Par Edith LOGER, ingénieure à ATMOSphères, BET Fluides et/ou de Maîtrise d'œuvre
Les enfants de la commune de Saint Antonin Noble Val dans le Tarn-et-Garonne (82) ont fait leur rentrée scolaire 2018 dans une nouvelle école primaire tout juste réceptionnée. Retour sur la conception d’un bâtiment hors normes !
Architectes de l'opération : cabinets d’architecture « Mil Lieux développement durable » et « Laurence Ryckwaert bâtiments responsables »
Une performance énergétique très élevée
Le 1er objectif a été de réduire les besoins énergétiques du bâtiment et notamment les besoins de chauffage - principal poste de consommation dans ce type de bâtiment.
Grace à un traitement thermique performant les besoins de chauffage de l’école ont été réduits à 10 kWh /m²SU.an afin de respecter le niveau du label Passiv Haus qui limite les besoins de chauffage à 15 kWh / m²SU.an.
→ Réduction des déperditions statiques par une forte isolation du bâti :
→ Réduction des déperditions dynamiques grâce à des ventilations doubles flux à haut rendement et une forte étanchéité à l’air du bâtiment.
- Les débits de renouvellement d’air étant imposés par l’occupation des locaux pour maintenir une bonne qualité d’air intérieur, le seul levier pour limiter les déperditions dynamiques a été de mettre en place des équipements de ventilation double-flux avec un rendement de récupération maximal : 96% selon la norme NF VMC N205.
Le choix d’une ventilation décentralisée, à raison d’une CTA par salle de classe, a permis de limiter la longueur et le diamètre des réseaux et ainsi les espaces nécessaires en faux plafond pour le cheminement de ces derniers.
De plus pour limiter les pertes thermiques les réseaux ont été calorifugés et réalisés de façon étanche (réseaux et accessoires à joints + adhésifs).
L’objectif d’étanchéité des réseaux était la classe C.
Le facteur de fuite autorisé correspondant à la classe d’étanchéité visée est directement proportionnel à la surface du réseau. Plus la surface est petite, plus le taux de fuite autorisé est faible. Or sur ce projet, sur certains tronçons le taux exigé pour la « classe C » était plus faible que la précision de la mesure : la classe C visée initialement s’est donc parfois révélée impossible à atteindre.
90% des réseaux ont atteint la classe d’étanchéité B et 10 % la classe C.
- L’étanchéité à l’air du bâtiment a été particulièrement soignée, pour atteindre le niveau exigé dans les bâtiments passifs soit 0,6 vol/h sous une pression de 50Pa ce qui correspond à un Q4 de 0,16 m³/(h.m²). La valeur obtenue est Q4 = 0,14 m³/(h.m²)
Bbio = 34,2 soit 50% de gain sur le Bbiomax.
Or pour le calcul du Bbio, le système de ventilation est une VMC à débit soufflé et extrait constant avec efficacité d’échangeur de 50 % (extrait des règles de calcul ThBCE RT2012).
La haute performance du poste ventilation (Ꞃ=96%) n’est donc pas valorisée dans le calcul du Bbio.
→ Apports solaires maximisés : limitation des surfaces des baies orientées Nord et grandes baies vitrées orientées Sud, Est et Ouest (avec brise soleil et avancée de toit pour limiter les apports en période estivale).
En bonus : une vue imprenable sur le village (classé plus beau village de France)
Les besoins en eau chaude sanitaire, bien que faibles dans ce type d’établissement, ont aussi été réduits grâce à la mise en place de robinets temporisés avec double temporisation (7 ou 11 secondes). En concertation avec le maître d’ouvrage nous avons aussi décidé de ne pas installer d’ECS sur les lave-mains des sanitaires.
Des systèmes performants
Les CTA double flux sont équipées de nouvelle génération de ventilateurs ayant une puissance absorbée très faible.
De plus les débits de renouvellement d’air sont réduits en période d’inoccupation.
Les besoins de chauffage étant extrêmement bas, il n’était pas opportun économiquement de prévoir un système de chauffage de haute technologie et coûteux.
Le chauffage est donc assuré par des batteries électriques implantées sur les réseaux de ventilation, au plus près des besoins. De plus, ce système de chauffage ne nécessite que très peu de maintenance.
La mise en place de ballons électriques de petites capacités (15 à 50 L) à proximité des points de puisages limite les pertes de distributions, la multiplicité des réseaux de distribution et permet de ne pas recourir au bouclage (gain non négligeable sur les consommations en énergie pour réchauffer la boucle et en électricité (pompe)).
Les équipements d’éclairage sont intégralement constitués de LED et la majorité sont équipés de détecteur de présence et de niveau d’éclairement.
→ Cep = 34,3 kWhep/m²SRT.an soit 66 % de gain sur le Cep max.
