Par Roger CADIERGUES le 04 Juillet 2019
11 Octobre 2010
L’établissement des bilans carbone, indispensable pour maîtriser l’effet de serre, mérite mieux que la majorité des présentations françaises actuelles. La semaine dernière je vous avais promis de prendre des exemples : les voici, en commençant par un premier qui vous surprendra peut-être.
De quoi s’agit-il ?
Il s’agit d’une opération se voulant spectaculaire dont vous avez peut-être entendu parler : l’un des grands hôtels de Copenhague met à la disposition de ses clients des bicyclettes fixes avec lesquelles il est possible, en pédalant, de fournir l’hôtel en électricité … une sorte d’énergie « gratuite ». Malheureusement cette affirmation repose sur une erreur : nous ne fonctionnons pas mieux que tous les systèmes utilisant la combustion, car nous brûlons nos aliments : plus notre activité physique est intense plus nous produisons du CO2. Si nous prenons la place de générateurs classiques, c’est simple : nous dégageons finalement du CO2 à leur place…
Notre dégagement n’est-il pas négligeable ?
Absolument pas, et nous disposons de bases précises pour le calculer (ce sont des bases que j’ai utilisées au Conseil Supérieur d’Hygiène pour fixer les débits de ventilation). Recourir à l’activité physique humaine ne peut, en aucun cas, être source d’amélioration du bilan carbone. Utiliser les bicyclettes de Copenhague ne sert à rien sur le plan du développement durable. Mais ce n’est là qu’une anecdote, et nous allons voir qu’en établissant correctement le bilan carbone il y a bien d’autres dégagements à prévoir que ceux normalement prévus par presque toutes les publications françaises.
De quoi voulez-vous parler ?
Du problème suivant que je traiterai par un exemple : le bilan carbone dans le cas de l’amélioration de nos bâtiments par accroissement de l’isolation thermique. Dans la littérature actuelle la procédure est très simple : il suffit de calculer les économies de chauffage. Et d’en déduire les diminutions de CO2 émis. Malheureusement c’est faux si l’on veut faire un bilan complet. En effet les améliorations en cause (le renfort d’isolation) sont elles-mêmes sources de dégagements de CO2. Et ce pour l’extraction des matières premières, tout autant que pour leur transformation, les transports et la mise en place. Pour le voir avec plus de précision, une mise en ordre préalable est indispensable. Pour être complet le bilan carbone doit prendre en compte tous – je dis bien « tous » - les dégagements de CO2, et pas seulement ceux dont on vous parle couramment.
Pouvez-vous être plus précis ?
Pour être plus complet – par exemple dans le cas de l’amélioration de l’isolation thermique des bâtiments - le bilan carbone devra tenir compte, à la fois :
. de ce que nous appellerons le « carbone investi » (dans l’isolation supplémentaire),
. et de ce que nous appellerons le « carbone opérationnel » (correspondant à la consommation de chauffage).
Ce que vous appelez le « carbone investi » n’est-il pas négligeable ?
Je vous réponds tout de suite « non », et c’est ce que nous allons voir. Le seul point que je regrette c’est qu’il n’existe pratiquement rien sur le sujet en France, une faiblesse incroyable. Au plan général les améliorations thermiques fondamentales (isolations thermiques surtout) semblent correspondre, en Europe, à une source de CO2 assez variable mais comprise entre 500 et 7500 kWh par mètre carré de bâtiment. Malgré cette dispersion, on peut avoir une idée plus précise en adoptant la valeur type qui me parait souvent valable pour la nouvelle réglementation RT12 : 2 000 à 3 000 kWh/m² au moins en équivalent énergétique du carbone investi.
Qu’en tirez-vous comme conclusion ?
Grâce à de telles valeurs vous pouvez avoir une meilleure idée du rôle du carbone investi. Si vous supposez que votre bâtiment va durer soixante ans, sans renouvellement ni évolution (hypothèse très optimiste dans le cas considéré), j’obtiens – pour un cas type et une isolation de type actuel - la répartition suivante des émissions de carbone sur 60 ans : 28 à 22% pour le carbone investi, 72 à 78% pour le carbone opérationnel.
Bien entendu il est difficile d’en tirer des conclusions générales, mais cela suffit à démontrer que le carbone investi n’est pas négligeable. Ceci dit, comme nous le verrons la semaine prochaine, il est possible de s’approcher de conclusions moins conventionnelles et plus justifiées en matière d’épaisseur d’isolation, et ce en prenant en compte le carbone investi. Il ne s’agit pas, ici, d’aller jusqu’au bout sans discernement, mais de définir un objectif justifié.
Roger CADIERGUES