Par l’AQC - Agence Qualité Construction
Dans un contexte de renchérissement du prix de l’énergie, les réseaux de chaleur apparaissent plus que jamais comme une solution probante tant sur un plan économique que d’un point de vue écologique. S’ils fournissent à peine 5 à 6 % de la chaleur produite en France, ils font l’objet d’un engouement renouvelé de la part des collectivités locales, des pouvoirs publics et des opérateurs privés.
En effet, les réseaux de chaleur sont la promesse d’une énergie produite et consommée localement, offrant la possibilité de réduire l’empreinte carbone et les coûts de l’énergie dans les territoires.
Cet extrait est tiré de Qualité-Construction de l’AQC de mars-avril 2023 et l’intégralité de l’article est disponible par téléchargement ci-dessous :
Article complet Réseaux de chaleur, levier majeur de la transition énergétique
Les réseaux chaleurs sortent des énergies fossiles
Les collectivités ont mis du temps à étendre leurs réseaux en raison d’une réglementation qui poussait surtout à valoriser la chaleur fatale des usines d’incinération (UIOM) pour produire de l’électricité. Photo © Smirec
Poussées par les incitations financières du Fonds Chaleur (1), les installations de production de chauffage ont largement augmenté la part des énergies renouvelables et de récupération dans leur mix énergétique. Désormais, la plupart fonctionnent a minima avec plus de la moitié de combustibles non fossiles. Quant aux réseaux plus anciens, ils bénéficient d’un «verdissement» afin de réduire le recours à des énergies carbonées et onéreuses comme le gaz. Mais si l’Hexagone est en retard, l’innovation ne l’est pas : les projets basés sur de la géothermie profonde ou de surface, le solaire thermique en appoint, la récupération de chaleur «fatale» (perdue) provenant des data centers ou des eaux usées sont légions. Sans compter la thalassothermie qui capitalise sur la chaleur de l’océan ou celle des rivières.
Si le confort d’hiver est visé par le développement et l’extension des réseaux de chaleur, le confort d’été est aussi regardé avec un intérêt croissant. Encore peu nombreux en France, les réseaux de froid sont indéniablement promis à un grand avenir. Mais c’est un fait: la France est aujourd’hui en retard en matière de production de chaleur à partir de réseaux collectifs étendus à des portions plus ou moins importantes du territoire. Avec un peu plus de 5% du chauffage (sur 600 TWH d’énergie consommée en France chaque année) provenant des réseaux de chaleur, le pays fait en effet pâle figure par rapport aux pays Scandinaves, et notamment au Danemark où ce taux atteint d’ores et déjà 50% (mais l’urbanisation est différente). Force est pourtant de constater que les choses bougent sous nos pieds.
(1) Pour en savoir plus sur l’aide accordée par l’Ademe sur l’extension et la création de réseaux de chaleur ou de froid, rendez-vous sur le site https://agirpourlatransition.ademe.fr
898 réseaux de chaleur et 35 de production de froid
Publiée en novembre 2022, l’enquête annuelle (2) réalisée par la Fédération des services énergie environnement (Fedene) et le Syndicat national du chauffage urbain et de la climatisation urbaine (SNCU) avec le concours de l’association Amorce (3) et sous tutelle du Service de la donnée et des études (SDeS) du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires indique qu’en 2021, le sol français comptait 898 réseaux de chaleur pour 29,8 TWh de chaleur livrée nette (contre 25,4 TWh en 2020). En 2009, on dénombrait à peine 400 réseaux et près de 800 en 2019. Selon cette même enquête, le taux d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) est également en hausse : 62,6% en 2021 contre 60,5% en 2020. La chaleur fatale issue des usines d’incinération des déchets (UVE) est de 26,9%, soit la première source de chaleur, suivie de la biomasse (23,9%) ou d’autres énergies renouvelables (EnR) comme le solaire thermique (6,3%). La production liée à la géothermie a doublé en dix ans pour atteindre 2 TWh en 2021, soit 5,5% du mix énergétique.
Les énergies fossiles n’ont toutefois pas disparu. Le gaz naturel a continué en 2021 à se tailler la part du lion dans le mix énergétique des réseaux avec une part qui s’élève à 34,5%. « Près des deux tiers de la chaleur livrée par ces réseaux est issue d’énergies renouvelables et de récupération (EnR&R) locales, souligne Yann Rolland, président du SNCU. Le recours aux EnR&R – qui s’accélère – rend les prix des réseaux de chaleur plus stables et plus compétitifs que ceux des énergies fossiles. Par conséquent, les demandes de raccordements ont triplé – voire quadruplé – dans certaines villes. Le chauffage renouvelable est le meilleur bouclier tarifaire à notre disposition. Cette dynamique doit s’accélérer pour sortir rapidement des énergies fossiles! »
S’agissant du nombre de bâtiments raccordés, il est de 44995 en 2021, contre 43045 un an auparavant. Les longueurs desservies ont ainsi arithmétiquement suivi la tendance à la hausse: 6529 km de réseaux en fonctionnement en 2021 contre 6199 km en 2020. Plus de la moitié (52,7%) des bâtiments aujourd’hui desservis appartient au secteur résidentiel.
