Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 18 Mai 2021
Depuis la présentation de la RE2020 en Novembre 2020, les acteurs du bâtiment savent que les pouvoirs publics comptent sur la filière bois pour développer un parc de bâtiments neufs plus vertueux. La filière bois a beaucoup œuvré pour convaincre des avantages des produits bois en construction. Après la communication, il va falloir investir dans l’industrie.
Chantier de construction bois et réglementation RE2020 pour le neuf
C’est au milieu des années 80 que les acteurs de la filière bois ont sérieusement commencé leurs actions de communication pour convaincre les donneurs d’ordres – essentiellement les collectivités locales – de redonner sa place au bois dans la construction. À cette date, la filière n’était pas aussi structurée qu’aujourd’hui, et les initiatives provenaient essentiellement d’industriels locaux militants (scieurs, producteurs de panneaux) doublement conscients de la place perdue par leur filière depuis l’entre-deux guerres et du potentiel de leur matériau.
En Novembre dernier, lors de la première présentation officielle de la future réglementation environnementale RE2020, la ministre de la Transition énergétique, Barbara Pompili, soulignait tous les avantages à recourir de manière « quasi-systématique » au matériau bois dans la construction d’ici 2030 : essentiellement pour stocker le carbone et baisser l’impact carbone des constructions.
Dans la seconde communication adressée par la ministre du Logement Emmanuelle Wargon le 18 Février dernier, le propos était plus chantourné, raboté, et on ne parlait plus que d’un recours accru au bois et au biosourcé. Des changements qui proviennent d’un double constat. D’abord, les autres filières de la construction, notamment le béton, bien maîtrisé par le tissu des entreprises de construction, ont aussi fait valoir leurs arguments environnementaux et économiques. Les cimentiers et les fournisseurs de parpaings et bétons prêt-à-l’emploi ont mis en avant leurs efforts et leurs succès pour décarboner leurs productions par ailleurs très locales. Par ailleurs, malgré les succès qu’elle a engrangés au cours de ces dernières années, la filière bois ne manifeste pas la puissance industrielle nécessaire pour répondre au défi que la ministre lui avait adressé dans un premier temps.
Filière bois : dépasser le contrat de filière de 2018
La politique industrielle du secteur du bois repose sur le contrat stratégique de filière bois signé par les parties prenantes le 16 Décembre 2018. Ce document contient trois projets dits structurants : « demain le bois » visant à adapter la construction au bâti, la réalisation des ouvrages du chantier olympique dans la cadre de France Bois 24, et accélérer la transformation des entreprises de la filière.
Passé l’épreuve de la RE2020, ce contrat vient d’être dopé par les pouvoirs publics pour lui permettre de franchir les obstacles de la période à venir. Le 19 Avril dernier, à l’issue d’un Comité stratégique sur la filière bois présidé par Luc Charmasson, les ministres de l’Agriculture, de l’Industrie et du Logement ont acté un avenant au contrat de 2018 centré sur trois objectifs :
- L’optimisation du puits de carbone du secteur forêt-bois au service des transitions écologiques et bas carbone ;
- Une mobilisation renforcée de la filière et de l’État en faveur de la souveraineté industrielle de la France, en cohérence avec le potentiel forestier national et par un soutien aux implantations industrielles et à la relocalisation d’unités de transformation de bois ;
- Une coopération intra et inter-filières pour renforcer les compétences, et optimiser le fort potentiel d’emploi du secteur forêt-bois notamment en milieu rural.
Industrialiser la filière bois
Cette annonce fait suite au plan Ambition Bois Construction 2030 déposé par les quatre grands acteurs de la filière bois fin Janvier dernier : Comité stratégique de la filière bois, France bois forêt, France bois industries entreprises, Fibois France.
Ce texte met l’accent sur la recherche et développement, sur le développement de l’offre bois sur la mixité des matériaux, sur la baisse des coûts … Ce texte signe une prise de conscience des manques au niveau industriel mis en évidence malgré les ambitions affirmées.
Déjà le plan France Relance posait sur la table une enveloppe de 200 M€ pour le bois et la forêt. Cette manne servira à replanter 50 millions d’arbres et à investir dans les entreprises de transformation. L’avenant au contrat de filière 2018 rajoute 1 M€ qui doivent être ciblés en direction d’un « accélérateur de croissance de la filière bois pour les PME et ETI », une structure soutenue par BPIFrance et le Comité stratégique de la filière bois pour financer la formation de promotion de 30 dirigeants.
