Par Cristel CORRADINO du BET ENERTECH
La particularité du bâtiment Coriolis provient de sa conception « à énergie positive » tous usages confondus, et de sa performance environnementale avec la prise en compte par exemple de paramètres essentiels comme l’énergie grise. La réelle valeur de ce projet d’exception réside dans son instrumentation qui a conduit à ce que les mesures prouvent la performance inédite de la conception.
Coriolis a été primé du 1er prix des Trophées de l’Ingénierie Performante organisé par l’association ICO et le magazine CFP, remis lors du salon Interclima+Elec le 5 Novembre 2015.
Nécessité d’une approche globale
Le bâtiment Coriolis est un bâtiment tertiaire livré en Avril 2013 et regroupant différentes entités (laboratoires de recherche, enseignement, halle d’expérimentation). Il est situé sur le campus de Champs sur Marne (ENPC, MEDDAT,...), et fait partie du campus de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées.
Ce bâtiment est un bâtiment innovant et démonstrateur d’un niveau de performance énergétique global et avant-gardiste. En effet, l’innovation, qu’elle soit technique ou architecturale, a visé non seulement à minimiser les consommations conventionnelles (chauffage, rafraîchissement, ventilation, éclairage), mais aussi à réduire des postes de consommations aujourd’hui non pris en compte dans l’approche réglementaire de l’époque …
→ les usages non conventionnels
→ l’énergie grise investie à la construction d’un bâtiment.
Les usages non conventionnels
L’évaluation des postes de consommation non conventionnels fut réalisée sur la base des campagnes de mesure du BET ENERTECH, et complétée par une instrumentation spécifique des futurs usagers du bâtiment Coriolis.
Pourquoi avons nous intégré ces postes de consommation énergétique ?
Tout d’abord, ils représentent plus de la moitié de la facture énergétique de ce bâtiment, ce qui est l’une des spécificités des bâtiments de niveau BBC sur lesquels une démarche d’optimisation des installations technique a été réalisée.
Ensuite, ils participent – ou non ! – au confort des occupants, puisqu’ils représentent des apports de chaleur interne au bâtiment …Les apports de chaleur interne sont aujourd’hui un paramètre de premier ordre dans le confort d’été des bâtiments performants, dont la sensibilité thermique est considérablement accrue du fait du haut niveau d’isolation.
Enfin, cette approche globale permet aux différents acteurs d’opérer des arbitrages technico-économiques plus cohérents.
L’énergie grise
Tout comme la performance énergétique a profondément restructuré la composition de l’assiette énergétique, elle a également modifié le poids de l’énergie grise dans l’analyse du cycle de vie d’un bâtiment.
L’énergie grise du bâtiment Coriolis – énergie investie à la construction – représente près de la moitié des consommations énergétiques totales liées à ce bâtiment au long de son cycle de vie. C’est donc bien sur la minimisation de ce poste qu’il faut concentrer nos efforts aujourd’hui … plus que sur l’atteinte d’un niveau de performance encore plus ambitieux.
Méthodologie de conception
La conception énergétique du bâtiment s’est déroulée selon 3 axes :
1/ Tout d’abord la réduction des besoins de chauffage et climatisation, par des solutions de type passives ou l’externalisation des charges thermiques les plus lourdes en dehors des volumes occupés
2/ La mise en œuvre de systèmes techniques performants
3/ L’intégration d’une production d’énergie photovoltaïque locale
Technicité de l’enveloppe
L’intégration architecturale (par l’Atelier Thierry Roche) des contraintes bioclimatiques, énergétiques et fonctionnelles reste l’un des vecteurs majeurs de réussite de ce projet.
Compacité, optimisation des surfaces vitrées, complexes d’isolation, choix des matériaux ont été optimisés par Simulation Thermique Dynamique sous le logiciel TRNSYS. Les menuiseries bois-alu sont de type triple vitrage au Nord, et double vitrage sur les autres orientations.
