Par Irène ARDITI et José NAVETEUR de l'AIVCF
Rénover une ancienne école en immeuble de bureaux en atteignant moins de 45 kWhep/m² shon.an sur le poste chauffage, ventilation et rafraîchissement, c'est possible. EDF R&D a assuré le suivi de cette installation particulièrement performante en Franche Comté.
La société Habitat développement
local (HDL) a acquis l'ancienne école
Jean-Jaurès (2 036m² shon) à Besançon, et l'a en partie agrandie pour y
installer ses bureaux et créer un pôle
regroupant différentes structures départementales
oeuvrant pour l'habitat. L'activité
de cette société est, entre autres, de rénover
des bâtiments et de les louer. Soucieuse
des enjeux liés au développement durable,
HDL souhaitait aussi montrer à ses clients
qu'elle maîtrisait l'efficacité énergétique de la façon la plus crédible qui soit : en se
l'appliquant à soi-même.
Le bureau d'études Image et Calcul, basé à
Besançon, s'est donc vu confier la mission
de réhabiliter ce site avec un objectif ambitieux:
ne pas dépasser une consommation
de 50 kWhEp/m² shon.an (Ep: énergie primaire)
sur le poste chauffage, ventilation et climatisation (CVC), dans une région connue
pour ses hivers rigoureux (température de
base - 13 °C) et des étés souvent chauds. La
barre était donc placée haut en termes d'efficacité énergétique… La réalisation du
chantier a été confiée à l'entreprise l'Est
Énergie, basée à Besançon. Les sondes géothermiques verticales ont été réalisées par
l'entreprise Mannfor, également locale.
1°/ Minimiser tous les besoins : chaleur, froid et éclairage
Les déperditions pour les conditions de base
sont de 65 kW, soit 32W/m² shon. L'isolation
renforcée des parois opaques – une partie de
l'isolation est faite par l'extérieur – conduit
à des coefficients U de l'ordre de 0,27W/m².°C.
En plus des 20 cm de laine minérale, l'isolation du toit est complétée par 8 cm de laine
de bois (U: 0,14W/m².°C). L'objectif est ici de
renforcer l'inertie thermique de la toiture
pour le confort d'été. En effet, en plus de sa
faible conductivité thermique, la laine de
bois bénéficie d'une masse volumique et
d'une capacité thermique élevées. L'onde de
chaleur provenant du toit, en été, est ainsi
retardée de cinq à sept heures, alors que le
personnel a quitté les bureaux.
Les fenêtres sont en aluminium avec des
doubles vitrages argon (Uw: 2 W/m².°C).
Leur surface est limitée, en moyenne, à
28% de la surface des façades. Ces vitrages
sont un bon compromis entre un faible facteur
solaire (38%) pour limiter les apports
solaires, et une transmission lumineuse élevée
(70 %) pour favoriser l'éclairage naturel.
Les parois intérieures des bureaux sont
d'ailleurs équipées, en zone haute, de panneaux
translucides permettant à la lumière
de pénétrer dans les couloirs centraux.
Pour minimiser les consommations d'éclairage,
des détecteurs de présence ont été
installés dans toutes les circulations et
locaux techniques. Ils pilotent aussi le CVC
des locaux de réunions.
2°/ Installer des matériels à haute efficacité
Les terminaux de diffusion sont des modules de type poutres actives fermées (photo 2). Ce sont des cassettes sans ventilateurs qui ne nécessitent ni filtres ni bacs de condensats. Leur maintenance en est grandement simplifiée. Ces cassettes sont prévues pour fonctionner avec une température haute en été (17 °C) et basse en hiver (35 °C). L'air prétraité en centrale est amené dans les poutres via des buses qui, par induction, entraînent l'air sur les batteries. Les déperditions liées au renouvellement d'air sont réduites au minimum: la ventilation double flux est équipée d'un échangeur rotatif à haute efficacité (centrale Gold du constructeur Swegon affichant une efficacité de 80%) (Photo 3). Les deux ventilateurs hélico-centrifuges sont équipés de variateurs de vitesse. Le revêtement hygroscopique du récupérateur permet une humidification de l'air neuf en hiver et sa déshumidification en été.
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La production d'eau chaude et d'eau glacée
est assurée par deux pompes à chaleur (PAC) eau glycolée/eau (Vitocal 300 G du
constructeur Viessmann, Photo 4). La
puissance calorifique de chacune est de
32,6 kW, la puissance frigorifique de 25,4 kW
pour une puissance absorbée de 7,2 kW
(COP de 4,5 sous 0 °C/35 °C). En complément,
un réchauffeur de boucle électrique de
9 kW est installé en série afin de prendre
en compte d'éventuels aléas de mise en
oeuvre de l'isolation en réhabilitation.
