Les spécialistes du génie climatique ont pris l'habitude d'utiliser un certain nombre de manuels, quasi-obligatoires dans l'exercice de nos métiers. Face aux publicités souvent contradictoires, et face aux demandes des utilisateurs, y a-t-il des Manuels que l'on peut conseiller, ce n'est pas du tout évident.
Comment y voir clair ?
Un petit retour en arrière peut sans doute nous aider. Pendant la première moitié du siècle précédent (1900-1950) les choses étaient claires. Au début des années 1900, un installateur allemand soucieux des besoins de ses confrères et des débutants, Rietschel, devint l'auteur d'un manuel prédominant. Désormais on allait parler d'un Rietschel comme on parlait en France d'un guide Michelin, et les traductions françaises successives du "Rietschel" connurent un franc succès. Jusqu'à ce qu'avec les années trente parut le Cours Supérieur de Chauffage d'André Missenard, qui devint rapidement le manuel français le plus courant. Le succès de ces ouvrages était surtout lié, à mon avis, à ce qu'il s'agissait non seulement d'une synthèse technique, mais également et peut-être surtout à ce que les ouvrages contenaient des feuillets annexes regroupant les bases essentielles de nos calculs d'alors (déperditions, pertes de charge pour l'essentiel). Après la deuxième guerre mondiale la situation devait changer.
Quel fut donc ce changement ?
Peu à peu le développement séparé de manuels propres à chaque pays : en France le Manuel des Industries Thermiques (COSTIC) par exemple, mais aussi en Grande-Bretagne, en Suède, et bien entendu en Allemagne. Dans ce dernier pays la situation était différente. Il se trouvait en effet que, jusque là, avait existé un agenda diffusé à ses clients (au sens large) par une société (un installateur), l'entreprise Recknagel. Cet agenda comportait en annexe de nombreuses pages techniques qui avaient fait le succès de l'agenda, bien que celui-ci fut d'une taille limitée. Sans que je saches si l'initiative venait de l'éditeur ou de l'auteur, en 1951 la décision fut prise de publier un nouveau manuel basé sur cet agenda. Le hasard fit que cette année là j'ai pu rencontrer à Berlin l'auteur de cette initiative : Eberhard Sprenger. Nous avons longuement discuté ensemble, sa proposition étant que nous rédigions en commun un manuel "européen". Différents engagements ne m'ayant pas permis de répondre favorablement j'ai quand même suivi de très près l'évolution ultérieure du manuel devenu le "Recknagel-Sprenger". En fait Eberhard Sprenger, ingénieur-conseil, avait - avant la guerre - travaillé aux Etats-Unis, et connu à cette époque le "Guide ASHRAE" qui l'avait profondément marqué. Son intention était de refaire l'équivalent en Allemagne, sous une forme adaptée aux techniques et connaissances européennes. Il devait constater très vite que la tâche était très lourde : il lui fallut adapter la publication à cette situation.
De quelles adaptations voulez-vous parler ?
Dès le début la décision fut prise que la publication soit annuelle, elle le restera pendant plus de dix ans. Chaque année apportait son complément, les premières éditions par exemple comportant des sections marquées "en préparation". Puis la décision fut prise de confier à d'autres auteurs la responsabilité de quelques sections complémentaires. Progressivement, surtout depuis le décès d'Eberhard en 1989, l'équipe de rédaction dut évoluer. L'édition (allemande) est devenue bisannuelle, avec différents auteurs : le "Recknagel/Sprenger" de l'édition 83/84 devint le "Recknagel-Sprenger-Hönmann-Schramek" de l'édition 92/93, et finalement le "Recknagel-Sprenger-Schramek" d'aujourd'hui.En France le "Recknagel" n'est-il pas plutôt connu par ses éditions nationales ?
Sans aucun doute, et c'est là où commencent les confusions. En France la traduction du Recknagel fut d'abord confiée à Jean-Louis Cauchepin. La première et la deuxième édition (en un seul tome) furent des traductions directes de l'allemand, sans additions notables. Avec la troisième édition les principes ont totalement changés, et ce à la demande des lecteurs : Jean-Louis Cauchepin fut chargé d'adapter l'ouvrage aux spécificités françaises. D'où finalement un manuel assez différent de l'original allemand, ne serait-ce que par le format et le volume (3 tomes). Le "drame" c'est qu'actuellement, alors que l'édition "française" de J.L. Cauchepin n'est pas épuisée et reste toujours en vente, apparaît chez un autre éditeur une traduction pure et simple (sans adaptation) de l'ouvrage allemand actuel. Il ne m'appartient pas, ici, de prendre position sur cette source de confusions, ayant moi-même mis en garde - dès le départ - l'éditeur de cette nouvelle édition. J'y reviendrai seulement la semaine prochaine pour quelques conclusions dépassant cette querelle.