Par Dominique BIDOU, président d'honneur de l'Alliance HQE-GBC France le 04 Juillet 2019
1 - L’obligation de travaux d’économie d’énergie dans le bâtiment revient à l’ordre du jour
Une politique à haut risque, avec des dérives bien connues. Tous les moyens de détournement seront sollicités, de la paralysie au travail au noir. Et surtout, c’est l’aveu que l’Etat s’est révélé incapable de mobiliser les acteurs, de les convaincre de l’intérêt de ces travaux.
Le dernier rapport du GIEC est à la fois alarmant et constructif : Le danger se rapproche, mais nous pouvons y échapper. Parmi les mesures à prendre au plus vite figure la réduction de la consommation d’énergie, tout particulièrement dans le secteur du bâtiment. La rénovation énergétique des bâtiments représente un enjeu majeur pour le climat. Faut-il pour autant recourir à l’obligation ?
Celle-ci s’impose naturellement quand il s’agit d’une arrière-garde, de quelques réfractaires qui refusent ou négligent de passer aux actes. Il en est autrement quand il s’agit du gros des troupes. Le message implicite d’une telle décision est redoutable : la vertu écologique doit être imposée, elle ne vient pas spontanément. Et à la suite, l’écologie coûte cher, ce sont encore des contraintes, des normes qui restreignent notre liberté, des décisions technocratiques de Paris ou de Bruxelles, etc.
Un message contre-productif, qui oblige l’Etat à prendre en charge le « fardeau ». Manifestement, la demande ne vient pas des principaux intéressés, les occupants, propriétaires ou locataires. En partie pour des raisons financières, mais pas seulement.
2 - Comment leur donner envie de rénover leur logement ?
Sans doute pas en ne parlant que de climat et d’énergie. Des sujets très techniques, lointains, globaux, même si le froid ou la canicule sont durement ressenti. Dans un univers mondialisé où chacun a l’impression de ne plus avoir prise sur son environnement et sa vie quotidienne, l’injonction, qu’elle soit technique ou morale, n’est pas populaire, et provoque des réactions de rejet. Il faut donc faire appel à d’autres ressorts, attractifs, valorisants, et même « à la mode ». La rénovation des logements en offre la possibilité.
Nous n’avons pas, en France, la culture de la maintenance, de l’entretien. Notre parc immobilier pour l’essentiel est vétuste et mérite une amélioration d’ensemble. Il est vrai que la concurrence est rude. Mettre ses économies sur son logement plutôt que sur le dernier smartphone ou un voyage au soleil, c’est méritoire. Il faut donc séduire, et créer du désir pour la qualité de l’habitat. Certaines publicités s’y emploient, mais on ne sent pas de relais au niveau de la puissance publique. Le climat, tout le monde est d’accord, mais ça ne donne pas envie. Il faut du rêve, du bonheur, de la fierté. C’est dans cette voie qu’il faut chercher la mobilisation de chacun pour la rénovation. Associer qualité de vie, prestige, confort, et rénovation, et le climat ira avec. Puisqu’il n’est pas moteur, embarquons-le dans un projet plus large, plus « vendeur ». Gagnant-gagnant, pour chacun d’entre nous dans son logement, et pour la planète..
3 - C’est une action de type culturel qu’il faut entreprendre, sur laquelle une action réglementaire pourra se greffer
L’accent mis sur l’obligation est d’autant plus dommage que la déclaration du ministre comporte un autre volet, très prometteur et complémentaire d’une action « culturelle » : Le diagnostic pour prescrire les « bons travaux ». L’absence de réelle maîtrise d’œuvre, ou de toute autre forme d’assistance aux propriétaires, conduit souvent à des travaux inutiles et parfois contre productifs, mal hiérarchisés et mal calibrés. Un effort de l’Etat pour assurer une bonne qualité de la commande ne peut que faire le plus grand bien. Encore faut-il que le périmètre soit, lui aussi, le bon. Uniquement le binôme climat-énergie, ou l’amélioration globale de l’habitat ?
À propos de l'auteur
Dominique Bidou
Ingénieur et démographe de formation, Dominique Bidou a été directeur au ministère de l’Environnement et est Président d’Honneur de l’association HQE (désormais Alliance HQE – GBC). Il est consultant en Développement Durable, a écrit de nombreux ouvrages tels que « Le développement durable, une affaire d’entrepreneurs », anime son blog...