Quelle valeur pour le contenu CO2 de l'électricité ?

Par Tanguy Le Guen et Guillain Chapelon - Direction Recherche & Technologies - GDF SUEZ – CRIGEN

De nombreuses discussions sont en cours autour de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le cadre notamment de la loi sur la transition énergétique, de l’application de l’article 75 du Grenelle II, qui définit pour les entreprises et les collectivités l’obligation de réaliser des bilans d’émissions de GES et des plans d’action visant à les réduire, ou de la prochaine réglementation thermique des bâtiments [1]. Pour mesurer l’impact des consommations énergétiques en matière d’effet de serre il est d’usage de recourir aux contenus CO2 qui reflètent la quantité de GES, exprimée en équivalent CO2, émise par la consommation d’un kWh d’énergie.
La question du contenu CO2 des différentes énergies est donc centrale dans ces débats.

L'évaluation du CO2 pour l'électricité est complexe

Si l’évaluation de ce contenu CO2 est aisée pour les énergies fossiles comme le gaz naturel ou le fioul, pour lesquels le calcul découle directement des équations de combustion, elle est en revanche bien plus complexe pour l’électricité, cette dernière n’étant pas une énergie naturellement disponible (à l’exception de la foudre et des phénomènes électrostatiques) mais un vecteur énergétique. La consommation d’électricité n’entraîne pas directement d’émission de GES, en revanche, elle en génère indirectement par l’utilisation des combustibles nécessaires à sa production le cas échéant. Par conséquent, les émissions de CO2 induites par la consommation d’un appareil électrique dépendent des moyens de production utilisés. Leur évaluation nécessite donc le recours à des méthodes d’allocation. Contrairement à une idée reçue, il n’existe pas une méthode unique et universelle mais plusieurs méthodes complémentaires, chacune étant adaptée à un champ d’application bien précis [2].

En pratique, le fonctionnement du parc électrique obéit à une logique économique visant à réduire le coût de production de l’électricité, et repose donc sur l'empilement des moyens de production par ordre de coût d’exploitation croissant : les moyens de production les moins coûteux sont appelés en premier puis successivement les moyens de plus en plus coûteux jusqu'à atteindre l'équilibre offre-demande (principe du merit-order). Par conséquent, comme le montre la figure 1, les énergies fatales et le nucléaire sont appelés en premier et constituent le talon de la production électrique, puis sont appelées les centrales thermiques au charbon, au gaz naturel et au fioul selon leur coût. Ce merit-order est fait à chaque instant pour répondre à la demande d’électricité. Dans la grande majorité des situations, à l’instar de l’exemple ci-dessous correspondant au 11 Décembre 2013 à 19 h, le coût d’un MWh produit par une centrale à charbon s’avère plus faible que celui produit par une centrale au gaz naturel ou au fioul.

merit order

Figure 1 : Les moyens de production d’électricité sont appelés en fonction de leur coût de production :
d’abord les énergies fatales, puis le nucléaire et enfin les centrales thermiques à flamme
– source : éCO2mix (RTE) 11 décembre 2013.

 

Bilan ou plan d'action, à chacun sa méthode

L’entrée en application de l’article 75 de la loi Grenelle II a amené les pouvoirs publics à s’interroger sur la méthode de calcul à utiliser pour évaluer le contenu CO2 de l’électricité dans deux cas distincts : la réalisation d’un bilan d’émissions de GES et l’établissement d’un plan d’action visant à réduire ces émissions. La réponse à ces deux questions, ne se résume pas à une seule mais bien à deux méthodes d’allocation.

La notion de bilan de GES fait référence à des émissions de CO2 générées dans le passé. Dans la mesure où la provenance d'un kWh électrique ne peut pas être précisément déterminée, le contenu carbone de l’électricité est obtenu en moyennant les émissions de CO2 du parc de production sur la période considérée. C’est la méthode dite «moyenne».

