Co-écrit par le CSTB et l’ADEME
L’ADEME et le CSTB présentent 4 scénarios prospectifs inédits permettant d’anticiper les avenirs possibles pour le bâtiment et l’immobilier, à l’horizon 2050.
Colloque « Imaginons ensemble les bâtiments de demain »
Pourquoi faire de la prospective sur le bâtiment et l’immobilier ?
Les bâtiments sont un élément essentiel de notre cadre de vie car ils abritent des activités humaines fondamentales (se loger, produire, se soigner, se divertir, etc, ...). Or, si le cadre bâti évolue peu, les besoins qui lui sont adressés, eux, changent vite. De fait, l’histoire des bâtiments est celle d’une adaptation permanente et réciproque entre le cadre bâti et ses occupants.
Pour répondre aux évolutions passées (croissance démographique et économique, tertiarisation de la société, etc, ...), plusieurs leviers d’adaptation du parc de bâtiments ont été utilisés (amélioration du parc ancien, construction neuve, augmentation des surfaces unitaires, spécialisation des surfaces, etc.).
Or, nous sommes à l’aube de mutations d’ampleur (vieillissement de la population, changement climatique, …). Dans quelle mesure les bâtiments de demain seront-ils capables d’abriter les activités humaines ? Cette question concerne chacun des acteurs du bâtiment et de l’immobilier, quelle que soit sa position dans l’écosystème.
La démarche de prospective collective « Imaginons ensemble les bâtiments de demain » vise à préparer l’avenir des bâtiments en France à l'horizon 2050, en partageant les différentes visions des intervenants de la construction et de l’immobilier. Le CSTB et l’ADEME ont souhaité développer des outils communs à l’ensemble de ces professionnels, qui puissent servir à la réflexion prospective de chacun. En effet, si l’avenir ne se prédit pas, il peut se préparer.
Cette boîte à outils pourra être utile à tout acteur du bâtiment ou de l’immobilier, quelle que soit sa position dans l’écosystème de ces deux secteurs, qui souhaite anticiper les évolutions à venir pour mieux s’y préparer.
L’avenir ne se prévoit pas, il se prépare ...
Les trois étapes de la démarche : imaginons ensemble les bâtiments de demain
La définition de scénarios prospectifs est le résultat d’une démarche en trois étapes. Elles ont été réalisées par les membres du Comité de prospective «Imaginons ensemble les bâtiments de demain».
Nous avons identifié 22 facteurs clés, répartis en quatre groupes :
• les facteurs de contexte ;
• les facteurs liés à la demande ;
• les facteurs liés à l’offre ;
• les facteurs liés aux politiques publiques.
• L’analyse rétrospective a analysé comment les facteurs clés avaient évolué au cours des trente dernières années.
• L’analyse prospective a conduit à décrire pour chaque facteur trois ou quatre hypothèses contrastées d’évolution d’ici à 2050.
Chaque scénario présente un ensemble cohérent d’hypothèses, une pour chacun des facteurs clés.
Facteur 1 Hyp 1 Hyp 2 Hyp 3
Facteur 2 Hyp 1 Hyp 2 Hyp 3
Facteur 3 Hyp 1 Hyp 2 Hyp 3
Un scénario est une combinaison d'hypothèses, une par facteur.
Les facteurs clés d'évolution et le radar prospectif
Eco-quartier Confluence à Lyon
L’avenir du bâtiment et de l’immobilier en France à l’horizon 2050 peut être appréhendé grâce à 22 facteurs clés.
Ce sont des facteurs qui auront un impact sur l’évolution du secteur, mais dont l’évolution est incertaine. Pour chacun, plusieurs hypothèses d’évolution peuvent être identifiées. Elles dessinent des avenirs contrastés pour le secteur.
Les facteurs clés de contexte
Un numérique triomphant avec un contexte sanitaire : cadre en télétravail
1 - Démographie
Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la population française a cru régulièrement. Ceci a été un moteur puissant pour l’économie et la demande de bâtiments.
