Par Véronique Bertrand, Ingénieure efficacité énergétique et consultante d’XPAIR
Voici une mise à jour 2023 d’un des facteurs clés : l’évolution des ressources économiques des ménages et son impact potentiel sur le bâtiment et l'immobilier, provenant de l’étude prospective globale « Imaginons ensemble les bâtiments de demain » de l’ADEME et CSTB.
Ce radar de prospective des bâtiments en France à l'horizon 2050 analyse 22 facteurs clés et permet ainsi d'explorer les évolutions possibles du bâtiment et de l'immobilier à l'horizon 2050.
Cette étude complète, disponible à la fin de cette chronique, amène régulièrement et bien évidemment des mises à jour. Celle-ci porte sur un des facteurs clés : les ressources économiques des ménages. Comment vont-elles évoluer et quels impacts possibles sur le bâtiment ?
Ressources économiques des ménages : rétrospective à 2022
Le pouvoir d’achat par unité de consommation des ménages a cru de plus de 42% depuis les années 1980, avec un ralentissement depuis les années 2000 (+9% de croissance entre 2000 et 2020).
Si les inégalités de revenus primaires (avant redistribution) ont baissé jusqu’aux années 2000, elles sont désormais orientées à la hausse, avec l'envolée des revenus financiers des plus aisés.
Malgré la croissance de la part des prestations sociales dans le revenu disponible des ménages, le taux de pauvreté est relativement stable au cours de la période (14,8% en 2018).
De 1970 à 1990, le taux de pauvreté s’est fortement réduit sous l’effet notamment de l’amélioration de la situation relative des retraités. Parallèlement, la pauvreté des actifs (hors travailleurs indépendants) a augmenté d’un tiers (hausse du chômage et précarisation du marché du travail)
Le fait marquant de ces vingt dernières années réside dans le développement de la pauvreté des familles monoparentales, dont le nombre ne cesse de croitre et dont les membres vivent sous le seuil de pauvreté dans près d’un tiers des cas.
Le taux de pauvreté remonte depuis en 2018, sous l'effet notamment de la mise en place de mesures d'économie budgétaire visant les aides au logement.
Ressources économiques des ménages : depuis 2022 ! …
Le retour de l’inflation : sur l’année 2022, le fait majeur a été le retour de l’inflation. À ce stade, il est difficile de dire s’il s’agit d’un phénomène conjoncturel ou plus structurel.
Le bouclier tarifaire sur l’énergie : les mesures de « bouclier » sur les tarifs de l’énergie ont permis de réduire de moitié l’ampleur de l’inflation énergétique supportée par les ménages. Ces derniers ont également réagi à la hausse des prix en diminuant leur consommation de carburant et d’énergie.
Le pouvoir d’achat : le pouvoir d’achat des Français s’est légèrement contracté, malgré les mesures mises en place (en particulier le bouclier tarifaire).
- Les baisses de pouvoir d’achat les plus importantes se concentrent sur les ménages qui cumulent deux difficultés : être particulièrement pénalisés par la hausse des prix de l’énergie, des carburants et de l’alimentaire, et être dans l’incapacité d’accroître leurs revenus pour suivre les prix.
- L’inflation a également un impact négatif sur les ménages ayant un patrimoine financier.
Impacts sur l’immobilier : les impacts sur l’immobilier sont encore largement à suivre dans les mois à venir.
- La hausse des frais et coûts d’entretien du logement peut avoir un impact sur la capacité à assurer les dépenses courantes, et sur la précarité énergétique.
- L’indexation des loyers sur l’inflation pourrait mener à leur hausse. Enfin, nous pourrions voir advenir un recul de l’investissement des ménages dans l’immobilier.
L’hypothèse tendancielle retenue dans la démarche « Imaginons ensemble les bâtiments de demain » début 2022, à savoir une stagnation séculaire et inégalitaire qui mènerait à une érosion du pouvoir d’achat, n’est pas remise en cause par les évolutions de l’année 2022.
Ressources économiques des ménages : les incertitudes clés
Incertitude 1 : quelle évolution des inégalités de revenus ?
- Quelle croissance économique à 2050 ?
- S'oriente-t-on vers une reprise de la croissance ou vers une stagnation séculaire, actant le ralentissement de la croissance observé depuis les années 2000 ?
Incertitude 2 : quelle évolution globale des revenus ?
- Quelles évolutions de répartition du revenu primaire, et notamment quelles transformations du marché du travail (ubérisation) ?
- Quel avenir pour les prestations et la protection sociales (pensions de retraite, revenu universel...) ?
Les hypothèses sur les ressources économiques des ménages
Selon les tendances à venir - * hypothèse tendancielle
Stagnation séculaire et inégalitaire
- Moins de revenus mais plus d'inégalité.
- Entre 2000 et 2019, la croissance annuelle moyenne française a été deux fois inférieure au rythme observé entre 1980 et 1999 posant ainsi le risque d'une entrée dans la stagnation séculaire (ralentissement durable de la croissance dû au ralentissement du progrès technique).
- Si ces évolutions se prolongent à l'horizon 2050 on peut observer une stagnation voir une érosion du pouvoir d'achat.
- Dans le même temps, l'accroissement du nombre de travailleurs précaires et les économies budgétaires opérées sur le système redistributif français pourrait également se poursuivre.
Fracture sociale
- Plus de revenus et plus d'inégalité.
- Le retour d'une croissance économique dynamique et la poursuite des dynamiques observées au cours de la dernière décennie avec une hausse des revenus financiers et du patrimoine soutiennent le pouvoir d'achat des ménages.
- La baisse du chômage s'accompagne d'une précarisation du marché du travail.
- L'austérité budgétaire visant à réduire les déficits publics générés par la crise de la Covid19 conduit à de nouvelles baisses des dépenses publiques.
Solidarité dans la crise
- Moins de revenu et moins d'inégalité.
- La poursuite du rythme de croissance faible observé depuis 2000 s'accompagne d'une baisse des revenus financiers et du patrimoine.
- Le chômage reste élevé et la précarisation grandissante du marché du travail oblige à une remise à plat du système de protection sociale à la française.
- De nouveau mécanisme de protection sociale sont mis en place (revenu minimal ?) pour faire face à ces évolutions et réduire les inégalités.
Croissance économique inclusive
- Plus de revenu et moins d'inégalité.
- Le retour d'une croissance dynamique s'accompagne d'une forte décrue du chômage.
- La revalorisation des revenus du travail, le soutien du revenu des retraités et une meilleure protection des salariés précaires conduit à une réduction importante des inégalités.
Téléchargez la synthèse et le rapport 2022 « imaginons Ensemble les Bâtiments de Demain »
Par Véronique Bertrand, Ingénieure efficacité énergétique et consultante d’XPAIR
Sources et liens
Note de veille 2023 coordonnée par : Cécile Désaunay (Futuribles), Jean-Christophe Visier (CSTB [Centre scientifique et technique du bâtiment] - ADEME [Agence de la transition écologique]), Jérémy El Beze (CSTB) et Albane Gaspard (ADEME), avec le concours de Louis Maurin (Observatoire des inégalités), Pierre Madec (OFCE, Observatoire français des conjonctures économiques) et Isolde Devalière (ADEME), sur la base de la fiche « Ressources économiques des ménages » élaborée par l’ensemble des membres du Comité prospective « Imaginons ensemble les bâtiments de demain ».