En revanche, pour un plan d’action visant à réduire ces émissions, l’objectif est d’orienter les choix d’investissement vers les solutions les moins émettrices de GES. Par conséquent, il faut retenir une méthode mettant en valeur l’impact futur de chacune des options envisagées par rapport aux autres choix possibles, y compris celui de l’inaction. Ce raisonnement fait appel aux méthodes dites « marginales » dérivées de la notion de coût marginal, particulièrement utilisé pour orienter les décisions économiques. A noter que ce raisonnement est à la base des tarifs régulés de l’électricité en France développé en son temps par Marcel Boiteux, président d’honneur d’EDF.

2.1) Les méthodes moyennes permettent de faire un bilan sur le passé

Déterminer la relation entre la consommation d’électricité et les émissions de CO2 nécessite d’associer précisément un moyen de production d’électricité à cette consommation, ce qui est rarement possible. En effet, si les moyens de production s’ « empilent » selon à un ordre de priorité, les usages de l’électricité n’ont pas de priorité les uns par rapport aux autres. Par conséquent, comment évaluer les émissions de GES générées par un appareil électrique sachant que les moyens de production mobilisés varient à chaque instant pour répondre à la variabilité de la demande ? Selon que l’électricité ait été produite par une centrale à charbon ou une centrale nucléaire, les émissions de CO2 varient considérablement : elles sont quasi-nulles pour le nucléaire et grimpent jusqu’à un peu plus de 1 000 kgCO2/MWh pour certaines centrales à charbon.

Un raisonnement simple consiste à diviser l’ensemble des émissions de CO2 du parc de production par l’ensemble de l’électricité produite ou consommée. On arrive alors à déduire un contenu CO2 moyen de l’électricité pour tous les usages, contenu qui n’est autre que la moyenne des émissions. Avec une telle méthode, le contenu CO2 moyen de l’électricité à la production est de l’ordre de 60 à 70 kgCO2/MWh en France ce qui traduit l’importance du parc nucléaire et hydraulique  dans le mix énergétique français. A titre de comparaison, le contenu CO2 moyen de l’Allemagne est supérieur à 500 kgCO2/MWh [3].

Au-delà de ces calculs d’émissions totales de GES rapportées à la production ou à la consommation d’électricité, il existe d’autres méthodes moyennes distinguant les contenus CO2 en fonction des différents usages de l’électricité. La plus connue est la méthode dite « saisonnière », développée conjointement par l’ADEME et EDF en 2005 [4] et révisée en 2012 [5], qui est la plus utilisée en France, elle sert notamment de base pour le calcul du Diagnostic de Performance Energétique (DPE).

Le principe de calcul repose sur une séparation de la production d’électricité en une partie dite « de base » et une partie dite « saisonnière ». Le talon de production des différentes ressources du parc est affecté à la partie « de base », tandis que le reste est affecté à la « partie saisonnière » (voir Figure 2). Pour chacune de ces parties « base » et « saisonnière » on calcule un contenu CO2 sur le principe du contenu moyen. Le nucléaire et l’hydraulique fonctionnant principalement en base, la partie de base aura un contenu CO2 très faible. La partie saisonnière regroupe, quant à elle, l’essentiel des moyens thermiques. Le même principe de séparation est appliqué aux consommations des différents usages (chauffage, éclairage, industrie,…) afin de leur affecter un ratio de saisonnalité qui correspond à la répartition des consommations entre les parties « de base » (le talon de consommation) et « saisonnière » (la partie fluctuante). Il est alors possible de calculer le contenu CO2 de ces usages. Par exemple, le chauffage, usage entièrement saisonnier, a un contenu de 210 kgCO2/MWh tandis que les usages de base ont un contenu de 40 kgCO2/MWh.

usages thermiques elec

Figure 2: Le poids important des usages thermiques de l'électricité (chauffage, ECS) induit
une forte saisonnalité de la demande française d'électricité (S : saisonnier – NS : non saisonnier).

