Par René CYSSAU - Consultant équipement du bâtiment, ex ingénieur en chef du COSTIC
Les robinets thermostatiques qui équipent la grande majorité des installations sont les mêmes que ceux dont le marché s'est développé dans les années 70. Depuis plus de trente ans, la prescription, l'installation, en un mot les habitudes, n'ont pas changé.
Il est temps de constater que ces dispositifs de technologie mécanique ne suffisent plus pour atteindre les performances des régulations d'ambiance attendues pour l'efficacité énergétique des bâtiments et jeter aux oubliettes les « problèmes d'équilibrage ».
1°) Les robinets thermostatiques « traditionnels »
Figure 1. Le robinet thermostatique traditionnel :
le capteur de température est un bulbe à dilation de cire ou de vapeur incorporé dans la tête.
La norme NF EN 215 sur laquelle se base la marque de qualité des robinets thermostatiques (CENCER) montre les limites de cette technologie. Elle présente des caractéristiques peu performantes pour la régulation d'ambiance, pour ces raisons qui viennent des limites de la mécanique :
- Des forces en jeu nécessairement limitées, des frottements secs au presse-étoupe, une hystérésis, voire même des blocages du mouvement de la tige à cause de micro-dépôts sur sa partie immergée.
- Une inertie thermique du détecteur de température élevée, le temps de réponse peut atteindre 40 minutes selon la norme. L'inertie du capteur est toujours préjudiciable à la qualité de la régulation.
- Enfin et surtout, la température de l'eau du corps de chauffe influence la température du bulbe par conduction, rayonnement et convection. Cette influence ne peut pas être compensée, comme cela est possible par l'électronique.
Figure 2. Un robinet thermostatique à bulbe incorporé : une belle mécanique mais des caractéristiques de régulation aux performances limitées. L'influence thermique du corps de chauffe sur le bulbe est la cause principale des dérives de cette régulation d'ambiance. (dessin COSTIC, Georges Renaud)
2°) La température du capteur de température ambiante dépend aussi de la température de l'eau
C'est cette influence qui constitue le principal défaut de la régulation d'ambiance par robinets thermostatique. Elle conduit à un décalage de plusieurs degrés de la consigne, un décalage variable avec cette température d'eau : figure 3.
Cet effet peut aussi avoir pour conséquence un fonctionnement cyclique : la température de l'eau qui influence le bulbe fait fermer le robinet, la température décroît, il s'ouvre et le cycle recommence.
Figure 3. Des mesures du décalage de la température du bulbe par la température de l'eau menées au COSTIC. Quatre robinets différents ont été placés dans des conditions réelles sur un radiateur en fonte de 200 mm de large. La droite rouge (confondue avec les résultats du modèle B), montre la limite de cette influence fixée par NF EN 215 (la mesure sur banc d'essai selon cette norme ne tient pas compte du rayonnement du radiateur).
De fait, les imperfections de la régulation d'ambiance par un robinet thermostatique traditionnel ne sont pas toujours sensibles car les inerties thermiques estompent les variations. Comme la température de l'eau est normalement réglée en fonction de la température extérieure, cette dérive intéresse des durées plus ou moins longues, les usagers attentifs ajustent les consignes de temps en temps selon leurs besoins.
3°) Régler un niveau de température ambiante sans référence à des °C
C'est le tour de force attendu des utilisateurs de robinets thermostatiques.
En règle générale, ces régulateurs d'ambiance présentent des graduations sans signification, pas des températures, figure 4. Est-ce symptomatique du peu de crédit apporté au résultat de la fonction régulation ?
Figure 4. Pour la large majorité des dispositifs actuels, les indications du réglage de la consigne n'ont pas de signification. Est-ce un régulateur de température qui ne veut pas dire son nom ? Serait-il trop imprécis pour ne pas être gradué en température ?
Pourtant, on peut trouver sur les notices de fabricants des indications telles que :
Si le robinet est réglé sur 3, la température de la pièce est automatiquement maintenue à environ 20oC.
Si vous voulez une température inférieure, par exemple 17°C dans la chambre, tournez le robinet sur 2.
Si vous voulez une température plus élevée, par exemple 23oC dans la salle de bains, réglez la tête sur 4.
Alors pourquoi ne pas demander des modèles avec affichage significatif ?
Certains modèles permettent à l'usager de décaler l'affichage du réglage. Il faut cependant constater que cette opération réclame une attention particulière, elle ne permet pas de compenser l'influence de la température de l'eau qui varie au long de la saison de chauffage.
4°) Il existe pourtant des robinets thermostatiques à capteur séparé, pour une régulation de meilleure qualité
Avec un bulbe séparé du corps (figure 5), les qualités de régulation d'ambiance sont bien meilleures. Le capteur n'est pas sous l'influence des parties chaudes et le temps de réponse est réduit. De bien meilleures qualités de régulation justifient le choix de ces dispositifs un peu plus chers, la pose d'un capteur de température en paroi en plus.
Figure 5. Un capteur de température séparé, fixé en paroi, permet d'obtenir des meilleures performances de la régulation. Le choix d'un bulbe séparé ne devrait pas se limiter aux émetteurs en coffres ou derrière des rideaux, cette prescription devrait être plus systématique. Photos Comap, Danfoss.
