A l’initiative du groupe de travail « RBR 2020-2050 » pour « Réflexion Bâtiment Responsable » du Plan Bâtiment Durable, un groupe prospectif d’une vingtaine de personnalités qualifiées met en commun les réflexions de chacun pour travailler déjà sur l’après RE 2020 et travailler pour des bâtiments responsables dans des territoires durables, réflexions qui vont au-delà du bâtiment et qui se placent aussi sur les échelles supérieures (quartier, ville).
Nouveau label pour aller plus loin que la RE 2020
Une première note pour éclairer l’après RE 2020
La future réglementation environnementale RE 2020 pour les bâtiments neufs sera une étape structurante vers des bâtiments sobres en carbone et en énergie et marque ainsi un changement majeur en introduisant pour la première fois un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans la construction et mettant ainsi la lutte contre le réchauffement climatique au premier plan.
Même si la RE2020 marque une étape importante pour la filière et nécessitera un important travail d’apprentissage pour les acteurs, certains se projettent déjà vers l’avenir et sur le chemin restant à parcourir après 2020. C’est pourquoi, le groupe de travail RBR- T s’est penché ces derniers mois sur la question pour anticiper l’après RE2020 et explorer les directions que nous pourrions collectivement prendre, notamment à travers un label, pour accompagner la RE2020 et anticiper les ambitions futures.
Les premiers résultats de cette réflexion sont publiés ci-après et les acteurs intéressés sont appelés à réagir d’ici le 5 octobre 2020 sur ce premier texte en écrivant à l’adresse mail suivante : planbatimentdurable@gmail.com
La RE 2020
La RE2020 sera une étape marquante dans la série des réglementations qui, depuis 1974, entraînent les acteurs du bâtiment et de l’immobilier à faire mieux en matière d’énergie et d’environnement.
En introduisant les émissions de gaz à effet de serre elle met la lutte contre le réchauffement climatique au premier plan. En progressant sur le confort d’été elle conduira à des bâtiments mieux adaptés à un climat qui change. En s’appuyant sur une analyse en cycle de vie elle élargit la focale de la RT2012 centrée sur le seule critère énergétique et l’exploitation des bâtiments qui laissait sous silence les impacts environnementaux de leur construction et de leur fin de vie.
La RE2020 est l’aboutissement d’un processus en trois étapes. Des travaux exploratoires ont permis d’identifier ces trois thèmes sur lesquels il fallait progresser et de développer avec des professionnels en pointe des outils concrets pour évaluer les performances de bâtiments en avance sur le marché. Le label E+C- a permis de faire monter en compétence la filière tout entière sur la prise en compte de ces nouveaux sujets. La concertation sur la RE2020 a permis de déterminer ce qui devait être généralisé et donc imposé par la réglementation et ce qui devait au moins pour un temps rester du domaine de démarche volontaires.
Un label pour élargir le point de vue
La RE2020 est une étape importante, un gros travail reste à faire par les acteurs de la filière pour la mettre en oeuvre. Mais certains savent que 2020 ne sera qu’une étape et relèvent déjà la tête et scrutent l’horizon avec une question, pouvons-nous éclairer collectivement la route de l’après 2020 ? L’enjeu est d’imaginer où nous irons à la fois dès 2021 si nous voulons faire mieux que la RE2020 mais aussi où nous pourrions aller à l’échéance de l’étape réglementaire suivante pour éviter que les bâtiments que nous construisons aujourd’hui ne deviennent rapidement obsolètes. Il est temps d’imaginer quelles sont les questions posées à la recherche, à l’ingénierie à l’architecture, à la maîtrise d’ouvrage et à l’ensemble des acteurs concernés pour y arriver.
Le groupe RBR-T est le groupe prospectif du Plan Bâtiment Durable. L’objectif des notes qu’il publie est de faire émerger des visions partagées facilitant des actions collectives entre acteurs.
Son objectif est de faire émerger des visions prospectives partagées sur les bâtiments responsables dans des territoires durables.
L’enjeu est qu’en partageant des visions les acteurs qui opèrent au quotidien sur ces sujets puissent se mobiliser chacun avec leurs spécificités tout en développant les synergies permettant de progresser ensemble
Le groupe réflexion bâtiment responsable et territoires du plan bâtiment s’est attelé à cette tâche de faire émerger, avec les acteurs intéressés, les directions que nous pourrions explorer collectivement pour anticiper l’après RE2020.
