Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 04 Juillet 2019
1 - Construction et rénovation : Prenons la responsabilité de notre santé
C’est le réseau français Villes-Santé qui l’affirme : L’état de santé des populations dépend à 80% de l’environnement, alors que les budgets et l’action publique pour la santé sont à 90% consacrés aux soins, essentiellement dans une logique curative.
Aménagement et habitat portent donc une grande responsabilité sur notre santé, une responsabilité implicite mais pas toujours consciente. Il peut s’agir de mal-vivre comme d’agressions par des agents chimiques et la pollution.
La qualité de l’air est un facteur bien connu, tant de l’air extérieur, dans la rue, que celui que nous respirons dans les maisons, les bureaux, les lieux de transport. 48 000 morts prématurées chaque année en France et des centaines de milliers de personnes qui souffrent de multiples maladies.
La morphologie des villes, leur conception et leur découpage, le besoin de transports qui en découle, est en partie en cause, tout comme les matériaux avec lesquels sont construits les immeubles et la manière dont l’air y est renouvelé.
Ce n’est pas la seule agression que nous subissons. Il y a le bruit, dans la rue, les transports, les lieux de travail, de loisir, et d’habitation. Là encore, on retrouve les formes urbaines, l’organisation des locaux, les matériaux dont ils sont composés.
Il y a eu le plomb, à l’origine du saturnisme, heureusement combattu, que l’on trouvait dans l’eau et les peintures.
Mais il y a aussi de nouveaux venus, ou des facteurs méconnus jusqu’il y a peu, comme les ondes électromagnétiques et les nanoparticules.
Bref, notre santé dépend de nombreux paramètres liés à l’habitat et qui sont plus ou moins bien pris en considération dans les projets d’aménagement ou de construction.
Il y a aussi d’autres éléments, plus culturels mais tout aussi influents. Les formes urbaines et le paysage jouent un rôle déterminant sur le moral des troupes. Absence de repères, sentiment d’enfermement, uniformité, autant de phénomènes qui touchent l’état d’esprit des habitants. Pour certaines catégories de population, la solitude est à l’affût. L’absence de lieux ou d’occasions de rencontre, dans les immeubles ou dans les espaces publics, est une des causes d’un phénomène d’exclusion, notamment des plus âgés mais pas seulement, source de nombreux problèmes de santé, et d’advenue précoce de la dépendance.
Le mal-vivre, d’une manière générale, provoque des maladies, physiques et mentales.
Il n’y a pas que la construction qui en soit responsable, les modes de vie en sont aussi à l’origine, mais le cadre de vie a manifestement un rôle à jouer. Un rôle défensif, bien sûr, en évitant d’exposer les habitants à des agressions de nature variées, mais aussi un rôle offensif en offrant de meilleures conditions de vie, de vie personnelle ou de vie sociale, avec des opportunités, des ouvertures sur le monde. La nature dans la ville, par exemple, des fermes urbaines et autres jardins partagés, apportent des éléments d’équilibre, une offre d’activités diversifiées, un contact avec les éléments naturels.
La ville « apaisée » est une orientation maintenant reconnue, qui contribue à la bonne santé de ses habitants à tous égards, moins de pollution, moins de bruit, moins de stress, plus de sérénité, plus de convivialité, plus de plaisir, tout comme les adeptes de la lenteur sur le mode Cittaslow ou slow city.
Au-delà de la santé, c’est la qualité de la vie qui est l’enjeu. Question bien plus large, incluant le bien-être sous toutes ses formes, et pour laquelle le cadre bâti est un facteur clé de succès, ou d’échec.
2 - Qu’est-ce qu’un écoquartier ?
Répondant à la question « qu’est-ce qu’un écoquartier ? », Jean-Claude Antonini alors maire d’Angers répondait « un quartier où on est heureux ». La performance technique sur l’énergie, les déchets, les trames vertes et bleues, le microclimat, et tous les exploits que vous pouvez imaginer en matière d’environnement n’ont de sens que subordonnés à l’objectif de bien-être. L’approche technique, décrite dans les normes et les règlements, est bien sûr nécessaire, elle assure une économie de moyens incontournable dans un monde « fini », mais l’écueil serait de s’en contenter, et de les laisser dessiner un projet à elles toutes seules. Quand les habitants ne se sentent pas bien, quand ils ne trouvent pas leurs repères, quand ils ne peuvent pas inscrire leur propre histoire dans le cadre qui leur est proposé, le projet passe à côté de l’essentiel, et c’est la double peine : le mal-vivre, avec ses conséquences sur la santé et la vie sociale, et le mauvais fonctionnement technique, détruisant tout espoir de performance environnementale. Tout faux.
La recherche du bien-être, de la qualité de vie, est un objectif tellement évident qu’il est parfois oublié dans les projets d’urbanisme ou de construction, ou qu’il ne soit qu’une incantation.
L’attention réellement portée à cet enjeu peut perturber une approche purement performancielle, mais elle est la condition du succès. L’investissement en matière grise et en sensibilité est largement récompensé, et permettra en outre d’assurer une bonne santé physique et mentale pour les habitants.
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...