Par Jacques Ortolas, consultant ingénieur génie énergétique et environnemental
« Hâtons-nous car notre tâche est grande ! », ce sont les paroles du Ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot dans la préface du Manifeste 2018, ouvrage de référence de plus de 50 conférenciers référents lors de la journée de l’Efficacité Energétique et Environnementale qui a eu lieu le 8 mars dernier au Palais Brongniart à Paris. Et le Secrétaire d’Etat auprès du Ministère de la Cohésion des territoires, Julien de Normandie, de compléter : « La massification des travaux passera par le développement de solutions compétitives de rénovation, abordables pour tous et permettant de rapides économies d’énergie ».
Pour les 2000 prescripteurs présents lors de cette journée et pour les lecteurs d’Xpair, voici quelques extraits parmi les plus intéressants, du Manifeste 2018 ; document de référence en libre téléchargement.
Plan de Rénovation Energétique : Rappel des enjeux
Par Emmanuel ACCHIARDI – sous-directeur de la DHUP
Les priorités du plan de rénovation énergétique du bâtiment sont :
- massifier la rénovation des logements, avec notamment l'objectif de rénover annuellement 150 000 passoires énergétiques occupées par des propriétaires modestes,
- accélérer la rénovation des bâtiments tertiaires, en particulier dans le parc public, en ciblant les bâtiments du quotidien des Français : cités administratives, bâtiments scolaires,
- accompagner l’évolution des compétences de la filière du bâtiment et le développement de l’innovation pour l’essor de solutions industrielles compétitives.
Points et synthèse des outils réglementaires
Par Thomas JORAND - Directeur opérationnel - Bureau d’études Paziaud - Groupe NEPSEN
L’objectif d’une massification de la rénovation des logements doit surmonter de nombreuses difficultés, en premier lieu le financement de ces travaux, dans un contexte économique contraint. Ainsi, l’arsenal législatif, de plus en plus étoffé, s’est accompagné de nombreuses incitations financières tout azimut : TVA réduite, certificat d’économies d’énergie, crédit d’impôt, aides sous conditions de ressources, subventions de projets exemplaires, etc...
Pour quels résultats ?
Si les bailleurs sociaux s’impliquent fortement dans la rénovation des passoires
thermiques construites dans les années 70, la rénovation du parc privé, en particulier des 8 millions de copropriétés, reste toute relative : la difficile mobilisation des propriétaires, les prises de décision en assemblée générale complexes ainsi que des
aides financières inadaptées représentent quelques exemples des blocages rencontrés.
Le législateur a ainsi la responsabilité d’améliorer la cohérence des dispositions légales
et réglementaires qui sont parfois le résultat de politiques éparses : des textes de lois
parfois contradictoires ainsi que la multiplicité des dispositifs d’incitation financière
participent à la faible lisibilité de la volonté nationale.
Précarité énergétique : Retour d’expérience 300 logements sociaux IFC Habitat Sablière à Paris 14°
Par Jean-Pierre HUE, Responsable pôle technique et énergie, ICF HABITAT LA SABLIERE et Jean Paul CHARLEMANDRIER Dirigeant associé, Bureau d’études SECOTHERM
ICF Habitat La Sablière est lauréat du Trophée Européen de l’Habitat Responsable et de
l’Appel à Projets « Réhabilitation Durable session 7 » pour la mise en place d’un système de
production d’eau chaude sanitaire innovant et économe, respectueux de l’environnement
dans une résidence de 300 logements sociaux, à Paris 14ème.
Innovation : couplage thermodynamique et micro cogénération gaz avec plus de 50%
d’énergie renouvelable.
Le système comprend deux micro-cogénérations gaz couplées à quatre pompes à
chaleur modulaires conçues pour récupérer toutes les chaleurs perdues (eaux usées, rejets
de ventilation, rejets de fumées de chauffage central collectif, Data Center). Sur ce site, ce
sont les fumées des chaudières du chauffage central qui ont été valorisées pour produire
l’eau chaude sanitaire.
Cette solution reproductible sur la plupart des bâtiments présente des rendements supé-
rieurs à 200% et 50% d’énergie renouvelable dès la mise en service. Le concept devrait
évoluer vers du 100% de renouvelable grâce à l’émergence progressive du bio méthane.
Le patrimoine d’ICF Habitat La Sablière est déjà équipé de 3 installations en service, sur
un total de 10 installations en cours de réalisation, avec récupération sur énergie fatale,
représentant 1295 logements
Retour d’expérience réussi de la copropriété Du Guesclin. Ou comment la copropriété s’est convaincue de rénover à haute performance
Par Joséphine LEDOUX Directrice associée du bureau d’études ENERA CONSEIL Et Gaëtan BRISEPIERRE Sociologue indépendant L’audit énergétique est bien souvent la première étape du processus de décision, au-delà de sa qualité intrinsèque, ce qui compte avant tout est qu’il soit une occasion d’impliquer les copropriétaires. Toutes les tâches peuvent être prétexte à « mettre le pied dans la porte » et à valoriser les copropriétaires comme experts des usages de leur immeuble.
