Par Yann DERVYN, Directeur du Collectif Effinergie
Cette étude a pour objectif de formuler des propositions concrètes afin de contribuer à l'amélioration des futures réglementations en particulier la Réglementation Environnementale RE 2020 à venir. Elle analyse et compare des projets RT2012, E+C-, Effinergie+ et Bepos-Effinergie 2013, regroupés par typologie de bâtiments et segmentés selon les choix énergétiques.
Season 05 – MO : SEFRI-CIME Activités et Services – Architecte : Jean Paul Viguier et Associés - Effinergie+
Intitulée "Etude sur les pratiques RT2012 et les labels Effinergie", ce rapport de 41 pages étudie sur plus de 50 000 logements, et 75 projets tertiaires, le coefficient Bbio, la consommation conventionnelle d'énergie primaire (Cep), les déperditions du bâtiment, les résistances thermiques des parois opaques et les ponts thermiques.
Pour chaque typologie de bâtiment, les paramètres suivants sont étudiés :
- Le coefficient Bbio,
- La consommation conventionnelle d’énergie primaire (Cep),
- Les déperditions du bâtiment par parois et totales,
- Les résistances thermiques des parois opaques,
Les ponts thermiques : Psi 9 des planchers et Psi global moyen.
Téléchargez l’étude NEUTRALITE CARBONE ET LOGEMENTS
Boréal : siège Boehringer Ingelheim – MO : Cogedim Grand Lyon – Architecte : SCAU - Bepos-Effinergie 2013
La conception bioclimatique – le Bbio
Principaux enseignements
- Le niveau du Bbio max actuel de la RT 2012 (60 points) est très facilement atteint pour l’ensemble des projets étudiés.
- Le Bbio moyen issu du lot RT2012 est inférieur de 20% par rapport à l’exigence réglementaire RT2012 (Bbio max) (Cf. Figure 1).
Figure 1 : Présentation des Bbio et Bbio max par zone climatique et typologie de bâtiments pour le lot d’étude RT2012
- Le niveau de Bbio des bâtiments du lot RT2012 varie en fonction des différentes zones climatiques et également par le biais de :
- la surface des logements,
- la compacité1 des bâtiments, notamment en logements collectifs. - Les Bbio moyens des projets issus du lot E+C- de niveau 1 et dans certains cas de niveau 2, sont moins performants que les Bbio moyens des projets du lot RT2012, en zone H1 et H2.
- Les bâtiments du lot Effinergie+ présentent un Bbio inférieur en moyenne de 30% au Bbio max du lot RT2012, quel que soit le type du bâtiment et la zone climatique.
Propositions :
- Intégrer une modulation du Bbio dans la prochaine règlementation thermique en fonction de la compacité des logements, à l’instar des labels Effinergie 2017, afin de limiter la distorsion actuelle qui permet aux bâtiments les plus compacts de respecter facilement l’exigence Bbiomax avec des niveaux de prestation d’enveloppe moindre. L’objectif est de permettre un rééquilibre des prestations entre les différents types de bâtiments.
- Revoir l’exigence du Bbio max à 60 points de la RT2012 sur la base des exigences des labels Effinergie, à savoir Bbio max -20%.
1 La compacité est égale à la surface déperditive divisée par le volume habitable. Plus le facteur est faible, plus le bâtiment a une meilleure compacité.
Les déperditions du bâtiment (Ubat)
Tableau 1 : Déperditions des bâtiments des lots RT2012, Energie 2 de l’expérimentation E+C- et BBC-Effinergie
Principaux enseignements
- L’enveloppe thermique des projets issus du lot RT2012 est moins performante que celle des projets BBC-Effinergie. Par ailleurs, les déperditions moyennes des bâtiments issus du lot RT2012 sont plus importantes que celles des projets Energie 2 de l’expérimentation E+C-.
- L’absence de prise en compte de la compacité dans le Bbio max de la RT2012 en logements collectifs est un facteur de premier ordre sur le Ubat2. En effet, comme le montre la figure 2, les bâtiments les plus compacts ont un Ubat plus élevé tout en respectant facilement les exigences de la règlementation thermique.
