Par Anne Sophie PERRRISSIN FABERT - Directrice de l'association HQE
La nouvelle Réglementation thermique (RT 2012),
qui généralise les bâtiments basse consommation,
change aussi la donne. En effet, pour
continuer à être plus ambitieux, il est à présent
nécessaire de s'intéresser à l'ensemble
du cycle de vie du bâtiment et à d'autres
enjeux environnementaux et de santé.
Fin 2010, l'Association HQE a lancé le test
"HQE Performance" pour les bâtiments neufs basse consommation en démarche HQE, sur
deux thématiques du futur cadre de référence
: d'une part l'évaluation de la performance
environnementale des bâtiments par la
réalisation d'analyse de cycle de vie (ACV) bâtiment,
et d'autre part, la mesure de la qualité de
l'air intérieur. Elle avait ainsi pour but de faire
progresser la connaissance sur ces sujets et
d'acquérir une première idée d'ordre de grandeur
des valeurs repères pour les indicateurs environnementaux.
Cette chronique présente les
résultats les plus marquants de ce test.
L'évaluation "grandeur nature" par une analyse
de cycle de vie (ACV ) de 74 bâtiments -
représentant 800 logements et 300 000 m²
de surfaces tertiaires - est une première
mondiale.
Cycle de vie du bâtiment
74 bâtiments neufs étudiés
La RT 2012 changeant la donne avec une
consommation
énergétique des bâtiments
considérablement
réduite, l'étude l'a anticipée
en ne retenant que des Bâtiments Basse
Consommation (BBC) inscrits dans une démarche
HQE pour la plupart certifiés.
Pour faciliter la capitalisation des informations,
le test a eu recours à un seul logiciel d'ACV
bâtiment,
le logiciel Elodie développé par le
CSTB, partenaire de l'opération.
Dans cette étude, les impacts environnementaux ont été calculés pour le bâtiment sur les contributeurs suivants :
- produits et équipements de construction,
- consommation énergétique réglementée,
- consommation énergétique non réglementée,
- consommation et rejets d'eau.
Les résultats présentés dans les pages suivantes
sont calculés pour une durée de vie conventionnelle
de l'ouvrage de 100 ans. Cette durée
de vie conventionnelle ne correspond pas à celle
de l'utilisateur ni à celle de l'investisseur.
La structure des ouvrages est le plus souvent calculée
pour cette durée de 100 ans, ce qui n'empêchera
pas beaucoup d'entre eux d'avoir une durée
de vie plus longue comme en témoignent tous ces
bâtiments qui font la richesse
de notre patrimoine.
À noter :
La conversion énergie primaire/énergie finale dans la réglementation thermique et en ACV bâtiment se fait
sur des bases différentes. Ainsi, ces ratios, conventionnellement fixés dans la RT à 2,58 pour l'électricité et
1 pour les énergies fossiles, deviennent dans les ACV des valeurs plus proches de 3,13 pour l'électricité et
de 1,0 à 1,18 pour les énergies fossiles.
C'est pourquoi le BBC-Effinergie de 50kWh/m²/an est égal à 60,66 kWh/m²/an avec les ratios ACV.
Principes d'évaluation de la performance environnementale des bâtiments
Consommation énergétique, oui mais totale !
Fréquemment, lorsque l'on parle de consommation
énergétique d'un bâtiment neuf, on fait référence
à sa consommation sur les 5 usages de
la réglementation thermique (RT) : le chauffage,
les auxiliaires, l'eau chaude sanitaire, l'éclairage
et la climatisation. La RT 2012 exige un niveau
maximal pondéré pour ces consommations de
50 kWh/m²/an, exprimé en énergie primaire.
Mais le bâtiment a bien d'autres consommations
énergétiques : en particulier les consommations
non réglementées liées à la vie dans le bâtiment
(électroménager, audiovisuel, bureautique,
ascenseur, éclairage extérieur…) et l'énergie
contenue dans les produits et équipements souvent
appelée "énergie grise".
Comme le montre ce test, ces autres consommations
sont loin d'être négligeables dans un
bâtiment BBC puisque les usages réglementés
représentent seulement 24 % de l'énergie primaire
totale pour les bureaux et 37 % pour les
maisons individuelles.
A noter :
- Pour un même bâtiment, réduire la durée de vie de 100 à 50 ans pour un même bâtiment, n'augmente que marginalement (entre 5 % et 10 %) ces consommations d'énergie primaire.
- 85 % à 95 % de la consommation d'énergie primaire totale sont non renouvelables.
Dans un bâtiment basse consommation, les usages "réglementés" représentent seulement 24 % de l'énergie primaire totale pour les bureaux et 37 % pour les maisons individuelles.
