Par Cécile Le Berre et Janice Orero – Immolab/abel INTAIRIEUR
Crise COVID, pollutions et enjeux sanitaires et managériaux, la qualité de l’air intérieur prend sa juste mesure avec l’apparition de référentiel comme le label IntAIRieur®.
Voici une démarche simple et fiable pour valoriser la qualité de l’air intérieur pour les logements neufs, les maisons individuelles et les bâtiments tertiaires.
Qu’est-ce que le label IntAIRieur® ?
La qualité de l'air figure parmi les premières préoccupations environnementales des Français. Pourtant, aucun produit dédié n'existait en matière de réglementation de labels ou de certifications. Nous avons pris la décision de créer notre propre label consacré à la qualité de l'air intérieur. C'est la naissance du label Intairieur® et de Immolab, l’organisme de labellisation en 2017.
Initialement déployé pour les constructions neuves de logements collectifs et individuels groupés, le label a continué de se développer, notamment avec la déclinaison du référentiel pour les maisons individuelles diffuses sortie en 2021, puis pour les bâtiments tertiaires courant 2022.
Nos cibles sont les aménageurs, collectivités, bailleurs, promoteurs, institutionnels, particuliers, architectes, bureaux d’études et AMO.
Comment ça marche ?
Le référentiel du label Intairieur® est organisé autour de 4 thèmes qui couvrent les exigences nécessaires pour réaliser un ouvrage respectueux de la qualité de l'air intérieur.
Le référentiel se veut simple et pragmatique. L’idée directrice au moment de son élaboration était de limiter les sources de pollution intérieures et d’assurer un bon renouvellement de l’air permettant de diluer les polluants présents.
Le cahier des charges, en libre accès, comporte une trentaine de pages définissant une centaine d’exigences à respecter.
Le premier thème est transversal : il permet de sensibiliser les différents intervenants durant toutes les phases du cycle de vie du bâtiment.
Le deuxième thème est l’adaptation de la construction vis-à-vis des contraintes du site.
De là découle les 2 derniers thèmes techniques traitant des équipements et matériaux de construction ainsi que du système de ventilation.
Quelles sont les exigences du référentiel ?
Thème 1 : Sensibilisation des différents intervenants
L’objectif de ce premier thème est de susciter une prise de conscience collective sur l’importance de la prise en compte du sujet de la qualité de l’air intérieur au sein d’un bâtiment. Il concerne l’ensemble des acteurs du projet : la maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre, les entreprises, le gestionnaire et les futurs occupants.
L’une des exigences phares de cette rubrique est la réunion de sensibilisation des entreprises en cours de chantier. Au cours de cette réunion, tous les points sensibles en phase chantier susceptibles d’altérer la future qualité de l’air sont abordés : stockage et découpe des matériaux, anticipation des risques de remontée d’humidité, temps de séchage des matériaux, produits de nettoyage…
FOCUS sur le suivi de chantier
La première action consiste en l’animation d’une réunion de sensibilisation spécifique à la problématique QAI à destination des entreprises. Par suite des retours d’expériences des deux premières années de vie du label, un suivi spécifique a été ajoutée pendant la phase travaux.
Cet accompagnement se matérialise à minima par 3 visites chantier :
- Une pour vérifier la mise en œuvre du système de ventilation,
- Une pour vérifier la mise en œuvre de tous les autres corps d’état secondaires,
- Et enfin une en pré-livraison afin de récolter l’ensemble des justificatifs nécessaires au label et pour vérifier l’adéquation de l’avancement des travaux avec les tests finaux à réaliser.
Figure 1 - Quelques exemples de points de vigilances pour le lot ventilation
Figure 2 - Affiche chantier pour rappeler visuellement les bonnes pratiques
Le label s’intéresse également à l’impact des gestionnaires et des usagers afin de pérenniser la démarche entrepris en chantier au cours de la phase exploitation. Ceci en mettant à disposition des outils d’aide concrets tel que le plan de maintenance adapté aux équipements mis en œuvre ou encore un guide de bonnes pratiques à destination des occupants des logements ou un kit nudges pour le tertiaire.
Figure 3 - Nudge QAI
Thème 2 : Intégration du bâtiment dans son environnement immédiat
Le thème 2 conduit l’équipe de conception à mener une réflexion approfondie sur ses choix constructifs pour adapter la future construction aux contraintes du site.