La réflexion sur le projet technique doit commencer le plus tôt possible car son appropriation par les copropriétaires se fait progressivement.
On ne peut pas se contenter de proposer l’optimum énergétique, il faut bâtir un scénario propre à la copropriété en négociant chacun des choix avec les copropriétaires comme avec l’écosystème des acteurs : syndic, ABF, entreprises, financeurs…
Le financement reste bien souvent un blocage malgré la multiplication des dispositifs nationaux, locaux, privés… Un levier encore largement sous exploité à côté des
subventions et du « reste à charge » est celui des ressources propres à la copropriété
notamment à travers la valorisation de surfaces à louer, à vendre voire à créer… pour
cofinancer les travaux.
La communication dans le projet ne fait pas l’objet d’une mission alors qu’elle est un
ingrédient indispensable à sa réussite. Sa fluidité dépend donc de la « bonne volonté »
et de la « fibre » des professionnels pour amener les copropriétaires à organiser une
campagne en faveur du vote, puis pour gérer tous les frottements liés à l’intervention en site occupé lors du chanter.
Enfin, la focalisation sur la décision amène à négliger l’après-travaux alors que le bouche-à-oreille issue de la première vague de rénovation aura un impact décisif sur la massification. Il s’agit non seulement de s’assurer que la consommation de l’immeuble soit
conforme aux objectifs mais aussi de rechercher la satisfaction des habitants qui seront
ainsi les meilleurs porte-paroles.
Garantie et Contrat de Performance Energétique. Le point et retours d’expériences.
Par Mireille JANDON, Responsable Développement Direction Énergie Environnement CSTB
L’Observatoire des CPE mis en place en 2016 par l’ADEME, le CEREMA et le CSTB
est une plateforme d’échanges et de mutualisation des savoirs, dont les objectifs sont de développer une cartographie des projets privés et publics dans le marché, à la fois pour le neuf et la rénovation, de capitaliser les retours d’expériences, de fournir
des informations à caractère pédagogique sur la mise en place de ces démarches et des recommandations pour favoriser la mise en œuvre des Contrats de Performance Energétique mais aussi des contrats avec garante de résultats.
Les premiers résultats de l’Observatoire donnent une vision du développement de
l’outil CPE depuis 10 ans, de l’nuance des réglementations sur leur développement et sur l’appropriation de leur environnement juridique par la maîtrise d’ouvrage.
Ils permettent également d’observer les tendances sur les choix de travaux réalisés et
les performances attendues.
Cet « état des lieux » des CPE existants et le premier bilan des projets déjà réalisés
permettront de développer progressivement auprès des acteurs publics une culture
de la performance énergétique. L’Observatoire participera notamment à orienter les
politiques publiques et à convaincre les maîtres d’ouvrage de mettre en place de
manière plus systématique des démarches d’efficacité énergétique basées sur la
garante de performance. Ceci favorisera des prises de décisions d’investissement plus
appropriées et mieux hiérarchisées. L’Observatoire est ainsi l’entrée vers des actons
d’efficacité énergétique plus nombreuses.
Rénovation de la Tour Montparnasse, un symbole architectural de la révolution énergétique parisienne
Par Franklin AZZI, Frédéric CHARTIER,Cyrille LE BIHAN, Architectes associés, Agence Nouvelle AOM
En décidant de nous lancer dans l’aventure exceptionnelle qu’offrait le concours
international Demain Montparnasse, nous avons voulu inscrire la Tour dans la révolution énergétique du 21e siècle.
La tour vertueuse, c’est l’oxymore que le choix d’une réhabilitation rend possible,
en prolongeant la durée de vie de la structure et de ses fondations, les éléments
constructifs générant le plus de gaz à effet de serre lors de la construction. Pour la
nouvelle Tour Montparnasse, nous nourrissons cinq ambitions, qui constituent aujourd’hui le cœur de notre projet architectural.
D’abord, la Tour Montparnasse sera une Tour de son temps. En osmose avec le climat,
le vent et la lumière du ciel. Ainsi, la Tour, super-passive, à énergie positive et très bas
carbone, sera hissée au rang des bâtiments neufs les plus performants.
