Par Alain CAUCHY - Directeur - Direction du Patrimoine Groupe SNI
De la performance virtuelle, au confort d’usage…
Avec l’encouragement des industries du numérique et de l’équipement, les concepteurs et les entreprises de la construction s’engagent progressivement, mais, semble-t-il, inexorablement, à initier les maquettes numériques, « doubles dématérialisés », des bâtiments qu’ils construisent.
Les maîtres d’ouvrages, intrigués par l’optimisation annoncée des coûts de construction, restent toutefois prudents quant à la perspective de devoir désormais financer deux ouvrages : l’un, composé de matériaux traditionnels ou innovants ; l’autre, virtuel, support des simulations et des projections de performance, sur lesquelles se déterminent le respect des exigences réglementaires.
A l’autre bout de la chaîne, l’utilisateur–occupant, toujours plus accompagné, dans ses activités quotidiennes, par de nouveaux services numériques et objets connectés, s’attend naturellement à ce que l’utilisation de son logement suive la même tendance (dès lors que la perspective de disposer de véhicules autonomes se précise, il ne semble plus concevable qu’un bien immobilier ne puisse fonctionner en autonomie).
Pour répondre à cette attente, entre concepteur et utilisateur, le propriétaire-gestionnaire du bâtiment se trouve, lui-aussi, engagé dans l’entretien et la maintenance de deux ouvrages qui vont le conduire (ou le conduisent déjà) à s’organiser et à rechercher des profils d’équipes à double compétence : technique du bâtiment et informatique ; et ce, pour garantir :
- que le bâtiment est bien conforme dans sa construction, dans son exploitation et dans son utilisation, aux hypothèses de calcul prises lors de la conception, et mesurer ainsi sa performance ou son adéquation à la réglementation ;
- que chaque intervention sur le bâtiment du monde réel est bien répercutée sur son double numérique, et satisfaire ainsi à sa traçabilité ;
- que l’instrumentation du bâtiment, par des capteurs ou des compteurs, confirme la cohérence entre les simulations du modèle numérique et les consommations réelles.
Le carnet de suivi numérique du logement est une des illustrations réglementaires de ces perspectives.
Tout comme le maître d’ouvrage pour les coûts de construction, le propriétaire - gestionnaire peut espérer de ces évolutions, matière à optimiser les coûts d’exploitation (par exemple par des interventions à distance sans déplacement), mais cet espoir verra sans doute difficilement sa concrétisation à court terme, compte tenu des investissements nécessaires.
Pour en revenir à l’utilisateur–occupant, attiré par la « promesse numérique » de performance, de confort d’usage et de qualité de service, le risque est réel d’un écart décevant entre son mode de vie et les hypothèses conventionnelles de simulations réglementaires, et ce, malgré tous les investissements du maître d’ouvrage ou des exploitants.
Parce que les offres en termes de confort d’usage, de simplicité d’utilisation, d’économie de fonctionnement et d’adaptation aux évolutions des structures familiales sont désormais associées, pour une grande partie, aux avancées technologiques et numériques, l’attractivité des logements pour les utilisateurs finaux tendra à reposer sur des signes de qualité (indicateurs, labels ou certifications) privilégiant ces technologies et dans lesquels les futurs occupants pourront mettre leur confiance.
Dans ce contexte évolutif, le groupe SNI, à la fois maître d’ouvrage et bailleur-gestionnaire, s’est attaché à conforter sa stratégie patrimoniale dans le cadre d’un ambitieux plan stratégique numérique visant à intégrer progressivement les nouveaux formats de données, mais aussi à traiter du parc existant pour aboutir à une gestion homogène quelle que soit la date de construction des bâtiments.
Le développement informatique «historique», structuré par la gestion «métier» du patrimoine et guidé par l’objectif de partage d’information, s’est vu, au fil du temps, complété par le déploiement d’applications «satellites». Cette architecture «patrimoine» est alors devenue particulièrement sensible à l’interopérabilité des applications et à la fiabilité des données sources.
Comme évoqué plus haut, la mise en œuvre d’une organisation structurée pour la gestion des données « patrimoine » est alors apparue indispensable en vue :
- De mutualiser et structurer les ressources humaines de maintenance des bases de données GTP ;
- De hiérarchiser et qualifier les types de données (préventives, curatives ou d’occupation).