L’enquête ajoute que 35 réseaux de froid déployés sur 238 km existent aujourd’hui en France, soit trois de plus qu’en 2020. Même modeste, ce réseau a toutefois permis de livrer 0,8 TWh de froid net en 2021 à 1445 bâtiments. D’un point de vue géographique, la région Auvergne-Rhône-Alpes – avec 189 réseaux de chaleur – arrive en tête des zones les mieux des- servies, suivie du Grand Est (130), de l’Île-de-France (118 réseaux de chaleur et 11 de froid) et de la Nouvelle-Aquitaine (78). Un maillage qui cache toutefois de grandes disparités de puissances fournies : avec 12650 GWh, l’Île-de-France est loin devant les autres régions (3849 GWh en Auvergne-Rhône-Alpes et 3209 GWh dans le Grand Est).
(2) Source : Enquête des réseaux de chaleur et de froid – Édition 2022 téléchargeable sur le site https://www.fedene.fr (rubriques « Qui sommes-nous ? » puis « Actualités »)
(3) Créée en 1987, Amorce constitue le premier réseau français d’information, de partage d’expériences et d’accompagnement des collectivités et acteurs locaux en matière de transition énergétique, de gestion territoriale des déchets et de gestion durable de l’eau : https://amorce.asso.fr
Développement de réseaux de chaleur vertueux
Aujourd’hui, le potentiel de développement des installations en France est considérable et constitue une chance pour gagner en indépendance énergétique.
« Les réseaux de chaleur sont un vecteur énergétique soutenu par les pouvoirs publics tant au niveau national qu’européen car ils permettent de valoriser des énergies renouvelables produites et consommées localement », résume Laurent Cadiou, chargé de mission au Bureau économies d’énergie et chaleur renouvelable (Sd5) de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) du Ministère de la transition écologique et de la Cohésion des territoires : « Pour atteindre l’objectif de multiplier la chaleur renouvelable distribuée, il s’agit de verdir les réseaux existants mais aussi de créer de nouveaux réseaux. Ces dernières années s’est opéré un verdissement très important des réseaux grâce au Fonds Chaleur et une TVA à taux réduit accordée dès lors que le réseau de chaleur atteint un taux de 50% d’EnR&R dans sa production de chaleur. Mais les réseaux moins carbonés sont aussi poussés par les réglementations bâtimentaires, le principal outil étant la RE2020. Les enjeux énergétiques, financiers et écologiques autour des réseaux de chaleur sont donc aujourd’hui considérables. »
Des enjeux qui posent aussi la question de la dynamique des territoires et de leur capacité à maîtriser leur indépendance énergétique. « L’intérêt premier d’un réseau de chaleur, c’est de faire fructifier les énergies qui ne sont pas délocalisables comme c’est le cas avec les chaufferies bois ou les centrales solaires thermiques, analyse Luc Petitpain, chargé d’études «EnR et réseaux de chaleur» au sein du pôle «Réseaux de chaleur et de froid» à la direction territoriale Ouest du Cerema (4). Quand on parle réseau de chaleur, il faut toujours entendre réseau de chaleur renouvelable et locale, avec une consommation et une production en circuit court totalement en phase avec les stratégies de décarbonation des territoires. »
(4) Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement. Pour en savoir plus : https://www.cerema.fr/fr
Des sources d’énergie différentes selon les territoires
Un point de vue que partage la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) pour laquelle les réseaux de chaleur sont un élément essentiel du mix énergétique français. « Dans un contexte où le réseau électrique est déjà fortement sollicité, un territoire doit être capable d’optimiser ses investissements en matière énergétique en développant des réseaux de chaleur ou du gaz renouvelable », explique Guillaume Perrin, chef adjoint du département « Énergie » et chef du service des « Réseaux de chaleur et de froid » à la FNCCR.
Pour cet expert, « le challenge consiste à massifier une source d’énergie peu chère mais également décarbonée. L’important consiste d’abord à regarder au niveau local quelles sont les ressources énergétiques qui sont disponibles pour voir quels bâtiments peuvent être raccordés. La première source à considérer reste toutefois en priorité la chaleur de récupération produite par des incinérateurs d’ordures ménagères lorsque ce type d’installation se situe à proximité ou dans un rayon d’une dizaine de kilomètres. Le réseau de chaleur, c’est en définitive la maximisation du circuit court énergétique. » Les collectivités ont mis du temps à étendre leurs réseaux. En effet, pendant de nombreuses années, les textes réglementaires ont davantage poussé à valoriser la chaleur fatale des installations d’incinération des ordures ménagères (UIOM) pour produire de l’électricité via le process de cogénération.
