Par Charles PELE - Département Energie Environnement au CSTB
Confort d’été et RE2020
1. Contexte et nouvelle méthode d’appréciation du confort intérieur
La qualité des ambiances habitées a un impact direct sur le bien-être de ses occupants : sur leur confort, mais également leur santé. Elle a également un effet sur la performance énergétique des bâtiments, par les consommations de climatisation et/ou de chauffage. Ces espaces intérieurs répondent aux besoins thermiques des occupants selon la combinaison de plusieurs variables physiques telles que la température, la vitesse de l’air, l’humidité…
La nouvelle règlementation environnementale RE2020 a trois objectifs principaux :
- donner la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l’énergie ;
- diminuer l’impact carbone de la construction des bâtiments ;
- en garantir le confort en cas de forte chaleur.
La notion de confort intérieur introduit dans la RE2020 s’appuie sur des travaux de recherche menés au CSTB et dans d’autres laboratoires de recherche.
Afin d'évaluer l'impact global des interactions des ambiances thermiques avec les occupants, plusieurs familles d'indices ont été mises au point afin d’appréhender a priori le confort thermique et le stress thermique. L’ensemble de ces indices peut être sommairement classé en trois catégories :
- Les indices basés sur les mesures directes des variables environnementales de l’ambiance considérée : Température opérative, humidité ;
- Les indices empiriques basés sur des variables physiologiques et les réponses psychologiques de la zone neutre (confort adaptatif)
- Les indices rationnels ou analytiques basés sur l’équation du bilan thermique du corps humain.
Le CSTB a travaillé sur ce sujet de confort thermique selon les 3 catégories [1,2]. De plus, en lien avec les règlementations du bâtiment, le CSTB a élaboré depuis 2011 une nouvelle méthodologie d’appréciation du confort thermique intérieur. Dans le cadre d’un projet de recherche avec des laboratoires universitaires, des bureaux d’études thermiques, nous sommes arrivés à un consensus sur une méthode associant la notion de confort adaptatif et les effets cumulatifs de l’exposition. Pour une représentation fidèle du comportement thermique des ambiances intérieures, en particulier dans les bâtiments avec des dalles épaisses à l’instar d’un terre-plein, le modèle thermique du cœur de calcul a été amélioré en ajoutant des inerties séquentielles et annuelles. Les résultats obtenus à la fin de ce projet ont montré toute la pertinence de la méthode et la cohérence des résultats avec ceux d’autres outils. Ces travaux ont été complétés régulièrement par l’amélioration des scénarios de l’ouverture des fenêtres, de gestion des protections solaires, ainsi que par l’ajout de systèmes de rafraîchissement peu consommateur d’énergie.
C’est ainsi qu’une nouvelle méthode d’appréciation du confort intérieur a été intégrée au cœur de calcul de la future RE2020. Elle a été testée et améliorée en vue d’identifier les seuils pouvant être mis en place dans le cadre de la règlementation environnementale obligatoire.
Cet article vise à décrire la méthode d’appréciation du confort d’été mise en œuvre dans la RE2020, et à apprécier le saut en termes d’exigence par rapport à la RT2012.
2. La méthode d’appréciation du confort d’été
La méthode d’appréciation du confort d’été vise donc à évaluer le confort intérieur des bâtiments à travers un indicateur performanciel qui tient compte de la durée et de l’intensité de l’inconfort, et qui s’appuie sur les principales conventions actuelles du cœur de calcul et les zones de confort actuelles.
2.1 Les fichiers météorologiques de la RE2020
Les fichiers météorologiques de la RE2020 ont été mis à jour par Météo-France, pour prendre en compte les évolutions de ces dernières années. Ces fichiers météorologiques reconstitués et adaptés aux 8 zones climatiques de France métropolitaine sont utilisées pour calculer les besoins (Bbio) et les consommations (Cep et Cep,nr).