Indicateur : consommation énergétique totale en kWh/m2 shon/an
Emission de Gaz à Effet de Serre
Bien que l'indicateur s'exprime en kilogramme
équivalent CO2, c'est bien l'ensemble des émissions
de gaz à effet de serre à l'origine du changement
climatique qui a été évalué : dioxyde
de carbone (GES), méthane (CH4), protoxyde
d'azote (N20), hydrofluorocarbures (HFC), perfluorocarbures
(PFC) et hexafluorure de soufre
(SF6). L'indicateur changement climatique traduit
principalement l'impact des sources d'énergies
utilisées (électricité, gaz, réseau de chaleur...)
et donc doit être lu en association avec
l'indicateur des déchets
radioactifs
marqueur
de la consommation d'électricité fournie par le
réseau.
Les produits et équipements de construction
sont la principale source de GES du fait de certaines
phases de leur cycle de vie, notamment le
procédé de fabrication et le transport. Ils pèsent
au moins pour la moitié des émissions. A contrario,
ils sont très minoritaires pour les déchets
radioactifs.
À noter :
- Le peu d'écart entre les différents bâtiments dans le résidentiel au niveau de l'impact GES des produits et équipements de construction montre que les systèmes constructifs étudiés ici, bien que très variés, se valent. Plusieurs leviers pour baisser leurs émissions de GES sont disponibles : innovation des produits, des systèmes constructifs eux-mêmes et surtout démarche globale de la conception des bâtiments.
- Le poids plus important en CO2 dans la consommation d'énergie réglementée des immeubles collectifs traduit une source énergétique moins électrique que pour les autres
Indicateur : émissions de gaz à effet de serre en kgeqCO2/m2 shon/an
Les produits et équipements de construction pèsent au moins pour la moitié des émissions de GES
Contenu CO2 des sources d'énergies pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire
(en kg eq CO2)
Les déchets
Les déchets sont classés en trois catégories réglementaires :
- les déchets inertes : béton, terre cuite, carrelage, verre et plus généralement les déchets de matériaux minéraux non pollués…
- les déchets non dangereux : la majorité des déchets des produits de construction de second oeuvre, les emballages des produits de construction, déchet métallique...
- les déchets dangereux : emballages de peintures souillés, huiles, solvants, certains bois traités…
Déchets inertes
Les produits de construction sont un levier
d'action essentiel pour travailler sur cet indicateur.
En effet, ils représentent au minimum 70 %
de la production de déchets inertes. Cela est dû
notamment au scénario de "fin de vie" du bâtiment
: sa déconstruction complète au bout de
100 ans et une mise en décharge intégrale des
déchets inertes.
Bien évidement, plus la durée de vie du bâtiment
est longue, plus la production de déchets inertes
générés, essentiellement par les matériaux de
structure, est lissée dans le temps.
Les produits de construction représentent au
moins 70 % de la production de déchets inertes
du bâtiment.
Indicateur : production de déchets inertes en kg/m² shon/an
La consommation d'eau
L'indicateur consommation
d'eau à l'échelle
du cycle de vie du bâtiment est dû à 89 % à la
consommation d'eau pendant la vie du bâtiment.
Toutes typologies confondues, l'indicateur
consommation
d'eau à l'échelle du cycle de vie
du bâtiment est dû à 89 % à la consommation
d'eau pendant la vie du bâtiment.
Le scénario de consommation d'eau pour la
phase de vie du bâtiment pèse donc considérablement
sur cet indicateur.
Indicateur : consommation d'eau en L/m2 shon/an
La Qualité d'Air Intérieur
Quatre opérations ont fait l'objet d'une mesure de qualité de l'air intérieur (QAI) dans le cadre du test HQE Performance 2011 entre mars et août 2011 :
- un immeuble collectif,
- une résidence étudiante,
- une maison individuelle,
- un immeuble de bureaux.
Les mesures ont été réalisées selon les opérations
par Atmo Franche-Comté, Atmo PACA et le
Laboratoire d'hygiène de la Ville de Paris.
Conformément au protocole HQE Performance
établi pour la mesure de la qualité de l'air intérieur
des bâtiments neufs, les polluants mesurés
ont été les suivants : dioxyde d'azote, benzène,
formaldéhyde, particules (PM 2,5 et PM 10),
composés
organiques volatils totaux et radon
(pour les zones concernées).
Ce protocole a été défini notamment à partir de
ceux utilisés pour la campagne "école" portée
par l'OQAI.
Mémo QAI
Qualité de l'air intérieur pour les bâtiments
neufs : valeurs sanitaires de référence pour
une exposition long terme
Dioxyde d'azote (NO2)
40 μg.m-3
Etablies par l'OMS
Benzène
5 μg.m-3 : valeur repère
2 μg.m-3 : valeur cible pour 2015
Etablies par le Haut Conseil de la Santé Publique
Formaldéhyde
30 μg.m-3 : valeur repère
20 μg.m-3 : valeur cible pour 2014
10μg.m-3 : valeur cible pour 2019
Etablies par le Haut Conseil de la Santé Publique
Radon
400 Bq.m-3
Etablies par l'Arrêté du 22 juillet 2004 relatif aux modalités
de gestion du risque lié au radon dans les lieux ouverts
au public.
