Par Cédric FONTAINE – Dirigeant fondateur de Fontaine Ingénierie
Naissance de la récupération des eaux de pluie
Le 21 août 2008 peut être considéré comme la naissance officielle de la récupération des eaux de pluie en France. Bien sûr, de nombreuses installations ont vu le jour en France avant cette date mais elles ont été mises en place dans un contexte législatif incertain et au bon vouloir de chaque DDASS (direction départementale des affaires sanitaires et sociales). Seule la volonté des maîtres d’ouvrage permettait de franchir les difficultés administratives liées à la volonté de protéger la ressource en eau que chacun pensait inépuisable.
Ce 21 août 2008, nos députés votent un arrêté à caractère national qui autorise et encadre officiellement la mise en place d’unité de récupération des eaux de pluie à des fins de réutilisation en dehors et à l’intérieur des bâtiments. Cet arrêté présente les grandes modalités à respecter dans un document de 4 pages à savoir :
→ Définition de l’eau de pluie : eau issue d’une toiture non accessible au public
→ Les grands principes de stockage : filtration en amont de la citerne et stockage dans un contenant opaque, composé d’un matériau neutre et équipé d’une entrée tranquille
→ Règle de protection du réseau d’eau de ville avec la mise en place d’une disconnexion physique de type AA ou AB
→ Comptage des eaux de pluie utilisées puis rejetées vers un réseau d’assainissement public
→ Utilisation potentielle des eaux de pluie
Pourquoi valoriser les eaux de pluie
Les avantages écologiques directs
L’impact premier est la réduction du stress hydrique. Chaque mètre cube d’eau de pluie consommé n’est pas pompé dans une nappe phréatique souterraine ou un point de captage aérien.
Un autre impact écologique important est le rôle positif de la récupération des eaux de pluie sur la maitrise du ruissellement urbain. L’installation d’une citerne de stockage aura un effet bénéfique sur la réduction des eaux de pluie rejeté au réseau et donc sur le lessivage des stations d‘épuration lorsque les communes possèdent des réseaux unitaires (ce qui est le cas de nombreuses grandes agglomérations). Même en dehors des zones urbanisées, l’impact est positif.
Un lotissement de 100 maisons équipées chacune d’une cuve de 3000 litres pourra lors d’un orage en période estivale avoir une capacité de rétention de 250 m³ (100 citernes * volumes utiles de 2500 litres).
Un hôtel situé dans un bâtiment en R+5 pourra ne plus rejeter d’eau de pluie au réseau si les sanitaires des clients sont alimentés par cette eau de pluie.
Les avantages écologiques indirects
La réduction des consommations électriques. La consommation électrique pour rendre potable et acheminer un mètre cube d’eau est importante. Il est nécessaire de pomper l’eau dans une nappe, de la filtrer puis de la surpresser sur de grandes distances. L’eau de pluie récupérée ne nécessite que très peu de traitement et la surpression pour alimenter les points de consommation est réalisée sur de très courtes distances.
Maintien d’îlot de fraîcheur : de plus en plus d’élus souhaitent mettre en place des îlots de fraicheur afin d’améliorer les conditions de vie des citadins lors d’épisodes caniculaires qui seront de plus en plus nombreux dans les années à venir. Maintenir un îlot de fraicheur impose d’arroser régulièrement les espaces verts. Si cet arrosage est réalisé à l’eau de ville, l’effet secondaire sur une ressource en tension peut annuler l’effet bénéfique initial. La mise en place d’unités de récupération des eaux de pluie sur les différents bâtiments gérés par la collectivité à destination de l’arrosage permet de maintenir efficace ces îlots de chaleur sans aggraver le stress hydrique.
Les avantages économiques
Le premier avantage économique est la réduction de la facture d’eau pour l’utilisateur. L’eau de pluie est une ressource gratuite et abondante. Pour chaque mètre cube d’eau de pluie consommé c’est un mètre cube d’eau potable non consommée. Ces économies annuelles peuvent représenter quelques centaines d’euros pour un particulier à plusieurs milliers d’euros pour un industriel.