Par ailleurs, afin de tenir compte de l’apparition de plus en plus fréquente des canicules, une séquence caniculaire sélectionnée par Météo-France (il s’agit de la séquence caniculaire d’Août 2003) a été insérée dans les fichiers météorologiques utilisés pour le calcul de l’indicateur de confort d’été.
Les températures extérieures pour le mois d’Août entre le fichier de base utilisé pour le calcul du Bbio et du Cep et le fichier qui intègre la canicule de 2003 pour le calcul du confort d’été sont représentés dans le graphe ci-dessous :
RE2020 : Evolution horaire de la température extérieure en zone H1a
2.2 Le confort adaptatif
Nous définissons la température limite d’inconfort chaud. Cette limite intègre le confort adaptatif.
La température de confort adaptatif est fonction d’une moyenne glissante de la température extérieure, pour prendre en compte le fait que l’occupant ne ressent pas le même inconfort s’il a fait chaud les jours précédents ou non (confort adaptatif). L’adaptation est physiologique et comportementale.
La norme NF EN 116798-1, dans sa partie informative, définit la zone de confort pour plusieurs catégories d’usage. Par cohérence avec les conventions de Th-BCE, donnant une température de consigne de refroidissement pour les bâtiments climatisés, la température d’inconfort chaud calculée précédemment est bornée en partie basse par la température de consigne de refroidissement. La zone de confort et celle d’inconfort sont donc représentées comme ci-dessous :
Zones de confort et d’inconfort (norme NF EN 116798-1)
A chaque pas de temps horaire, la température opérative est calculée et l’écart à la température limite d’inconfort est évalué. Cet écart est pris en compte en présence d’occupants et hors période de chauffage. Avec la somme des écarts de température sur l’ensemble des heures de l’année, nous obtenons une valeur de l’indicateur de confort de degrés-heures (en °C.h).
2.3 L’enchainement des calculs règlementaires. L’indicateur de confort d’été DH
Le premier calcul effectué permet de déterminer l’indicateur de confort d’été DH. L’appréciation du confort d’été est encadrée par deux seuils.
- Le seuil bas est fixé à 350 DH (degrés-heures). En dessous de ce seuil, le bâtiment est réputé confortable.. Les calculs de Bbio, de Cep et de Cep,nr sont alors réalisés après le calcul des degrés-heures d’inconfort.
- Au-dessus du seuil haut, le bâtiment est réputé ne pas être confortable pour les occupants et l’exigence de confort n’est pas respectée. Le bâtiment en l’état ne sera pas règlementaire. Le niveau du seuil haut varie selon des critères définis par arrêté (l’usage du bâtiment, …).
- Entre les deux seuils, le bâtiment est réglementaire du point de vue du confort d’été, et les calculs de Bbio et Cep sont ensuite réalisés, cependant une pénalisation de la consommation de refroidissement est ajoutée aux consommations calculées dans le mode Th-C.
- En effet, lorsque le seuil bas de confort d’été est dépassé, il y a un risque d’inconfort modéré lors de périodes caniculaires. Afin d’inciter les projets à se rapprocher du seuil bas, notamment par l’amélioration de la conception bioclimatique, une pénalisation des consommations de froid est mise en œuvre.
- La pénalisation de consommation de refroidissement ajoutée aux consommations énergétiques du bâtiment est linéaire en fonction du dépassement des DH par rapport au seuil bas. Ainsi, plus le nombre de degrés-heures d’inconfort a été important lors du calcul en mode confort, plus la pénalisation de consommation de refroidissement imputée sur les consommations sera important.
Cet enchainement de calculs est schématisé ci-dessous :
Les systèmes de rafraîchissement passifs ou doux saisis pour le projet de bâtiment sont activés et modélisés dans les modes de calcul du confort d’été et de la consommation . Ainsi, ils participent au confort intérieur et à la consommation globale du bâtiment.
