Covid 19, synthèse des mesures pour les entreprises de la filière bâtiment

Par Bernard Reinteau - Journaliste spécialisé bâtiment

Depuis début mars, le confinement de la population pour faire barrage au coronavirus – Covid 19 – a totalement perturbé l’activité des entreprises du bâtiment. Le gouvernement a, au fil du mois de mars, publié de nombreux dispositifs pour les entreprises, notamment applicables à celles de la filière bâtiment.

Cet article présente de manière thématique un état des lieux applicable pour les entreprises du bâtiment :  La dernière mise à jour datant du 6 avril 2020.

Mesures sanitaires

Covid-19 et les mesures pour les entreprises du bâtiment

1. Covid-19 et activité partielle

L’activité partielle, dite aussi chômage partielle, est déjà prévue par le code du travail, dans sa partie législative avec l’article L. 5122-1 et dans sa partie réglementaire avec l’article R. 5122-1. Elle se justifie par une réduction des horaires de travail en deçà de la durée légale de travail ou par une fermeture temporaire de tout ou partie de l’établissement.

Les mesures définies le 25 mars dernier font référence à ces textes, en particulier au dernier qui indique, parmi les cinq cas d’application, les circonstances de caractère exceptionnel. La pandémie de Covid 19 entre dans ce cas de figure. Ces mesures, qui concernent tous les secteurs d’activité, sont applicables à compter du 1er mars.

Pour aider les entreprises, l’État et l’Unedic ont créé un dispositif exceptionnel pour financer l’allocation aux salariés :
- celle-ci est proportionnelle à la rémunération des salariés en activité partielle, et non forfaitaire comme dit dans le code du travail ;
- le reste à charge pour l’employeur est égal à zéro pour toute rémunération inférieure à 4,5 fois le Smic brut ;
- ces mesures sont applicables aux salariés au forfait jours et heures.

La démarche commune vise cependant à aménager les postes de travail – télétravail – afin de respecter les consignes sanitaires : distanciation sociale, gestes barrières… Ces mesures d’aide s’appliquent donc :
- aux entreprises concernées par les arrêtés qui prévoient leur fermeture ;
- à celles qui subissent une baisse d’activité ou des difficultés d’approvisionnement ;
- et s’il est impossible de mettre en place les mesures de protection de la santé des salariés : télétravail, gestes barrières…

Définies tardivement, ces mesures s’appliquent rétroactivement. Les entreprises disposent de 30 jours après le début du chômage partiel pour déposer une demande en ligne d’autorisation administrative aux services de l’État (Direccte), notamment via le site https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/aparts/

site gouvernement activité partielle

Covid 19 – site d’accès pour déclarer l’activité partielle des entreprises

Le caractère exceptionnel de ces mesures tient aux modalités d’application :

- la Direccte répond sous 48 heures, et l’absence de réponse dans ce délai vaut une décision d’accord ;
- normalement préalable, l’avis du comité social et économique pourra être adressé dans un délai de deux mois après la demande de chômage partiel ;
- et la durée d’activité partielle pourra être au maximum d’un an au lieu de 6 mois. L’ordre des experts-comptables de Paris IDF indique que cette indemnité est limitée à 1 000 heures par an.

La demande déposée par l’employeur doit préciser :

- le motif de recours, en l’occurrence les circonstances exceptionnelles et le coronavirus ;
- les circonstances détaillées et la situation économique à l’origine de la demande ;
- la période prévisible de sous-emploi – dès la première demande, elle peut s’étendre jusqu’au 30 juin 2020 ;
- le nombre de salariés concernés ;
- et la prévision du nombre d’heures chômées.

Comment les salariés sont-ils rémunérés ?

- À l’échéance de la paye, l’employeur verse 70 % du salaire brut – le plafond de l’allocation est de 70 % de 4,5 fois le Smic horaire brut (environ 84 % du salaire net) ;
- Il adresse à la Direccte une demande d’indemnisation pour chaque salarié en précisant les heures hebdomadaires travaillées et chômées ;
- L’Agence de service et de paiement (ASP) verse l’allocation sous – en moyenne – 12 jours.

