La Fédération des Services Energie Environnement – FEDENE – a écrit une contribution réalisée à l'occasion du Groupe de travail « Rénovation énergétique » lancé début juin par le gouvernement.
Ce document présente à la fois l’analyse de la FEDENE en matière de rénovation énergétique des bâtiments affinée par segments de marchés et par type de bâtiments, mais également ses propositions pour revoir la stratégie selon 4 axes très concrets et opérationnels :
1. Une stratégie générale de rénovation du parc de bâtiments en fonction de l’état des bâtiments,
2. Une stratégie séquencée de rénovation en commençant par les actions les plus efficientes,
3. Une stratégie fondée sur des engagements d’économies réelles et de suivi dans la durée,
4. Des solutions déclinées par segment de marché : résidentiel, tertiaire public et privé, industrie.
A noter qu’à travers ses syndicats SNEC, SYNASAV, SYPEMI et SYPIM, les adhérents de FEDENE interviennent quotidiennement sur 60 à 70 % du parc résidentiel et tertiaire, que ce soit en chauffage collectif comme individuel. La FEDENE a de ce fait une connaissance unique en termes de montage de projets de rénovation énergétique et de la connaissance des conditions à réunir pour favoriser l’émergence de projets concrets d’économie d’énergie
Analyse de la stratégie de rénovation énergétique
Rappels :
► Les économies d’énergie sont le premier pilier de la transition énergétique et de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) avec un objectif de réduction de moitié à l’horizon 2050.
► La réduction de consommation finale d’énergie porte pour moitié sur les bâtiments résidentiels et tertiaires (- 112 TWh dont 80% sous forme de chaleur et de froid).
Bâtiments résidentiels et tertiaires forment près de 50% de la rénovation énergétique.
► Des moyens financiers très conséquents ont été alloués à cette rénovation, sous diverses formes : CITE, CEE, ANAH, chèques énergie …, et les acteurs ont demandé à plusieurs reprises de faire une évaluation de l’efficience de ces dispositifs au regard des résultats obtenus.► Malgré une priorité affectée à cet objectif dans les précédents plans d’actions gouvernementaux, dont la dernière PPE, il faut constater un accroissement des retards constatés dans la baisse des consommations d'énergie finale par rapport aux objectifs.
► Les groupes de travail ministériels annoncés par la Secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire - Madame Emmanuelle Wargon - déclinés par segment de marché, que tous les acteurs attendaient avec impatience compte tenu de l’impérieuse nécessité de revoir ce sujet plus globalement et plus opérationnellement, semblent remis en cause dans leur forme consultative et participative.
L’ensemble de ces constats justifie de notre point de vue que la stratégie de rénovation soit revue globalement et pilotée transversalement de façon plus efficace.
La FEDENE propose en conséquence de revoir la stratégie selon 4 axes
1. Une stratégie générale de rénovation du parc de bâtiments en fonction de l’état des bâtiments
La stratégie actuelle se décline fondamentalement de la façon suivante :
- Nombre de logements à rénover par an (500.000 actuellement, ce qui a peu de sens tant en terme d’objectifs globaux de réduction que concrètement sur le terrain) sans préciser le type de rénovation.
- En % de réductions appliqués de façon transversale quel que soit le type de bâtiment (ex Décret tertiaire : -40% en 2030).
- Mise en avant et la promotion de l’isolation des bâtiments, quelle que soit leur situation initiale.
La réalité des besoins de rénovation, les cibles d’économie et les solutions à mettre en oeuvre dépendent pourtant de façon évidente des caractéristiques des bâtiments : usage (segment de marché), zone géographique, qualité des propriétaires (donc capacité financière à agir et ressorts de décision) et surtout état du bâtiment et des installations thermiques.
Or, en analysant par étiquette énergétiques la structure de consommation d‘énergie de l’ensemble du parc résidentiel et tertiaire, il ressort trois grandes catégories de bâtiments avec des enjeux et des stratégies à adapter fondamentalement différente selon leur étiquette énergétique :
Source : Observatoire des DPE
- Rénovation globale et patrimoniale pour les catégories F et G, avec une consommation moyenne autour de 450 KWh/m2, représentent 27% des consommations. Il s’agit en général de bâtiments qui nécessitent une rénovation globale pour des raisons d’abord patrimoniales et structurelle, et par voie de conséquence énergétiques.