Les bâtiments ou les parties de bâtiment (zones, groupes) modélisés avec des systèmes de refroidissement ne sont pas concernés par l’ajout du forfait. Les consommations de ces systèmes sont calculées sur la base des performances saisies et de la température de consigne règlementaire. L’indicateur DH est calculé, sans activation de la climatisation. Le seuil haut doit être respecté.
2.4 Les systèmes de refroidissement passifs et doux
De nombreux éléments du bâti contribuent au confort intérieur : l’orientation du bâtiment, sa compacité, l’isolation, l’inertie, les ouvrants, les systèmes d’occultation mais il est également possible de limiter les gains internes liés aux déperditions des équipements ou encore d’utiliser des éléments de l’environnement comme les masques solaires (végétation…).
En ce qui concerne les ouvrants et les protections solaires mobiles, leurs gestions ont été améliorées pour favoriser la ventilation naturelle et limiter les apports solaires en journée, tout en conservant un niveau lumineux suffisant. Ces effets peuvent être pris en compte dans la modélisation réglementaire.
Les systèmes de rafraichissement, appelés « doux » ou « passifs » qui participent au maintien du confort intérieur et modélisés dans le cœur de calcul sont les suivants :
- brasseurs d’air
- géocooling
- humidification direct ou indirect (appelé rafraîchissement adiabatique direct ou indirect)
- sur ventilation nocturne (par ventilation mécanique)
Leurs performances sont saisies par l’utilisateur et leurs fonctionnements dépendent de leurs modes de gestion. La description algorithmique, de ces systèmes comme de l’ensemble des éléments du bâtiment est disponible sur le site legifrance.gouv.fr .
La description de l’enchainement des calculs règlementaires fait apparaitre l’imbrication de 3 objectifs : énergie, carbone et confort, imbrication qui nécessite des ajustements lors de la conception.
3. Résultats : une RE2020 plus exigeante
Rappelons que la RE2020 embarque 3 objectifs pour les bâtiments neufs :
- Poursuivre l’évolution de la construction neuve vers la sobriété énergétique
- Diminuer l’impact carbone des bâtiments neufs, tout au long de leur cycle de vie
- Et enfin, garantir le confort d’été.
Ce troisième volet de la RE2020 est essentiel, et la suite de cette note montre les efforts à fournir pour construire des bâtiments neufs suffisamment confortables. La notion de confort intérieur ne peut pas être décorrélé de l’objectif de sobriété énergétique, objectif traduit par les indicateurs Bbio et Cep.
Nous avons modélisé des bâtiments règlementaires RT2012 avec le code RE2020. Nous avons vérifié l’atteinte des seuils pressentis en résidentiel (maisons individuelles et logements collectifs) pour ce code RE2020. Rappelons que la méthode RE2020 a évolué par rapport à la RT2012 sur la météo, sur les surfaces de référence, sur les besoins de froid systématiquement inclus dans le Bbio, sur certaines hypothèses et certains modèles physiques.
Ainsi, 21 maisons individuelles équipées de différents systèmes ont été modélisées sur les 8 zones géographiques ce qui représentent 133 cas différents qui respectaient initialement les seuils RT2012. 13 à 18 cas sont répartis dans chaque zone climatique. Seuls 4 cas sont réglementaires en RE2020 et uniquement sur les zones H1a et H2a. L’exigence sur le Bbio élimine 90 cas (68%), l’exigence sur le Cep,nr élimine 96 cas (72%) et l’exigence sur le confort d’été élimine 43 cas (33%). De nombreux cas sont éliminés par plusieurs indicateurs simultanément. Les 4 cas réglementaires RE2020 ont un indicateur de confort dans la plage intermédiaire. Ces cas ont donc un forfait de consommation qui est faible au regard des autres postes (de la consommation d’éclairage, par exemple). Les cas règlementaires RT2012 qui sont règlementaires en RE2020, ont des niveaux Bbio RT2012 inférieur :
- à 20% au seuil RT2012 pour un cas étudié ;
- de 30 à 40 % aux seuils RT2012 pour les trois autres cas étudiés.