En outre, les trois ministères qui épaulent ce secteur ont ouvert un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour le développement de produits bois et de systèmes constructifs bois innovants. Les dossiers doivent être déposés avant le 13 Juillet prochain.
Le communiqué de presse de la réunion du 19 Avril dernier précise : « Des propositions sont attendues aussi bien dans la phase de production industrielle du matériau bois transformé (panneaux, poutres, lamellé collé, CLT, ...) que dans la phase de préfabrication d’éléments constructifs en bois. L’AMI englobe les principales techniques constructives à base de bois qui sont appelées à se développer de manière significative d’ici à 2035 avec la croissance de la demande intérieure. »
Ces annonces déconcertent. À les lire, on serait tenté de se demander si la RE2020, partie bille en tête en faveur du bois-construction, était fondée sur une filière virtuelle. Pour le moins, si ses tenants affichent un actif certain – 10% de part de marché en maisons individuelles, 6% en logements collectifs, des constructions emblématiques partout en France (une tour à Strasbourg, les ouvrages du village olympique parisien pour 2024, ...), un total de 60 Mds€ de chiffre d’affaires toutes activités confondues, 440 000 emplois – beaucoup reste à faire. Une usine de CLT est en projet dans les Landes, une autre doit commencer à produire en Franche-Comté en Juin … De nombreux investissements sont attendus dans les secteurs cités par l’appel à manifestation d’intérêt dans les cinq prochaines années. Unitairement, ils demandent une enveloppe de 3 à 20 M€.
Surfer sur la vague du matériau bois
Le secteur de la construction bois est pourtant en mesure de présenter une expérience très riche, que ce soit en construction neuve ou en réhabilitation. En témoigne le site Ambition-bois chargé de fiches techniques destinées aux donneurs d’ordres et maîtres d’œuvre. Il a été complété en 2020 d’un comparateur de solutions constructives pour estimer le taux de biosourcé des constructions ; ce calculateur sous forme d’un fichier de type tableur doit prochainement être mis en cohérence avec la RE2020.
Surtout, pour répondre à l’engouement lisible à travers les demandes d’information sur le bois sur internet et sur les différents réseaux sociaux (Facebook, Instagram, LinkedIn, ...), la filière poursuit une intense campagne de communication. Cette année, le moment fort sera le Forum Bois Construction du 15 au 17 Juillet, dans le Grand Palais Éphémère, implanté sur le Champ de Mars. L’espace Forêt-Bois de 250 m² est partagé en trois pôles : 100 m² pour présenter les activités du bois en France (l’ameublement, la forêt, l’industrie, la construction avec Adivbois et France Bois 24), 100 m² avec une maquette à l’échelle 1 d’une partie de la charpente de Notre Dame, et 50 m² dédiés aux échanges.
Le calendrier 2021 est aussi ponctué de rencontres digitales sur les matériaux et les savoir-faire avec des structures professionnelles telles que l’UMB-FFB (métiers du bois), la maison de l’architecture de l’Île-de-France, les économistes de l’Untec, l’éditeur de logiciel Abvent, … En outre, ce début d’année, de nombreuses actions de communication ont été organisées autour du contreplaqué. Après trois années de travail sur ce sujet, une monographie présentant les retours d’expériences sera éditée avec le concours de l’UIPC (Union des Industries du Panneau Contreplaqué) sur l’ensemble de ses usages en bâtiment et en industrie.
Si la stratégie de communication pour faire connaître les atouts du matériau bois est clairement parvenue à ses fins, les mois écoulés ont cependant souligné que la filière doit de toute urgence s’engager sur une phase d’investissements plus concrets pour répondre aux attentes.
Références …
- Étude sur le thème de l’économie de la construction bois, par Atlanbois (8 Septembre 2020)
- Le bois dans la construction
- Le contrat de filière bois construction 2018
- Le plan « Ambition bois construction 2030 »
- Le site Ambition-bois
À propos de l'auteur
Bernard Reinteau
Journaliste de la presse bâtiment depuis la fin des années 80, Bernard Reinteau est journaliste indépendant. Il a œuvré pour les principaux titres de la filière et se spécialise particulièrement sur les solutions techniques liées à la performance énergétique et environnementale des constructions et rénovations performantes. Il collabore principalement avec les plus grands titres et en particulier avec Xpair.
Encore un article de Bernard Reinteau parfaitement clair et documenté. Félicitation pour cette synthèse.