Il faut tout d’abord connaître l’influence de l’environnement extérieur du site, pour cela une analyse de site est réalisée sur la base des critères de pollutions suivants :
- Contexte climatique et environnemental
- Pollution des sols
- Pollution de l’air (contexte, présence de cultures ou terrains agricoles, trafic routier, présence d'activités humaines, pollens et végétaux allergisants)
- Risques naturels (radon et amiante naturelle)
FOCUS trafic routier
Figure 4 - Distances d'impact du trafic routier
Airparif a étudié les distances d’impact pour le trafic routier en Île-de-France. Pour le dioxyde d’azote, la distance d’influence est comprise entre 100 m et 200 m pour les axes majeurs (des autoroutes en zone urbaine au boulevard périphérique) et entre 50 m et 100 m pour les axes plus modestes (30 000 véhicules par jour). Les niveaux de pollution décroissent très rapidement dans les 50 premiers mètres, puis diminuent plus progressivement. Dans le cas de carrefours ou d’échangeurs routiers importants, l’impact du trafic peut encore être décelé jusqu’à 400 m de distance.
Concernant la hauteur des bâtiments impactés, des diminutions à quelques mètres du trafic routier sont observées. Par exemple, des mesures en bordure d’une avenue fortement fréquentée au niveau de la porte de Gentilly montrent une baisse de 30 % pour le dioxyde d’azote entre le rez-de-chaussée et le deuxième étage. En revanche, en situation plus éloignée du trafic (quelques dizaines de mètres), les niveaux ne semblent plus avoir d’incidence notable sur les niveaux de pollution.
La construction doit s’adapter aux atouts et contraintes du site et le label porte également une attention particulière à quelques dispositions constructives impactant la future qualité de l’air intérieur du projet, comme :
- La thermique d’été, car une surchauffe du bâti conduit à un dégazage plus important des matériaux et donc potentiellement à une plus forte pollution intérieure.
- La végétalisation du site, les espèces retenues doivent présenter un faible potentiel allergisant.
- L’aération naturelle des locaux pour le tertiaire, en préconisant des ouvrants manœuvrables par les usagers dont l’ouverture minimale doit représenter au moins 5% de la surface au sol de l’espace de vie concerné.
- L’usage des espaces extérieurs pour le tertiaire, en alternative à certains espaces communs intérieurs en demandant qu’ils soient adaptés, bien dimensionnés, équipés de mobilier et confortables.
Figure 5 – Travail sur l’usage des espaces extérieurs : Cours oasis
Thème 3 : Mesures avec screening + Monitoring
L’objectif du thème 3 est de guider la maîtrise d’ouvrage sur ses choix de matériaux et d’équipements suivant leur potentiel d’impact sur la qualité de l’air intérieur. La finalité est de minimiser les sources de pollution intérieure. Ainsi, les matériaux mis en œuvre doivent disposer d’étiquetages/marquages prouvant leur faible émissivité. Quant aux équipements, le label est particulièrement vigilant à ceux impliquant un processus de combustion : il exige des performances élevées pour éviter des combustions incomplètes, sources de polluants.
L’exigence phare de ce thème reste la mesure de polluants. En effet, avant livraison des bâtiments à ses occupants, une campagne de mesures doit être menée, le but étant de faire un état des lieux de la pollution intrinsèque du bâtiment, sans la pollution liée aux usagers. Les polluants visés sont :
- Le formaldéhyde : substance irritante pour le nez et les voies respiratoires, émise par certains matériaux de construction, le mobilier, certaines colles, les produits d’entretien…
- Le benzène : substance cancérigène issue notamment de la combustion.
- Les composés organiques volatils totaux (COVT) : la famille des composés organiques volatils regroupe plusieurs milliers de composés (hydrocarbures, solvants, ...). Certains sont toxiques ou cancérigènes. Leurs sources d’émission sont diverses : peintures, colles, solvants, gaz d’échappements… Les COVT sont un indice permettant d’appréhender le niveau de pollution globale par les espèces chimiques.
- Les particules PM1 et PM2.5 : elles regroupent les poussières naturelles, les pollens, les moisissures, les fumées, les particules fines des gaz d'échappement automobiles, des appareils à combustion, des activités de travaux… Elles sont mises en cause dans l'apparition de pathologies respiratoires à court terme (inflammation, allergies respiratoires, asthme) ou long terme (cancer, broncho-pathologie chronique obstructive - BPCO). Les particules aériennes peuvent véhiculer des bactéries et des virus et favoriser la dissémination des maladies infectieuses.