Les PAC sont raccordées à un champ de dix
sondes géothermiques verticales pénétrant
chacune à 100 mètres de profondeur
(Photo 5). Le dimensionnement du champ
de capteurs a été fait sur la base de
50 W/ml. En hiver, l'eau provenant des
sondes est ainsi envoyée vers les évaporateurs
des PAC. En été, la priorité est donnée
au mode géo-cooling: l'eau des sondes alimente
la batterie froide de la CTA et, via un
échangeur, les modules de confort. Dans ce
cas, on rafraîchit sans compression électrique.
En cas de très forte chaleur, la PAC
complémente l'apport du géo-cooling.
Le
schéma de principe prévoit une évacuation
possible des calories provenant du condenseur
de la PAC vers les sondes verticales. La
quasi-totalité des pompes de circulation
sont équipées de variateurs de vitesse.
Enfin, en plus de la détection de présence, l'éclairage est du type T5. Le coût des travaux
de CVC, avec les sondes géothermiques
verticales, ressort à 194 €HT/m² shon.
Photo 4
PAC eau/eau Viessman
3°/ Un résultat remarquable
Les consommations finales tous usages
s'élèvent à 54 kWh/m².an. Le poste CVC, en
2008, représente un tiers des consommations
finales avec 17 kWh/m².an, c'est-à-dire
44 kWhEp/m² shon.an. HDL fait mieux que
l'objectif fixé des 50 kWhEp/m² shon.an malgré
un hiver rigoureux. Les autres usages
représentent deux tiers des consommations,
soit 37 kWh/m².an, dont dix concernent
l'éclairage. ( Figure 1)
Les PAC fonctionnent dans d'excellentes
conditions : leur COP machine moyen
annuel est de 4,2 et près de 4 en intégrant
la consommation de la pompe qui irrigue
les sondes géothermiques. Malgré les frimas
de l'hiver 2008-2009, l'appoint électrique
n'a jamais été sollicité. Les PAC n'ont
quasiment pas fonctionné durant l'été, le géo-cooling assurait seul le rafraîchissement.
(Figure 2)
Un site "classe A"
En intégrant les consommations d'éclairage,
ce site se positionne en classe B d'étiquette
énergie, et en classe A en termes
d'émissions de gaz à effet de serre. Une
solution gaz + groupe froid air/eau (hypothèse
d'un rendement de 95% sur PCS) se
serait positionnée en classe B vis-à-vis de
l'énergie primaire, mais en classe B en
termes de gaz à effet de serre. La solution
géothermie verticale permet ainsi une diminution
de deux tiers des rejets de CO2.
Figure 1
Répartition des consommations annuelles par usage
Figure 2
Évolution des consommations CVC sur une année (ici de septembre 2008 à août 2009)
2009, encore mieux que 2008 ! |
4°/ Un coût d'exploitation compétitif
La géothermie verticale prend encore un net avantage sur le fossile en termes de coût d'exploitation: le MWh chaud sorti PAC est de l'ordre de 28 euros HT/MWh (prime fixe incluse; le site est en tarif jaune). Avec une chaudière gaz, il aurait été proche de 45 euros/MWh. Dans ces conditions, les coûts du poste énergie sont particulièrement faibles, ils atteignent 5,6 euros/m² shon.an, tous usages confondus. Le poste CVC représente 1,9 euro/m² shon.an, dont 1,3 pour la PAC. C'est remarquable. Cette opération démontre que la géothermie verticale est un excellent vecteur d'éco-efficacité énergétique. Elle a permis à la société HDL, avec l'implication de tous les intervenants, d'atteindre le niveau d'exigence élevé qu'elle s'était fixé. Trois barres difficiles à franchir en énergie primaire, ont été passées : 45 kWhep/m².an pour le CVC, 70 pour les usages RT et 140 tous usages confondus. À l'aune des différents suivis effectués par EDF R&D et de la littérature actuelle sur le sujet, cette opération de rénovation est selon nous, la plus performante à l'échelle nationale, en termes d'éco-efficacité énergétique.
Quelques chiffres |
Coordonné par Irène ARDITI et José NAVETEUR de l'AIVCF
Chronique en partenariat avec la revue CVC (mars/avril 2010) – de l'AICVF - Association des Ingénieurs en Climatique, Ventilation et Froid.
→ SOURCES & LIENS