Sont généralement inclus dans ce patrimoine les « passoires énergétiques », et une part significative des personnes en situation de précarité. Pour ce parc, il est nécessaire de mettre en place un plan d’actions de rénovation globale (ou de destruction reconstruction). Les économies d’énergie générées ne peuvent absolument pas couvrir, même dans la durée, les investissements nécessaires. Les maitres d’ouvrage et la puissance publique - au titre de la politique énergétique mais également de lutte contre la précarité- doivent donc investir massivement dans cette rénovation, (comme cela est fait en partie par l’ANAH), sans retour sur investissement.
► Pour ces opérations de rénovation globale, la cible de consommation doit être de l’ordre de 8O KWh/m2 (soit ce qui représenterait une division par 5 des consommations et donc une cible d’économies de 21% sur l’objectif global d’économies de 50% en 2050). - Rénovation technique et comportementale pour les catégories D et E, avec une consommation moyenne autour de 240KWh/m2. Ce segment représente 64% des consommations et recouvre la grande majorité du parc existant de bâtiments qui sera toujours en place en 2035 et 2050.
En première étape, compte tenu du fait que les soutiens publics ont été utilisés pour les rénovations globales, il faut viser des opérations autoportantes financièrement, (y compris aides existantes, type CEE, CITE, chèques énergie,..) soit, une cible d’économies de 25 à 35% selon les conclusions de l’Observatoire des CPE1. Cela représenterait à l’horizon 2050, 19% d’économies globales.
Ces opérations seraient complétées sur la période par des opérations patrimoniales plus lourdes qui pourront générer de 8 à 10% d’économies globales supplémentaires.
Il conviendrait en parallèle d’analyser et rationaliser les systèmes d’aides existants pour les rendre plus efficients ; en particulier le système des CEE qui crée – de notre point de vue - des effets d‘aubaine et, par voie de conséquence, des abus et gaspillages considérables. - Pilotage smart et optimisation sur les segments A à C, qui représentent 9% des consommations de l’ordre de 70KWh/m2, qui correspondent à des bâtiments récents ou déjà au moins partiellement rénovés. L’objectif est de trouver ainsi quelques % d’économies supplémentaires, mais surtout, à travers des contrats d’exploitation avec engagements de résultats, de garantir ce niveau de consommation dans la durée. Cette démarche doit s’appliquer à l’ensemble du parc rénové.
► En sommant l’ensemble de ces objectifs, on constate que l’on peut atteindre la cible de 50% d’économies en 2050, de façon pragmatique et progressive, et surtout engager rapidement des actions de rénovation sur le parc existant.
► Ces stratégies doivent également être adaptées en fonction des conditions locales, zones climatiques bien entendu, mais également plans d’aménagement urbains et présence éventuelle d’un réseau de chaleur vertueux qui peut infléchir le niveau visé en termes d’économies.
2. Une stratégie de rénovation séquencée
La FEDENE soutient une stratégie séquencée de rénovation en commençant par les actions les plus efficientes.
Il apparaît aujourd’hui que les politiques d’efficacité énergétique du logement sont souvent orientées vers la rénovation globale, en intégrant dès l’origine des objectifs d’isolation actuellement encore très coûteux et avec des temps de retour très longs. Cette démarche implique la nécessité de financer un reste à charge très important. Cette politique n’a pas permis de débloquer suffisamment d’opérations d’économies d’énergie, que ce soit dans le résidentiel comme dans le tertiaire public ou privé, au rythme prévu faute de décisions spontanées des acteurs, du fait du déséquilibre financier qui en découle.
Il nous semble alors nécessaire :
► D’encourager au maximum des démarches de rénovations par étapes avec une vision à long terme. Il est en effet possible d’accompagner les clients vers une rénovation efficiente dans un premier temps, où les économies d’énergies générées permettront de rembourser les investissements initiaux sur une durée de l’ordre de 8 à 10 ans (donc dans l’horizon de la PPE). Ensuite, les économies générées contribueront à financer les travaux plus lourds, moins directement « rentables » de rénovation qui doivent s’inscrire dans une démarche patrimoniale.