Figure 2 : Corrélation entre la compacité et les déperditions pour les logements collectifs RT2012
Les résistances thermiques des parois opaques
Avant-propos :
L’ensemble des résistances thermiques des parois présentées dans ce rapport sont équivalentes à des Rparois, soit égales à 1/Up, avec comme source les Up des parois opaques issues des calculs RT2012.
En conséquence, afin d’obtenir le niveau moyen d’isolation par paroi, il faut soustraire l’ensemble des résistances thermiques des éléments qui les composent :
- Les résistances superficielles, issues de la méthode de calcul réglementaires3,
- Les résistances des éléments de structure,
- Les résistances inhérentes aux systèmes d’isolation (plaque de plâtre, lame d’air…).
Les valeurs de résistances thermiques issues des statistiques des bases de données apparaissent plus élevées que les résistances thermiques des projets actuels. Ceci est dû au fait que la base statistique utilisée comporte des bâtiments conçus au lancement de la RT2012 et correspondent donc au niveau des bâtiments certifiées BBC effinergie période 2009 – 2013.
2 Les déperditions théoriques d’un bâtiment par transmission à travers les parois, les baies et les ponts thermiques sont caractérisées par le coefficient moyen de déperdition appelés Ubat, exprimé en W/m².K et déterminé par la méthode de calcul TH-C-E. Plus un Ubat est faible plus le bâtiment est performant.
3 Règles Th-bat - Fascicule généralités - 0,17 m².K/W pour les murs - 0,21 m².K/W pour les planchers bas - 0,14 m².K/W pour les toitures.
Principaux enseignements
Tableau 2 : Résistances thermiques des parois opaques et vitrées des projets du lot RT2012 en zone H1 suivant la typologie de bâtiment
- Les résistances thermiques des parois des projets du lot RT2012 sont moins performantes que celles mises en oeuvre dans les projets BBC-Effinergie. Cela est cohérent avec les points précédents (Bbio et Ubat plus élevés en dans les projets du lot RT2012).
- Les résistances thermiques des projets du lot Energie 2 sont relativement proches des résistances observées dans les projets BBC Effinergie,
- Les résistances thermiques des projets du lot Energie 3 sont relativement proches des résistances observées dans les projets Effinergie+ et Bepos Effinergie 2013,
- Logiquement, les niveaux de résistances thermiques des parois opaques augmentent avec le niveau énergétique visé.
Tableau 3 : Comparatif entre les résistances thermiques des projets Effinergie+ et RT2012
La RT 2012 a permis et engendrée une dégradation sensible de la qualité thermique des enveloppes par rapport aux projets BBC-Effinergie. Cette dégradation s’explique avec une valeur de Bbio max de 60 points (sans modulation) au lieu d’un équivalent 50 points pour le label BBC-Effinergie de 2007. Par ailleurs, la dégradation de l’enveloppe se trouve renforcée par l’absence de prise en compte de la compacité.
Les ponts thermiques du bâtiment
Avant-propos :
L’exigence réglementaire sur les ponts thermiques est définie dans l’article 19 de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif aux caractéristiques thermiques et aux exigences de performance énergétique des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles de bâtiments : « Le ratio de transmission thermique linéique moyen global, Ratio Psi, des ponts thermiques du bâtiment n’excède pas 0,28 W/(m².K).... De plus, le coefficient de transmission thermique linéique moyen des liaisons entre les planchers intermédiaires et les murs donnant sur l’extérieur ou un local non chauffé, Psi 9, n’excède pas 0,6 W/(ml.K) ».
