Par Laurent BOITEUX - Chef de projet & Formateur – Bourgogne Bâtiment Durable
Réhabilitation, un marché en expansion…, oui mais attention travaillons de façon globale
Concevoir de façon globale une réhabilitation
Les aides financières nationales et locales génèrent une certaine augmentation des travaux de rénovation énergétique (crédit d’impôts, prêt à taux zéro, …). Une part du marché tenue par le secteur de la construction neuve se décale progressivement vers celui de la réhabilitation des logements. Cette tendance concerne bien entendu la majeure partie des corps de métier du bâtiment. Pour autant, sur le terrain, la majorité des passages à l’acte se réduit au simple remplacement de la chaudière ou à la pose de nouvelles menuiseries extérieures, sans même que soit envisagée la mise en place d’une ventilation efficace, ou un travail d’isolation et d’étanchéité à l’air de l’enveloppe bâtie. Ce n’est suffisant ni d’un point de vue technique, ni au regard des résultats attendus en matière d’efficacité énergétique.
Dans un objectif de massification et d’efficacité, les interventions globales sur l’enveloppe bâtie (isolation des parois, étanchéité à l’air, gestion des ponts thermiques et de l’humidité, …) et sur les systèmes (ventilation, chauffage, ECS, consommations électriques, …) sont de plus en plus encouragées. Ce qui est plutôt une bonne nouvelle pour les professionnels en quête de rebond économique et de chantiers à réaliser. Espérons que maîtres d’ouvrage et professionnels y trouveront bénéfices.
Réhabiliter sans risque, est-ce possible ?
De prime abord, il parait évident que les travaux de réhabilitation permettent l’amélioration du bâti. Or, diverses déconvenues nous ramènent parfois à la dure réalité et viennent assombrir ce tableau idyllique. En effet, une intervention mal gérée peut favoriser l’apparition de nouvelles pathologies, notamment structurelles et sanitaires, jusque-là inexistantes sur le bâti.
Pour exemple, si le recours à la ventilation ne peut qu’être valorisé du point de vue hygiénique, on relève de trop nombreux dysfonctionnements induits par une mauvaise pose des systèmes mécanisés de ventilation. L’installation, malheureusement courante des extractions d’air dans des espaces clos (combles, gaines et placards, …), c’est-à-dire sans sortie d’air à l’extérieur du bâti, conduit à l’apport trop important d’humidité dans ce volume. On imagine alors la conséquence sur les pièces de bois de charpente, les parois, la qualité de l’air intérieur. De plus, les parties des réseaux aérauliques situées hors du volume chauffé provoquent des ponts thermiques et des risques de condensation. Leur mauvaise isolation fait apparaître des pertes calorifiques et un potentiel vieillissement prématuré des équipements et éléments structurels du bâtiment.
Ces cas font malheureusement légion. S’ils ne doivent pas remettre en question le besoin de ventilation des locaux, ils nous alertent sur la nécessité de bien maîtriser la préparation et la réalisation des travaux de réhabilitation pour anticiper les éventuelles conséquences induites par la mise en œuvre de telle ou telle solution technique.
En ce qui concerne l’aménagement des combles, les éléments de charpente et de solivages bois, jusqu’alors naturellement ventilés, peuvent se retrouver inclus (ou en limite) de l’espace chauffé. Cette nouvelle configuration peut faire émerger des risques de condensation, de pourrissement ou de fragilité structurelle. D’où l’importance d’une bonne coordination (intégrant la maîtrise des interfaces entre chaque corps d’état) avant même le démarrage des travaux pour éviter ces problèmes.
Protégez l’isolation thermique, …, de sa dégradation !
Chacun sait qu’une couverture en tuiles ne peut pas être totalement étanche à la pluie et à la neige. Pourtant, dans le cadre d’un aménagement de combles, de nombreuses isolations thermiques sont posées en toiture directement sous chevrons sans que la problématique du pare-pluie n’ait été traitée.
Si, jusqu’alors la pluie pouvait traverser la couverture et venir humidifier les combles perdus, cela ne portait guère préjudice à la charpente puisqu’elle était naturellement ventilée. Mais, dès lors que des travaux sont engagés, cette eau peut venir humidifier l’isolant. Or, non seulement l’eau est préjudiciable pour le matériau lui-même mais, de surcroît, elle nuit considérablement à sa capacité d’isolation thermique. C’est pour cela que la pose d’un pare-pluie est absolument nécessaire afin de protéger l’isolation rapportée.
Malheureusement, certains posent encore l’isolant directement sous les tuiles sans autre forme de procès. D’autres encore, un peu plus consciencieux, fixent un pare-pluie directement sous les chevrons avant de dérouler leur laine ou d’insuffler leur isolant en vrac. Mais en agissant ainsi, ils génèrent un risque de sinistre non négligeable : celui de l’humidification accrue des pièces de charpentes désormais moins bien ventilées, puisqu’au contact direct du pare-pluie.
La seule alternative technique consiste à placer un élément pare-pluie par-dessus les pièces de charpente. Dans la grande majeure partie des cas, ceci oblige à détuiler l’ensemble de la toiture. Au regard de son coût (intervention extérieure, échafaudage, …), cette prestation n’est que très rarement comprise par les maîtres d’ouvrage qui préfèrent souvent se retourner vers l’artisan qui ne la propose pas. D’autant que, d’un point de vue juridique, la pose d’un pare-pluie n’est qu’une recommandation, et non une obligation.
Agir avec professionnalisme
A ce jour, cette problématique semble inextricable pour beaucoup alors que les enjeux en matière de sinistralité des ouvrages de charpente sont grands. Il appartient donc au professionnel de prendre ses responsabilités et de respecter quelques principes afin de minimiser les menaces structurelles encourues.