D’ici 2050 nous devrions assister à un vieillissement de la population, avec la fin du remplacement des classes creuses nées avant 1945 par des classes pleines. Les plus de 75 ans passeraient de 9% à 16% de la population. Ce vieillissement est une tendance lourde de la société française à 2050.
La croissance de la population est en revanche très incertaine. On peut en effet projeter que la croissance de la population va continuer, mais les évolutions démographiques laissent également envisager une décroissance de la population, à un horizon plus ou moins lointain (2030 ou 2045).
2 - Répartition à l'échelle nationale
Depuis une trentaine d’années, la France s’est métropolisée. Les grands pôles urbains et leurs couronnes périurbaines ont ainsi concentré la croissance de la population, attirée par leur dynamisme économique. Mais des territoires tirent parti aujourd’hui de ressources différentes (économie résidentielle, qualité de vie, spécialisation industrielle, tourisme, …) .
Quel sera le modèle de développement territorial de demain ? Misera-t-on sur un petit nombre de territoires d’excellence, ou fera-t-on fructifier les atouts de chaque territoire ? Sur la coopération ou sur la concurrence entre territoires ?
Si on continue à miser sur un petit nombre de territoires d’excellence, on pourrait assister soit au renforcement des métropoles, notamment l’Ile de France (et au décrochage des autres territoires), soit, dans un modèle de coopération territoriale, au développement d’une armature de métropoles régionales qui entraîneraient les territoires avoisinants.
Une hypothèse de coopération territoriale et de mise en valeur des atouts locaux pourrait-elle conduire à un nouvel équilibre du territoire partant de dynamiques locales ?
3 - Répartition à l'échelle locale
La répartition des lieux de vie à l’échelle locale a été marquée par la périurbanisation et un accroissement des distances entre domicile et travail.
Il existe aujourd'hui un décalage entre l'aspiration des ménages à vivre dans des espaces peu denses (mais à proximité des services urbains) et la localisation des emplois dans le cœur des villes (effet d'agglomération).
L'étalement urbain et la mobilité contrainte qui en découlent vont-ils se poursuivre ?
Les rapports entre les villes et leurs territoires sont complexes, faits d'attractivité et d'influence mais aussi de dépendance réciproque et de méfiance. Les effets d'entrainement et les risques de saturation sont en équilibre instable, avec 4 évolutions possibles :
• le renforcement de la ville comme "centre de commandement",
• l'exode urbain,
• le nomadisme numérique déconnecté du territoire
• une action volontariste de mixité des usages.
4 - Numérique
Depuis 40 ans la révolution numérique a changé nos manières de vivre et de travailler. Elle a conduit au développement d’acteurs puissants qui ont aujourd’hui une capacité d’action supérieure à celles de nombre d’Etats. Le succès du numérique a fait émerger des préoccupations en matière de sécurité des données personnelles, d’environnement, de conditions de travail …
Qui définira les règles du numérique de demain ? Le déploiement rapide du numérique sera-t-il rattrapé par ses limites ?
• On peut imaginer un numérique triomphant, où les limites (environnementales, sociales, …) sont peu prises en compte et où les règles continuent à être décidées par un petit nombre d’acteurs.
• A l’opposé, on pourrait imaginer une frugalité numérique, où le développement serait négocié et contraint par ses impacts (sociaux, sanitaires, …).
• Enfin, on peut dessiner une voie de numérique responsable, recherche d'un équilibre entre fonctions nouvelles et risques associés.
5 - Ressources économiques des ménages
Le pouvoir d’achat des ménages a cru depuis les années 1980, mais cette croissance globale couvre de fortes inégalités de revenus avant redistribution, que la hausse des prestations sociales et des impôts n’a pas permis d’enrayer. Le visage de la pauvreté a changé, se déplaçant des personnes âgées aux travailleurs et aux familles monoparentales.