Le label pourrait comporter deux étages intégrés de manière cohérente.
- Un étage d’accompagnement de la RE2020, mis en place en même temps que celle-ci en s’appuyant sur des méthodes existantes par exemple sur les bâtiments à énergie positive ou finalisables à brève échéance. Cet étage permettra notamment de prendre en compte des éléments jugés pertinents mais pas encore assez murs pour être rendus obligatoires dès la RE2020. Porté par l’Etat cet étage devra être accessible à de nombreux acteurs sur une base volontaire, d’incitations financières ou dans le cadre de la prescription territoriale.
- Un étage d’anticipation ambitieux visant à expérimenter avec la filière des approches nouvelles. Il devrait permettre de faire évoluer en profondeur la manière dont sont regardées les performances des bâtiments au vu des nouveaux enjeux émergents. Cet étage dont l’architecture générale serait esquissée en même temps que l’étage d’accompagnement serait développé ensuite avec une implication forte des acteurs de l’écosystème (associations, certificateurs…).
6 axes clés pour que le label éclaire la route de l’après 2020
La réflexion collective menée au sein du groupe nous a conduit à identifier 6 axes clé pour que le label devienne le phare qui éclairera une voie de progrès collectif de la filière pour l’après 2020.
1. Une vision intégrée des enjeux pour les bâtiments de demain
Plusieurs textes ont fixé des ambitions qui concernent le bâtiment (Stratégie nationale bas carbone, Programmation pluriannuelle de l’énergie, loi relative à l’économie circulaire, plan biodiversité, plan national d’adaptation au changement climatique, plan national santé environnement…). Chacun de ces textes amène des avancées importantes.
Mais pour les acteurs du bâtiment le défi est de partager une vision d’ensemble sur ce que nous devons faire évoluer dans nos pratiques pour atteindre simultanément les objectifs de ces différents textes sur les bâtiments que nous construisons ou que nous rénovons.
Le label et les dispositifs d’incitation associés pourraient devenir cet outil de progrès collectif permettant une vision dé-silotée de la manière de construire et de rénover demain en intégrant cinq thèmes :
- Neutralité carbone et énergie
- Economie circulaire
- Confort, bien être et santé
- Rapport à la nature aux écosystèmes et à la biodiversité intégrant le sujet d’artificialisation des sols
- Adaptation des bâtiments aux évolutions de demain
Les trois premiers thèmes seraient intégrés au moins en partie dans l’étage d’accompagnement. La crise sanitaire montrant l’important de prendre en compte dès que possible les aspects confort, bien être et santé. Les deux suivants relèvent de l’étage d’anticipation.
Intégrer de nouveaux thèmes tout en restant simple conduira à mettre l’accent sur la pédagogie et à parier sur l’intelligence des acteurs. L’enjeu sera d’abord de permettre à chacun des acteurs de la chaîne de peser les ordres de grandeur sans se perdre dans les détails et de comprendre comment agir pour aller vers des bâtiments responsables.
2. Couvrir le neuf et la rénovation et l’exploitation
Alors que la construction neuve était, jusqu’à il y a quelques années, vécue comme le lieu de l’excellence sur lequel se focalisait les labels, la focale se déplace aujourd’hui sur la rénovation des bâtiments existants. Un label intégrant tous les bâtiments neufs comme rénovés permettrait de mieux instruire le choix important entre construire et rénover.
Les travaux déjà menés par l’Alliance HQEi, BBCAii et Effinergieiii montrent que l’émergence d’un label portant tant sur le neuf que sur la rénovation est à portée de la main. La rédaction d’un référentiel commun aux bâtiments neufs et rénovés peut être menée en quelque mois rendant celui-ci disponible au moment de l’entrée en vigueur de la RE2020.
3. Penser le bâtiment dans son territoire et avec les acteurs des territoires
Labels et réglementations se sont jusqu’alors principalement intéressés au bâtiment pris isolément. Mais la conviction émerge que les solutions intelligentes viendront demain d’une vision plus globale intégrant les interactions entre le bâtiment et son territoire.
Que ce soit en matière d’économie circulaire, de production locale d’énergie pour aller vers l’énergie positiveiv v, de séquestration carbone pour aller vers la neutralité carbonevi, penser le bâtiment dans son territoire et avec les acteurs du territoire est nécessaire pour progresser.
De nombreux territoires se mobilisent dès aujourd’hui pour pousser des dynamiques qui permettent d’aller plus loin que les exigences de la réglementation. Des élus cherchent des outils concrets permettant de traduire leurs ambitions politiques.