La mise en place d’une unité de récupération des eaux de pluie peut aussi permettre une continuité de fonctionnement de certaines installations. C‘est le cas pour un professionnel du lavage automobile. En cas d’arrêtés sécheresse, il peut être décidé par les autorités l’interdiction du lavage de véhicule entraînant de fait la fermeture des stations de lavage. Cependant, même en période de sécheresse, il continue de pleuvoir – souvent de façon violente et espacée – et il est possible de remplir les cuves de stockage pendant ces averses. L’eau ainsi récoltée permettra d’alimenter la station de lavage qui pourra accueillir de nouveaux clients tout en respectant l’arrêté sécheresse puisque le fonctionnement avec de l’eau de pluie reste autorisé. Ce constat est vrai pour chaque application qui peut être interdite lors d’un arrêté sécheresse
Exemple : Nettoyage possible de la voirie pour une collectivité pendant la sécheresse du 1er semestre 2017 en Bretagne.
Toiture de 10.000 m² / Rennes / consommation d’eau : 58 m³ par semaine
L’installation d’une unité de récupération des eaux de pluie permet de garantir un entretien minimum de la voirie nécessaire au maintien de l’hygiène publique.
Le marché
Le marché de la récupération des eaux de pluie peut être segmenté en trois marchés.
Les installations « jardinages »
Ces installations consistent à positionner une unité de stockage sous une descente de gouttière. L’eau récupérée dans une citerne dont le volume est de quelques centaines de litres est utilisée à des fins d’arrosage d’espaces verts, majoritairement via le remplissage d’un arrosoir. Plusieurs dizaines de milliers d’installations sont réalisées chaque année sur ce marché dominé par la GSB (grande surface de bricolage) et les jardineries.
Les installations « domestiques »
Ces installations ont connu une forte évolution entre 2008 et 2011 suite à la mise en place par les autorités d’un crédit d’impôt. Depuis 2011, ce marché a chuté jusqu’à connaître un plus bas en 2016 (15.000 unités vendues/an) puis une stabilisation. Les installations sont composées d’une cuve – le plus souvent enterrée – de 2 à 5 m3 couplée à une unité de surpression qui permet une alimentation automatique en eau de ville en cas de sécheresse. Les postes alimentés en eau de pluie sont les sanitaires, l’arrosage des jardins et dans une moindre mesure l’alimentation du lave-linge.
Les installations « collectives »
Ce marché est celui qui connaît aujourd’hui la plus forte croissance. Il concerne à la fois
o les collectivités (collèges, lycées, salle de sport, services techniques, …)
o les commerces (grandes distributions, concessionnaires automobiles, …)
o le tertiaire (alimentation de sanitaires de bureaux, de cinémas, ..)
o les transporteurs (de voyageurs ou de marchandises)
o les industries (refroidissement de pièces, nettoyage d’usines, …)
Les impacts écologiques et économiques de ces installations sont beaucoup plus marquants que pour une installation domestique avec des retours sur investissement pouvant être inférieur à 5 ans. Les installations gardent le même principe qu’une installation domestique : l’eau est filtrée avant d’être stockée dans une citerne. Un module de surpression permet d’alimenter les différents points de consommation en eau de pluie ou en eau de ville en cas de sécheresse. Une filtration complémentaire à la filtration amont est mise en place ainsi qu’un comptage des eaux de pluie. Le dimensionnement des ouvrages sera adapté à chaque dossier.
Des dossiers économiquement viables
Cas N°1 – rénovation d’un lycée
Potentiel de récupération d’eau
Ce lycée situé dans le département de la Sarthe comprend plusieurs bâtiments avec des toitures elles aussi différentes :
• toiture végétalisée : 850 m²
• toiture zinc : 1185 m²
• Membrane : 232 m²
Les coefficients de restitution de l’eau de pluie sont différents en fonction du type de toiture. Nous avons donc recalculé un équivalent toiture zinc de 1768 m².
