Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 07 Octobre 2020
L’intermittence nous gêne. Elle ressemble à l’irrégularité, que nous avons du mal à accepter dans nos sociétés sophistiquées. Elle est souvent reprochée aux énergies renouvelables, éoliennes ou solaires notamment, produites en fonction du vent et du soleil. Leur dépendance à la luminosité et à la force des vents serait leur faiblesse.
L’intermittence des énergies renouvelables nous gêne
Notons tout d’abord qu’il y a des sources d’énergie renouvelable non intermittentes, et pilotables selon les besoins, l’hydraulique, la biomasse, la géothermie, ou d’autres dont le cycle de production est connu comme les marées et les courants marins. Les sources intermittentes ne sont qu’une partie de l’ensemble, mais leur part croit régulièrement. La manière de gérer cette caractéristique devient donc un sujet d’actualité.
Centrale électrique virtuelle pour gérer les sources d’électricité intermittentes
L’intermittence a été l’objet de recherches depuis longtemps. Une étude allemande [1] a montré dès 2007 qu’il était possible d’assurer une production d’électricité 100% renouvelable pour chaque heure de l’année, malgré l’intermittence.
Le secret ?
Combiner des sources d’énergie complémentaires. L’idée est alors née de créer des centrales virtuelles, qui recueillent l’électricité de nombreux producteurs, éolien ou photovoltaïque, étendu par la suite au biogaz et la petite hydraulique, pour l’injecter sur le réseau comme le ferait une centrale traditionnelle. Des tests en temps réel [2] ont montré que la centrale virtuelle ainsi imaginée offre une qualité de service (tension et fréquence) comparable aux autres centrales. On peut y ajouter des capacités de stockage et de restitution, pour mieux ajuster l’offre et la demande d’électricité, tenir compte des prix instantanés de l’électricité et optimiser la vente de la production.
La centrale virtuelle d’électricité
Une centrale virtuelle peut ainsi regrouper quelques dizaines à quelques milliers d’installations, et jouer un rôle d’agrégateur sur le marché de l’électricité.
Définition d’une centrale électrique virtuelle : c’est la combinaison de plus petites sources d'énergie électriques qui sont gérées et optimisées par un dispositif informatique intelligent pour distribuer, s’effacer ou revendre l’électricité. Chaque acteur du marché de l’électricité qui produit, accumule ou consomme de façon décentralisée peut faire partie d’une centrale électrique virtuelle.
La centrale peut même être amenée à piloter elle-même les installations pour répondre à la demande, et notamment éviter de produire quand le réseau est saturé et que le prix du kWh sur le marché est négatif. La technique utilisée relève plus du pilotage à distance, à base d’électronique/informatique, pour maintenir l’équilibre du réseau, sachant que les temps de réponses doivent être très courts pour éviter toute coupure ou surchauffe. Un mariage, donc, des technologies du numérique et de celles de l’énergie, ou plutôt des énergies.
Une approche mutualisée des énergies renouvelables devient alors possible, en complément des premières conceptions, où chaque opérateur devait trouver son équilibre chez soi, ou revendre son électricité à l’opérateur public. L’autoconsommation, autrefois limitée à un immeuble ou une entreprise, prend une toute autre envergure et peut s’étendre à des collectivités étendues, villes ou territoires. L’intérêt est de répondre à des besoins étalés dans le temps, les appels d’énergie des activités étant décalés, entre eux et par rapport à ceux des particuliers.
Elargissons la démarche à la mobilité
Ceci bien naturellement avec le stockage d’électricité dans les batteries des voitures électriques dont la croissance ne cesse d’augmenter.
Une vision globale habitat et mobilité ouvre des possibilités accrues d’optimisation de la production locale d’électricité, en lui apportant de nouvelles capacités de stockage, et des options supplémentaires pour le soutirage de la production. L’électricité à coût négatif trouve un nouveau débouché.
Optimisation de la gestion production et stockage de l’électricité intermittente solaire
D’une manière générale, les forces de la nature sont considérables, mais irrégulières. Nous avons choisi de les réguler, quitte à en perdre la puissance. Une autre option est de s’organiser pour en profiter à plein, avec des capacités de stockage ou en jouant sur l’inertie des phénomènes.
Conclusion
Faire avec l’intermittence plutôt que la combattre. La réponse est sans doute variable selon les domaines et les techniques disponibles.
L’intelligence artificielle, nouvelle venue dans nos panoplies, ajoute de nouvelles perspectives.
Domestiquer la nature ou en cueillir les fruits spontanés, vieille question qui prend un tour inédit avec les nouvelles technologies appliquées à la production d’énergie, à l’habitat et à la mobilité, et à bien d’autres choses encore.
- Kombikraftwerk I
- Etude européenne REstable (Allemagne, France et Portugal)
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...