A l'avenir, quelle sera l'évolution de la croissance économique et donc des revenus ? Et leur répartition ?
• Moins de revenus (stagnation séculaire) et plus d’inégalités (baisse de la redistribution et chômage de masse) ?
• Plus de revenus (croissance dynamique) mais des inégalités en hausse (précarisation du marché du travail) ?
• Moins de revenus mais moins d’inégalités (revenu de base) ?
• Moins de revenus (baisse des revenus du patrimoine) mais moins d’inégalités (meilleure redistribution) ?
6 - Risques systémiques
La nature des risques systémiques auxquels nos sociétés sont confrontées a évolué : aux risques géopolitiques ou naturels, se sont ajoutés des risques technologiques liés au numérique (cyberattaques, ...) ou environnementaux (changement climatique, érosion de la biodiversité, ...).
A 30 ans, une tendance lourde est l'augmentation de la fréquence d'apparition des risques et leur cumul. Les incertitudes principales ont trait à la manière dont ces risques seront gérés et l'impact de ces crises sur la société.
Arrivera-t-on à anticiper ces crises et à en sortir par le haut dans tous les domaines ?
Faudra-t-il une crise particulière pour provoquer un électrochoc et accepter collectivement la contrainte des mesures nécessaires ?
Ou bien va-t-on subir les crises en devenant à chaque fois plus fragiles ?
Les facteurs clés liés à la demande
A chacun et chacune, le logement qu’il souhaite …
7 - Occupation des logements
Au cours des trente dernières années, les évolutions des modes de vie sont allées dans le sens de ménages plus petits, mais cherchant à acquérir ou à maintenir de l’espace d’habitation (recherche de confort, tertiarisation du logement, ...). La surface moyenne par personne s’est accrue. Le « chez -soi » a été de plus en plus investi, même si la mutualisation d’espaces semble connaître un léger regain d’intérêt.
La surface par personne va-t-elle continuer sa croissance ? Assistera-t-on à un renforcement de l'individualisation du logement ? Ou à un développement des espaces mutualisés ?
• Un renforcement de l’individualisation du logement pourrait se conjuguer à une augmentation de la surface moyenne, dans une logique où la recherche d’espace prime.
• Mais il pourrait aussi aller de pair avec une baisse de cette surface, dans une logique de chacun chez soi, mais dans des espaces adaptés. Selon la manière dont il se concrétise.
• Un renforcement de la mutualisation pourrait lui aussi contribuer soit à la hausse, soit à la baisse des surfaces.
8 - Occupation du non-résidentiel
La tertiarisation de l'économie, le développement de la société de consommation, des loisirs et du temps libre ont fait évoluer la demande en bâtiments non résidentiels : baisse de la construction de locaux industriels, hausse des bureaux et du commerce.
L'essor du numérique et l'évolution des modes de vie et de consommation vont avoir un impact sur les besoins de surfaces de bureau et de surfaces commerciales. Vont-elles amener à une réaffectation des surfaces correspondantes (moins de surface de vente plus de surface logistique, moins d’espace de bureau individuel plus d’espace d’échange, …) ou à une baisse de celles-ci ? Verra-t-on émerger de nouvelles activités marchandes ou non marchandes entraînant de nouveaux besoins d’espaces ?
Cela pourra se traduire par une évolution de l'affectation des espaces ou par une diminution des surfaces. L’absence de prise de relai par des nouvelles activités associée à une baisse des surfaces de bureau et de commerce pourraient également créer une crise sur le marché immobilier tertiaire.
9 - Financement de l'immobilier
Le financement de l’acquisition de leur logement par les ménages et les petites entreprises a été marqué ces dernières décennies par de très faibles taux d’intérêt et d’inflation, et un allongement de la durée des prêts, permettant aux ménages de supporter la hausse des prix de l’immobilier. Les grandes entreprises ont, de leur côté, bénéficié des liquidités disponibles sur les marchés financiers. Les conditions d’accès au crédit ont permis une sinistralité très faible, mais aussi des exclusions de facto du marché des crédits des emprunteurs en situation « atypiques ».
