Par Emmanuel ACCHIARDI - DGALN/DHUP/QC
Sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction
Le bâtiment représente en France près de 45% de la consommation énergétique nationale et plus de 25% des émissions de gaz à effet de serre. Ces chiffres traduisent l’impact majeur du bâtiment sur l’environnement, sa grande dépendance aux ressources naturelles et la nécessité de mettre en œuvre des politiques publiques ambitieuses pour réduire les consommations d’énergie et limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Depuis 1974, la mise en place de réglementations thermiques de plus en plus exigeantes a permis de diviser par 6 à 7 les consommations d’énergie entre 1970 et 2012 sur les postes chauffage et eau chaude sanitaire.
La future réglementation environnementale
Avec la loi de transition énergétique pour la croissance verte (loi n°2015-992 du 17 août 2015), la France a souhaité engager la filière du bâtiment vers une ambition nouvelle.
Ainsi, la future réglementation environnementale des bâtiments neufs renforcera la réglementation actuellement en vigueur (RT 2012) par deux indicateurs : l’indicateur bilan BEPOS et l’indicateur portant sur un seuil maximal d’émissions de gaz à effet de serre.
L’objectif est d’aller plus loin que la RT 2012 car l’Accord de Paris impose une exemplarité à la France : il s’agit de préparer les conditions d’une généralisation de bâtiments à énergie positive (BEPOS) ET bas-carbone.
Le label Energie Carbone
Les pouvoirs publics ont choisi une méthode collaborative pour mettre au point le standard du bâtiment neuf de demain. Ces derniers mois, les acteurs de la construction ont contribué à élaborer le référentiel (méthode de calcul, indicateurs et niveaux d’ambition) sur lequel est fondé le label.
Immeuble de bureaux 10655 m2 labellisé E+C- avec niveaux Energie 2 : Carbone 2
Le volet BEPOS comporte 4 niveaux, adaptés à l’ensemble des typologies, des situations géographiques ou climatiques, des vecteurs énergétiques ou modes constructifs et vise à réduire la part non renouvelable des énergies consommées par un bâti et des systèmes performants. Le renforcement de la production d’énergies renouvelables par le bâtiment, favorisera l’autoconsommation et l’export d’électricité renouvelable dans les réseaux locaux.
L’objectif est également d’améliorer la performance environnementale du bâtiment en s’appuyant sur une réduction des impacts environnementaux tout au long du cycle de vie, c’est-à-dire pendant les phases construction, exploitation et fin de vie. Une grande part de l’impact carbone d’un bâtiment provient de sa construction. Réduire l’impact carbone d’un bâtiment implique de maîtriser chaque étape de son existence. Donc, il est nécessaire d’établir l’analyse de son cycle de vie à partir des données environnementales de chaque matériau ou équipement qui le compose.
Le volet carbone compte 2 niveaux de valeurs maxi d’émissions total de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie, donc là aussi le premier niveau visant à « emmener tout le monde ». Pour chacun de ces 2 niveaux, une valeur spécifique aux matériaux et équipements de construction est fixée. Le cap est clairement d’aller vers une approche environnementale du bâtiment.
L’expérimentation E+C-
Lancée fin 2016, l’expérimentation du label Energie Positive & Réduction Carbone ou E+C, co-pilotée par l’Etat et le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE), réunit l’ensemble de la filière du bâtiment et vise à évaluer les conditions de faisabilité technique et économique de bâtiments neufs qui soient à la fois performants au plan environnemental, abordables et répondant aux exigences d’un confort d’usage.
L’expérimentation permet de tester en grandeur réelle les exigences de la future réglementation environnementale. Ainsi, les maîtres d’ouvrage, concepteurs, entreprises, se familiariseront progressivement avec les niveaux d’exigence du label pour mieux l’appréhender. Le champ de l’expérimentation est ouvert aux maîtres d’ouvrage volontaires en les invitant à expérimenter le nouveau référentiel et alimenter un observatoire par les données techniques et économiques des bâtiments qu’ils conçoivent et construisent. L’expérimentation est ouverte à tous les bâtiments soumis à la RT 2012.
L’État a signé des conventions avec plusieurs certificateurs d’ouvrage précisant les conditions dans lesquelles ils peuvent délivrer les certifications d’ouvrages sur la base de ce référentiel. Un maître d’ouvrage qui souhaite inscrire un bâtiment dans l’expérimentation est libre de faire ou non certifier son ouvrage, ce ne sera pas une condition d’entrée, mais c’est un gage de qualité supplémentaire. Chacun pourra viser le niveau d’ambition qu’il souhaite et la capitalisation permettra de calibrer finement la future réglementation environnementale dans le bâtiment neuf.