Tableau 4 : Présentation des ratio Psi et Psi 9 pour des projets du lot Effinergie + et du lot RT2012, toutes zones climatiques confondues
Principaux enseignements
- Sur l’ensemble des projets étudiés (RT2012, Effinergie, E+C-), les valeurs de Psi global du bâtiment et Psi9 plancher sont bien en deçà des exigences réglementaires. A titre d’exemple, les gains par rapport à l’exigence réglementaire en RT2012 et Effinergie+ sont respectivement :
- de 30% et 39% pour le Psi Global en zone H1,
- de 21% et 45% pour le Psi 9 en zone H1. - Le traitement des ponts thermiques est systématiquement plus performant sur les projets labélisés Effinergie que ceux réalisés au niveau du lot RT2012, quel que soit le type de bâtiment.
- Pour l’ensemble des projets étudiés, les valeurs de Psi global et Psi 9 dépendent du type d’isolation mise en oeuvre (extérieure ou intérieure) et du nombre d’étages du bâtiment.La part des déperditions par les ponts thermiques est plus importante dans les logements collectifs (26% des pertes totales) que dans les maisons individuelles en secteur diffus (11% des pertes totales) ou groupées (19% des pertes totales). Le traitement des ponts thermiques est donc un enjeu déterminant pour limiter les déperditions des bâtiments en assurant une homogénéité de l’enveloppe bâtie pendant toute la durée de vie du bâtiment.
- Les niveaux de performance des Psi 9 et Ratio Psi dans les projets du lot RT2012 et du lot Effinergie interrogent sur la bonne prise en compte de l’ensemble des ponts thermiques dans les études thermiques étudiées.
Proposition
- Abaisser le niveau d’exigence du Psi max global en dessous de 0,22 W/m².K et conserver le Psi 9 à 0,6 W/ml.K.
La consommation énergétique
Principaux enseignements
- Les bâtiments du lot RT2012 atteignent des niveaux de consommation moyens de :
- 52 kWhep/m².an pour les logements individuels en secteur diffus,
- 62 kWhep/m².an pour les logements collectifs.
Figure 3: Comparaison des consommations énergétiques (Cep) et des exigences réglementaires (Cep max) par zones climatiques et par typologie de bâtiments pour le lot RT2012
L’écart de consommation entre les logements collectifs et individuels s’explique par la dérogation accordée sur l’exigence de consommation des logements collectifs. En effet, les logements collectifs ont une exigence réglementaire (Cep max) de 57,5 kWhep/m².an contre 50 kWhep/m².an pour les logements individuels.
- Le niveau de consommation Cep de l’ensemble des bâtiments étudiés est inférieur de 10% à 20% par rapport à l’exigence réglementaire Cep max.
- Le changement de zone climatique a un fort impact sur le niveau de consommation autorisé.
- Le choix de l’énergie de chauffage, au sein d’une même zone climatique, peut impacter le niveau de consommation de 15% à 30% en secteurs diffus4.
- Le niveau de consommation des projets issus du lot Effinergie, par rapport aux projets du lot RT2012, est inférieur de 20% à 30% suivant le type de bâtiments.
Propositions :
- Annuler les dispositions de l’arrêté du 21 décembre 2017 sur la prorogation de l’exigence moyenne de 57,5 kWhep/m².an en logements collectifs.
- Revoir les niveaux d’exigence pour les logements individuels et tertiaires à l’instar des labels Effinergie, ie :
- Abaisser l’exigence réglementaire de 20% en résidentiel,
- Abaisser l’exigence de 20% à 40% en tertiaire suivant l’usage du bâtiment5.
4 Les bâtiments collectifs et groupés étant chauffés à plus de 90% au gaz sur les échantillons étudiés, l’analyse par énergie de chauffage n’a pas été réalisée
5 Référentiel Effinergie+ www.effinergie.org/web/les-labels-effinergie/le-label-effinergie-plus
Résidence le Patio – MO : Immobilière Basse Seine – Architecte : BE Paris Bepos-Effinergie 2013
Synthèse des propositions
Médiathèque Aimé Césaire MO : 3M Montpellier Gardin et Gabriel Architectes François guibert Architectes Bepos-Effinergie 2013
La conception bioclimatique – le Bbio
- Proposition 1 : Intégrer une modulation du Bbio dans la règlementation thermique en fonction de la compacité des logements, à l’instar des labels Effinergie permettant un équilibre des prestations entre les différents types de bâtiments.
