Par Olivier PAPIN - Ingénieur INSA Energie Environnement du BET ECIC
1°/ Réduire l'impact carbone d'un bâtiment
A l’échelle mondiale, les émissions liées à la fabrication de ciment représentent près de 5% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Ces émissions, très significatives, traduisent le fait qu’un chantier aura un impact en termes de réchauffement climatique et que par conséquent, une réflexion spécifique doit être menée sur les différents projets.
Source Jean Marc JANCOVICI
Les consommations énergétiques des bâtiments représentent quant à elle de 15 à 20% des émissions de gaz à effet de serre nationales.
L'impact carbone d'un bâtiment est en effet constitué de deux pôles d'émissions importants :
- La construction de ce bâtiment (toutes les émissions induites par le chantier de construction)
- L'utilisation future de ce bâtiment (ses consommations énergétiques, les déplacements futurs des résidents, etc)
Il est donc intéressant de voir comment cet impact carbone peut-être réduit.
2°/ Impact carbone d'un chantier de construction
Nous avons pu analyser et comparer sur de nombreux cas la part relative des différents postes d’émissions dans un bilan carbone® de chantier de construction.
Le profil ainsi constitué montre qu’à l'exception de cas particuliers, près de 85 % des émissions de gaz à effet de serre d’un chantier (hors utilisation future du bâtiment) sont liées aux émissions de fabrication des matières premières du chantier, loin devant le fret de ces matériaux, l’énergie de mise en œuvre ou les déplacements des intervenants de la construction.
Le graphique suivant montre ainsi pour plusieurs projets d’ECIC le profil très marqué de répartition de l’impact de chacun des postes d’émissions du bilan carbone de la construction du projet.
Même si les profils peuvent ensuite varier sensiblement d’un chantier à un autre, la tendance reste toutefois très marquée en faveur des émissions liées à la fabrication des matériaux de construction.
La majeure partie des émissions liées à la matière première est liée au béton / ciment mis en œuvre. Non que ce matériaux soit particulièrement émetteur, mais simplement parce qu’il est celui consommé en la plus grande quantité !
Si on regarde en détail les émissions liées à la production de ciment (composant essentiel du béton), on s’aperçoit que près des trois quart des émissions à la tonne sont liées à la réaction de décarbonatation du ciment qui transforme le CaCO3 en CaO + CO2, le quart restant étant lié aux consommations énergétiques pour la fabrication du ciment.
Bien entendu l’objectif n’est pas de chercher à faire porter toute la responsabilité sur la production de ciment, qui nous rend de très bons services, mais simplement de montrer que son impact n’est pas négligeable.
Les impacts des autres matériaux sont également significatifs par unité de volume ou de masse, mais à l’échelle du chantier, c’est le ciment / béton qui présente les émissions les plus fortes.
3°/ Choix énergétique
Comme nous avons pu le voir dans la chronique précédente sur l’intérêt carbone de la chaufferie bois, le choix de l’énergie de chauffage présente également un potentiel d’économie de gaz à effet de serre très significatif.
Evidement, et même si cela n’est pas détaillé ici, la performance thermique du bâtiment doit être maximale pour réduire ses consommations au strict minimum et l’ensemble des réglementations évoluent actuellement dans ce sens.
Il faut être vigilant sur les performances et mix énergétique du bâtiment puisque ces choix vont ensuite perdurer pendant toute la durée de vie du bâtiment ! Soit au bas mot, près de 30 ou 60 ans, voir plus !
4°/ Démolir ou réhabiliter
Nous avons pu calculer sur un projet de renouvellement urbain l’impact carbone des travaux et les comparer aux économies d’énergie qu’ils ont permis de réaliser :
On constate qu’il faut une vingtaine d’année pour amortir le coût carbone des travaux sur les économies d’énergie réalisées.
La qualité énergétique des bâtiments réhabilités était pourtant assez faible, mais l’impact carbone du chantier complet reste significatif.
En conséquence, les bâtiments construits aujourd’hui (RT 2005) ne pourront plus être réhabilités dans 30 ans avec un temps de retour carbone aussi intéressant. Il faut donc maximiser dès aujourd’hui leur performance énergétique (label BBC, choix de l’énergie de chauffage).
Nous avons pu également dans ce projet comparer l’impact carbone d’une démolition / reconstruction par rapport à une réhabilitation complète et le bilan carbone est très nettement en faveur de la réhabilitation lourde, même si les performances énergétiques seront un peu moins bonnes.
En effet, la construction d’un bâtiment peu facilement représenter près de 30 années de consommations !
Sachant que l’essentiel des émissions se situent dans la partie « matières premières » et notamment le béton, on comprend facilement que dès qu’on préserve le béton existant, on économise des quantités très significatives d’émissions de gaz à effet de serre !
5°/ Autres alternatives
Quand la démolition semble inévitable, il existe plusieurs façons de réduire l’impact carbone de la construction du projet.
La construction bois en est un, puisqu’elle permet de réduire significativement les consommations de béton et ainsi de réduire de 30% l’impact du chantier, soit plusieurs années de consommations.
Si l’on tient compte du carbone stocké dans le bois (il est prélevé à l’atmosphère lors de la croissance du bois), l’impact du chantier est alors 50% inférieur à celui d’une construction traditionnelle !
6°/ Conclusion
Comme nous avons pu le voir, l’impact carbone de la construction d’un bâtiment reste important.
Plutôt que d’y voir un « problème », voyons-y plutôt un formidable gisement d’économies d’émissions de gaz à effet de serre, puisqu’un simple choix architectural (construire en bois ou réhabiliter au lieu de démolir / reconstruire), permet d’économiser des quantités très significatives de gaz à effet de serre.
Ces émissions économisées vont représenter l’équivalent de plusieurs années de consommation de chauffage !
La performance énergétique et le choix de l’énergie de chauffage constituent également des leviers de réduction très importants et doivent être regardés de près.
Une fois tous ces éléments étudiés et optimisés, se posera la question de l’utilisation future du bâtiment et, entre autres, les déplacements pour s’y rendre, bref, encore beaucoup de leviers de réduction !
L’impact carbone d’un bâtiment couvre donc un périmètre d’émissions très large et de nombreuses marges de manœuvre sont disponibles, il faut aujourd’hui les exploiter au maximum pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles et infléchir le phénomène de changement climatique.
Olivier PAPIN –du BET ECIC (Paris et Bordeaux)
Olivier PAPIN, Ingénieur INSA – Energie et Environnement – assure des missions d'audit énergétique et bilan carbone pour les collectivités publiques et les sociétés privées. Il est également formateur spécialisé Bilan Carbone et intervient pour le compte de l'ADEME
ECIC BET expert en audit / conseil énergétique a réalisé à ce jour près d'une vingtaine de bilans carbone de chantier de construction, de réhabilitation et d'opérateurs du secteur du bâtiment. ECIC réalise actuellement une AMO carbone sur la construction d'un éco quartier de près de 5 000 logements.
www.bet-ecic.fr
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Merci pour cette étude ,je suis entrain de préparer mon mémoire qui portera aussi sur l'impact carbone dans le bâtiment en béton ... Alors je voudrais savoir quels sont les conséquences de la présence du carbone des usagers des bâtiments ?