À noter : l’État prend en charge 100 % des coûts pédagogiques de formation des salariés en activité partielle.

Quel impact sur le bulletin de salaire ?

Il précisera : le nombre d’heures indemnisées ; les montants appliqués ; les sommes versées dans la période considérée. Avec le versement de l’allocation complémentaire, le salarié doit aussi recevoir un document indiquant : le taux du Smic ; le nombre d’heures correspondant à la durée légale du travail ; les déductions obligatoires ayant permis de déterminer le montant de la rémunération mensuelle minimale ; les montants du salaire et des diverses allocations constituant les éléments de la rémunération mensuelle minimale versée au salarié (art. R. 3232-2 du Code du travail).
En contrepartie des indemnités versées aux salariés, l’employeur a droit à une allocation d’activité partielle dont le taux varie selon la taille de l’entreprise : 7,74 € par heure dans les entreprises de 250 salariés au plus ; 7,23 € par heure dans les entreprises de plus de 250 salariés.

Pénalités en cas de fraude

Cinq jours après l’annonce de ces mesures relatives au chômage partiel, le ministère a précisé les pénalités en cas de fraude. En premier lieu, il souligne que la mise en chômage partiel ou l’activité partielle des salariés n’est pas compatible avec le télétravail. En chômage partiel, le salarié s’arrête de travailler pour l’entreprise. « Lorsqu’un employeur demande à un salarié de télétravailler alors que ce dernier est placé en activité partielle, cela s’apparente à une fraude et est assimilé à du travail illégal ».

Et de brandir les sanctions cumulables encourues : remboursement intégral des sommes perçues au titre du chômage partiel ; interdiction de bénéficier, pendant une durée maximale de 5 ans, d’aides publiques en matière d’emploi ou de formation professionnelle ; 2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, en application de l’article 441-6 du code pénal.

Et quid du droit de retrait ?

Selon l’article L, 4131-1 du code du travail qui permet à un travailleur de se retirer d’une situation de travail dont il pense qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ? Le ministère du travail a formulé, fin mars, une réflexion qui met cette possibilité entre parenthèse : « Dans le contexte actuel, dans la mesure où l’employeur a mis en œuvre les dispositions prévues par le Code du travail et les recommandations nationales visant à protéger la santé et à assurer la sécurité de son personnel, qu’il a informé et préparé son personnel, notamment dans le cadre des institutions représentatives du personnel, le droit individuel de retrait ne peut en principe pas trouver à s’exercer », est-il précisé dans une question-réponse sur le site internet du ministère du travail.

Pour ce qui concerne le secteur du BTP …,

Une vive polémique s’est développée entre le ministère du travail et les organisations professionnelles. Les échanges ont débouché, entre autres, sur la rédaction d’un guide de bonnes pratiques sur les chantiers. L’OPPBTP (Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux Public) a mis en ligne son « Plan de continuité des activités simplifiées » dès le 2 avril ; téléchargeable ci-dessous. 

Pour sa part, la FFB a mis en ligne fin mars un numéro spécial de Bâtiment Actualité – cf. ci-dessous - qui fait un tour complet des questions de la filière bâtiment.

FFB et coronavirus

Covid 19 – La FFB édition spéciale

2 – Les mesures de financement des entreprises

La période d’arrêt d’activité économique est étayée par des mesures d’accompagnement bancaire, de crédit et prêt et autres fonds de garantie.

Les banques s’organisent pour simplifier les procédures. Le délai d’instruction de crédit pour les situations de trésorerie tendues est ramené à cinq jours, les remboursements de crédits sont reportés de six mois et les pénalités et des coûts additionnels de reports d’échéances et de crédits des entreprises sont supprimés.

Le besoin de fonds de roulement peut être alimenté par un « Crédit 50 K€ » destiné à maintenir l’activité de prospection commerciale.