Les premiers résultats énergie-carbone avec les 1ers labels E+C-
La remise des 7 premiers labels E+C- le 15 mars 2017 par Emmanuelle Cosse, ministre du Logement et de l’Habitat durable, a marqué une nouvelle étape dans la mobilisation des acteurs de la construction pour préparer collectivement la future réglementation environnementale du bâtiment.
Les 7 premières opérations lauréates représentent une diversité de typologie de bâtiments comprenant des maisons individuelles, de l’habitat collectif ou des immeubles de bureaux et conjuguent différents procédés constructifs s’appuyant sur du bois, béton ou briques voire des procédés mixtes en bois-béton. Les systèmes énergétiques utilisés montrent que les niveaux d’ambition sont ouverts à un large panel de systèmes énergétiques recourant aux énergies renouvelables :
Maison témoin de la Noue à La Roche sur Yon (85) - Niveaux Energie 3 Carbone 1
Système constructif en parpaings, chauffage par ventilation double flux et installation de panneaux photovoltaïques
Maîtrise d’ouvrage : Groupe Privat
Mikit art & tradition - 4 maisons individuelles à Neuville-Saint-Waast (62) - Niveaux Energie 2 Carbone 1 et Energie 3 Carbone 1
Système constructif en briques isolantes
Pour le chauffage :
- 1 maison en effet joule direct,
- 2 maisons avec PAC double service,
- 1 maison avec insert à pellets et complément effet joule
Installation de panneaux photovoltaïque pour 2 des 4 maisons ;
Maîtrise d’ouvrage : Fédération Française des Constructeurs de Maisons Individuelles
Maîtrise d’œuvre : Mikit
Ecolocost, Maison individuelle à Ermont (95) - Niveaux Energie 3 Carbone 1
Système constructif en ossature bois, chauffage par pompe à chaleur air / air et installation de panneaux photovoltaïques
Maîtrise d’ouvrage : Ecolocost
Projet Hélios à Angers (49) : 36 logements collectifs répartis sur 3 bâtiments - Niveaux Energie 3 Carbone 1
Système constructif en ossature bois, chaufferie gaz et installation de panneaux photovoltaïques
Maîtrise d’ouvrage : Angers Loire Habitat
Maîtrise d’œuvre : GOA
Résidence Alizari à Malaunay (76) : 32 logements collectifs - Niveaux Energie 3 Carbone 2
Système constructif en béton, chaufferie bois et installation de panneaux photovoltaïques
Maîtrise d’ouvrage : Habitat 76
Maîtrise d’œuvre : Bouygues Bâtiment
Bureaux le Thémis à Paris 17ème : Immeuble de bureaux de 10 655 m² - Niveaux Energie 2 Carbone 2
Système constructif mixte en bois béton, raccordement au chauffage urbain alimenté par de la géothermie
Maîtrise d’ouvrage : Icade
Maîtrise d’œuvre : Corinne Vezzoni & Associés
Logements collectifs dans la ZAC Centre-Ville à Grigny (91) : 93 logements sur 4 bâtiments -Niveaux Energie 3 Carbone 1
Système constructif en béton, raccordement au chauffage urbain alimenté par de la géothermie et installation de panneaux photovoltaïques
Maîtrise d’ouvrage : Immobilière 3 F
Architectes et BET : Odile Seyler et Jacques Lucan
Expérimentation E+C- et label Energie Carbone : les suites...
Ces premiers résultats sont encourageants quant à la capacité de la filière à se mobiliser pour relever le défi de la transition énergétique dans le bâtiment par l’innovation, la créativité et le travail collectif. Ils montrent que les valeurs-cibles fixées en entrée d’expérimentation permettent d’emmener l’ensemble des modes constructifs et des vecteurs énergétiques, tout en pointant le besoin d’avoir davantage de données environnementales pour fiabiliser le calcul de l’impact carbone.
L’expérimentation doit se poursuivre afin d’évaluer les conditions d’une massification du bâtiment à énergie positive et bas-carbone à coûts maîtrisés sur l’ensemble du territoire sur un panel beaucoup plus large.
Pour ce faire, des événements de sensibilisation des acteurs (maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, collectivités) ou des réunions en région sont organisées avec l’appui des DREAL, des directions régionales de l’ADEME ou d’autres acteurs locaux. De plus, plusieurs dispositifs incitatifs sont prévus : des aides de l’Ademe pour les analyses de cycle de vie, un soutien financier aux opérations des bailleurs sociaux qui devraient aboutir à expérimenter plus de 6 000 logements sociaux E+C.
Enfin, à travers le bonus de constructibilité, les collectivités qui le souhaitent pourront augmenter de 30 % les droits à construire de ces bâtiments performants.
Par Emmanuel ACCHIARDI - DGALN/DHUP/QC
Sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction