Par l’AQC, l’Agence Qualité Construction
Les annonces de production d'hydrogène vert se multiplient tout comme les projets utilisant l'hydrogène comme énergie de mobilité. Ainsi, les projets utilisant l'hydrogène dans le bâtiment vont vite tirer profit de ces retours d'expérience et devraient croître rapidement. Les chaudières à hydrogène existent déjà avec des projets pionniers en France.
Nous vous proposons ce sujet très bien développé par Qualité Construction et dont l’article complet « L’hydrogène, nouvel élément essentiel du bâtiment décarboné » est téléchargeable gratuitement en fin de cette chronique.
Source revue Qualité Construction – mars/avril 2021
L’hydrogène vert, le couteau suisse de la transition énergétique vers une économie décarbonée
On ne parle plus que d’hydrogène. Le 8 septembre 2020, le plan France Relance apportait 2 Md€ au développement de l’hydrogène. Le lendemain, les ministres Barbara Pompili et Bruno Le Maire présentaient la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France devant l’Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible (AFHYPAC) rebaptisée depuis « France Hydrogène » ajoutant 5 Md€.
Rapport > lien
Présentée en juillet 2020 et confirmée en décembre, la Stratégie européenne pour l’hydrogène déroule un plan jusqu’en 2030 pour :
- d’ici 2024, installer 6 GW d’électrolyseurs et atteindre une production annuelle de 1 Mt d’hydrogène décarboné (la production actuelle mondiale d’hydrogène non décarboné atteint environ 58 Mt/an);
- entre 2025 et 2030, passer à 40 GW de puissance d’électrolyseurs et atteindre une production d’au moins 10 Mt/an d’hydrogène;
- à partir de 2030, déployer massivement une infrastructure de production/distribution d’hydrogène au bénéfice des secteurs économiques à décarboner.
Pour aider au déploiement de cette stratégie, la Commission européenne a suscité la création de la « European Clean Hydrogen Alliance », qui a établi un plan d’investissement de 430 Md€ d’euros à mettre en œuvre d’ici 2030. Elle est chargée d’encourager l’investissement privé à l’aide de fonds publics européens. L’alliance compte déjà plus de 800 membres industriels, dont quelques Français (Air Liquide, BDR Thermea, EDF, Hydrogène de France, Michelin, Mitsubishi France SAS, Total…).
Bref, l’enthousiasme semble à son comble, les idées ne manquent pas, les ressources financières pour les développer non plus.
L’hydrogène vert est en effet le couteau suisse de la transition énergétique vers une économie décarbonée. L’un de ses atouts est son caractère inépuisable car il est le principal composant de l’univers. Il peut être directement utilisé comme carburant pour véhicules, remplacer la traction diesel dans les trains, participer à l’équilibrage du réseau électrique face à l’instabilité induite par le rapide développement des sources renouvelables de production d’électricité, se substituer au gaz naturel en utilisant l’infrastructure de réseau existante, assurer le chauffage des locaux et la production d’une partie de leurs besoins en électricité, devenir l’énergie principale de la production de chaleur haute température dans l’industrie…
Selon une étude réalisée par un partenariat public-privé européen, l’emploi massif de l’hydrogène permettra, de manière relativement simple du point de vue technique, de réduire de 80 % la charge carbone de l’économie européenne. À une condition toutefois: l’hydrogène doit être vert ou encore décarboné, c’est-à-dire produit de manière renouvelable et non polluante.
Produire de l’hydrogène vert
Selon la Banque des Territoires, la production d’hydrogène décarboné par électrolyse revient aujourd’hui entre 4 à 9 €/kg, contre 1 à 2 €/kg pour la méthode classique qui extrait l’hydrogène de divers hydrocarbures. En l’absence d’un signal fort de taxe du CO2 qui permettrait de rendre la production d’hydrogène décarbonée compétitive par rapport à une production émettrice de gaz à effets de serre, un soutien public est nécessaire pour le déploiement de l’hydrogène renouvelable et bas carbone. Le plan français en faveur du développement de l’hydrogène décarboné, avec son financement de 7 Md€, vise plusieurs objectifs :
- décarboner l’industrie en faisant émerger une filière de l’électrolyse, la technologie retenue pour massifier la production d’hydrogène en France. « Le marché de la production d’hydrogène décarboné par électrolyse doit évoluer vers des projets de plus grande taille et de plus importante capacité. La France se fixe ainsi un objectif de 6,5 GW d’électrolyseurs installés en 2030 », indique le plan français ;
- développer une offre de mobilité lourde à l’hydrogène, ce qui suppose de susciter en même temps une offre de distribution d’hydrogène, l’apparition de stations-services proposant de l’hydrogène à la pompe, etc. ;
- poursuivre l’effort de R&D dans le domaine de l’hydrogène et rester à la pointe au niveau international, la France possédant une recherche de premier plan sans ce domaine, et soutenir l’innovation en faveur de l’industrialisation de nouvelles technologies.
A noter que …
Air Liquide, l’un des tous premiers producteurs mondiaux d’hydrogène, réoriente son outil industriel vers la production d’hydrogène décarboné. Mi-janvier 2021, Air Liquide a pris une participation de 40% dans le capital de la société française H2V Normandy, filiale de H2V Product. Le but est de construire une usine de production d’hydrogène par électrolyse d’une puissance de 200 MW. Ce projet devrait voir le jour dans la zone industrielle de Port-Jérôme (76) en Normandie.
Le groupe Engie mobilise de nombreuses entités pour produire, distribuer et utiliser de l’hydrogène vert. Engie et Air Liquide sont d’ailleurs associés, aux côtés de l’Agglomération Durance-Luberon-Verdon (DLVA) pour développer le projet HyGreen Provence qui produira chaque année 1300 GWh d’électricité photovoltaïque, dont une partie sera consacrée à la production d’hydrogène par électrolyse à échelle industrielle. À terme, ce projet vise la production de plusieurs dizaines de milliers de tonnes d’hydrogène vert par an.
Le développement des usages stationnaires de l’hydrogène
En France, même si le plan hydrogène ne s’y intéresse pas encore, les usages stationnaires de l’hydrogène se développent, timidement mais sous au moins trois formes :
- Les centrales électriques mixtes associant fermes photovoltaïques et électrolyse;
- La combinaison sur un même site d’une production d’électricité renouvelable, d’électrolyse pour la production d’hydrogène, de stockage d’hydrogène, de piles à combustibles pour la production d’électricité et de chaleur;
- L’installation, à titre de test, de chaudière à hydrogène.
La 2ème forme de développement de l’hydrogène pour des usages stationnaires combine photovoltaïque, stockage en batteries, électrolyse, stockage d’hydrogène sur site, production d’électricité et de chaleur dans des piles à combustible. Sans le dire tout à fait, les acteurs de ce développement sont engagés dans la mise au point de solutions capables de rendre les bâtiments autonomes en énergie. En France, PowiDian, une spin-off d’Airbus, s’est lancée dans ce développement. En octobre 2020, l’entreprise a ouvert son capital à Bouygues Construction, à travers sa filiale Bouygues Énergies & Services.
PowiDian a mis au point une station autonome baptisée SAGES. Elle combine production d’électricité renouvelable de diverses origines selon les sites, des batteries lithium-ion, un ou plusieurs électrolyseurs, un stockage d’hydrogène et une ou plusieurs piles à combustibles fournies par Ballard Power Systems. L’entreprise a déjà à son actif l’équipement de l’immeuble Delta Green à Saint-Herblain (44), près de Nantes. Dans ce bâtiment de bureaux de 4608 m2 (certifié Passivhaus, lauréat de la Pyramide d’Argent 2017), une station SAGES avec des panneaux PV fournit une puissance électrique utile de 7,5 kW à l’aide d’un stockage d’hydrogène de 5 kg. Delta Green est un bâtiment à énergie positive, produisant 520 MWh d’électricité par an avec une consommation tous usages de 476 MWh.
Le lent développement des chaudières à hydrogène
Chaudières murales à hydrogène – source BDR Thermea article revue AQC
La combustion, dernière forme de développement de l’hydrogène en utilisation stationnaire, se développe lentement. Pour l’industrie, Bosch Thermotechnologie propose plusieurs chaudières de plus de 10 MW et sent une lente augmentation de la demande. Toyota a développé un brûleur industriel supprimant la création de NOx lors de la combustion d’hydrogène.
D’autres spécialistes des brûleurs industriels, comme Zantingh, proposent en Europe des brûleurs que l’on peut régler pour fonctionner avec un taux de mélange précis de gaz naturel et d’hydrogène.
Côté équipements domestiques, en petit collectif et en tertiaire, le plus avancé est le groupe BDR Thermea. Il développe une chaudière murale dotée d’un brûleur hydrogène spécifique mis au point dans son centre de recherche. BDR Thermea a installé ses première chaudières murales 100% H2 à Rzenbourg aux Pays-Bas en juin 2019.
Lors du salon virtuel ISH 2021 à Francfort, le groupe devrait présenter, sous la marque Remeha, une combinaison 100% H2 associant une pile à combustible fournie par Panasonic, un ballon d’eau chaude et sa chaudière murale hydrogène.
En France, les premières chaudières BDR Thermea à hydrogène viennent d’être installées fin 2020 à Châteauneuf (42). Depuis 2015, la ville développe un projet d’autoconsommation d’énergie dans un parc de 24 ha qui lui appartient et abrite un bâtiment loué à plusieurs entreprises. Au début, la municipalité a installé des panneaux PV, puis un stockage d’électricité en batteries, mais qui ne répondaient pas à ses besoins de stockage d’énergie à long terme. Depuis cinq ans, la municipalité a lancé un vrai projet structuré, baptisé ILOT@GE (Intégration locale de la transition énergétique). Il s’agit d’une production d’hydrogène par électrolyse (électrolyseur de marque HIAT) et stockage sur site dans 4 racks de 16 bouteilles stockant 70,5 kg de H2 à 350 bar (soit 3400 kWh) et une cuve contenant 6 kg de H2 à 500 bar (soit 200 kWh). L’hydrogène des racks alimente une pile à combustible pour la production d’électricité. L’hydrogène de la cuve alimente une borne de charge de véhicules couvrant une gamme de pression de 30 à 1000 bar. Il est aussi injecté dans un court réseau spécifique pour être brûlé dans une chaudière H2 de 23 kW afin de couvrir les besoins en chauffage du bâtiment.
Il s’agit là de la première installation d’une chaudière H2 murale en France. Elle est montée en cascade avec une autre chaudière De Dietrich murale fonctionnant au gaz naturel et d’une puissance de 90 kW.
Repris par Philippe Nunes – Ingénieur ENSAIS-ICG – Directeur général d’XPair
Avec nos remerciements à l’AQC et au journaliste Pascal Poggi auteur de l’article dans la revue AQC
Source et lien
Bonjour,
j'ai également du mal à m'enthousiasmer. En gros on propose une usine à gaz au sens propre comme au sens figuré, simplement pour "déphaser" l'apport solaire.
Un panneau solaire thermique ne fait il pas exactement le même travail mais avec une technologie beaucoup plus simple à installer et entretenir ?
Pour moi aussi, c'est du délire, ça ne coche qu'une case : rassurer pendant encore 5 ou 10 ans les actionnaires qui commencent à comprendre que des dividendes décarbonés, ça n'existe pas !