Par Alain MAUGARD, président de QUALIBAT le 04 Juillet 2019
Un tel sujet d’envergure doit être analysé sur plusieurs plans, avec plusieurs regards. Ces regards vont être de nature différente, mais vont tous être nécessaires et convergents vers un objectif global et commun. Pour aboutir à la cible RBR 2020, certaines de ces analyses et regards vont être lancés tout de suite car plus prioritaires et tactiques.
1°) Commençons par le premier regard, le bâtiment bas carbone. C’est l’analyse qui doit être conduite en premier car elle n’a pas été prise en compte à l’origine même de la loi 2009 dite Grenelle 1, et il devient prioritaire de la prendre désormais en compte. Nous nous en doutons, la terminologie de bâtiments à énergie positive ou Bepos deviendra insuffisante. Pour être plus précis et plus complet on se dirige vers « le bâtiment à énergie positive, bas carbone, partiellement autosuffisant ».
2°) Le deuxième regard porte sur la capacité des réseaux actuels à absorber des productions locales d’énergie. En clair, à l’heure actuelle, les réseaux électriques fonctionnent essentiellement dans un seul sens, de la production vers les consommateurs. Mais dès lors qu’il y aura de façon significative des productions d’électricité décentralisées un peu partout, quelle quantité de productions locales va pouvoir absorber le réseau électrique et comment pourra-t-il gérer dans les deux sens productions et consommations ? Les problèmes d’intermittence des énergies renouvelables vont apparaitre en force, d’où la nécessité de réseaux électriques intelligents (ou Smart Grids).
3°) Le troisième regard porte sur les objets connectés. Nous le voyons, l’omniprésence des objets connectés devient quotidienne. Regardons à titre d’exemple l’automobile où la conduite assistée voire automatique est déjà en ordre de marche. Le bâtiment ne restera pas en reste. Ayons en mémoire que la société Google a racheté Nest qui fabrique des thermostats auto-adaptatifs « qui collent » à vos comportements. Le but, outre le fait d’obtenir de l’information sur les modes de vie des occupants est de faire la chasse au gaspillage d’énergie avec toute la force du numérique, qui permet une gestion économe à l’échelle du bâtiment mais aussi du quartier et même de la ville.
4°) Le quatrième regard porte sur les « modes de vie responsables ». De quels usages parle-t-on ? Avec quelles nouvelles frontières de confort, de plaisir de vivre, selon les différentes séquences de la vie jusqu’à la fin de vie. Sur les différents lieux de vie, du domicile au lieu de travail, … Là, nous nous situerons différemment au niveau même de la demande.
5°) Le cinquième regard portera sur l’économie et la valeur « verte » des bâtiments responsables. Les investisseurs des bureaux réfléchissent activement à cela. Tant que la valeur était limitée au foncier, le problème était simple, mais nous voyons arriver d’autres valeurs intrinsèques à la qualité du bâtiment, comme la valeur verte par exemple, l’intelligence du bâtiment, le plaisir d’y vivre, …
6°) Un sixième regard portera sur la ville adaptable car nous pensons que nous allons vers une pluralité et une mixité des usages. Dans un espace public, les usages pourront changer ; et il en sera de même pour les bâtiments. Les habitations, les bureaux, les commerces, …, doivent être adaptables et au-delà des bâtiments, la question de l’adaptabilité s’applique au quartier et à la ville.
7°) Un septième regard portera sur la politique industrielle liée à la croissance verte. La France prend des orientations très nouvelles avec la loi sur la transition énergétique qui ouvre des perspectives de croissance verte. Tout laisse à penser que ce nouveau type de croissance va privilégier les productions locales, l’économie circulaire, les circuits courts de proximité et les emplois territoriaux non délocalisables. Cependant, en choisissant ces créneaux nouveaux, la France fait des choix stratégiques et doit se poser la question de constituer une industrie nationale « surfant » sur ces choix. C’est ce qui s’est passé jadis avec le choix de la stratégie nucléaire, qui nous a plutôt réussis, et qui était le fait d’une sorte de colbertisme moderne. La question sera : quelle politique industrielle et avec quels acteurs d’industriels français et européens ?
8°) Enfin dernier regard qui nous ramènera aux occupants, celui de la santé environnementale dimension particulièrement sensible lorsque nous découvrons tous les impacts d’un environnement modifié et puisque nous savons que le bâtiment est le lieu dont on attend sécurité et protection.
Alain Maugard