Cette surface nous permet de récolter en moyenne 1092 m³/an
Consommation d’eau
Consommation d’eau pour les postes précités :
• Poste de consommation : sanitaires
• Nombre d’élèves du lycée : 700
• Utilisation des sanitaires : le lycée possède plusieurs blocs sanitaires. Le bloc qui sera alimenté en eau de pluie est le plus important. 50% de la consommation d’eau des sanitaires du lycée sera effectué sur ce bloc.
La consommation d’eau annuelle est de : 631 m³
Les résultats de l’étude
La courbe de dimensionnement réalisée en respectant la méthodologie de calcul exprimé dans la norme NF P16-005 est la suivante :
La recommandation consiste à installer une citerne de 20 m³ afin de réduire les budgets d’investissement et ainsi maintenir un retour sur investissement inférieur à 10 ans malgré un dossier qui n’est pas optimisé.
Ce dossier n’est pas optimisé car la récupération des eaux de pluie est réalisée dans le cadre d’une rénovation lourde et non d’une construction neuve. L’ensemble de l’eau récupérée n’est pas utilisée (seul 50% des sanitaires sont alimentés en eau de pluie) et aucune utilisation n’est prévue hors période scolaire.
Cas N°2 – transporteur routier
Potentiel de récupération d’eau
L’entrepôt logistique est situé au sud de Rennes.
• Surface totale 24.000 m²
• Surface exploitée : 9.000 m²
• Type de toiture : bac acier
Cette surface nous permet de récolter en moyenne 5.933 m³/an
Consommation d’eau
Consommation d’eau pour les postes précités :
• Poste de consommation : Nettoyage haute pression et rouleau
• 5.7 m³ / mois pour le lavage haute pression
• 58 m³/an pour le lavage rouleau
La consommation d’eau annuelle est de : 3354 m³
Les résultats de l’étude
La courbe de dimensionnement réalisée en respectant la méthodologie de calcul exprimé dans la norme NF P16-005 est la suivante :
Le volume d’eau annuellement économisé sera compris entre 2683 m³ (citerne de 20 m³) et 3.000 m³ (citerne de 30 m³) soit une économie proche de 10.000€.
L’investissement sera compris entre 20.000 et 30.000€ en fonction du choix de matériel et du volume de la citerne choisie soit un retour sur investissement estimé à 3 ans.
Fait par Cédric FONTAINE – Dirigeant fondateur de Fontaine Ingénierie,
bureau d’études spécialisé dans la gestion des eaux pluviales et la valorisation des eaux de pluie
Pour aller plus loin …
Guide de l’eau de pluie 2018/2019 – Optimiser la récupération d’eau de pluie
Source et lien
À PROPOS DE L'AUTEUR
Créateur d’entreprise et spécialiste de la gestion des eaux depuis 2005, j’ai depuis toujours la volonté d’innover et d’expérimenter pour offrir à mes partenaires des solutions techniques et économiques novatrices leur permettant de gagner en efficacité.
Pour mettre en application cette nouvelle vision de mon métier, j’ai créé la société Fontaine Ingénierie, spécialisée dans la réalisation d’études de faisabilité, d’études techniques, d’accompagnement et de formation. Novatrice dans son offre, Fontaine Ingénierie, s’adresse à la fois aux maîtres d’œuvre et d’ouvrage, aux distributeurs, aux installateurs et aux fabricants.
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Bonjour,
Dans le cas du lycée 2 fautes de frappe se sont glissées dans la fin de la phrase ci-dessous: je pense qu'il faut lire " aucune utilisatioN n’est prévue HORS période scolaire."
Ce dossier n’est optimisé car la récupération des eaux de pluie est réalisée dans le cadre d’une rénovation lourde et non d’une construction neuve. L’ensemble de l’eau récupérée n’est pas utilisée (seul 50% des sanitaires sont alimentés en eau de pluie) et aucune utilisatio n’est prévue en période scolaire.