Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 19 Mai 2021
L’accident du métro de Mexico, dont un pont s’est effondré le 4 Mai dernier rappelle celui du pont Morandi à Gênes en Août 2018, et les multiples alertes sur nos ponts, anciens et mal entretenus. Il faudrait leur ajouter les accidents consécutifs au mauvais entretien des voies ferrées, comme celui de Brétigny sur Orge, en Juillet 2013.
Ces évènements fâcheux nous rappellent l’importance de la maintenance des grands équipements, fièrement inaugurés et souvent abandonnés à leur sort par la suite. Les récentes orientations de la politique ferroviaire tentent fort heureusement de rééquilibrer les investissements entre remise à niveau des réseaux existants et nouvelles lignes, il était temps.
L’importance de la maintenance du parc immobilier
Le parc immobilier n’est pas en reste notamment les « passoires thermiques » et les bâtiments publics
Les passoires thermiques dont il est fortement question aujourd’hui ne l’ont pas toujours été, ou pas à ce point. Le bâti se dégrade avec le temps et son usage quotidien, son maintien au niveau n’est hélas pas une préoccupation prioritaire. Le prestige de nouvelles constructions fait oublier l’obligation d’entretenir les anciennes.
Dans les bâtiments publics, la situation n’est guère meilleure, tant la tentation de remettre à plus tard les travaux d’entretien est forte. Et les retards coûtent chers. L’étude a été faite en 1999 pour les collèges, elle est sans doute dépassée mais tellement instructive : Entre un entretien régulier, année après année et la réhabilitation lourde tous les 15 à 20 ans, la facture varie au minimum dans un facteur 4. La maintenance coûte 4 fois moins chère que la reprise périodique d’un bâtiment dégradé [1].
Le mot même de maintenance fait référence à la durée. Le patrimoine quelle qu’en soit la nature, réseau ferré, viaduc, forêt, immeubles d’habitation, qu’il soit public ou privé, doit être entretenu régulièrement pour garder sa valeur et rendre les services attendus de lui.
Une exigence à intégrer dès la conception d’un nouveau projet, à étudier sur sa durée de vie, et sur la durée de vie des éléments qui le composent. Facilité de surveillance et de contrôle, accessibilité des pièces, savoir-faire et management de la maintenance, font partie d’un projet au même titre que son modèle économique et des procédés techniques adoptés. Une maintenance qui non seulement permet de réparer les dégradations et de les éviter, mais aussi d’améliorer en continu la qualité d’un équipement, de l’adapter aux exigences nouvelles sans avoir besoin de repartir de zéro. C’est un patrimoine vivant qui est ainsi préservé, qui évolue pour le bien de ses usagers et de la planète. Le raisonnement s’étend aussi aux compétences humaines, lesquelles doivent être mises à jour et enrichies tout au long de la vie. Le patrimoine humain est une richesse à la fois personnelle et collective qui doit être « maintenue ».
Le coût social de la précarité énergétique est élevé
La question de la rénovation du parc de logement offre, hélas en négatif, une bonne illustration de l’importance de la maintenance. C’est le carbone qui est le déclencheur des efforts engagés depuis peu, mais le sujet est bien plus vaste. C’est la qualité de la vie des habitants qui est en jeu, aussi bien que le climat. Le coût social de la précarité énergétique est élevé, il serait supérieur à celui de la réhabilitation des logements selon une étude anglaise [2].
Il aurait pu en bonne part être évité avec une politique intégrée d’entretien et d’amélioration, qui constitue elle-même un bon calcul économique. Dans son livre « Durer [3] », le philosophe Pierre Caye fait l’éloge de la maintenance : « La réparation et l’entretien ne sont pas des activités accessoires. A maints égards, ils constituent le cœur de l’économie des sociétés d’aujourd’hui aussi bien que d’hier. Simplement, hier nous réparions parce que nous étions pauvres et donc pour pallier la pénurie, aujourd’hui parce que nous consommons trop … ».
[1] Source : Commission Schléret - Rapport de l’observatoire de la sécurité des établissements scolaires et de l’enseignement supérieur – 1999
[2] D. Ormandy - Coût du mal logement, l’expérience anglaise
[3] Pierre Caye - Durer, Eléments pour la transformation des systèmes productifs - ©Les Belles Lettres – 2020
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...