Quelle sera, demain, l’évolution des taux d’intérêt et des règles prudentielles, part essentielle des conditions d’accès au crédit ?
• Si le « robinet du crédit » reste ouvert et que les taux d’intérêt restent faibles, alors le financement de l’immobilier restera facile. En revanche, si les taux d’intérêt progressent, il sera alors contraint par le marché.
• On peut aussi imaginer que la contrainte vienne des autorités publiques qui réduiraient l’accès au crédit dans un contexte de taux d’intérêt faible pour éviter l’accroissement de l’endettement.
• Enfin, une situation de crise du financement, dans laquelle une remontée des taux d’intérêt se conjugueraient à une restriction de l’accès au crédit est aussi envisageable.
10 - Rapport à la propriété
Les ménages recherchent généralement la propriété de leur logement, et cette propriété est encouragée par les pouvoirs publics. En revanche de nombreuses grandes entreprises préfèrent louer des biens détenus par des investisseurs institutionnels. Ces dernières années, on constate un retour des investisseurs institutionnels sur le logement (segment plus résilient), et des expérimentations sur des nouvelles formes de propriété (démembrement, fractionnement, …).
Et demain ? Qui voudra et pourra être propriétaire ?
• Va-t-on vers un monde de propriétaires occupants ?
• Vers un monde où le bâtiment serait un service où la propriété serait portée par des fournisseurs de services ?
• Ira-t-on vers un immobilier valeur refuge où occupants et investisseurs souhaiteraient tous être propriétaires ?
• Ou verrons-nous les investisseurs se désintéresser du marché immobilier sans que les occupants ne puissent devenir propriétaires, ce qui conduirait à une pénurie immobilière ?
11 - Les bâtiments et leur environnement
La spécialisation des fonctions s’est organisée depuis les années 50 , avec le développement de zones monofonctionnelles (habitat, travail, commerces). La question de l’éclatement spatial des villes est réglée grâce à la technique : aller plus vite, plus loin, avec des moyens de transports plus rapides (autoroutes, RER) et des réseaux de plus en plus importants.
La prise de conscience de l’impact environnemental et social de cette organisation fait émerger des réflexions autour de l’arrêt de l’artificialisation de sols, de la ville du « quart d’heure », de la mixité et flexibilité des bâtiments, de l’autonomie énergétique.
Comment se traduira cette prise de conscience pour les bâtiments et à quelle échelle ? Autonomie énergétique ? Intégration des services essentiels dans chaque bâtiment ? Flexibilité et polyvalence des bâtiments ?
Les facteurs clés liés à l'offre
Chantier en construction bois
12 - Main d'oeuvre du bâtiment
Le bâtiment est une industrie de main d’œuvre qui emploie 1,5 million de personnes, dans des métiers fortement marqués par la pénibilité des postes ouvriers et un fort recours au travail détaché.
Numérique, environnement … plusieurs germes de changement traversent ces métiers. L’attractivité et la dynamique de formation dans le secteur restent en deçà des enjeux.
Des incertitudes existent sur la capacité de la filière à attirer suffisamment de main d’œuvre pour répondre à ses besoins, et sur le niveau de qualification de cette dernière.
Demain la filière construction deviendra-t-elle un débouché attractif pour tous ?
Assistera-t-on à une polarisation du marché du travail dans le bâtiment entre des métiers très qualifiés et d’autre peu valorisés ? Ou assistera-t-on à une crise de la main d’œuvre dans le bâtiment ?
13 - Matériaux, produits et équipements
L’histoire de la construction est celle d’une complexification croissante des matériaux produits et équipements utilisés pour construire. Elle a permis une augmentation forte de leurs performances.
