement donnée pour des conditions standardisées comme A7/W35, où A correspond à la température de l’air (7°C) et W à la température de l’eau en sortie de condenseur (35°C). Pour connaître les performances à 55°C et pour des températures extérieures plus basses, il est nécessaire d’analyser précisément les fiches techniques des produits et dans certains cas de demander directement une sélection au fabricant, car les données ne sont pas toujours disponibles. Certaines plages de fonctionnement affichées peuvent par exemple laisser penser qu’un modèle est capable de fournir de l’eau à 55°C jusqu’à – 5°C de température extérieure mais sans indiquer la puissance correspondante ou l’éventuel complément de puissance assuré par un appoint intégré.


bâtiment déperdition


Anticiper les futurs travaux de rénovation de l’enveloppe

Si en théorie, le plus judicieux est de travailler sur l’enveloppe du bâtiment, et donc ses besoins énergétiques, avant de travailler sur le vecteur, dans la pratique, de nombreux maîtres d’ouvrage (notamment les copropriétés où la prise de décision est plus longue et plus complexe), pour des questions budgétaires, ne pourront envisager une rénovation globale au premier geste. Il sera donc important de prendre en compte les besoins futurs du bâtiment dans le dimensionnement de la solution hybride afin de ne pas mettre en place une PAC trop puissante qui pour les mêmes raisons que précédemment sera surdimensionnée une fois l’enveloppe rénovée et conduira ainsi à une mauvaise performance de l’installation.


La puissance électrique est-elle suffisante pour la bonne réalisation du projet ?

La mise en place d’une pompe à chaleur sur un site existant entraîne une hausse de la puissance électrique appelée sur le site. Dans certains cas, la puissance électrique disponible sur le site peut être limitée (réserve de puissance limitée, poste de transformation saturé, nouveaux usages liés à la mobilité, passage sur un abonnement supérieur à 36 kVA, etc.) ; aussi une attention particulière devra être portée sur ce point. La PAC hybride permet d’ailleurs grâce à l’installation d’une PAC de petite puissance de limiter cet impact tout en couvrant jusqu’à 80% des besoins. En effet, par rapport à une solution 100% électrique, la puissance électrique peut être divisée par 4.


Acoustique : attention à l’emplacement de l’unité extérieure

L’installation d’une pompe à chaleur s’accompagne forcément de la mise en place d’une unité extérieure sur le site, il faudra donc être attentif aux nuisances sonores générées par celle-ci en fonction de son emplacement (en toiture, en rez de jardin, en intérieur avec un gainage, etc.). La réalisation d’une étude acoustique en amont permet de prendre en compte ces contraintes et de mettre en place, lorsque c’est techniquement possible, des mesures acoustiques (piège à son, caisson acoustique, etc.). Là encore, l’hybridation permet de diminuer l’impact sonore puisque la puissance installée peut-être divisée par 4 par rapport à une solution 100% PAC.

Nous reviendrons de façon plus détaillée dans les prochains mois sur certains points évoqués dans cet article, notamment le dimensionnement et les schémas hydrauliques des solutions hybrides en rénovation. De nombreux travaux étant en cours actuellement.


Par Vincent Lallemand, Responsable Efficacité Energétique Cegibat



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• Du confort et du bien-être des occupants.

Et ainsi contribuer au développement scientifique, réglementaire, technique et technologique dans ces domaines.


 

Commentaires

  • yann
    0
    08/02/2024

    Bonjour,
    Je suis surpris que dans le paragraphe "Dans un objectif de décarbonation", il ne soit pas tenu compte du Cep pour la PAC ?


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