- Proposition 2 : Abaisser l’exigence Bbio max de 20% sur la base des exigences du label Effinergie+.
Les ponts thermiques du bâtiment
- Proposition 3 : Abaisser le niveau d’exigence du Psi max global en dessous de 0,22 W/m².K et conserver le Psi 9 à 0,6 W/ml.K
La consommation énergétique
- Proposition 4 : Annuler les dispositions de l’arrêté du 21 décembre 2017 sur la prorogation de l’exigence moyenne de 57,5 kWhep/m².an en logements collectifs.
- Proposition 5 : Revoir les niveaux d’exigence pour les logements individuels et tertiaires à l’instar des labels Effinergie, ie :
- Abaisser l’exigence réglementaire de 20% résidentiel
- Abaisser l’exigence de 20% à 40% en tertiaire suivant l’usage du bâtiment6
6 Référentiel Effinergie+ www.effinergie.org/web/les-labels-effinergie/le-label-effinergie-plus
Par Yann DERVYN, Directeur du Collectif effinergie
Etude réalisée avec le soutien du « Collectif Isolons la Terre contre le CO2 », Saint Gobain ISOVER et la Fédération Françaises des Tuiles et Briques, membres et partenaires de l'association Effinergie.
Source et lien
Bonjour,
Le ton était peut-être trop direct et passionné, et il a de plus confondu Effinergie et Certivéa, mais je suis assez d'accord avec le commentaire de robert du 10/07.
Et en particulier avec le paragraphe sur le label E+C- qui ressemble à un ratage, hormis la comm des gros promoteurs/constructeurs (je constate que la communication officielle a été très discrète cette dernière année, exemple : le forum d'utilisateurs qui a disparu du site batiment-energiecarbone.fr depuis quasi 2 ans, ce qui est assez incompréhensible pour ne pas être grossier).
L'intervenant précédent ne mentionnait que le niveau E4, mais c'est surtout la partie carbone qui traîne son lot de défauts. S'engager en MOE sur une labellisation, quand le contenu des FDES de la base INIES fluctue en permanence est délicat : les BE qui réalisent les études ACV sont toujours au cul des BE structure et des économistes qui n'ont aucune donnée exploitable et fiable à fournir avant le PRO, quand les économistes ne refusent tout simplement pas qu'on utilise leurs métrés pour nos calculs. La nécessité d'anticiper très tôt certains éléments cruciaux est déconnectée de la réalité des choses en conception MOP.
Quid de :
- il a fallu attendre plus de 2 ans pour avoir une segmentation des MDEGD des isolants en fonction du R. Je prends l'exemple du MDEGD du polyuréthane toiture limité à R=10 depuis le début, donnée pour R=< 5 depuis à peine un an (et cela est valable pour tous les postes d'isolation). Pourquoi n'a-t-on jamais eu une échelle croissante de données sur le R par pas de 2 ?
- le configurateur de-bois qui impose au BE de payer pour avoir la main complète sur les différentes données de la FDES établie. En accès gratuit, on peut modifier la distance site de production-chantier pour un impact pas si important (youpi). Et on nous dit que les BE devront se former à utiliser tous les configurateurs : scandaleux.
- les coefficients de sécurité (qu'on peut voir en tout petit en base d'un tableau sur les fiches des MDEGD) allant jusqu'à 200% dans catégories où il y a peu de FDES spécifiques : pas étonnant que des projets calent sur le niveau carbone. Ces coefficients sont-ils supposer évoluer ?
- enfin, je lis sur le rapport de synthèse de l'OBEC publié ce 12 mai que moins de 250 calculs ont été réalisés en 2 ans et quelques. Et on veut donc asseoir les futurs seuils réglementaires/labels en partie sur les résultats issus d'un échantillon qui n'a rien de statistiquement représentatif ? Ridicule et parfaitement français.