L’émergence de préoccupations environnementales portant notamment sur les émissions de gaz à effet de serre, la disponibilité des ressources et la gestion des déchets renouvellent la vision de ce qu’est un produit performant.
Dans le futur, la complexification fonctionnelle des matériaux produits et équipements se poursuivra-t-elle ? Les contraintes sur les ressources deviendront-elles un élément majeur ?
• Continuerons-nous à voir une technicisation continue de produits dont le marché pourra être mondial ?
• Verrons-nous le développement d’une économie circulaire ?
• Ou assisterons-nous au recours à des solutions locales frugales ?
14 - Filière construction rénovation
La filière construction rénovation comprend un grand nombre d’acteurs qui interagissent.
Elle souffre d’un manque de productivité (qualité et prix) lié notamment aux difficultés de coordination entre acteurs qui cherchent tous à augmenter leur part de valeur ajoutée.
La filière réussira-t-elle à améliorer sa productivité ?
Et si c’est le cas, le fera-t-elle via une amélioration collective du fonctionnement, par la montée en puissance d’acteurs spécifiques assurant la coordination ou via une industrialisation conduisant à transférer du chantier vers l’usine (éventuellement à l'étranger) une part importante de la plus-value ?
15 - Gestion de l'obsolescence
Urbanisation, tertiarisation de la société, évolution des normes d’hygiène et de confort … le parc de bâtiments français a été confronté à de nombreux facteurs d’obsolescence depuis la seconde guerre mondiale. Il y a répondu par une variété de stratégies : d’un côté, par la construction neuve (et la démolition et la vacance associées), de l’autre, par la rénovation (par exemple, des logements, qui ont été équipés peu à peu du « confort moderne »).
Vieillissement de la population, changement climatique, évolutions des activités tertiaires … le parc sera confronté dans le futur à de nouveaux défis. Quel sera le rythme de cette obsolescence ? Et quelle sera la stratégie adoptée pour la gérer ?
On peut imaginer une gestion par adaptation de l’existant (rénovation, changement d’usage, …), plus ou moins rapide, ou, à l’opposé, un « nouvel esprit Haussmannien » qui choisirait une stratégie basée sur un triptyque « vacance / démolition / reconstruction ».
16 - Qualité d'usage des bâtiments
Les attentes des occupants vis-à-vis des bâtiments n'ont cessé d'évoluer. A la sécurité, l'hygiène et le confort sont venus s'ajouter l'intimité, le bien-être, mais aussi les exigences sanitaires, acoustiques et écologiques. Pour répondre à ces attentes, la qualité s'est normée, labellisée, et la technologie a permis une amélioration du confort. Cependant, cette qualité normée se confronte aujourd'hui à la diversité des besoins.
Comment les attentes vis-à-vis de la qualité des bâtiments évolueront-elles dans le futur ? L'immobilier sera-t-il en capacité de s'adapter à cette évolution ?
Trois grandes options apparaissent :
• Dans la première les bâtiments s’adaptent peu aux besoins spécifiques d’occupants qui se contenteront de décorer des locaux auxquels ils s’attacheront peu et dont ils n’hésiteront pas à changer.
• Dans la troisième les occupants s’approprieront fortement des locaux dont ils souhaiteront qu’ils sachent s’adapter au cours du temps à leurs modes de vie qui changent.
• Dans l’hypothèse intermédiaire l’adaptation entre les occupants et les locaux se fera par le mobilier et les équipements choisis par les occupants.
17 - Services immobiliers
Dans le passé, l’innovation dans les services immobiliers a porté sur l’externalisation du property et du facility management dans le grand tertiaire. Ces dernières années, elle se déplace sur les services à l’occupant du bâtiment, grâce notamment au développement du numérique. Emergent également des innovations de service autour de l’énergie et des services urbains.
Ces services vont-ils se développer ? Par qui seront-ils portés ?
