Par Roger CADIERGUES le 08 Août 2023
Je vous avais promis de revenir sur l'énergie solaire, nous y voici. Malheureusement les discours y sont souvent tendancieux, et je serai un peu irrespectueux des présentations officielles. Ma seule justification est celle d'une longue expérience, sans à priori autre que celui de rechercher la vérité.
Quelles sont, en gros, vos conclusions ?
D'abord ne mélangeons pas tout. La production d'eau chaude d'une part, le photovoltaïque d'autre part, et surtout les applications en éclairage sont des thèmes qu'il faut traiter séparément. L'intérêt de la production d'eau chaude solaire est aujourd'hui facilement et clairement quantifiable. Quant au photovoltaïque c'est plus un problème politique que technique ou financier. Avec des comportements gouvernementaux européens curieux, pour ne pas dire longtemps choquants lorsqu'il s'agit d'aider les pays africains. Quant à l'éclairage j'espère avoir l'occasion d'y revenir. Permettez-moi donc de ne vous parler - pour le moment - que de l'utilisation de l'énergie solaire pour le chauffage. Et ce en commençant "par le début", il y a près de 60 ans (1947-48).
N'est-ce pas un peu trop historique ?
Je ne le pense pas, et vous verrez pourquoi. Je rappelle, tout de même, que des propositions solaires précises furent émises en France il y a plus de 150 ans, en plein dix-huitième siècle. Plus proche de nous, avant 1940, la France et surtout l'Afrique du Nord (en particulier le Maroc) fabriquaient des capteurs solaires commercialisés. Ce qui n'est pas sans importance comme nous le verrons. Dès 1940 la France était par ailleurs, avec la Russie et les Etats-Unis, l'un des pays principaux abritant d'excellents spécialistes en solaire (au sens scientifique). Avec, en particulier l'Institut de Physique du Globe et son observatoire du Parc Saint Maur.
Il s'agit là de travaux scientifiques, et non pas de développements techniques ?
Oui et non. En effet, avec André FOURNOL, lorsqu'en 1948 nous avons cherché à disposer de données climatologiques précises sur l'énergie solaire, le vide était manifeste. Heureusement le président de l'Institut de Physique du Globe nous a proposé d'utiliser les données accumulées pendant une quinzaine d'années à l'observatoire du Parc Saint Maur. Et nous a suggéré de nous faire aider par un ingénieur spécialisé, Victor HARFF, évadé de Russie quelques trente ans plus tôt, alors plus ou moins chômeur par suite des événements récents. Ainsi fut fait.
De quel travail s'agissait-il ?
De réunir des données climatologiques suffisantes, ce qui n'existait pas à l'époque. Pour ce faire, avec André FOURNOL et Victor HARFF, nous avons repris dix années d'enregistrements quotidiens du Parc Saint Maur, dix années d'enregistrements continus du rayonnement solaire direct et du rayonnement global. Dans des conditions qui paraîtraient aujourd'hui ahurissantes et inacceptables.
Qu'entendez-vous par là ?
Qu'il s'agissait bien d'enregistrements (au sens graphique du terme), mais électriques (la sortie normale des appareils actinométriques de l'époque). Heureusement le travail étant de haute qualité : chaque jour (je dis bien "chaque jour") les appareils de mesure avaient été étalonnés de façon à ce que les volts puissent être transformés en kilocalories. C'est ainsi que Victor HARFF , reprenant les enregistrements et les étalonnages (les uns et les autres non exploités), réussit à établir, pour dix années et heure par heure : la fraction d'insolation, le rayonnement direct et le rayonnement diffus. Soit plus de 10 000 données numériques exploitées avec des calculatrices électromécaniques. Tout ceci pour aboutir à plusieurs exploitations précises.
De quelles exploitations voulez-vous parler ?
La fin de guerre m'ayant permis de pratiquer les techniques statistiques britanniques, devenues aujourd'hui classiques mais alors ignorées en France, nous avons pu procéder - avec André FOURNOL et Victor HARFF - à de multiples exploitations. Obtenant ainsi : les valeurs moyennes du rayonnement direct, du rayonnement diffus, de la fraction d'insolation. Puis, par André FOURNOL et Victor HARFF des tables de fréquence du rayonnement, exprimées aussi bien en unités thermiques qu'en unités lumineuses.
Que sont devenus ces résultats ?
Je vous avais promis que nous ne parlerions que de chauffage. Restons donc dans ce domaine. Au moins pour l'instant. Je vous dirai ce qu'il en est dans ma prochaine lettre.
Roger CADIERGUES