Cette méthode permet d’allouer les émissions de CO2 du parc de production d’électricité des années passées aux consommations d’électricité. Elle traduit bien un bilan de GES mais présente cependant deux inconvénients majeurs. Premièrement, cette méthode oblige à faire des simplifications sur la prise en compte des importations et des exportations alors que le fonctionnement du système électrique ne peut faire abstraction des interconnexions sur la plaque européenne. Par exemple, dans la méthode ADEME-EDF, la nécessité de démarrer des groupes de production à l’étranger pour compenser une modulation à la baisse des exportations françaises, lorsqu’elle se produit, est ignorée. Deuxièmement, les variations horaires ne sont pas prises en compte. Cela donne une part saisonnière faible à des usages tels que l’éclairage ou la cuisson alors que ces derniers agissent fortement sur la pointe de la demande d’électricité. A ce sujet Christian Cardonnel a proposé sur le site internet XPAIR une approche intéressante basée sur une méthode horaire pour le calcul du contenu CO2 [6]. Gardons en mémoire les limites de ces méthodes d’allocation « moyennes » pertinentes pour évaluer des consommations passées mais incapables de refléter l’impact d’une hausse ou d’une baisse de la consommation d’électricité sur les émissions de CO2. Ce point est d’ailleurs clairement indiqué dans le guide méthodologique de l’ADEME sur la méthode saisonnière [5] : « Ces résultats n’ont vocation à être utilisés pour rendre compte de l’impact en termes d’effet de serre lors de l’évaluation de projets car ces facteurs d’émissions ne traduisent pas l’impact sur le système électrique d’une action future mais uniquement l’impact historique ».

2.2) Les méthodes marginales permettent d’orienter les choix d’investissement

Les méthodes marginales se proposent de rendre compte de l’impact d’une action, par exemple une hausse ou une baisse de la demande, sur le réseau électrique et ses émissions. Pour optimiser le coût de production du kWh électrique, comme évoqué au premier paragraphe, le gestionnaire du réseau sollicite les moyens de production par ordre de coût marginal croissant (voir Figure 1). Par analogie à cette notion de coût marginal, les méthodes marginales d’allocation des émissions de CO2 ont été développées pour évaluer les conséquences d’une action sur le fonctionnement du réseau électrique et de ses émissions de GES. Elles consistent donc à rechercher le moyen de production d’électricité sollicité par une hausse ou baisse de la demande d’électricité, afin de déterminer le contenu CO2 de cette consommation d’’électricité marginale.

empilement des moyens de production

Figure 3: Illustration de l’empilement des moyens de production par ordre de coût d’exploitation croissant (merit-order)
Source : éCO2mix (RTE) 26 novembre 2013.

En hiver, la baisse des températures implique la mise en fonctionnement d’un nombre croissant de moyens de production. La sensibilité à la température de la consommation française d’électricité est estimée par RTE à 2 400 MW/°C en moyenne durant la période hivernale. La Figure 3 présente le cas d’une journée moyenne en hiver. En supposant qu’il ait fait légèrement moins froid sur cette journée du 26 Novembre 2013, la logique économique d’optimisation du coût de production aurait impliqué un recours plus faible au moyen de production le plus cher. Une baisse de 1 MW de la demande sur la journée par exemple aurait sûrement fait diminuer la sollicitation des centrales thermiques évitant ainsi des émissions de CO2 associées, comprises entre 500 et 1 000 kgCO2/MWh. Cet exemple de marginalité des moyens de production fioul n’est pas généralisable sur le reste de l’année. En fonction du moment auquel les économies d’électricité sont réalisées et des risques de congestion du réseau, nous observons un ajustement des moyens nucléaires parfois et thermiques classiques la plupart du temps. Sur l’année, le contenu CO2 évité est donc la moyenne des contenus CO2 marginaux des moyens de production. L’ADEME et RTE [7] évaluent ce contenu entre 450 et 700 kgCO2/MWh, ce qui indique que, dans un périmètre interconnecté où l’hydraulique, l’éolien et le nucléaire sont disponibles en quantité limitée, l’essentiel de l’ajustement marginal est réalisé par les moyens de production thermique à flamme.

Ce contenu CO2 marginal, réalisé sur une année, donne une vision « actuelle » des ajustements. Pour lui permettre d’éclairer correctement les choix d’investissement, il est nécessaire d’y ajouter une vision prospective afin de tenir compte des évolutions futures du parc de production et de la demande d’électricité. Le Green House Gas Protocol, référence mondiale dans l’évaluation des émissions de GES, préconise la comparaison de deux scénarios de demande à moyen ou long terme pour répondre à la question de l’impact d’un nouveau projet [8] :

- Un scénario dit tendanciel, correspondant à l’évolution la plus probable de la demande d’électricité et des moyens de production. L’évolution des moyens de production prend en compte les investissements liés à des engagements politiques (par exemple pour les ENR) et les choix économiques dont le but est d’assurer l’équilibre offre-demande (voir Figure 4).

- Un scénario s’appuyant sur le scénario dit tendanciel, mais incluant une action correspondant à une consommation supplémentaire ou évitée, dont on souhaite évaluer le contenu CO2.


Pour répondre à la demande supplémentaire ou éviter d’un kWh, la méthode a recours soit à un moyen de production existant, soit à la construction d’une nouvelle centrale de production d’électricité. L’ADEME et RTE estiment à 380 kg/MWh le contenu CO2 évité grâce à des mesures de maîtrise de la demande d’électricité à l’horizon 2020 [7]. Cette procédure met en avant deux points fondamentaux de l’analyse prospective des émissions de GES :

- D’une part, le rôle majeur joué par les interconnexions dans l’ajustement à la hausse ou à la baisse de la demande d’électricité en France. Les calculs réalisés par l’ADEME et RTE montrent qu’une baisse de la consommation d’électricité en France induit une augmentation des exportations l’électricité, ce qui entraîne à son tour l’arrêt de moyen de production à l’étranger, évitant ainsi des émissions de CO2. A partir des scénarios prospectifs établis par RTE en 2011 [9], on peut estimer qu’à l’horizon 2020, 75% des ajustements seront réalisés par des moyens de production situés en dehors du périmètre national. Il est donc crucial de donner une dimension européenne à la méthode d’allocation employée.

- D’autre part, la nécessité de distinguer l’évolution tendancielle des émissions de GES de l’impact de l’action considérée. La majorité des scénarios prospectifs prévoient une diminution des émissions de CO2 du parc du fait du remplacement des centrales charbon les plus anciennes par des centrales moins polluantes et par le développement des énergies renouvelables. Dans un souci de rigueur de raisonnement, il est important de ne pas attribuer ces baisses d’émissions au bénéfice de l’action évaluée.


Le choix des scénarios d’évolution joue un rôle important dans ces résultats et certains paramètres sont difficilement prévisibles à long terme (prix mondiaux des énergies, politiques énergétiques, croissance économique, …). Néanmoins, il est certain que l’ajustement de la production à horizon 2020 sera assuré au mieux par des moyens de production au gaz naturel, limitant l’impact en émission de GES, au pire par des centrales charbon. Le contenu CO2 marginal devrait donc être compris entre 400 et 800 kg/MWh.

’évolution tendancielle

Figure 4: L’évolution tendancielle est constituée de la meilleure anticipation de la demande et des moyens
de production d’électricité. Les gestionnaires de réseau sont tenus de réaliser ces prévisions afin d’identifier
les investissements nécessaires pour compléter le parc existant et ainsi garantir l’équilibre offre-demande.

L'utilisation de la méthode adéquate est primordiale

Le critère d’additivité est souvent utilisé pour invalider les approches marginales : il peut être tentant de retrancher d’un premier bilan de GES les émissions évitées, calculées avec la méthode marginale, afin de calculer son futur bilan d’émission de GES, ce qui peut conduire à un futur bilan négatif. La principale difficulté d’appréciation des émissions de CO2 dues à l’électricité vient du fait que la consommation d’électricité n’émet pas en elle-même de CO2 de manière directe mais de manière indirecte. Lorsqu’un consommateur réduit sa consommation, il oblige les producteurs à adapter leurs offres et par conséquent leurs émissions. Cette réduction s’applique donc à l’ensemble des consommateurs et non seulement à celui ayant réduit sa consommation.

’chéma simplifié du parc de production français

Figure 5 : Schéma simplifié du parc de production français, avec le nucléaire à bas coût et faiblement
émetteur de GES et les centrales thermiques à flamme, plus onéreuses et fortement émettrices de GES.

La Figure 5 illustre ce phénomène pour un cas volontairement simplifié avec seulement deux moyens de production : une réduction de la consommation, et donc des émissions de GES associées (en gris), a un impact sur le contenu moyen et permet donc à tous les acteurs de réduire leurs émissions indirectes (en rouge). L’utilisation de la méthode marginale permet d’agir dans l’intérêt commun et non seulement dans l’intérêt propre.

S’il existe différentes méthodes de calcul, aucune ne peut être considérée comme universelle. Pour être pertinente, chacune doit être utilisée en fonction du contexte et du problème considéré.

A l’heure de la transition énergétique, des questions se posent sur le chemin à emprunter pour conduire nos sociétés vers une plus grande sobriété énergétique et une réduction forte de notre impact environnemental.
Les débats sont déjà nombreux notamment autour de la place des différents systèmes de chauffage dans l’habitation. Une évaluation juste des émissions de GES remet en cause l’idée reçue du caractère peu émissif de l’électricité dans le cadre de nouveaux projets comme ceux de la construction neuve. Pour faire face aux enjeux de demain, il faudra pour l’électricité se limiter aux appareils ayant une performance au moins égale à celle des pompes à chaleur électriques et abandonner le chauffage électrique direct.

L’urgence et l’importance d’engager une transition énergétique pour réduire les impacts majeurs du changement climatique justifient sans aucune équivoque l’adoption des méthodes de mesures adéquates afin de garantir les meilleurs choix politiques.



Bibliographie :

[1] Loi n°2010-788 du 12 Juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement

[2] Contenu CO2 de l’électricité : une question d’objectifs – Association négaWatt, Les cahiers de GLOBAL CHANCE - N° 27 - Janvier 2010

[3] CO2 Emissions from Fuel Combustion, Highlights – AIE, 2013

[4] Note de cadrage sur le contenu CO2 du kWh par usage en France – ADEME, 14 Janvier 2005

[5] Evaluation du contenu en dioxyde de carbone (CO2) des différents usages de l’électricité distribuée en France métropolitaine entre 2008 et 2010 – ADEME, 2012

[6] Analyse du kWh d'électricité français, millésime 2012 – Christian Cardonnel, 15 Octobre 2013

[7] Le contenu en CO2 du kWh électrique : avantages comparés du contenu marginal et du contenu par usages sur la base de l’historique – ADEME-RTE le 8 Octobre 2007

[8] Guidelines for Quantifying GHG Reductions from Grid-Connected Electricity Projects – World Resources Institute and the World Business Council for Sustainable Development, Décembre 2005

[9] Bilan prévisionnel de l’équilibre offre-demande d’électricité en France – RTE, édition 2011

Par Tanguy Le Guen et Guillain Chapelon
Chef de projet Réglementations Thermiques Bâtiments Direction Recherche & Technologies – GDF SUEZ – CRIGEN

SOURCES ET LIENS

Commentaires

  • HELOISE
    0
    16/01/2015

    Bravo pour ces explications très claires sur le sujet de l'évaluation du contenu CO2 qui est complexe, avec des enjeux forts, que ce soit pour réaliser le bilan d'une situation existante ou prévoir l'avenir du mix énergétique français.
    A coupler également avec une vision des consommations énergétiques en énergie primaire!


  • Hervé
    0
    18/10/2014

    Bonjour,
    Je suis en parfait accord avec vous sur l'approche marginale, qui, si elle avait été utilisée plus tôt aurait permis d'éviter quantité d'aberrations grossières générées par les différentes RT. Mais vous sous estimez le potentiel d'un mix beaucoup plus orienté électrique et notamment couplé au bon usage de certaines ENR car les choses peuvent changer. Je m'explique:

    Dans l'approche moyenne, on a effectivement tendance à favoriser le "grille pain" mais aussi à favoriser d'autres aberrations indirectes:
    - Par exemple la vmc double flux qui consomme toute l'année mais est très performante en hiver se fait sortir du marché par la vmc simple flux dans le sud de la France, ce qui conduit à favoriser la conso d'électricité de pointe ou de gaz/fioul lorsque 'il fait froid.
    - De même le chauffe eau solaire thermique qui utilise un appoint électrique en hiver va consommer majoritairement l'électricité riche en CO2 alors qu'un chauffe eau thermodynamique (encore mieux sur air extrait) va consommer à peu prés autant de Kwh mais régulièrement toute l'année et justifier la construction d'une centrale nucléaire faiblement émettrice de CO2 plutôt qu'une centrale à Gaz/ Charbon/Fioul nécessaire au chauffe eau solaire thermique. Au final certainement un facteur 2 ou 3 réel sur les émissions de CO2 alors que c'est considéré comme quif-quif actuellement.

    Vous faites une seconde erreur sur le potentiel d'un Mix fortement électrique. Les temps ont changé. Certes je suis parfaitement d'accord que, sauf révolution majeure dans les techniques de stockage, le solaire PV et l'éolien ne pèseront pas beaucoup dans le mix, mais dans une certaine mesure ils peuvent être soutenus par l'hydraulique qui délestée d'une partie de sa charge quand le vent souffle, pourra la rediriger aux moments des creux. Leur contribution ne sera pas nulle même si on sera loin de 100%...

    Mais votre plus grosse erreur est de sous estimer les progrès fait dans les machines thermodynamiques et l'isolation des maisons.

    Une PAC même air air de qualité correcte donne aujourd’hui un rendement supérieur à 300% en moyenne hivernale (sur une bonne partie de territoire, pas en zone très froide bien sur). Donc même si l’électricité consommée par cette PAC était produite à 100% par une centrale à gaz à cycle combiné, avec 10% de pertes dans les transport, ça donne un rendement global de 0.6 x 0.9 x 3 = 162%, bien supérieur à la meilleure des chaudières disponible dans le meilleur des cas.

    S'appuyer sur l'usage de la flamme comme source de chaleur est une voie de garage en matière de réduction d'émissions de CO2 qui nous bloquera à un niveau d'émissions élevé, comme c'est le cas en Allemagne.

    A l'inverse, un programme adapté de migration vers un mix électrique bien pensé peut nous permettre de réduire considérablement nos émissions par rapport à notre niveau actuel (déjà nettement meilleur que beaucoup d'autres pays ayant le même niveau de développement).

    Concernant le chauffage,
    Pour le marché du neuf, on est capable aujourd’hui, en combinant isolation et inertie, de faire des maisons qui ont un besoin tellement réduit qu'il n'est quasiment plus nécessaire de disposer d'un chauffage. En redirigeant l'investissement coûteux d'un chauffage central, abonnement au gaz devenu inutile et facture d’énergie, sur l'isolation, un poêle à bois en complément permet de passer les moments les plus froids sans consommer beaucoup. Le rôle de l'inertie en hiver est encore largement sous estimée, bien réalisée elle lisse les apports solaires, les sources de chaleur internes (cuisine, ...) et la production du poêle de manière efficace.

    Dans le bâtiment ancien en revanche, isoler est coûteux et parait illusoire. Lancer un programme visant à remplacer le chauffage électrique conventionnel et les chaudières à gaz par une pompe à chaleur couplée à un poêle à bois peu donner des résultats assez exceptionnels en matière de réduction des émissions de CO2. Il suffit d'adosser le coût de l’électricité aux émission de CO2 pour motiver les habitants de ces maisons à allumer le poêle tout en profitant de la facilité d'usage de la PAC l'essentiel de l'hiver. En mi saison le gain de performance des PAC par rapport au grille pain conventionnel permet de couvrir le remplacement des chaudières au fioul et au gaz avec la même surconso électrique qu'actuellement (Environ 60Twh pour 1/3 des bâtiments). Pas d'augmentation significative des émissions de CO2 pour la production de l’électricité. Le rôle des PAC dans ce concept est surtout de préserver la ressource en bois qui est assez limitée (150Twh / an de mémoire) sans émettre trop de CO2, et de conserver une certaine convivialité. (Le poêle a pellet bien qu'infiniment mieux que le traditionnel nécessite quand même une corvée de bois)

    Ce concept peut s'obtenir à des niveaux de coût réalistes (quasi rentables, pas de surcoût non amortissable) et utilise des techniques existantes, développées et viables.


  • Tanguy (Auteur)
    0
    11/10/2014

    Bonjour,
    Je vous rejoins sur le fait que ce qui compte c’est bien le résultat, et donc de réduire les émissions du systèmes. L’intérêt du raisonnement marginal long terme est qu’il donne le meilleur indicateur pour prendre les bonnes décisions pour l’avenir, ce que ne permet pas le raisonnement moyen. Le raisonnement marginal nous indique que l’augmentation de la demande d’électricité aura un effet sur les émissions de CO2 à long terme équivalent à 400 gCO2/kWh. En comparant, ces émissions avec celles des alternatives disponibles à l’électricité, il est possible de faire le meilleur choix vis-à-vis de la lutte contre le changement climatique.

    Vous pouvez comprendre facilement ce raisonnement en étudiant la manière dont est calculé l’impôt sur le revenu. Cet impôt est progressif, il est découpé en tranche dont le taux d’imposition est croissant. Si vous souhaitez calculer l’augmentation de votre impôt suite à une prime, il est nécessaire d’appliquer au montant de cette prime votre taux marginal d’imposition (ie. le taux correspondant à la dernière tranche d’imposition). Il est évident qu’en appliquant le taux moyen d’imposition à la prime, on ferait une grossière erreur.

    Le réseau électrique fonctionne de la même façon : les différents moyens de production sont appelés en fonction de le coût de production croissant. Pour connaître les émissions de CO2 liées à une nouvelle consommation, il est nécessaire de rechercher le moyen de production qui s’ajustera (l’équivalent de la tranche marginale d’imposition dans l’analogie ci-dessus). Si on se pose cette question aujourd’hui alors on remarque que le nucléaire n’est pas le candidat recherché : depuis le milieu des années 2000, le parc de centrales nucléaires est saturé, il produit à son plein potentiel et ne peut plus être sollicité d'avantage en cas de hausse générale de la demande d'électricité (il est vrai que sa production fluctue durant l’année, voir figure 2, en raison de la concentration de l’ensemble des arrêts de tranche en été ou en mi-saison afin de fournir sa puissance maximale en hiver). Que reste-t-il alors, l'hydroélectricité ? Avec un coût marginal de production nul (ie. presque gratuit donc utilisé en priorité pour optimiser le coût de production de l'électricité) et un stock fini (l'eau dans les barrages se renouvelle mais n'est pas inépuisable sur l'année), ce moyen de production est également saturé. Les ENR ? En tant qu'énergie intermittente, elles ne permettent pas de répondre à une demande précise. Il reste donc les centrales thermiques au charbon ou au gaz pour répondre à la hausse de la demande engendrée par une nouvelle demande d’électricité. La valeur de 400 gCO2/kWh est le résultat de cette réflexion lorsqu’on y adjoint une vision prospective.

    Pour information, le système de tarification d’EDF (tarif heure pleine/heure creuse, EJP ou Tempo) est basé sur ce raisonnement. Le tarif de l’électricité ne représente pas la moyenne des coûts de production mais bien les coûts marginaux long terme. Cette tarification a permis à la France de disposer d’un système électrique extrêmement performant, chaque consommateur étant inciter par les prix à consommer au moment où les coût marginaux de long terme sont les plus faibles, garantissant une optimisation demande-production globale. Il en va de même pour l’économie et les émissions de CO2, chaque consommateur devrait être incité à réduire ses émissions sur la base des contenus marginaux long terme. Si cela vous intéresse, vous trouverez dans le lien ci-dessous un résumé des réflexions menées par Marcel Boiteux à l’époque.

    http://perso.univ-rennes1.fr/arthur.charpentier/annexes-These-apologue.pdf

    Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire notre article sur ce sujet fort complexe.


  • Hervé
    0
    01/10/2014

    L'approche est intéressante pour définir les optimisations du mix en fonction de l’époque de l'année. Et il est certain qu'une optimisation (par exemple en ayant recours à de la bi-énergie ponctuelle, comme l'association énergie bois et pompe à chaleur) serait particulièrement bénéfique pour diminuer le recours aux énergies fossiles tout en étant économiquement très performante.


    En matière de GES c'est le résultat qui compte, et ce résultat est une moyenne d'un système complet. Sur ce plan, le système Français est loin d'être mauvais vis à vis de pas mal de ses voisins qui ont massivement opté pour les énergies fossiles même s'ils font semblant de faire de l'ENR.

    Précisons avant tout que dans les GES, il convient de compter les émissions de CO2 à l'utilisation mais aussi celles en amont de la filière comme par exemple les fuites de méthane engendrées par l’exploration, l'exploitation et la distribution. (Quand une compagnie pétrolière "se permet" de vider un gisement entier dans l'atmosphère, les diverses fuites, purges de réseau, gaz de schistes ...) ces fuites sont loin d'êtres nulle en volume et leur poids comme GES est important car le méthane a un pouvoir réchauffant bien plus élevé que le CO2. De ce fait il n'est pas si évident que ça que le charbon soit beaucoup plus mauvais que le gaz...

    Il faut aussi inclure la notion de rendement et de pertes. Si l'énergie électrique voit l'essentiel de ses pertes situées au niveau de la centrale et facilement quantifiables, les systèmes alternatifs sont loin d'avoir 100% de rendement, contrairement a ce qui est couramment admis. Le CEREN avait fait une étude qui se confirme assez aisément: la consommation d’énergie des bâtiments équipes au gaz / fioul est assez supérieure à celles équipée à l’électrique. Le rendement des matériels (chaudières,...) en exploitation réelle sont souvent loin des données théoriques ou mesurées en laboratoire. Une plaque à gaz atteint péniblement 50% la ou une plaque a induction donnera plus de 80%.

    Votre article laisse entendre que les ajustements sont principalement effectués par des moyens thermiques, ce n'est que partiellement vrai en France car l'hydraulique intervient aussi pas mal dans ce domaine.

    Enfin faisons remarquer que "la base" a elle aussi une consonance saisonnière. L'industrie nucléaire augmente sa production d'environ 30 Twh en hiver et couvre à elle seule une bonne moitié de l'usage saisonnier qu'est le chauffage électrique. Une autre partie de la consommation du chauffage est couverte par l'augmentation de production du parc hydroélectrique au fil de l'eau due à une pluviométrie statistique plus forte en saison hivernale.
    En ajoutant l'efficacité supérieure des terminaux électrique, et du travail d'isolation accru des logements(possible par les économies réalisées sur l'installation du chauffage), ainsi que la souplesse de ce moyen de chauffage, il reste, à cout égal, nettement moins émetteur que le gaz ou le fioul si peu que les bâtiments soient correctement isolés.


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