La compensation des consommations futures par une énergie renouvelable
Dans le but de concevoir un bâtiment à énergie positive, il est nécessaire de compenser les consommations d’énergie finale par une production locale d’énergie renouvelable.
La source d’énergie utilisée pour tous les usages du bâtiment étant l’énergie électrique, le choix de l’énergie renouvelable s’est porté sur des panneaux photovoltaïques.
Le système a été dimensionné pour compenser les consommations énergétiques (chauffage, ECS, ventilation) mais aussi les consommations d’électricité des autres usages (vidéoprojecteurs, ordinateurs, micro-ondes…), ces dernières ont été estimées à 30 kWh ep/m²SRT.an conformément au label EFFINERGIE +.
La puissance de l’installation photovoltaïque est de 28 kWc.
Cette installation est constituée de trois champs de capteurs photovoltaïques implantés sur trois pans de toiture orientés SUD.
En complément il était prévu à l’origine l’installation d’une micro-éolienne de type « arbre à vent » afin de diversifier les sources d’énergie renouvelable. Cependant ce poste a été abandonnée car ce système a connu de mauvais retour d’expérience (article dans le canard enchainé du 25 octobre 2016).
Prise en compte du confort d’été
Nous avons réalisé une simulation thermique dynamique sur ce bâtiment pour déterminer le confort d’été.
Pour maintenir une température intérieure confortable il faut avant tout à empêcher la chaleur de rentrer.
Pour ce faire, les menuiseries situées à l’EST, à l’OUEST et au SUD sont équipées de brises soleil orientables motorisés pilotés par la GTB en fonction de la position du soleil, de la température intérieure, et de l’occupation des locaux.
Les apports solaires sont donc considérablement réduits en période estivale et en mi-saison.
De plus afin de maximiser l’inertie du bâtiment, un mur intérieur en béton de terre traverse le bâtiment dans sa longueur et la dalle en béton du plancher n’a été isolée qu’en sous-face pour conserver la masse de béton dans le volume chauffé.
Cependant, malgré la forte inertie du bâtiment la STD fait état de quelques surchauffes.
Enfin, un système de sur-ventilation permet de rafraîchir le bâtiment pendant la nuit, grâce à l’ouverture pilotée par la GTB de différents ouvrants motorisés situés en façade et en toiture.
Une forte volonté de la municipalité
Le recours à des matériaux biosourcés et bas carbone était une exigence du Maitre d’Ouvrage, ainsi l’ossature du bâtiment est réalisée en pin douglas, le bardage extérieur en châtaignier, les isolants sont à base de coton recyclé, de ouate de cellulose ou de fibre de bois, les revêtements de sol en caoutchouc…
Focus sur la qualité de l’air intérieur : limitation des émissions de COV, débits de renouvellement d’air adaptés à l’occupation, pas d’utilisation de détergents de synthèse par le personnel de ménage.
Chaque salle de classe est équipée d’une sonde de température de qualité d’air mesurant le taux d’humidité et de CO2.
Ce projet de construction a été étudié en collaboration avec les futurs usagers en associant les parents d'élèves, le personnel communal et les enseignants. Un projet pédagogique avec les enfants de l’école a été mis en place tout le long du chantier (atelier terre crue, visites de chantier, …)
Bilan
Les plus :
o Une bonne intégration dans le paysage,
o Prise en compte du confort d’été,
o Recours aux matériaux biosourcés,
o Très haute performance énergétique du projet,
o Instrumentation du bâtiment pour suivi énergétique
Les postes à améliorer :
o Performances des fenêtres de toit
o Difficultés à trouver des pièges à son avec matériaux biosourcés
o Montée en compétence des acteurs
Par Edith LOGER, ingénieure à ATMOSphères, BET Fluides et/ou de Maîtrise d'œuvre
Bravo pour ce travail et ce projet.
Bel os à ronger pour la critique. Mais celle-ci est bienveillante à l'égard de la maîtrise d'oeuvre (et sans aucune condescendance...il est plus difficile d'agir que de critiquer) :
La justification de la belle vue au Sud est amplement suffisante pour ce choix des orientations des vitrages. En revanche, du point de vue énergétique, confort et en particulier pour le confort d'été, c'est l'orientation Nord la meilleure pour les salles de classes, surtout avec ce niveau d'isolation. Il est parfaitement inutile de rechercher des apports solaires passifs durant la période de chaud....l'inertie, les apports internes, font que les apports solaires d'hiver deviennent inutiles voire contre performants...et amplifie les difficultés d'obtention d'un confort d'été acceptable. Donc, le résultat n'est pas surprenant.
Je ne doute pas un instant que l'architecte et le BE ont déjà tirer ces conclusions après cette expérience, qui est, malgré cela, une belle réussite.