Pour les maisons individuelles, la RE2020 est plus exigeante que la RT2012. Le confort d’été en RE2020 est donc une exigence forte, et deux indicateurs ont un impact sur cette thématique : les degré heure bien sûr, et le Bbio. Ce Bbio inclus le Besoin de froid et l’exigence associée est fortement renforcée. Une conception optimale du bâti pour les périodes hivernales et estivales facilitera l’atteinte des exigences sur le Bbio et sur le confort d’été.
Cette analyse a été reproduite sur des logements collectifs : 7 bâtiments et différents systèmes modélisés sur 7 zones géographiques ce qui représentent 84 cas étudiés. 16 cas RT2012 sont réglementaires en RE2020, 50% des cas ne sont pas règlementaires du fait du Bbio, 42% du fait du Cep,nr et 38% du fait de l’indicateur de confort d’été.
Ces éléments indiquent que la RE2020 est plus exigeante que la RT2012. L’exigence sur le confort d’été renforce la nécessité de travailler sur l’amélioration du bâti et des systèmes pour mieux maîtriser le confort intérieur. Le renforcement de l’exigence sur le Bbio ( 20 % mini, et plutôt autour de 30% ) impacte fortement les consommations de chauffage et favorisera l’atteinte de l’exigence en confort d’été, avec une conception adaptée. L’indicateur Cep,nr est plus exigeant que l’indicateur Cep, pour ce qui concerne les conceptions RT2012.
L’exigence sur le confort d’été renforce la nécessité de travailler sur l’amélioration du bâti et son intégration
4. Conclusion « RE2020 et confort d’été »
Pour répondre aux objectifs de bien-être et de sobriété énergétique les exigences réglementaires ont été revues, dans la RE2020. La méthode d’appréciation du confort intérieur calcule le nombre d’heures d’inconfort dans les bâtiments modélisés. L’exigence associée est composée de deux seuils. Le seuil bas délimite un confort sans ou avec refroidissement.
Au-dessus de ce seuil une pénalisation sur la consommation est introduite. La conception bioclimatique des bâtiments neufs est encouragée par cette méthode, puisqu’il faut, à la fois, minimiser les consommations et maximiser le confort intérieur. La méthode intègre les évolutions/innovations technologiques qui se sont popularisées ces dernières années à l’instar des systèmes qui valorisent les énergies renouvelables.
Les résultats sur des maisons individuelles et sur des bâtiments de logements collectifs - RT2012 - indiquent un renforcement des exigences sur le confort intérieur, mais aussi sur le besoin bioclimatique, et la consommation en énergie. Il apparait que les exigences ont été renforcés de manière équivalente sur les indicateurs cités précédemment. Les bâtiments RT2012 ont des valeurs de degré heure situées généralement entre les deux seuils. La RE2020 renforce donc la nécessité de travailler sur le bâti pour diminuer l’inconfort et donc la pénalisation de consommation.
L’outil de calcul énergétique de la RE2020 modélise les phénomènes physiques mis en jeux et calcule, dans un cadre conventionnel pour les usages et le climat, les critères réglementaires performanciels. Il permet donc de conserver la liberté de concevoir et de garantir une sélectivité équitable entre les projets de construction.
Bibliographie :
[1] : Mohamad EL KADRI , « Modèle thermo-neurophysiologique du corps humain pour l’étude du confort thermique en conditions climatiques hétérogènes et instationnaires », Thèse de Doctorat, Université de La Rochelle, La Rochelle 2020
[2] : David DA SILVA, Jean-Marie ALESSANDRINI, Jean-Baptiste VIDEAU, Charles PELE, Jean-Robert MILLET, “Evaluation et perspectives du modèle thermique de COMETh, le cœur de calcul de la réglementation thermique des bâtiments neufs”; CSTB ; IBPSA 2016
Par Charles PELE - Responsable de Division - CONCEPTION DES BATIMENTS PERFORMANTS Département Energie Environnement - CSTB
Source et lien