- D’identifier toutes les opportunités d’externalisation de la captation des données ;
Le Groupe se donnant ainsi les moyens de mener, notamment, deux projets d’ampleur :
La vectorisation des plans de l’ensemble du patrimoine Groupe qui permet, via différentes interfaces :
- La maintenance des données (graphiques et alphanumériques) ;
- La restitution des données par approche métiers (technique, locative, commerciale) ou par thématique ;
- L’exploitation des données pour la constitution des programmations de travaux.
Le développement, à l’étude, d’une plateforme d’échanges de données et de documents avec les partenaires et les occupants afin :
- d’améliorer la satisfaction locataire dans le cadre de la prise en charge des interventions techniques ;
- d’améliorer le suivi des interventions menées par les prestataires sur le patrimoine et de disposer d’un référentiel actualisé et fiabilisé de son état ;
- d’optimiser les processus ainsi que les charges internes induites par l’activité de suivi des interventions ;
- d’optimiser la fiabilité et la durée de vie des équipements.
…, en passant par l’ambition environnementale, …
Cet important développement numérique du Groupe s’inscrit dans le cadre d’une forte ambition environnementale, qui s’est développée autour de leviers et d’outils pour mobiliser les acteurs :
- Des objectifs forts qui accompagnement ou anticipent les réglementations (Lois Grenelle puis TECV). Avec un indicateur principal : la consommation (kWhep/m²/an), qui reste placé « sous surveillance » de l’impact en termes de maîtrise de charges locatives ;
- Un référentiel technique de construction et de rénovation ;
- Des supports de financement optimisés (éco-prêts, dégrèvement TFPB, CEE, …) et innovants (Prêts haut de bilan).
L’efficacité énergétique a ainsi été le point d’entrée de la stratégie environnementale du Groupe, avec un plan stratégique énergétique ambitieux qui a permis une amélioration de la consommation moyenne, entre 2008 et 2016, de 229 à 171 kWhep/m²/an.
Consommation moyenne du patrimoine de logements familiaux du groupe SNI au 31/12/2016
Si l’efficacité énergétique reste, à ce jour, le « moteur » de cette stratégie, l’axe énergétique ne pouvant être le seul indicateur de la valeur environnementale des projets, le groupe SNI a choisi de conforter le management environnemental de ces projets en développant, dès 2009, avec le CSTB, une cotation (SNI Environnement), en se basant sur des supports, déjà initiés, d’analyse du cycle de vie.
C’est un Système de Notation de l’Impact environnemental des projets (SNI Environnement) qui préfigure pour le Groupe, depuis 2010, la future réglementation de 2020.
Cet indicateur, décomposé sur les axes des engagements de la charte environnementale du Groupe, consolide des données environnementales quantifiées qui mesurent l’impact des efforts déployés pour une conception durable des bâtiments, sur leur cycle de vie :
- L’énergie : exploitation et énergie grise, en quantité et qualité (GES, déchets, …) ;
- La santé : impact sanitaire des matériaux (dont COV) ;
- L’eau : conception hydroéconome, gestion des eaux de pluie (imperméabilisation des sols).
Il s’agit d’une démarche opérationnelle intégrée aux projets, en relation avec la maîtrise d’œuvre, associée à un plan de formation des équipes internes et démontrant une amélioration des projets par itération, constatée année après année.
Plus de 100 opérations, pour près de 4 000 logements, ont été évaluées en maîtrise d’ouvrage interne, présentant un retour d’expérience significatif qui a permis de définir un référentiel de cotation simplifié pour les projets proposés par les promoteurs en VEFA et de développer un indicateur « réhabilitation ».
Concernant l’axe « Eau », les deux paramètres retenus sont la réduction des consommations et la gestion de l’eau à la parcelle.
Grâce à « SNI Environnement » un contrôle des équipements sanitaires utilisés et leur débit est effectué sur les projets, ciblant un niveau maximal de consommation. Depuis sa mise en œuvre, une évolution importante dans les prescriptions des débits des équipements sanitaires démontre l’attention portée sur ce point par les équipes de maîtrise d’ouvrage.