► D'engager une autre approche de la rénovation, en concentrant les efforts sur des bouquets d’actions de performance énergétique et climatique comprenant des solutions de pilotage et technologique, permettant d’intervenir rapidement, sans contrainte patrimoniale. Elles permettent en moyenne d’économiser 25% de la consommation, pour un coût moyen de 50€/m².
Il faut noter que ces opérations autoportantes financièrement sont en outre créatrices de valeur pour notre pays, puisqu’elles permettent de substituer à des importations d’énergies fossiles (en particulier pour le chauffage) des investissements en équipements et en services sur notre territoire.
3. Une stratégie fondée sur des engagements d’économies réelles et de suivi dans la durée
Les objectifs de réduction de consommation doivent être mesurables et mesurés (par exemple en TWh plutôt qu’en milliers de logements) pour juger de l’efficacité des actions menées et des mécanismes de soutien, au premier rang desquels les Certificats d’économies d’énergie (CEE) et le CITE.
L'objectif principal étant in fine de réduire l'empreinte carbone des consommations énergétiques, leur traduction en une équivalence en énergie primaire favoriserait le choix des techniques les plus efficaces pour réduire la consommation mais aussi les plus intrinsèquement vertueuses en termes écologiques.
Pour assurer un coût collectif maitrisé, les actions de rénovation énergétiques doivent être fondées sur des engagements de réduction mesurés et réels. Par ailleurs ils doivent être garantis dans la durée pour éviter la dégradation progressive de la performance des actions réalisées. De ce point de vue, les garanties de performance - formalisées dans le cadre d’un Contrat de Performance Energétique (CPE) constituent un outil à l’efficacité prouvée. En effet, il
permet de garantir les économies d’énergies immédiates de l’ordre de 15 à 20% dans la durée et donc de sécuriser l’investissement initial des bailleurs.
De plus il est possible d’intégrer dès la signature du CPE un phasage des travaux de rénovations, permettant de lisser les investissements. Pour massifier le recours à ces contrats vertueux, la FEDENE travaille avec ses membres à l’élaboration d’un contrat type, facilement duplicable, pour une plus large utilisation.
4. Des solutions déclinées par segment de marché : résidentiel, tertiaire public et privé, industrie
Renforcer la politique de rénovation énergétique dans le résidentiel qui recouvre trois principaux segments - logement individuel, logement social et copropriétés - qui ont chacun des problématiques spécifiques et dans lequel le retard s’accumule, du fait de la précarité croissante et du rythme de rénovation énergétique insuffisant, notamment dans le domaine des copropriétés.
Le secteur tertiaire regroupe des réalités très variées, selon l’usage des bâtiments ou leur propriété. Il est par conséquent nécessaire d’avoir une approche différenciée entre le tertiaire public et privé.
Comme pour le logement, quoiqu’à un moindre degré, l’enjeu principal reste le parc existant :
- Enjeu sur le parc tertiaire public : massifier la rénovation avec garantie d’économies d’énergie. La rénovation énergétique des bâtiments publics est un enjeu majeur pour la bonne tenue des objectifs nationaux de réduction des consommations d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre. Cependant ces actions peuvent nécessiter des investissements pour lesquels certains maîtres d’ouvrages ont besoin d’être soutenus.
- Enjeu sur le parc privé : promouvoir la valeur patrimoniale des bâtiments performants.
Les solutions les plus efficientes du point de vue de la réduction des émissions de carbone et coût par tonne de CO2 évitée
sont aujourd’hui parfaitement connues, identifiées et maîtrisées : la PPE les décrit d’ailleurs très précisément : économies d’énergie les plus efficientes d’un point de vue carbone, donc les solutions technologiques et comportementales pour le chauffage, et chaleur renouvelable et de récupération.
La FEDENE se tient à la disposition des autorités pour approfondir et élaborer plus en détail et par segment de marchés ces diverses solutions, en particulier dans le cadre des groupes de travail sur la rénovation énergétique des bâtiments sous l’égide de la Secrétaire d’État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, Madame Emmanuelle Wargon.
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