5°) Les robinets thermostatiques ne sont pas de simples accessoires
Constatons que le choix et la pose de ces robinets font rarement l'objet de précautions particulières. Ils sont trop souvent traités comme de simples accessoires de plomberie, pas comme des régulateurs. Il est encore possible d'observer des robinets thermostatiques avec la tête en l'air, figure 6. Si le bulbe du thermostatique doit se trouver dans le flux convectif d'air chaud de la canalisation, il vaut mieux placer un simple robinet manuel
Figure 6. Un schéma relevé sur un site à la destination des bricoleurs, une indication à ne pas suivre. La tête sensible d'un robinet thermostatique ne doit évidemment jamais être influencée par le flux d'air chaud de la canalisation.
6°) Il faut une maintenance des robinets thermostatiques
C'est principalement le presse-étoupe qui peut être à l'origine de défauts :
- Fuite d'eau au niveau de la tige. Le presse-étoupe peut être changé sans vidanger car en position d'ouverture, le clapet relevé fait étanchéité… mais il faut vérifier cette possibilité auprès du fabricant.
- Blocage de la tige ou frottements sur le presse-étoupe si le robinet n'est pas gardé ouvert (tige sortie) hors saison de chauffage. Il faut tout de même constater que l'indication « mettre la consigne à son maximum en dehors de la saison de chauffage » ne vient pas de la logique courante.
7°) Des robinets thermostatiques sur des installations de chauffage non individualisées ?
Si les usagers ne sont pas motivés par une individualisation des frais de chauffage en immeuble collectif, il est réaliste de prévoir que toutes les consignes des robinets placés dans les appartements se trouveront à une température élevée. Les robinets thermostatiques ne sont alors qu'un élément de décor. Seule la régulation centrale en fonction de l'extérieur fait alors les températures ambiantes.
En règle générale, dans les locaux chauffés sans que les usagers ne soient incités à la réduction des dépenses (comme dans les bureaux ou les appartements chauffés collectivement sans individualisation), il est réaliste de prévoir que les usagers n'agiront pas sur les robinets (qu'ils soient thermostatiques ou manuels) pour économiser l'énergie.
8°) Il est possible de limiter les courses de réglage
Pour la plupart des robinets thermostatiques du commerce, les courses de réglage peuvent être bloquées à un niveau choisi (limite haute : 22 °C, par exemple).
Le niveau du blocage doit prendre en compte l'effet de décalage de la température mesurée par la température de l'eau pour un capteur incorporé (figure 3). Cet effet conduit à une diminution de la température ambiante avec l'augmentation de la température de l'eau. Comme celle-ci augmente avec le besoin de chauffage (avec la diminution de la température extérieure). Cet effet va à l'encontre du besoin de confort en chauffage : les usagers augmentent les températures ambiantes pour les conditions climatiques les plus rigoureuses.
Un blocage de la course ne peut donc pas être réalisé sans risque d'insatisfactions sur des robinets à bulbe incorporé soumis aux dérives par la température d'eau.
9°) Les robinets commandés depuis un capteur électronique de température sont plus performants
Pour un temps de réponse bien plus réduit que celui d'un capteur à dilatation, pour négliger les effets des défauts mécaniques comme les frottements secs sur presse-étoupe et pour mesurer une température ambiante sans perturbation de l'eau chaude, il faut des dispositifs électroniques de régulation d'ambiance.
Plusieurs solutions technologiques sont proposées chez des fabricants.
La plus simple consiste à placer des moteurs électrothermiques commandés par un thermostat à l'ouverture-fermeture, à la place des têtes thermostatiques, figure 7.
Figure 7. Un moteur électrique peut aisément remplacer une tête thermostatique. Commandé par un thermostat électronique mural, il permet d'obtenir une régulation d'ambiance performante (rapide, sans hystérésis ni influence de la température de l'eau chaude). Photo Danfoss.
10°) Des régulateurs efficaces compensent des déséquilibres hydrauliques
Les robinets thermostatiques traditionnels réclament un équilibrage hydraulique minimum, cet équilibrage doit être mené d'autant plus attentivement que la distribution est étendue. Avec des moteurs qui interrompent efficacement le débit d'eau dans les radiateurs (c'est-à-dire rapidement, sans fuites), l'équilibrage hydraulique des débits ne prend plus la même importance. De plus, les économies d'électricité par un circulateur à vitesse variable sont mieux assurées. Ainsi, en respectant des indications minimales pour concevoir les distributions de chauffage et en posant des régulateurs d'ambiance réellement efficaces, les problèmes d'équilibrage ne seront que des souvenirs du passé.
En conclusion
Maintenant, la régulation du chauffage à eau chaude n'est plus assujettie à la seule technologie des robinets thermostatiques traditionnels.
Performance énergétique, traque des derniers kWh, solutions aux problèmes d'équilibrage conduisent à appliquer d'autres solutions. Elles existent, elles réclament de ne plus sacrifier aux habitudes en prescrivant des robinets à bulbe séparé ou mieux des dispositifs électroniques.
Fait par René CYSSAU
Consultant équipement du bâtiment, ex ingénieur en chef du COSTIC, René CYSSAU est l'auteur d'ouvrages techniques dans la régulation et la gestion technique du bâtiment
La pose des robinets avec bulbes incorporés est-elle à la charge de la copropriété ? merci