De son côté, Bpifrance (Banque publique d’investissement) a relâché la pression depuis le 16 mars :
- suspension du paiement des échéances de prêts accordés par Bpifrance.
- mobilisation de l’ensemble des factures pour allonger les échéances de paiement, crédit de trésorerie représentant 30 % des volumes mobilisés ;
- prêts sans garantie de 3 à 5 ans, de 10 000 € et plus, assortis d’un différé de remboursement du capital. Par ailleurs, le niveau de garantie des crédits a été relevé à 90 % contre 70 % auparavant, limitant à 10 % le risque supporté par la banque prêteuse (uniquement pour les prêts de 3 à 7 ans accordés par les banques privées et pour les découverts confirmés pour une période de 12 à 18 mois par la banque de l’entreprise ;
- mécanisme de garantie de Bpifrance est étendu aux ETI, plus uniquement aux TPE et PME ;
- mise en place d’un « prêt atout » pour assurer le besoin de trésorerie, sous réserve de posséder 12 mois de bilan et hors SCI, entreprises en difficultés et intermédiaires financiers.

À cela s’ajoute les fonds de garantie « ligne de crédit confirmée Coronavirus », crédit à court terme pour financer le cycle d’exploitation des entreprises, « Renforcement de la trésorerie Coronavirus », crédit à moyen terme pour consolider les crédits à court terme. Pour les plus petites entreprises soumises à une fermeture administrative – TPE, indépendants et autoentrepreneurs d’un chiffre d’affaires de moins de 1 M€ –, le ministère de l’Économie a créé un fonds de solidarité ouvert depuis le 31 mars.
À noter que du 16 mars au 31 décembre 2020, l’État garantit les prêts de trésorerie à hauteur de 300 Mds€.

3 – Report et réduction des charges

Dans son discours du 16 mars 2020, le Président de la République annonçait des décalages de paiement de nombreuses charges.

- Les entreprises peuvent demander aux services fiscaux un délai de paiement de l’acompte d’impôt sur les sociétés et sur les salaires et une remise d’impôt direct.
- Le paiement des impôts par les indépendants, déclarants des bénéfices commerciaux et industriels ou non commerciaux, ne font l’objet d’aucune mesure particulière. Ces contribuables doivent prendre l’initiative de demander le report des échéances.
- Les entreprises qui ont mensualisé leur cotisation foncière (CFE) ou la taxe foncière peuvent demander à l’administration d’interrompre les versements ou reporter l’échéance au 15 décembre.
- En revanche, aucun délai n’est accordé pour le versement de la TVA. Mais les services administratifs des entreprises pouvant être perturbés, l’administration admettra des déclarations incomplètes, voire à néant… avec régularisation ultérieure.
- Pour ce qui concerne le versement des charges sociales sur les salaires, les Urssaf sont à l’écoute des comptables et experts-comptables pour résoudre les difficultés de paiement. Déjà, au 15 mars, les entreprises de moins de 50 salariés ont eu la possibilité de reporter leurs échéances de cotisations en modulant leur paiement. Gérard Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, a annoncé le 3 avril que ces mesures pour les PME et micro-entreprises seront applicable à l’échéance du 5 et du 15 avril ; de même, pour ce qui concerne les travailleurs indépendants mensualisés, les charges de mars n’ont pas été perçues par les collecteurs et l’échéance du 20 avril est déjà annoncée reportée. Les sommes dues seront réparties sur les derniers mois de l’année.

À noter que pour les grandes entreprises ou les entreprises membres d'un grand groupe, Bercy n’accepte un report des échéances fiscales et sociales qu’aux conditions de non-versement de dividendes et au non-rachat d’actions entre le 27 mars et le 31 décembre 2020.

Pour ce qui concerne les indépendants, les charges de mars n’auraient pas été perçues par les collecteurs ; elles seraient reportées sur les mois d’avril à décembre. La mesure pourrait être décalée selon la situation sanitaire. Les personnes concernées doivent se rapprocher de leur Urssaf locale.

