Par Alain Maugard, ex-président du CSTB, ex-président de QUALIBAT, …
Vers quel bâtiment 2050 nous dirigeons-nous ? Le cap carbone est inéluctable. Quels sont les changements majeurs qui s’accélèrent dans l’acte de concevoir, construire et rénover ?
C’est dans le cadre de la journée de l’efficacité énergétique et environnementale du bâtiment, EnerJ-meeting Lyon le 24 Novembre, que Alain Maugard nous présente une prospective du Bâtiment pour 2050 et plus. Visionnaires et passionnants, ces propos sont ici tracés avec sa vidéo en exclusivité pour les lecteurs d’XPAIR.
Prospectives du bâtiment 2050 par Alain Maugard
Et Alain Maugard de s’exprimer …
Le démarrage, un détail de l’histoire
« Dans une perspective long terme, les problèmes de démarrage des réglementations notamment seront estompés assez rapidement, cela sera comme un détail de l’histoire et il faut reconnaitre le long chemin que nous sommes en train de faire dans le monde du bâtiment.
J’ai connu toutes les réglementations et au moment où nous les mettons en place, il y a des pleurs en disant que cela ne va pas marcher comme prévu, cela va être trop cher, etc, … Toutes les réglementations montrent qu’il y a une courbe d’apprentissage et que quand nous avons digéré la réglementation nous la trouvons très bien. La dernière en date étant l’expérimentation E+C- qui est regrettée par rapport à la RE2020 ».
La RE2020, freins et difficultés qui vont vite s’estomper
Le cap « carbone » ne changera pas
« Le cap qui a été pris ne bougera pas, il y a des données qui sont comme cela irréversibles pour les 30 ans à venir et même plus, car dans le domaine du bâtiment, et si cela peut réconforter tout le monde, nous sommes le seul secteur dont nous savons que nous existerons à la fin du XXIe siècle. Il y a de nombreux secteurs qui ne savent pas s’ils existeront. Nous, nous existerons.
La deuxième idée, c’est que pour réussir le grand choc, le premier choc du bâtiment : le choc carbone, nous avons besoin du bâtiment. Tous les pays ont besoin du bâtiment et c’est dans ce choc carbone l’endroit où le consensus politique citoyen est possible, je ne vois pas de grands obstacles, il faut mettre le maximum sur le bâtiment. »
La compétition par l’innovation va être formidable
« La compétition par l’innovation va être formidable, pour ma part, je pense que cela va aller plus vite que ce que vous pensez. Nous pouvons avoir des résultats sur la décarbonation des matériaux et des composants plus rapides que l’on ne le pense, car nous sommes dans un système concurrentiel et industriel. Les filières ne veulent pas perdre donc il va y avoir une compétition de très haut niveau du côté industriel, c’est une bonne nouvelle pour nous ».
Ce « choc carbone » a une conséquence importante, car même si nous avons été séparés construction neuve et réhabilitation, cela donne un avantage au carbone qui est stocké donc une avance naturelle à la rénovation, marché des plus important pour les 30 ans à venir.
C’est le stock des bâtiments qui est déjà un réservoir carbone à ne pas détruire
L’avantage est au stock décarboné
« Lorsque l’on a stocké du carbone dans le bâtiment, dans la ville, il vaut mieux le laisser stocker que le déstocker, ce qui veut dire qu’avant d’envisager de construire du neuf, il faut voir si nous utilisons au mieux le stock le patrimoine, ce qui veut dire que nous allons demander au patrimoine, c’est-à-dire au carbone stocké de durer le plus longtemps possible.
Nous allons demander pour durer de varier les usages, soit l’usage logement ou l’usage bureau, soit à un moment où nous en avons moins besoin, nous allons demander de changer d’usage, donc c’est une prolongation de la durée de vie du stock, cela ne va pas dire qu’il n’y aura pas de construction neuve, mais la construction neuve viendra au moment où le stock ne pourra plus répondre aux besoins, là les besoins supplémentaires non résolus par le stock, ça sera la construction neuve.
Mais il y a d’autres pistes aussi très importantes qui vont se faire, c’est que nous nous apercevons dans le stock que nous n’utilisons pas 7 jours sur 7, 365 jours par an, les bâtiments, l’intermittence d’utilisation va apparaître comme un gaspillage par rapport à la question carbone, donc nous voyons que nous allons aussi utiliser beaucoup plus les bâtiments existants qu’avant et en faire un usage plus intensif, c’est ce qui fait même si tout le monde dit qu’il faut garder la ville sur la ville, reconstruire la ville sur la ville, la densité nous ne l’utilisons peut être pas au maximum, etc, … ».
L’arrivée des matériaux d’occasion
« L’arrivée de l’économie dite circulaire, c’est-à-dire des produits d’occasion puisque dans les matériaux et composants qui existent, le carbone est déjà stocké.
L’idée c’est de les réutiliser par forcément dans les mêmes bâtiments, dans le neuf comme dans la rénovation pour garder le carbone stocké, donc stockage du carbone est le nouveau but de reconstruction. »
La production d’EnR et l’autoconsommation
« La question de la production d’énergie renouvelable se pose dans le quartier, dans les bâtiments, par les bâtiments. Ce sujet est plus délicat que ce l’on pensait dans le choix politique. Les EnR sont potentiellement des énergies décentralisées, c’est donc un schéma d’organisation de production qui compte sur l’implantation territoriale, y compris une implantation d’intensité territoriale un peu partout, c’est cela l’idée. Ce n’est pas un problème de concentration et de distribution à des consommateurs, c’est un problème de production diffuse de cette capacité par les EnR, soit les réseaux de chaleur, le solaire, moins l’éolien il faut le reconnaitre plus concentré, mais en tout cas pour l’énergie solaire et les réseaux de chaleur ; cela est possible dans des dimensions qui sont totalement locales.
Il y a l’idée d’autoconsommation qui est intéressante, mais ne nous restreignons pas à croire que l’on vous autorise à produire des EnR sur place à condition que vous les consommiez toutes, sous-entendu si vous en faites plus cela ne nous intéresse pas ou pas beaucoup.
La question énergétique de transformation complète de notre énergie en énergie décarbonée, notamment avec la part des EnR, conduira à vouloir augmenter, et je crois qu’il faudra le faire, les EnR produites par les particuliers dans les bâtiments ».
Le choc numérique et de productivité
« Le choc numérique nous permet plusieurs choses : Pour les bureaux d’études, les architectes, …, il nous permet de concevoir, de calculer, de voir à l’avance autour d’une maquette virtuelle beaucoup de choses. Il nous construit une capacité à mieux concevoir, mieux visionner, et même de la créativité.
Au départ de l’intelligence artificielle, dans la création y compris architecturale, dans la conception des bâtiments, nous sommes dans le bâtiment qu’au début à mon avis d’utilisation, nous aurons donc une capacité pour tout ceux qui conçoivent, que ce soient les architectes d’abord, les bureaux d’études, d’avoir une capacité beaucoup plus importante d’optimiser cette phase de la conception, mais le numérique nous permet aussi de mettre autour de la table l’ensemble des acteurs du bâtiment ».
La suite et toute la conférence de 20 minutes
Par Alain Maugard, polytechnicien, ex-président du CSTB, ex-président de QUALIBAT, …
EnerJ-meeting Lyon le 24 nov. 2021 – Intervention de Alain Maugard