S’ils se développent, ces services pourraient être portés par des nouveaux acteurs de l’immobilier, mais également par les acteurs traditionnels de l’immobilier réintégrant ces services et la valeur ajoutée associée. Il reste également possible que ces services se développent peu et restent cantonnés à des marchés de niche.
Les facteurs clés liés aux politiques
Plan d’investissement pour la France : France 2030
18 - Gouvernance politique
Malgré une longue tradition centralisatrice, le mode de décision n'est pas stabilisé en France. Les relations entre pouvoir central et pouvoirs locaux impliquent des jeux complexes de négociation, de déresponsabilisation et de contestations. Les citoyens demandent de nouvelles formes de délibération et de participation.
Dans le futur, les modalités de construction de la décision collective seront-elles imposées ou négociées ? Seront-elles centralisées ou distribuées ?
Entre décentralisation inachevée et système représentatif en quête de re-légitimation, de nouvelles relations sont susceptibles de se développer.
En gardant la tendance à limiter le nombre de parties prenantes impliquées dans la décision, elles pourraient évoluer vers un retour à des fondamentaux historiques (recentralisation) ou, au contraire, vers un saut vers le fédéralisme favorisant des exécutifs locaux forts (localisme).
A l’opposé, une plus grande ouverture à la participation pourrait mener à un contractualisme impliquant une négociation approfondie entre acteurs et échelons, ou un fédéralisme remettant à plat échelles, périmètres territoriaux et compétences et revitalisant la délibération locale.
19 - Politique environnementale
Apparues dans les années 1970, les politiques environnementales sont montées en puissance pour inclure désormais des enjeux globaux et de long terme (changement climatique, érosion de la biodiversité, …). Si elles deviennent de plus en plus ambitieuses dans les objectifs affichés, elles peinent à porter leurs fruits. Récemment, la prise en compte des impacts du changement climatique a fait émerger de nouvelles politiques d’adaptation.
Ces politiques seront-elles efficaces ? Où s’établira l’équilibre entre l’effort d’atténuation des impacts humains sur l’environnement et l’effort d’adaptation des sociétés humaines à la vie dans un environnement dégradé ?
Ces politiques pourraient devenir efficaces dans leur effort d’atténuation des impacts, et accompagner un sursaut collectif et une transition ambitieuse. Elles pourraient, au contraire, échouer à catalyser l’action collective et faire basculer la focale vers l’adaptation, avec, là encore, plus ou moins de succès.
20 - Politique du logement
D’abord orientée vers la résorption de la pénurie de logements au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, la politique du logement s’est ensuite orientée vers le soutien à la demande, pour que chacun puisse se loger selon ses besoins et ses ressources dans un logement de qualité. Elle s’est ainsi retrouvée à la croisée de plusieurs objectifs (sociaux, économiques, et récemment, environnementaux).
Elle est aujourd’hui confrontée à une remontée du nombre de ménages démunis et à la diversité des situations territoriales. Par ailleurs, la fiscalité immobilière actuelle introduit des distorsions (par exemple, en taxant la mutation et non la détention).
Dans le futur, cette montée des plus démunis conduira-t-elle à une politique nationale ciblée sur le social et abandonnant les autres objectifs.
Conservera-t-on une politique nationale multi objectifs qui risque d’avoir du mal à s’adapter à la très grande variété des problèmes locaux.
Ou envisagera-t-on une réforme fiscale d’ampleur visant à faciliter la fluidité des marchés et des parcours résidentiels.
21 - Politique de l'urbanisme
La politique d'urbanisme a été marquée ces dernières décennies par la perte de vitesse de la pensée aménageuse portée par l'Etat, et la montée en puissance d'une pluralité d'acteurs : collectivités territoriales (via la décentralisation), citoyens (via la participation ou les recours), acteurs privés (notamment du numérique). Elle est confrontée à la fois à la nécessité de prendre en compte les enjeux de très long terme (environnement, ...) mais aussi d'adapter son action pour répondre à la multiplication des crises (urbanisme tactique, ...).