- Attention au versement des cotisations de prévoyance : les experts comptables recommandent de ne pas surseoir à leur paiement.

- Quant aux caisses de retraite, les situations diffèrent selon les régimes. Les entreprises ou leurs experts comptables s’en rapprocheront utilement. Bercy annonce que 80 000 entreprises ont reporté les échéances de cotisations de retraite complémentaire du 25 mars pour un montant total de plus de 1 Md€.

4 - Covid-19,  à situation exceptionnelle

À situation exceptionnelle, questions aussi exceptionnelles. Cet article fait modestement l’état des lieux, mais l’information est quotidiennement remise à jour par les ministères (ceux du travail, de l’économie où figurent de très nombreuses fiches d’information) ainsi que les différents services auxquels font appel les entreprises.

Un tour d’horizon régulier s’impose. Et surtout, portez-vous bien.

infos gouvernement

Covid 19 et Gouvernement : Informations en continu sur le Covid-19 Coronavirus

Par Bernard Reinteau - Journaliste spécialisé bâtiment

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Commentaires

  • Bernard
    1
    28/04/2020

    L'OPPBTP a préparé une boîte à outils sur son site internet : https://www.preventionbtp.fr/Documentation/Explorer-par-produit/Information/Dossiers-prevention/Covid-19-Preconisations-de-securite-sanitaire-pour-les-chantiers-du-BTP/La-boite-a-outils-Covid-19


  • Bernard
    1
    11/04/2020

    Le guide de préconisations "Covid-19" de l'OPPBTP a été mis à jour le 10 avril : https://telechargement.preventionbtp.fr/file/GUIDE-DE-PRECONISATIONS-COVID-19-OPPBTP.pdf

    • hervé
      1
      14/04/2020

      Merci pour vos réponses
      Cordialement


  • hervé
    1
    06/04/2020

    Bonjour
    Nous sommes un bureau d’études fluides énergies environnement de maîtrise d’œuvre, nous sommes en mesure de télétravailler et nous le faisons depuis le premier jour du confinement. Or, notre activité est liée au monde du bâtiment qui à ce jour est très ralenti. Les chantiers sont quasiment tous à l’arrêt et ne sommes pas en mesure de nous déplacer sur site pour des réunions physiques et/ou investigations. Les phases de conception sont quant à elles au ralenties car les donneurs d’ordres ne valident pas ou peu les phases intermédiaires, nous avançons sur les projets mais de manière ralenti. Les appels d’offres en marché public sont peu nombreux et candidatons beaucoup moins.
    Nous sommes en capacité de produire mais de manière ralenti, nos collaborateurs sont opérationnels mais pas à temps plein. Nous nous efforçons de continuer notre activité afin de ne pas nous écrouler mais nous ne pouvons assurer 100% des temps de nos collaborateurs. Nous sommes donc dans l’obligation de faire du chômage partiel tout en étant en télétravail.
    Je suis donc très étonné du commentaire :
    En premier lieu, il souligne que la mise en chômage partiel ou l’activité partielle des salariés n’est pas compatible avec le télétravail. En chômage partiel, le salarié s’arrête de travailler pour l’entreprise. « Lorsqu’un employeur demande à un salarié de télétravailler alors que ce dernier est placé en activité partielle, cela s’apparente à une fraude et est assimilé à du travail illégal ».
    Merci pour votre réponse. Cordialement

    • Bernard Reintea
      1
      09/04/2020

      Bonjour Hervé,
      Vous avez pu lire cette phrase, comme tous les internautes préoccupés par ce sujet, sur le site du ministère du travail. Cette position est logique. Elle est par ailleurs commentée de manière savante sur le site des Editions Legislatives : https://www.editions-legislatives.fr/actualite/teletravailler-durant-un-chomage-partiel-c-est-du-travail-illegal.
      Je sais que nombre de chefs d'entreprise se posent cette question. J'espère que vous trouverez des réponses adaptées à votre situation avec le contenu de ce lien .
      Cordialement.
      B. Reinteau


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