- Les moisissures (applicatif logements uniquement) : champignons microscopiques se développant dans certaines conditions d’humidité, capables de coloniser des supports variés et libérer dans l'air des spores en grande quantité et/ou des substances odorantes voire toxiques (mycotoxines, composés organiques volatils).
- Le dioxyde d’azote (applicatif tertiaire uniquement) : il s’agit d’un gaz brun-rouge toxique suffocant, à l’odeur âcre et piquant, issu des activités de combustion, notamment le trafic routier.
- Le radon : gaz radioactif naturel émis par les roches granitiques et volcaniques, reconnu comme cancérigène.
En complément, pour l’applicatif tertiaire, il est demandé de réaliser un screening des 5 COV et 8 aldéhydes majoritaires : cela consiste à réaliser un prélèvement par une association de plusieurs adsorbants placés en série, couvrant ainsi un large spectre de composés gazeux. Cette technique permet ainsi d’identifier les composés les plus présents dans une atmosphère.
En parallèle des mesures de polluants, des mesures de débits de ventilation ou de différentiels de pression sont réaliser afin de vérifier le renouvellement de l’air. Ainsi, si une déficience est constatée, il y a un risque important d’obtenir un niveau de pollution élevée du fait d’un confinement probable du local.
FOCUS sur le protocole de mesure
Pour l’applicatif logements, la méthodologie de prélèvement proposée diffère des protocoles habituels en France. En effet, dans la législation et les référentiels de certification actuels, les mesures passives sont privilégiées. Or, les contraintes chantier compromettent bien souvent la faisabilité de ces mesures dont la durée est au minimum de 4,5 jours. A l’exception du radon, le protocole propose donc des mesures de courte durée. La méthodologie s’inspire directement du protocole de mesure coréen, précurseur sur le sujet de la qualité de l’air intérieur (depuis 2004, la Corée du Sud a rendu obligatoire des mesures de polluants sur les ensembles d’habitation neufs de plus de 100 lots et dans 17 types de lieux publics).
Pour l’applicatif tertiaire, où la contrainte du planning est moins intense, nous laissons libre choix de la méthodologie de mesure : en actif ou en passif. Cela permet de s’adapter à d’éventuels autres démarches environnementales qui seraient impliquées sur le projet et qui imposent une méthodologie de mesures, actives (BREEAM par exemple) ou passives (HQE par exemple).
Figure 6 - Mesures QAI en fin de travaux
L’applicatif tertiaire prévoit en complément un monitoring des espaces de vie, sur les paramètres suivants : dioxyde de carbone CO2, température et humidité. Le dioxyde de carbone est un très bon traceur du niveau de confinement d’une pièce car il est principalement lié à la respiration humaine. De plus, le référentiel impose que les résultats soient rendus accessibles aux futurs usagers, accompagnés d’une sensibilisation adéquate pour éviter tout climat anxiogène.
Thème 4 : Outil CO2 pour ventilation + Mesures sur ventilation en fin de chantier (Effinergie)
Le thème 4 s’intéresse à la ventilation des locaux qui joue un rôle primordial dans le bâtiment pour l’évacuation de la pollution intérieure.
En effet, nous partons d’un constat : la ventilation ne fait, à ce jour, pas l’objet de l’attention qu’elle mérite. Pour les usagers, cet équipement est souvent méconnu et il y a parfois même une confusion avec la climatisation. Pour les installateurs, il y a régulièrement un manque de compétence, car ceux qui gèrent la mise en œuvre de la ventilation ne sont autres que les électriciens en maisons individuelles et les plombiers en logements collectifs. Le métier de « ventiliste » n’existe pas. Pour parfaire le tableau, cet équipement est très peu légiféré. La dernière règlementation encadrant la conception de la ventilation en logements date de 1983. Or les règlementations thermiques se sont succédé, rendant les bâtiments de plus en plus étanches et de moins en moins ventilés. Résultat, l’Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur a mis en évidence que le développement fongique des bâtiments performants en énergie était supérieur de 10 % par rapport au reste du parc.
« 70% des logements collectifs et 60% des logements individuels n’ont pas de ventilation efficace (étude ADEME et AIR.H) »
- Soit, ils n’en sont pas équipés du tout,
- Soit, les débits assurés sont insuffisants.