Dans quelle mesure la régulation parviendra-t-elle à atteindre ses objectifs, étant donnés les acteurs en présence ? Quel degré de souplesse se donnera-t-elle pour articuler court et long terme ? Un cadre strict associé aux moyens nécessaires pourrait être appliqué. Il pourrait également amener des oppositions et blocages.
Un cadre souple pourrait permettre d'articuler court et long terme, avec le risque cependant d'être détourné par les acteurs en présence.
22 - Politique technique
Les politiques techniques du bâtiment et de l’immobilier qui, depuis plusieurs siècles, portaient avant tout sur la sécurité, se développent depuis quelques dizaines d’année sur les enjeux environnementaux, sanitaires et sociaux de plus long terme. Elles peinent cependant, notamment sur le plan énergétique, à influencer le parc existant. La grande diversité des sujets traités complexifie ces règles, et peut engendrer des contradictions. Elle demande un travail fin de préparation des lois (analyse coûts-bénéfices notamment) pas toujours réalisé, entraînant des remises en cause de textes adoptés.
A l’avenir, quelles seront les modalités d’élaboration de ces politiques et la profondeur de leur travail d’élaboration ? Quelle capacité auront ces politiques à agir sur le parc de bâtiment existants?
Irons-nous vers un patchwork de règles techniques ne permettant pas d’atteindre les objectifs affichés ou vers des politiques techniques cohérentes entre elles s’appliquant à minima sur le neuf, voire à l’ensemble du parc ?
Les scénarios 2050, en un seul coup d’oeil
Les facteurs clés nous permettent de dessiner quatre scénarios contrastés d’évolution du bâtiment et de l’immobilier en France en 2050.
Chaque scénario présente un ensemble d’hypothèses cohérent, une pour chacun des facteurs clés.
Ce ne sont pas les seuls possibles. Les acteurs qui le souhaitent peuvent en construire d’autres à partir de cette boîte à outils. Ils présentent cependant des futurs suffisamment contrastés pour permettre de balayer un large champ des possibles.
Imaginer l’impact pour votre organisation
Si ce scénario advenait …
- Comment mon activité serait-elle impactée ?
- Quelles sont les forces et les faiblesses de mon organisation pour faire face à ces changements ?
- Quelles sont les opportunités et les défis pour mon organisation ?
- Comment puis-je agir pour que ce scénario advienne ?
- N’advienne pas ?
- Comment m’adapter si ce scénario arrive, pour qu’il ait le plus d’impact positif / le moins d’impact négatif sur mon organisation ?
- Quels sont les indicateurs clés à suivre pour se préparer à ces évolutions possibles ?
Les scénarios 2050 en détail, en un seul coup d’oeil
Difficile de tout faire
La période qui nous sépare de 2050 est marquée par la difficulté, pour les acteurs du bâtiment et de l’immobilier, à faire face aux trois grandes transitions (démographique, environnementale et numérique) qui nécessitent une adaptation importante du bâti. Les investissements de grande ampleur nécessaires manquent et les différentes politiques restent peu articulées. Ménages et entreprises voient leur capacité d’investissement limitée (notamment par le contexte économique).
De leur côté, les acteurs du bâtiment et de l’immobilier peinent à tous investir (en recherche et développement, en ressources humaines, en équipements, ...) à hauteur des besoins. Les innovations nécessaires à la transformation des bâtiments se diffusent lentement. Le parc évolue de manière contrastée : il comporte une part de bâtiments répondant aux nouveaux défis (bâtiments neufs, logements des investisseurs institutionnels, une partie du logement social) et une autre part, encore importante, de bâtiments mal adaptés aux exigences nouvelles.
Le bâtiment comme service
La période qui nous sépare de 2050 est marquée par l’adaptation rapide des acteurs du bâtiment et de l’immobilier aux défis de la transition écologique et de la croissance démographique, et, plus particulièrement, à deux enjeux clés : ne pas étaler la ville et rénover le parc bâti.
