Par Philippe PELLETIER – Président du Plan Bâtiment Durable
L’équipe de rédaction d’Xpair a sélectionné pour sa vision et sa richesse ce document de synthèse avec 50 propositions du Plan Bâtiment Durable issues de la consultation et de l’analyse des contributions reçues et qui a pour vocation à venir nourrir la version finale du Plan de rénovation des pouvoirs publics.
Avant de découvrir les 50 propositions, citons une partie fondamentale du propos de Philippe PELLETIER, Président du Plan Bâtiment Durable « … Pour réussir, nous devons faire du plan de rénovation des bâtiments, un plan d’adhésion de la société ».
Voici quelques propositions retenues parmi les 50 …
Pour un changement de paradigme : de la rénovation énergétique à l’amélioration des bâtiments
A la lumière de l’expérience acquise et des échanges nourris autour de l’évolution des
messages de communication, l’équipe permanente du Plan Bâtiment Durable a la conviction que seul un changement de paradigme permettrait de massifier la rénovation : il faut transformer le discours et les politiques publiques pour passer de la rénovation énergétique à l’amélioration / de modernisation des bâtiments. Faire de la rénovation de l’habitat une priorité qui embarque un ensemble de sujets, dont la rénovation énergétique.
Une première prise de conscience de la filière sur ce changement nécessaire s’est affirmée à
l’occasion du groupe de travail du Plan Bâtiment Durable sur les « Nouvelles dynamiques de
rénovation des logements » en 2016. La loi de transition énergétique avait intuitivement
abordé cette question en introduisant la notion d’embarquement de la performance énergétique, en écho aux travaux menés en 2014 par le Plan Bâtiment Durable sur la question de l’obligation de rénovation.
Ce changement de paradigme, s’il est décidé, supposera d’adapter les dispositifs d’information, d’accompagnement et d’incitation dans une approche globale de l’amélioration
et de modernisation des bâtiments, dans toutes ses composantes et ses motivations. Au regard
des enjeux essentiels du Plan Climat, toute action de rénovation énergétique pourrait alors être
bonifiée et encouragée particulièrement.
Proposition 1 : Repenser la politique de rénovation énergétique des bâtiments au regard
d’un changement de paradigme qui consiste à évoluer de la rénovation énergétique vers
un soutien global à l’amélioration des bâtiments
Se doter d’un nombre limité d’objectifs cohérents
Depuis une dizaine d’années, la rénovation énergétique des bâtiments fait l’objet de politiques
publiques successives, traduisant une remarquable continuité de l’action : ceci conduit toutefois à empiler des objectifs qui manquent aujourd’hui de cohérence entre eux et de lisibilité générale.
Il est proposé de réaffirmer un nombre limité d’objectifs qui soient cohérents au regard des
engagements législatifs précédents et des ambitions du Plan Climat ; et qui puissent se décliner dans chaque segment du parc. Plusieurs contributions font état du besoin de se rattacher à des objectifs très concrets, notamment exprimés en nombre de rénovations attendues.
Cette cohérence doit également ressortir de l’articulation entre les objectifs nationaux et
régionaux.
Proposition 4 : Réaffirmer un nombre limité et cohérent d’objectifs, à savoir :
- concourir à l’atteinte de la neutralité carbone du pays en 2050 ;
- viser un parc de bâtiments BBC à 2050 ;
- rénover 500 000 logements par an dont :
- 150 000 passoires thermiques détenues par les ménages modestes, la moitié réalisée au titre de l’action de l’Anah, l’autre moitié par les autres acteurs ;
- 120 000 logements sociaux ;
- intégrer un objectif sur le segment des copropriétés et des logements locatifs privés ;
- diminuer la consommation énergétique du parc tertiaire de 40% en 2030 et de 60% en 2050.
La rénovation des logements en copropriété
Cette thématique n’est pas traitée dans le plan de rénovation ; l’ensemble des contributions
qui évoque ce sujet est unanime pour dire que le plan de rénovation doit inclure ce
segment du parc et que les dispositifs proposés doivent être adaptés au secteur des logements
en copropriété. Un objectif spécifique en termes de logements rénovés doit être assigné au
secteur de la copropriété pour renforcer l’engagement des acteurs du secteur.
Si le secteur est encore en émergence, tant du point de vue de l’offre que de la demande, il
faut combattre l’idée qu’il « ne se passe rien en copropriété ».