La conception et la mise en œuvre de la ventilation doivent donc faire l’objectif d’une attention particulière de la part des différents acteurs de la construction :
- L’architecte, car il positionne les gaines techniques et les accès aux équipements,
- Le BET CVC, car il réalise le dimensionnement,
- L’entreprise CVC, qui installe
- Le metteur au point, qui effectue les réglages en fin de chantier.
De nombreux contrôles sont imposés par le label en phase conception (vérification des plans CVC et de la note de dimensionnement), en cours de chantier (contrôle de la mise en œuvre de l’installation de la ventilation), mais surtout en fin de chantier. Le label demande un diagnostic Promovent complet intégrant :
- Une vérification documentaire
- Une vérification visuelle de l’installation
- Des mesures de débits/pressions au bouches
- Des mesures d’étanchéité à l’air des réseaux de ventilation (classe A minimum).
FOCUS classe d’étanchéité à l’air des réseaux de ventilation
La perméabilité à l'air d'un réseau de ventilation caractérise la quantité d’air qui entre ou sort de manière non contrôlée à travers les fuites du réseau de ventilation. Elle joue donc un rôle majeur sur la performance du système de ventilation.
Figure 7 - Exemple classe d'étanchéité pour une pression d'essais de 250Pa
Le système de mesure est connecté au réseau ou à une portion de réseau (isolé du reste du réseau) soumis à l’essai. Une fois en fonctionnement, il va induire une pressurisation ou dépressurisation au sein du réseau qui va permettre de déterminer un débit de fuite, et donc le niveau de perméabilité à l’air du réseau.
Figure 8 - Système de mesure d'étanchéité à l'air de réseaux de ventilation
Process administratif du label
Le label propose des exigences techniques contrôlées tout au long du processus de réalisation d'une opération immobilière, de la conception à la réception de l’ouvrage, et même en exploitation.
Figure 9 - Frise Processus de labellisation
Le maître d’ouvrage déclare son opération auprès d’Immolab, en amont, au plus tard durant la phase APD.
Si son opération est située dans un environnement particulièrement pollué, il a la possibilité de faire réaliser une simulation numérique de la qualité de l’air, pour pouvoir prévoir finement les niveaux de pollutions atteints dans son bâtiment
S’en suit 4 étapes obligatoires :
1) La validation phase programme qui se traduit par une réunion animée par l’AMO INTAIRIEUR® en présence de toute l’équipe de conception et du maître d’ouvrage. L’objectif est d’anticiper les contraintes les plus fortes du label, notamment celles qui peuvent impacter l’architecture du projet.
2) La validation phase conception qui consiste en une relecture des pièces écrites et graphiques phase DCE par l’AMO INTAIRIEUR® : l’objectif étant de vérifier la cohérence du projet avec les exigences du référentiel,
3) L’accompagnement en phase chantier qui se traduit par une réunion animée par l’AMO INTAIRIEUR® aux entreprises pour leur rappeler leurs obligations et les bonnes pratiques sur chantier pour œuvrer à la préservation de la QAI mais également 3 visites de chantier pour vérifier la bonne traduction du cahier des charges dans les faits.
Figure 10 - Réunion de sensibilisation sur l'opération Coeur Mougins COGEDIM
4) La validation phase réception, qui consiste en une visite sur site par l’AMO INTAIRIEUR® et un contrôle de cohérence des DOE, pour vérifier que les éléments mis en œuvre, sont conformes aux exigences du référentiel.
Si toutes les étapes sont validées, l’opération peut être labellisée INTAIRIEUR®, et un numéro unique d’obtention du label sera délivrée.
Quels sont les développements à venir sur le label ?
Avec un taux de renouvellement des bâtiments anciens par des bâtiments neufs inférieur à 1% par an, la rénovation du parc existant est le véritable enjeu pour la qualité de l’air intérieur.
Nous engagerons des travaux en ce sens sur l’année 2024.
Enfin, nous nous proposons de revenir sur ces colonnes avec prochainement un retour d’expérience concret sur la mise en œuvre concrète du label intAIRrieur®.
Par Cécile Le Berre – Responsable opérationnelle Immolab – Label INTAIRIEUR® et Janice Orero – Responsable technique Immolab – Label INTAIRIEUR®
Source et lien
Contact label-Intairieur[at]immo-lab.fr et https://www.linkedin.com/company/immolab-sarl/
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