Par Emmanuel Combarel, Architecte associé ECDM et Bruno Georges, Directeur développement grands projets OTEIS
Conserver au lieu de démolir, récupérer au lieu de jeter, transformer les usages de bâtiments pour leur donner une nouvelle vie, voici un exercice d’architecte et d’ingénieur dans la ligne droite pour « rénover, objectif zéro carbone ».
Bravo à Emmanuel Combarel, Architecte associé ECDM et Bruno Georges, Directeur développement grands projets OTEIS ! En exclusivité pour les lecteurs d’XPair, voici leur conférence sur la réhabilitation des locaux de la Poste à Grenoble en 100 logements et usages multiples.
Conférence tenue le 15 novembre 2022 lors de la journée de l’Efficacité Energétique et Environnementale du Bâtiment, EnerJ-meeting, dans cette belle capitale des Gaules qu’est Lyon.
Le présupposé, la matière dont nous disposons est précieuse
Nous nous sommes dit que si nous voulions faire durer l'emploi, il faudrait prendre comme présupposé ce que nous avons comme matière, c'est magnifique.
Nous avons donné de la dignité à tous ces matériaux qui composent le bâtiment. Nous avons fait un reportage extrêmement exhaustif de toutes les composantes de ce bâtiment, c’est ce que nous voyons en partie ci-dessous - avons essayé de trouver des solutions pour des réutilisations qui ont déjà été faites sur ce type de matériaux.
C'est un ouvrage de 700 pages qui a été produit pour cette analyse du réemploi.
C’est une analyse complète qui décompose le bâtiment avec une part d'audit et une part de prospectif avec des solutions qui sont apportées sur la manière dont sont réutilisés ces matériaux.
A partir de cela, nous commençons à penser une histoire qui est un peu singulière où nous allons essayer de réutiliser d’une façon très cohérente un maximum de ces composants d'une façon extrêmement directe. C'est ce travail de transformation qui nous guide, comment finalement la transformation va pouvoir donner de la noblesse à ce bâtiment. C'est un très beau bâtiment qui préexiste, tout cela pour dire que finalement ce que nous faisons est extrêmement banal.
Récupération de cloisons répertoriées
Récupération de fenêtres répertoriées
Valoriser le « déjà là »
Ci-dessous quelques chiffres. Nous nous sommes vraiment mis dans la logique de valoriser le « déjà là ». Ici toute la structure de béton armé qui date de 71, donc qui a aujourd'hui plus de 50 ans, a été conservée, nous considérons en termes ACV qu'elle est déjà, entre guillemets amortie en termes de carbone, 10 000 m³ de béton armé qui ont été conservés, 4 000 tonnes de CO2 évitées, cela fait à peu près l'équivalent du parc Paul Mistral en termes de carbone séquestré. Nous avons enlevé la circulation de 2 400 camions-benne 38 tonnes dans Grenoble, ce que les habitants ont apprécié, etc.
Structure en béton armé de 1971 conservée
* 10 000 m³ de béton armé « amorti en CO2 » conservés
* 4 000 t de CO2 évités par rapport à du neuf
L’équivalent de 1 500 arbres, un parc Paul Mistral (21 ha)
* 2 400 camions-benne évités dans Grenoble
* Energie grise du réemploi : 10 années de consommation Energie
Cette énergie grise que nous avons conservée et non dépensée, c'est à peu près dix ans d'équivalent de consommation toutes énergies confondues du projet. Donc, une véritable efficacité de conception et de travail collaboratif architecte – ingénieur. Le résultat est là avec une efficacité avec 72% de part d'énergie renouvelable pour le chauffage, 80% pour la climatisation, 160 kilowatts de photovoltaïque sur les toits, 70% des déchets d'exploitation qui sont recyclés.
Projet totalement réhabilité avec une démarche bas carbone
Pour une efficacité globale
• 72% Enr pour chauffer (réseau urbain ville)
• 80% Enr pour climatiser
• 160 kW de Photovoltaïque sur 900 m²
• 70% Déchets exploitation recyclés
• 6 Partenaires locaux engagés !
Nous avons six partenaires locaux, qui se sont intéressé à cette démarche forcément vertueuse, il y a une certification internationale BREEAM qui montre que ce n’est pas que du discours, c'est de la réalité.
Nous sommes au niveau énergie/carbone E3C1 garanti, bien entendu que nous allons viser le C2, mais comme nous étions pour la première fois à qualifier de l’E+C- sur la rénovation nous avions un peu des cotes de calcul, donc nous pensons que nous serons C2 ou l'équivalent RE2020 niveau de seuil 2028, et nous sommes 40% de moins que la réglementation thermique existant. Rappelons que nous sommes ce projet exemplaire à Grenoble, propose 40% de moins que la RT2012 pour le neuf, et là nous le faisons en rénovation !
Au niveau du label BREEAM le projet est certifié « Excellent ». Nous nous sommes beaucoup intéressés aux façades à différentes géométries et multiples orientations, en site urbain, pour travailler ensemble ingénieurs et architectes et trouver des solutions qui sont adoptées pour faire du bio climatisme d’hiver et d'été, de plus différentes en fonction des façades et différentes selon que l'usage soit tertiaire ou résidentiel.
Nous avons apporté également une grande attention à la qualité de l'air intérieur et avons travaillé tous les registres à améliorer cette qualité pour que les occupants soient en bonne santé à l'intérieur de ces bâtiments.
En conclusion, à nous de réagir et d’agir
L'extraordinaire gap que nous avons à faire aujourd'hui est culturel.
C'est bien de notre imaginaire qu'il est question, nous avons à peu près tout sur les étagères pour faire correctement, nous sommes dans des logiques de travailler à changer de modèle et nous avons de la chance parce que la chance fait souvent partie des données d'entrée, nous avons eu dans le cas de cette réhabilitation des hauteurs d'étages généreuses car l’immeuble était tertiaire à l'origine.
Il y avait aussi des prédispositions « au réemploi » non seulement des produits et matériaux mais cette fois-ci de l’immeuble et du site en entier, prédispositions qui étaient fortes et toute l'équipe architectes/ingénieurs les ont saisis au vol !
Nous revenons à ces questions centrales : qu'allons-nous léguer ? que voulons-nous ? et comment allons-nous utiliser ce que nous avons ?
Ce sont des questions quotidiennes comme : quel investissement voulons-nous mettre dans ces projets ? Ce sont des projets qui sont plus exigeants qui vont demander certainement plus d'implications et qui nous engagent.
Aujourd'hui nous sommes clairement dans le court terme, nous sommes dans la soi-disant économie. Nous pouvons sourire quand nous voyons les milliards que cela va nous coûter si nous continuons à attendre comme cela. Nous sommes dans des histoires de lobbys, d'habitudes, nous répondons à des questions immédiates mais nous injurions un peu l'avenir.
A nous de réagir et d’agir !
Par Emmanuel Combarel, Architecte associé ECDM et Bruno Georges, Directeur développement grands projets OTEIS
Sources et liens
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