Pour la gestion de l’eau à la parcelle, les principales thématiques prises en compte sont le ruissellement sur la parcelle, le risque d'inondation et l'impact sur le milieu.
Un guide d’aménagement des espaces extérieurs est venu compléter les outils de prescription des équipes et s’intégrer à la stratégie « biodiversité ».
La prise de conscience de l’impact de la qualité de l’air sur la santé s’est progressivement accentuée, aboutissant à la mise en place d’une politique en matière de qualité de l’air intérieur au sein du Groupe portant sur les constructions neuves et sur la gestion du patrimoine.
Les recommandations spécifiques, notamment lié à l’étiquetage réglementaire, sont évaluées grâce à l’outil SNI Environnement.
Pour compléter cette démarche le Groupe s’est aussi attaché à développer une stratégie de développement optimisée (avec un support d’analyse des impacts en termes d’étalement urbain qui a été développé pour qualifier les caractéristiques d’un projet et éviter de contribuer aux conséquences les plus néfastes de l’étalement urbain), en cohérence avec un référentiel de management environnemental et une doctrine adaptée de certification NF Habitat.
…, tout en mesurant la satisfaction des occupants.
Avec des efforts qui portent sur la fiabilité, la sécurité, la sûreté et la pérennité de la performance, tout en traitant la montée en gamme du patrimoine existant, l’ensemble de ces actions vise, à garantir l’attractivité des logements et la satisfaction des occupants.
De fait les maîtres d’ouvrage, gestionnaires de patrimoine n’ont pas d’autres choix que de caler leur ambition sur un niveau d’exigence qualitative le plus élevé possible, quelle que soit la cible : logement social, très social ou intermédiaire.
La mesure, par des enquêtes de satisfaction annuelles, du retour de l’utilisateur–occupant renseigne sur le confort d’usage attendu. Mesure, qui sera progressivement complétée par des informations « fil de l’eau » dès lors que des supports comme la « plateforme-partenaires », évoquée plus haut, sera opérationnelle.
Une illustration exemplaire
Nouveau Logis Méridional - Résidence Les Magnolias à Toulouse
Un programme de 23 logements sociaux (PLUS, PLAI) collectifs, R+3, pour un coût de construction de 1 590 €HT/m² SH et livré en septembre 2016.
Avec des objectifs ambitieux :
- Certification Habitat et Environnement profil A ;
- Label BBC Effinergie, pour une consommation de moins de 50 kWhep/m².an ;
- Label Bâtiment biosourcé niveau 3 ;
- Lauréat de l’appel à projet « Bâtiments économes » de la Région Midi Pyrénées/ ADEME
Le détail des consommations d’énergie primaire | RT (en kWhep/m2.an) |
Totale pour les 5 usages RT | Bât A : 40,7 kWh EP - Bât B : 38,3 kWh EP |
Dont Chauffage | Bât A : 18,5 kWh EP - Bât B : 16,9 kWh EP |
Dont ECS | Bât A : 14,2 kWh EP - Bât B : 15,8 kWh EP |
Dont Eclairage | Bât A : 3,6 kWh EP - Bât B : 3,9 kWh EP |
Dont Ventilation et auxiliaires | Bât A : 4,3 kWh EP - Bât B : 1,8 kWh EP |
Dont Rafraîchissement | Sans objet |
Le projet se caractérise par une architecture faisant appel à des matériaux d’origine bio-sourcée : façades bois, isolant bois et chanvre, fenêtres et volets en persienne à projection bois, provenant de forêts gérées durablement.
Le principe de “low-technologie” a été le fil conducteur de la conception de l’opération : facilité et simplicité d’utilisation des équipements de la résidence et des logements afin d’en assurer la performance thermique et favoriser les économies d’énergie, permettant ainsi aux locataires de réduire leurs charges locatives.
Un suivi des consommations sur l’espace web locataire et sur smartphone est proposé aux locataires.
Maîtrise d’œuvre :
Architecte : Lieux communs
BET : TPF Ingénierie
Paysagiste : Atelier ATP
Par Alain CAUCHY - Directeur - Direction du Patrimoine Groupe SNI