Les opérations se multiplient et il faut davantage les faire connaitre en dépassant les réserves liées à un sujet très concurrentiel entre les syndics professionnels. En termes de connaissances, au-delà de la
valorisation des opérations réalisées, l’observatoire du plan qui se mettra en place
devra prendre en compte les travaux en copropriété, tant dans les parties communes
qu’individuelles. En analysant les opérations réalisées, on remarque que pour la plupart
d’entre elles, le syndic de copropriété a été accompagné par une AMO spécialisée.
Proposition 25 : Favoriser la remontée et la communication sur les expériences réussies
de rénovation en copropriété.
Pour accélérer la rénovation en copropriété, la grande majorité des acteurs appelle à une
stabilité et une visibilité de l’environnement réglementaire et financier : cela suppose que la
réforme annoncée du droit de la copropriété, ne vienne pas perturber le fonctionnement des
règles relatives à la rénovation énergétique des copropriétés.
Proposition 26 : Assurer un environnement législatif et réglementaire cohérent entre ce
Plan et la réforme annoncée du droit de la copropriété : maintenir le plus possible une
stabilité des règles.
Sur le plan particulier des dispositifs incitatifs, il est souhaité que ceux-ci soient pérennes sur
la durée du quinquennat et que, spécialement le CITE puisse être « sanctuarisé » au jour du
vote des travaux.
Proposition 27 : « Sanctuariser » le bénéfice des aides existant au jour du vote des
travaux en assemblée générale de copropriété.
Plus spécifiquement sur le CITE, l’éco-ptz collectif et l’environnement réglementaire des
travaux en copropriété, dans le but d’agir vers la simplification et la massification des projets,
un certain nombre d’améliorations techniques pouvant être rapidement intégrées ont été
relevées : une séance de travail avec les acteurs impliqués et les administrations est
nécessaire pour ajuster le dispositif.
La question de l’éligibilité de l’audit énergétique et des prestations de maîtrise d’œuvre est
largement plébiscitée. Sur la question de l’audit, il est à plusieurs reprises évoqué l’idée de
remplacer l’audit énergétique par un audit plus global. Le constat est également fait du
caractère indispensable d’un accompagnement professionnalisé ou d’une assistance à maîtrise
d’ouvrage (AMO), qui mériterait d’être soutenu financièrement.
Proposition 28 : Organiser, avant l’été 2018, les ajustements techniques nécessaires à un
meilleur fonctionnement des outils (de diagnostic ou incitatifs) spécifiques à l’immeuble
collectif.
Le diagnostic de performance énergétique (DPE)
Il s’agit sans doute de l’un des outils de la politique publique de rénovation qui a fait l’objet
du plus grand nombre de commentaires, dans son application au secteur résidentiel. Le plan propose une évolution de l’outil.
En préalable, il convient de rappeler que le DPE est sans doute l’un des outils les plus connus et le plus intuitivement associé à la notion de performance énergétique dans le bâtiment. Il s’agit d’un outil de masse, délivré à bon marché, par des opérateurs présents sur tout le territoire. En 2017, entre 2 et 2,5 millions de DPE ont été réalisés.
Les diagnostiqueurs
sont « multicartes » puisqu’ils font ensemble, ou séparément les différents diagnostics obligatoires.
Le DPE a été, conçu comme un élément de sensibilisation ; il développe aujourd’hui des
effets puissants sur la vente et la location du logement en zone non tendue (plus de 80% du
territoire), confirmés par des études statistiques menées sous l’égide du Conseil supérieur du
notariat, et des retours terrain des professionnels de l’immobilier : impact sur le délai de vente
ou de location et sur le prix, pouvant aller jusqu’au retrait du marché de certains biens trop
énergivores.
Le DPE, la méthode de calcul et la fiabilité : Parmi les griefs opposés au DPE, on retient l’incohérence liée au fait de pouvoir utiliser deux approches différentes, l’une fondée sur un calcul logiciel et l’autre sur une moyenne des consommations énergétiques relevées sur les factures, seule possible aujourd’hui pour les biens construits avant 1948.
Il y a un consensus pour rejeter la méthode dite « facture » qui présente de nombreux
défauts : trop grande sensibilité aux comportements des occupants, absurdité du résultat en
cas de faible occupation du bien ou restriction de chauffage, impossibilité d’aller rechercher
les factures des locataires précédents, etc.