Ensuite, le double travail inédit sur la façade permettra de faire de la Tour Montparnasse
une Tour éolienne ; pour récupérer la force des vents dans la hauteur et réduire l’effet
de courant d’air désagréable en pied de tour. Sur le fût, la façade éolienne que nous
avons imaginée au-dessus du Jardin suspendu, permet de faire du vent un allié. Grâce
à l’utilisation de sa géométrie et à son alignement parfait avec les vents dominants du
Grand Paris et de sa région, et parce que nous avons bien voulu considérer ce gisement
éolien comme un potentiel, la tour sera autonome 70 % de son temps d’utilisation,
pendant lesquels elle n’aura recours à aucun système actif, à la manière d’un planeur.
© Nouvelle AOM / RSI Studio
Nous avons également voulu faire du sommet de la nouvelle Tour Montparnasse un
dispositif de production d’énergie renouvelable ; énergie solaire pour les besoins
quotidiens de la Tour en électricité, et réservoir d’eau de pluie pour l’arrosage des
jardins couverts. Quant au volume exceptionnel de la serre, sa production agricole
alimentera les restaurants de la Tour en fruits et légumes produits sur place.
Notre projet, c’est aussi d’ouvrir la Tour aux Parisiens ; les nouveaux usages seront
visibles de l’extérieur, à travers une nouvelle façade double peau largement plus vitrée
qu’aujourd’hui, claire et transparente. Elle offrira au 14e le plus haut jardin de Paris.
Enfin, notre 5e ambition est de révéler la beauté de la Tour Montparnasse, de sublimer
un objet familier dans le paysage parisien.
Espaces de bien-être pour enfants et adultes
Par le Docteur Suzanne DÉOUX, Fondatrice de MEDIECO, Présidente de BÂTIMENT SANTÉ PLUS
Les définitions du bien-être sont nombreuses et témoignent de la complexité de cet état lié à de nombreux facteurs trop souvent considérés de manière séparée et rarement selon une approche globale. Or, le bien-être, c’est la santé dans son acception holistique intégrant les différentes composantes physique, psycho-affective et sociale.
L’homme dépend de son environnement et cette dépendance le rend vulnérable aux
caractéristiques de ses différents espaces de vie.
C’est encore plus vrai pour les enfants
et tout particulièrement les tout-petits. On ne peut concevoir une crèche, une école
comme un immeuble de bureaux ! Gérer les inégalités environnementales commence
par réduire l’inégalité de sensibilité aux agents pathogènes en fonction de l’âge.
Premier environnement, le bât accueille l’homme dès sa naissance et doit répondre
à ses besoins physiologiques, sensoriels et sensibles, psychologiques et sociétaux.
L’espace construit est source d’éveil, d’émotions suscitées par les matières, les formes,
les volumes, la température, les couleurs, les odeurs, les sonorités, les lumières. Il a une
fonction éducative indéniable et participe à l’autonomie et au développement cognitif,
psychologique, actif et social des enfants. Cependant, il peut être aussi une cause de
fatigue et d’expositions multiples.
Après avoir été négligée pendant des décennies, la qualité de l’air intérieur devient en
même temps un enjeu sanitaire majeur et le grand absent des préoccupations énergétiques et environnementales. Ainsi un bâtiment peut être certifié Énergie 4 / Carbone 2
et ne pas assurer un renouvellement d’air suffisant à l’évacuation de substances
volatiles inhérentes à certains produits biosourcés.
La recherche d’un maximum de lumière naturelle est plus motivée par la diminution
des besoins en éclairage artificiel que par l’indispensable synchronisation des rythmes
biologiques. Mal maîtrisée, elle peut conduire à de grandes surfaces vitrées fortement
réverbérantes, au détriment de l’acoustique et de la neutralité thermique nécessaire
au bien-être de l’homme homéotherme. Ce ne sont que quelques-uns des nombreux
exemples des compromis à réussir pour construire d’abord pour l’homme, en particulier
pour l’enfant, et avec l’environnement.
Depuis plusieurs années, l’amélioration des ambiances de travail pour le bien-être
de l’adulte est intégrée dans la construction. Des labels comme Well ou Osmoz
accompagnent cette dynamique. Même si l’enfant n’exprime pas, comme l’adulte, la
souffrance physique et psychologique qu’il peut ressentir dans ses lieux de vie, il est
tout aussi capital de créer les conditions les plus favorables à son développement
dans la conception et la construction des bâtiments qui les accueillent.
Ne pourrait-on
envisager, comme dans le monde de l’entreprise, des chartes éthiques qui incluent le
bien-être des enfants parmi les valeurs identitaires des établissements qui les reçoivent ?
Bonjour, Je vous recommande la vidéo et photos > lien https://www.enerj-meeting.com/en-images-2018
Pour la construction neuve, je vous recommande l'humeur assez tranchée de Bernard SESOLIS https://conseils.xpair.com/lettres_expert/bernard-sesolis/printemps-label-mauvaises-idee-bourgeonner.htm