Priorité à la chaleur fatale
Mais la donne a changé. Les pouvoirs publics et l’Ademe incitent les collectivités locales à monter des schémas directeurs, des analyses de gisement et des études d’opportunité afin qu’elles étudient la chaleur fatale à proximité capable d’être récupérée; et ce, avant même de se lancer dans des projets de réseau fonctionnant à la biomasse ou alimentés par de la géothermie. « La chaleur fatale, ce sont tous les types de chaleurs perdues, et non valorisées autrement, et dont les sources sont très variées, explique Guillaume Perrin. Hormis la traditionnelle chaleur des UIOM, il existe également la chaleur des métros, celle des crématoriums, des eaux usées, des datacenters ou encore celle produite par les cuisines d’un restaurant universitaire. Aujourd’hui en France, près d’une cinquantaine d’installations sont alimentées à partir de la chaleur fatale des eaux usées: il s’agit de petits réseaux de 2 ou3 km. Ces installations sont intéressantes car elles permettent de couvrir par exemple une zone commerciale. Mais les réseaux qui ont été créés ces deux dernières décennies sont d’abord des réseaux importants situés dans les grandes villes. L’objectif est désormais d’étendre et de massifier les réseaux en place, mais aussi de développer des installations dans les villes moyennes où les zones d’activité sont situées en périphérie des très grandes métropoles. »
La boucle d'eau tempérée géothermale sur une ZAC à Toulouse
La communauté d’agglomération du sud-est Toulousain (Sicoval) s’est engagée en 2009 dans la mise en place de réseaux de chaleur à travers une ambition de qualité sociale et environnementale de l’habitat qui imposait d’étudier systématiquement la faisabilité des installations de chauffage collectif à base d’énergie renouvelable.
À l’époque, les retours d’expérience dans la région (hormis dans l’Ariège ou le Lot) sont peu nombreux en chaufferies biomasse. Le Sicoval lance donc des études de faisabilité sur son territoire et met en service son premier réseau en 2012 sur la commune d’Ayguesvives. Il s’agit alors du premier réseau de chaleur bois de Haute- Garonne.
Constitué de 75 logements individuels et collectifs, d’une crèche, d’un gymnase, d’un groupe scolaire et d’un établissement médical, le nouveau quartier «En Turet» bénéficie d’un réseau d’1,2 km alimenté par une chaufferie biomasse de 560 kWh (pour 54,4 % de l’énergie) et d’une chaudière d’appoint au gaz de 895 kWh. La chaleur produite en 2019 affiche 996 MWh. En 2015, le Sicoval inaugure une seconde installation sur le quartier Camus à Castanet- Tolosan comprenant notamment
284 logements et un groupe scolaire, toujours dans un mix énergétique chaufferie biomasse (59,9 % de la chaleur produite) et gaz pour 1832 MWh fournis aux abonnés.
Le Sicoval a mis en service en 2012 son premier réseau de chaleur alimenté à partir de biomasse sur la commune d’Ayguesvives. Il s’agit à l’époque du premier réseau de chaleur de Haute-Garonne. - Photo © Sicoval
« Ces opérations nous ont permis de résoudre des problématiques comme l’approvisionnement en bois énergie ou encore la technicité des prestataires, sachant que nous sommes en régie sur ces réseaux et que nous les gérons avec nos propres équipes avec quelques petits contrats d’entretien des chaudières », détaille Rémi Dutard, directeur de la transition écologique du Sicoval.
Fort de ces deux expériences, la communauté d’agglomération de 80000 habitants sur 25000 hectares s’est ainsi investie dans un projet de mise en place d’une boucle d’eau tempérée géothermale afin de couvrir les besoins en chaud et en froid d’un « macrolot de 6 hectares » de la ZAC «Enova» à Labège au sud de Toulouse. Le projet actuellement en phase d’obtention des autorisations à forer au titre du Code minier permettra d’atteindre un taux d’EnR de 80%, avec 1980 MWH de production de chaud et 1848 MWH de production de froid, soit 100% des besoins d’une opération accueillant 66000 m2 de surface plancher répartis sur 8 îlots.
Article complet Réseaux de chaleur, levier majeur de la transition énergétique
Par l’AQC, Steve CARPENTIER
Visuels : ENGIE SOLUTIONS, FEDENE, GREG_206, NEWHEAT, PREVAL, SICOVAL, SMIREC
Source et lien