De plus, un grand nombre d’annonces de mise en location font apparaitre un DPE vierge,
faute de disposer des factures des locataires précédents. Ceci contribue à entacher la
crédibilité du dispositif.
Les progrès en matière de logiciels de calcul permettent d’avoir un résultat représentatif de la
performance énergétique, quel que soit l’immeuble. Il faut toutefois veiller à ce que des
travaux effectués à l’échelle du logement, dans un immeuble, puissent être appréciés par le
DPE ensuite réalisé.
Il est essentiel, dans la réalisation du DPE, de converger vers une méthode unique plus fiable,
avec l’approche par logiciel. Il faut toutefois parvenir à inscrire au DPE et à son affichage des
éléments de « signal prix » avec une information sur la réalité de consommation du logement,
de nature à assurer la prise de conscience et l’information du consommateur.
Proposition 32 : Retenir comme méthode unique de calcul, l’approche par logiciel. Ceci
conduit, en même temps, à résoudre le problème des DPE vierges.
La rénovation du parc tertiaire public et privé
Le projet de plan distingue les actions sur le parc tertiaire public et sur le parc tertiaire privé :
or, les deux segments du parc tertiaire sont assujettis à une même obligation d’économie
d’énergie, instaurée par la loi Grenelle 2 et prolongée par la loi relative à la transition
énergétique pour la croissance verte.
Après la suspension par le Conseil d’Etat du décret du 9 Mai 2017, il est proposé de donner à
l’obligation de rénovation du parc tertiaire une nouvelle base légale : cette proposition est
inscrite dans le projet de loi dit « ELAN ».
A ce sujet, et durant la consultation, le Plan Bâtiment Durable a mené deux actions
complémentaires :
- a. un questionnaire à destination des signataires de la « charte tertiaire » ;
- b. l’organisation, en partenariat avec l’administration, d’une réunion d’information et d’échanges sur l’évolution de la base légale et les grands principes du futur décret.
Témoignages des signataires de la « charte tertiaire » du Plan Bâtiment
Avec l’appui de l’IFPEB et de l’OID qui assurent, aux côtés de l’équipe permanente du
Plan Bâtiment Durable, le secrétariat technique de la charte tertiaire, un questionnaire a été
adressé aux signataires de la charte pour les interroger sur leur perception des objectifs et
dispositions spécifiques à mettre en place.
Il en ressort les éléments suivants : un objectif de -40% à l’horizon 2030 apparaît atteignable
pour plus de 2/3 des répondants, parfois avec les conditions / remarques suivantes :
- clarifier le périmètre de l’obligation, de l’année de référence retenue, de la manière de gérer les bâtiments déjà performants ;
- clarifier les responsabilités entre propriétaires / locataires ;
- rechercher des incitations fiscales (taxe carbone locative) ou réglementaires (renforcement du bail vert, évolution du bail, accès aux données de consommation) ;
- clarifier la notion de « garde-fous » et « d’équivalence » dans les possibilités de moduler et de rendre compte de l’obligation ;
- rechercher la mise à disposition des données de consommation par les distributeurs ;
- exprimer également l’objectif en diminution des émissions de gaz à effet de serre.
Réunion d’échanges et d’informations sur la base légale et les grands équilibres du
futur décret
Le 16 Février, cette réunion organisée conjointement avec la DHUP/DGEC, a permis de
présenter aux acteurs du parc tertiaire public et privé l’article 47 du projet de loi « ELAN »
qui porte l’évolution de la base légale de l’obligation de rénovation du parc tertiaire, et les
grands principes du décret lié. La réunion a été particulièrement appréciée des acteurs
présents sensibles à toutes démarches ouvertes d’échanges.
Proposition 40 : Poursuivre la démarche de co-construction et d’échanges entre
l’administration et les acteurs du parc tertiaire public et privé autour de l’obligation
d’économie d’énergie.
Philippe PELLETIER.
Président du Plan Bâtiment Durable, avocat de profession, PhilippePelletier est l’auteur de nombreux rapports publics relatifs à la question du logement et de l’urbanisme. Il a été président de l’UNPI, puis de l’ANAH, avant d’être nommé président du Plan Bâtiment Durable. Fin 2017, le Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire l’a conforté dans ses fonctions et amplifié le rôle du Plan Bâtiment. Membre du CSCEE et du Comité des experts de la transition énergétique, Philippe Pelleter est président de la branche française de la RICS ; il est président de DOMAXIS, une entreprise sociale de l’habitat du groupe Action Logement.