COV Totaux
> 300 – 1000 μg.m-3 : pas d'impact spécifique,
mais augmentation de la ventilation recommandée.
< 300 μg.m-3 : valeur cible
Etablies par la Commission - Hygiène de l'air intérieur –
de l'Agence fédérale allemande pour l'environnement
Qualité de l'air intérieur, plusieurs
facteurs à prendre en compte
Source des informations présentées dans la suite de ce chapitre : SQUINAZI F. - HQE PERFORMANCE - Mesure de la qualité de l'air intérieur des bâtiments neufs
à réception - Retour d'expérience sur les campagnes de mesure - Dec. 2011.
De façon autonome, les acteurs de la
construction ne savent pas vers qui
s'orienter pour faire les mesures de
qualité de l'air intérieur.
Sur les opérations étudiées, on constate dans
la plupart des cas, que les valeurs mesurées de
formaldéhyde, de benzène, de dioxyde d'azote,
de monoxyde de carbone et de radon respectent
les valeurs sanitaires repères actuelles.
Néanmoins, bien que les tests aient été réalisés
sur des bâtiments neufs avant occupation (et
donc sans mobilier), la valeur cible pour le formaldéhyde
de 10 μg.m-3, qui témoigne d'une
très bonne qualité de l'air, n'est jamais atteinte.
Les tests montrent également des différences
significatives entre les valeurs observées dans
différents locaux d'un même bâtiment. Des
causes potentielles ont été évoquées :
- nature de certains produits de décoration,
- qualité de l'air extérieur (proximité de voies de circulation automobile à fort trafic, station essence…),
- dysfonctionnement du système de ventilation.
Ces tests soulignent aussi l'impact positif de la
ventilation sur les concentrations des polluants
dans l'air intérieur des bâtiments. En effet, dans
deux des quatre cas où il y avait un dysfonctionnement
de la ventilation, la concentration des
polluants à l'intérieur des locaux était beaucoup
plus forte et les valeurs sanitaires repères alors
non atteintes.
Dans un des cas, la ventilation a contribué
aussi à l'entrée de polluants d'origine extérieure
(les indicateurs choisis étant le benzène et le
dioxyde d'azote). Ce constat nécessite d'étudier,
en amont de la construction d'un bâtiment,
l'impact de la pollution extérieure et de mettre
en oeuvre des solutions adaptées afin de lutter
contre la pénétration des polluants d'origine
extérieure.
Ces tests montrent la faisabilité du protocole
établi par l'Association HQE pour la plupart des
polluants recommandés : formaldéhyde, benzène,
dioxyde d'azote et radon. La mesure des
particules et des COV "Totaux" a posé problème
quant à son mode de mesure (disponibilité des
appareils de mesure recommandés…).
Si la planification d'une campagne de mesure de
la qualité de l'air intérieur dans un bâtiment neuf "à réception" peut-être pensée comme difficile à
mettre en oeuvre, le test a prouvé que cela était
possible. Les mesures ont été menées dans des
locaux inoccupés et représentatifs du bâtiment
étudié.
C'est là une pratique opérationnelle intéressante.
Enfin, dans le cadre du test, l'Association HQE,
s'appuyant sur le réseau des AASQA (Agences
agréées de surveillance de la qualité de l'air), a pu
proposer aux participants des contacts pour faire
les mesures. Mais, il est certain que de façon
autonome
les acteurs de la construction ne savent
pas vers qui s'orienter pour faire ce type de mesures
et que la plupart des laboratoires n'ont pas
encore à disposition le matériel nécessaire.
Par Anne Sophie PERRRISSIN FABERT
Anne Sophie PERRRISSIN FABERT est directrice de l'association HQE.
Pour obtenir le document HQE PERFORMANCE « Premières tendances pour les bâtiments neufs »
HQE PERFORMANCE
SOURCES & LIENS
A propos de l'Association HQE
Plateforme de la construction et de l'aménagement durables reconnue d'utilité publique, l'Association HQE accompagne les donneurs d'ordres, professionnels, experts et usagers pour :
- Anticiper et initier la réflexion
- Contribuer au développement de l'excellence dans les territoires et pratiques professionnelles
- Porter l'intérêt général du secteur à l'international au travers de France GBC
Pour ce faire, elle propose et fait évoluer des cadres de référence, mutualise les connaissances, forme les professionnels et incarne ses valeurs auprès des réseaux et instances tant nationaux qu'internationaux. Forte d'un savoir-faire de plus de 15 ans, l'Association HQE a créé, porte et décline la démarche HQE.