Le label devrait devenir un outil mobilisable par les acteurs territoriaux. Il pourrait être une zone permettant de faciliter ces expérimentations collectives et de sortir des silos existants entre les différents acteurs et dispositifs. Son référentiel et son mode d’attribution devraient privilégier la souplesse pour faciliter cette expérimentation dans les territoires et avec eux.
En s’appuyant sur l’expérience d’Effinergie avec les collectivités cette approche pourrait être mise en oeuvre dès la sortie de la RE2020 au moins sur le thème de l’énergie positive.
4. Moins de calcul et plus de mesures sur les bâtiments réalisés
Réglementation et labels se sont jusqu’alors appuyés sur des évaluations par le calcul des performances énergétiques. Ceci a conduit à des doutes ou incertitudes parfois importants sur les performances effectivement atteintes.
Un des enjeux de demain est de passer de la performance énergétique prévue sur le projet de bâtiment aux performances effectivement obtenues sur les bâtiments réalisés. Le décret tertiaire s’appuie ainsi sur des mesures énergétiques.
La RT2012 a fait un pas dans ce sens en imposant la mesure de la perméabilité à l’air, la RE2020 pourrait franchir une deuxième étape en imposant la vérification des installations de ventilation.
Le label pourrait étendre cette approche en s’appuyant sur les projets de recherche en cours vii(SEREINE, QSE) et sur les opportunités offertes par les nombreux outils numériques qui se développent.
5. Intégrer les usages du bâtiment
Si l’industrie immobilière a été pendant longtemps centrée sur des bâtiments monofonctionnels dont chaque espace a un usage déterminé la tendance est à l’hybridation des espaces et des usages.
Donner au même espace plusieurs usages au cours de la journée, de la semaine, de l’année apparaît comme un bon moyen d’associer économie et approche environnementale. Le même parking pourra être utilisé pour des logements et des bureaux, les salles de réunion et restaurants d’entreprise pourront être exploités le week-end par les voisins, la toiture végétalisée des bureaux sera utilisée par les écoles avoisinantes, les chambres d’ami ne seront plus privatives mais partagées dans l’immeuble, l’usage du bâtiment pourra également évoluer dans le temps.…
Ces exemples montrent la nécessité de compléter l’approche au m2 par usage qui est celle retenue par les réglementations pour faire émerger des métriques hybrides intégrant ces mutualisations grandement facilitées par le numérique qui permettant une densification des usages.
Un premier référentiel sur la mutualisation pourrait être développé rapidement notamment en s’appuyant sur les travaux en cours dans le projet Quartier E+C-.
6. Mobiliser tous les acteurs dans leur diversité
Un label est un outil de soutien à l’évolution des filières du bâtiment et de l’immobilier et à leur montée en compétence collective. Il parait nécessaire que le label dépasse une approche technique et valorise des modes de gouvernance des projets permettant de faire bouger le comportement des acteurs.
De nombreuses expérimentations sont en cours à l’initiative notamment de collectivités locales, d’énergéticiens, de foncières, de promoteurs… elles montrent qu’il est possible d’améliorer la pertinence des projets.
Le label pourrait ainsi valoriser des nouveaux modes de coopération entre acteurs (collectivités, utilisateurs, propriétaires, réalisateurs, énergéticiens, financiers) qui sont un des moyens essentiels pour faire émerger des solutions et des modèles économiques nouveaux.
Passer à l’action
Le plan d’action à mettre en place devrait comporter deux volets :
- Charger une petite équipe de proposer un référentiel pour le premier étage du label sous 3 à 6 mois. C’est un fonctionnement de ce type qui a permis de développer successivement le label Effinergie qui a servi de base au label BBC, puis le label BBCA qui a servi de support au label E+C-.
- Lancer les études permettant de préparer le second étage. L’architecture de ce second étage devrait être définie également sous 3 à 6 mois. Le contenu détaillé se développant ensuite au cours des 3 prochaines années.
Le groupe RBR prépare un état de l’art de l’existant qui pourra servir de base pour le lancement de ces actions.
Références
i www.hqegbc.org
ii www.batimentbascarbone.org
iii www.effinergie.org
iv www.ecologique-solidaire.gouv.fr
v www.construction21.org
vi www.ecologique-solidaire.gouv.fr
vii www.programmeprofeel.fr
Source et lien