Par Bernard REINTEAU, journaliste spécialisé le 28 Mai 2024
L’ADEME produit un nouvel avis sur la rénovation performante des logements. Un constat en marge des politiques sur la construction dont on constate qu’elles ont changé de cap.
L’idée de motiver le secteur du bâtiment sur la rénovation performante du parc présente un avantage et un inconvénient. L’avantage est que ce discours est effectivement fondé à être développé.
La rénovation performante des logements - Recommandations pour répondre aux enjeux actuels - Etude ADEME de Mai 2024
La construction, c’est – les bonnes années – l’équivalent de 1% du parc, et la diversité de l’existant demande à la fois de le travailler pour le rendre plus performant à tous points de vue – confort d’usage, accessibilité autant que thermiquement efficace.
En clair : les logements, les bureaux, …, ça s’entretient et ça peut accueillir les bonnes technologies disponibles « sur l’étagère ». Marginalement, les propriétaires et maîtres d’œuvre pourront retenir un discours de vétérinaire plutôt que celui d’un médecin : quand la vache est vraiment très malade, on l’abat ! En clair, on démolit et on reconstruit.
L’inconvénient du discours sur la rénovation énergétique, c’est de donner l’impression de tourner en rond, de se répéter indéfiniment. Et finalement de diffuser le sentiment qu’il est inefficace.
C’est l’idée qui vous viendra peut-être à l’esprit en lisant par le menu le dernier avis d’expert sur « La rénovation performante des logements » qu’a publié l’ADEME ce mois de Mai. Le propos exposé irritera certainement l’esprit d’un bon lecteur quand il apprend qu’il a pour but de « répondre aux enjeux actuels ». Certes … sauf que sa lecture donne immédiatement envie de ressortir les grimoires de préparation du Grenelle de l’Environnement de 2007 pour vérifier s’il ne s’agit pas là d’un copié-collé.
Il y a un petit peu de mauvaise foi et d’exagération dans cette introduction, mais, finalement, pas tant que ça. Les auteurs nous rappellent que la rénovation présente des enjeux économiques, sociaux, environnementaux ; qu’il faut presser le pas pour tenir les objectifs réglementaires de 2050 ; que la chose est difficile à mener, mais que l’on a déjà une bonne connaissance du sujet et des méthodes pour surmonter l’épreuve ; que l’on peut procéder à la fois de manière globale tout en organisant les différents chantiers à mener … Tout cela, on le sait depuis des années.
Où sont les idées neuves ?
Parmi les actions prioritaires figurent la garantie de performance, l’accompagnement des ménages, la formation, le contrôle des chantiers, le financement, l’orientation des politiques publiques vers la performance … Où sont les idées neuves ?
Bien sûr, les financements, l’accompagnement des chantiers, le développement des produits, les contrats de performance, les nouvelles techniques de construction et d’équipement, … ont été patiemment élaborés au cours des dernières années.
Cependant, pour souligner que les experts sont peut-être en marge du sujet, une phase de leur rapport ne manque pas d’étonner : « La communication doit avoir pour but de créer un imaginaire positif autour de la rénovation performante ».
La nouveauté contenue dans ce document de synthèse (25 pages) n’est-elle pas là ?
Car depuis des années, le sujet de la rénovation énergétique se construit sur des fondements anxiogènes : les accords de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre ; le sommet de Johannesburg et « la-maison-qui-brûle » ; les très épais rapports du GIEC (3 500 pages de sciences durs tout en anglais et que tout le monde a lu, hein ?) et le cortège de catastrophes prévisibles que prévoient les analystes ; une gestion des énergies fondée sur la récompense pour les uns (ceux qui choisissent l’électricité), la punition pour les autres (ceux qui garderaient les énergies carbonées).
Avec, au bout du compte, un échec flagrant : des volumes de chantiers faibles, des résultats très lents à se manifester, voire des déconvenues. Au milieu des années 2010, l’ADEME elle-même révélait que très peu de chantier permettaient de franchir ne serait-ce qu’une seule étiquette énergie.
Un avis à contre-temps ?
Ce rapport semble d’autant plus redondant et anachronique qu’il sort à un moment très particulier. Au cours de ce même mois de Mai, on a appris que la demande de rénovation aidée (MaPrimRénov) s’est totalement effondrée, alors que celle de la construction neuve est à l’arrêt depuis un an. Dans le même temps, la communication sur l’environnement ne se gêne pas pour annoncer que les émissions de carbone ont chuté de plus de 5% en 2023.
Finalement, la bonne martingale pour atteindre les -55% de CO₂ en 2050 est peut-être là : tout mettre en place pour réduire les activités de construction vues par l’administration comme très demandeuses d’argent public, consommatrices de produits émetteurs de CO₂ et de composants qui déséquilibrent la balance commerciale … ; continuer de développer une puissante communication et une politique de prix des énergies qui rende nécessaire de diminuer la consommation de chauffage … En clair, recourir au « forçage » avec toutes les formes de discours « sur l’étagère » des communicants.
Dans ce contexte, il sera certainement aussi difficile de trouver des psycho-sociologues pour formuler un « imaginaire positif autour de la rénovation performante » que des généralistes pour reconquérir les déserts médicaux. Mais il faudrait pourtant s’y atteler. La méthode dure n’aura qu’un temps.
La rénovation performante des logements
Recommandations pour répondre aux enjeux actuels
À propos de l'auteur
Bernard Reinteau
Journaliste de la presse bâtiment depuis la fin des années 80, Bernard Reinteau est journaliste indépendant. Il a œuvré pour les principaux titres de la filière et se spécialise particulièrement sur les solutions techniques liées à la performance énergétique et environnementale des constructions et rénovations performantes. Il collabore principalement avec les plus grands titres et en particulier avec Xpair.