Bien entendu, il ne faut jamais faire l’impasse sur le diagnostic de l’état existant. Ce dernier permet de connaître la composition et l’état de conservation de la charpente (étanchéité, dégradations, présence d’insectes, défauts, …) et de vérifier la capacité de la structure à accepter telle ou telle surcharge. Il apporte aussi des informations relatives au respect des exigences en vigueur, notamment acoustique et incendie.
Le choix de la solution d’isolation peut alors être fait en connaissance de cause : en rouleaux, panneaux, insufflation sèche ou en projection humide, isolation extérieure de type Sarking, … Une attention sera naturellement portée à ce que de bonnes performances thermiques soient obtenues (si possible R > 8 m².K/W. soit environ 30 cm d’un isolant courant).
Isolation thermique extérieure de type Sarking
Pour de nombreuses raisons, notamment thermiques, la solution de type Sarking est à privilégier. La solution d’isolation Sarking permet d’insérer un lit continu d’isolant thermique entre la charpente et la couverture. C’est une « isolation extérieure » sous couverture (qui oblige à la dépose de la couverture existante) et qui se traduit par la pose d’un écran rigide et d’un pare-vapeur sur les chevrons.
L’étanchéité à l’air de cette surface doit, bien entendu, être assurée en tous points, y compris en périphérie et aux interfaces avec les autres surfaces du bâti (murs, pignons, planchers, …). Les panneaux isolants sont ensuite posés avant d’être eux-mêmes recouverts d’un pare-pluie (en panneau ou film). Puis les contre-chevrons et les liteaux sont mis en œuvre pour supporter la couverture finale. Une variante courante consiste à mettre en œuvre des panneaux préfabriqués sandwiches bois (complexes isolants complets directement posés sur la charpente existante). Dans tous les cas, il convient de laisser une lame d’air supérieure à 3 cm entre les tuiles et l’isolant de façon à éviter les chocs thermiques sur la toiture et à faciliter la ventilation de cette zone.
La surépaisseur du Sarking par rapport à l’état existant oblige à un nouveau traitement en rives qui peut parfois avoir une grande importance en termes d’esthétique ou de réglementation locale (hauteur des constructions, …).
Un autre point d’attention est à porter sur cette technique lorsqu’elle est utilisée comme isolation de logements contigus, car elle peut induire une transmission latérale du bruit d’un logement à un autre. Dans ce cas, des précautions au droit des parois séparatives sont à prévoir.
Isolation thermique en sous-pente de toiture
Lorsque cette technique n’est pas envisageable, on aura recours à une isolation en sous-pente de toiture. La pose d’un pare-pluie (s’il n’existe pas déjà) sur les chevrons est très fortement recommandée. Pour ce qui est de l’isolant, la première couche est placée entre chevrons. L’épaisseur de celle-ci doit impérativement être identique à la hauteur des chevrons et aucun vide d’air ne doit subsister entre ces deux éléments. La seconde couche croisée est ensuite mise en œuvre, permettant de réduire le pont thermique de la charpente. La pose du pare-vapeur se fait côté intérieur (coté chaud) avant finition. Ici encore, une attention toute particulière doit être portée pour assurer l’étanchéité à l’air de cette surface en tous points.
L'épaisseur de la première couche d'isolant doit être égale à l'épaisseur des chevrons
Dans le cas où l’isolant choisi est soufflé, la jonction avec les abouts et autres interfaces doit être traitée de façon spécifique et adaptée. Chaque secteur concerné doit faire l’objet d’une préconisation spécifique en amont qui permet l’obtention d’une continuité thermique entre les parties dites courantes et les points particuliers.
Dans l’approche globale, ne pas oublier l’étanchéité à l’air de la construction
Rappelons ici que ces travaux de réhabilitation modifient l’étanchéité à l’air du logement, ce qui oblige à reconsidérer complètement la ventilation des locaux. Ce serait une erreur que de faire l’impasse sur ce point.
La gestion de la perméabilité à l’air des parois lors des travaux de réhabilitation énergétique doit être prise en compte dès les phases amont du chantier. Elle concerne l’ensemble des corps d’état et demande leur implication sans faille. Les efforts des entreprises qui posent l’isolation thermique et assurent cette étanchéité à l’air en paroi courante ne doivent pas être réduits à néant par la mauvaise mise en œuvre d’un élément, si mineur soit-il : prise électrique, tuyauterie, sortie de ventilation, cheminée, antenne de télévision, fenêtre de toiture, …
D’autre part, la mise en place d’une isolation thermique performante favorise la réduction des besoins de chauffage. Il est donc important de vérifier l’adéquation du système de chauffage existant avec les nouveaux besoins suite aux travaux réalisés (puissance installée, régulation, modulation, réglage loi d’eau, …).
La complexité des travaux de réhabilitation nous rappelle, une fois de plus, la nécessité d’une maîtrise d’œuvre globale facilitant à la fois le travail de coordination entre tous et la qualité du travail de chacun.
Par Laurent BOITEUX
Chef de projet & Formateur – Bourgogne Bâtiment Durable
SOURCES ET LIENS
BonJour Florence. merci de votre commentaire que je valide totalement. Par delà les aspects obligatoire (ou non), je pense que la seule alternative professionnelle de qualité oblige à la pose d'un écran sous-toiture dans tous les cas... et que, même si c'est réglementairement possible aujourd'hui de ne pas avoir d'écran sous-toiture, il convient d'en placer un absolument pour obtenir une paroi efficiente... C'est d'ailleurs le message que je tente de faire passer dans mon texte, avec l'espoir d'apporter suffisamment d'arguments pour que cette recommandation soit respectée... Belle journée ! Laurent Boiteux