Une mutation profonde du rapport au bâtiment et à sa propriété s’opère. En ville, le bâtiment devient de plus en plus un service, mis à disposition par des acteurs institutionnels à ses occupants. Cela permet une plus grande flexibilité dans la gestion des espaces, aidée par des solutions numériques. Cette mutation s’appuie également sur une industrialisation forte permettant la rénovation de masse et la déconstruction/reconstruction pour reconstruire la ville sur la ville.
En 2050, une part très importante des grandes villes a fait l’objet de rénovations lourdes ou de restructurations. Les friches urbaines ont disparu. Hors des métropoles, la situation est très contrastée, entre lieux de villégiature et zones dépeuplées.
Ré-équilibrage(s)
La période qui nous sépare de 2050 est marquée par un rééquilibrage territorial au profit des territoires périurbains, des villes moyennes ou des territoires ruraux. La préservation de l’environnement et l’anticipation des crises systémiques deviennent des sujets hautement prioritaires pour la société.
On assiste à l’émergence de dynamiques fondées sur une plus grande frugalité, l’utilisation de ressources locales et à un réinvestissement dans le logement et dans les services de proximité.
Alors que d’autres filières souffrent de cette recherche de résilience, la rénovation des bâtiments s’accélère et apparaît comme une filière attractive qui offre des voies de reconversion professionnelle.
Ce rééquilibrage territorial conduit à l’apparition d’actifs échoués, tels que les bâtiments de faible qualité des anciennes métropoles dont la perte de valeur est importante.
Pénuries
La période qui nous sépare de 2050 est marquée par une difficulté grandissante de la société à gérer le cumul des crises systémiques (changement climatique, pandémies, crises économiques, …). Dans ce contexte, une ou plusieurs ressources clés qui permettaient par le passé aux acteurs du bâtiment et de l’immobilier de fonctionner viennent à manquer. Ils se retrouvent bloqués, privés de financement, de ressources humaines, de matériaux ou d’une capacité d’action collective catalysée par l’action publique. Les acteurs réagissent en ordre dispersé, en adoptant des stratégies individuelles ou à petite échelle, pouvant aller jusqu’à la recherche d’autonomie des bâtiments vis-à-vis des réseaux (énergie, alimentation, ...) existants.
Peu à peu, le territoire et la société se fractionnent. Alors que, d’un côté, les bidonvilles réapparaissent et les occupations sauvages de lieux se multiplient, de l’autre, les ménages les plus aisés investissent pour maintenir leur niveau de confort.
« L’ADEME et le CSTB ont mis en parallèle ces scénarios spécifiques aux acteurs du bâtiment et de l’immobilier à ceux réalisés dans « Transition 2050 », présentés par l’ADEME en Novembre 2021, et qui dessinent des chemins d’atteinte de la neutralité carbone pour la société toute entière (transitions2050.ademe). « Difficile de tout faire » pourrait se rapprocher d’un scénario tendanciel, où le secteur n’accélère pas suffisamment et la neutralité carbone n’est pas atteinte, ou du scénario « Pari Réparateur (S4), où il n’accélère pas suffisamment vite et laisse à d’autres secteurs (le captage et stockage de CO2) la responsabilité de la décarbonation.
Le « rééquilibrage(s) » suit la ligne de « génération frugale » (S1) ou « Coopérations territoriales » (S2), avec une très forte baisse de la demande et des accélérations fortes ( 80 % du parc des logements en BBC rénovation en 2050). Bâtiment comme service s’approche de Technologies vertes, avec un nouvel esprit Haussmannien qui densifie les villes. Les scénarios « le bâtiment comme service » et « rééquilibrage(s) » paraissent « les plus souhaitables » pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
Démarche prospective - A consulter
Visionner le colloque - Imaginons ensemble les bâtiments de demain
Sources et liens