Le haut niveau d’isolation obtenu s’est nécessairement accompagné d’un traitement des détails particulièrement soigné, au regard des ponts thermiques et de l’étanchéité à l’air.
Les résultats obtenus aux tests de la porte soufflante sont I4= 0,92 [m3/h/m²], soit n50 = 0,96 vol/h.
La mixité des techniques constructives a nécessité un accompagnement assidu des entreprises par la maîtrise d’œuvre en phase DET et un investissement spécifique de l’entreprise en charge du lot Clos Couvert (Etp LEON GROSSE).
L’ensemble des serveurs ont été regroupés dans un local central, de façon à minimiser les surfaces climatisées.
Les photopiles sont intégrées en toiture, générant une productivité annuelle de l’ordre de 165 000 kWh/an.
Systèmes
4-a. Système de chauffage/rafraîchissement
Le chauffage est assuré par une pompe à chaleur sur 28 sondes géothermiques verticales, alimentant des planchers chauffant-rafraîchissant.
La pompe à chaleur est bipassée en été, le plancher étant rafraîchi par échange direct avec le circuit géothermique. La conception des réseaux, le dimensionnement des auxiliaires et leur réglage sont des facteurs fondamentaux du niveau de performance obtenu.
4-b. Climatisation
Seuls 2 locaux sont climatisés : la salle serveur et la régie des amphithéâtres. Le groupe froid est de type double condensation (matériel de marque MENERGA), ce qui permet de récupérer les calories issues de la climatisation lors des périodes de chauffage.
4-c. Eau chaude sanitaire
L’eau chaude sanitaire est tout à fait négligeable dans ce bâtiment. Les volumes de stockage ont été minimisés. Les différents points de production d’eau chaude sont assurés par des chauffe-eaux instantanés électriques.
4-d. Ventilation
La ventilation est de type double flux avec récupération de chaleur sur air extrait. Echangeur de type à roue et à plaque selon les zones desservies.
Le traitement de l’étanchéité à l’air des réseaux de ventilation fut particulièrement soigné en phase DET par l’entreprise (Etp BILLON), ainsi que la protection des réseaux de ventilation à l’égard des poussières du chantier.
La diffusion de l’air des locaux à haute densité (salles d’enseignement, amphithéâtres et salles de réunions) est de type à déplacement, pour une meilleure efficacité sur les plans acoustiques et de renouvellement d’air. L’efficacité de ce système de ventilation a pu être évaluée dans les salles d’enseignement. On a pu constater, sur les enregistrements de taux de CO2, qu’un arrêt anticipé de la centrale de ventilation entraîne une hausse nette et quasi instantanée de la concentration de CO2 de l’ordre de +500 ppm en moins de 10 min ! En dehors de ces heures d’arrêt anticipé, le taux de CO2 reste inférieur au règlement sanitaire département.
4-e. Eclairage
Les consommations d’éclairage mesurées à l’issue de la première année de fonctionnement sont équivalentes à 4.3 kWh-élec/m²SU/an. A titre de comparaison, les bâtiments de bureaux « classiques » que nous avons pu instrumenter les 10 dernières années présentaient des consommations d’éclairage de l’ordre de 29 kWh/m²/an.
Sur le bâtiment Coriolis, les dispositifs suivants ont été mis en œuvre :
- une optimisation des niveaux d’éclairement associée à une modularité des niveaux d’éclairement sur les postes de travail [200 à 300 lux]
- la sélection de sources lumineuses haute performance (LEDS et tubes T5),
- la commande par détection de présence, seuil crépusculaire ou horloge.
4-f. Bureautique
La réduction des postes de consommation relatif à l’usage des bureaux a été traitée par:
- l’absence d’un réseau ondulé, source de surconsommations
- la mise en œuvre d’un réseau « vert », non alimenté en dehors d’heures d’occupation des bureaux.
Ces réflexions ont nécessairement été menées sur la base d’une instrumentation ciblées avec les futurs occupants du bâtiment et le service informatique.
Certifications et labels
Le bâtiment est certifié HQE selon le profil ci-dessous, dispose du label BBC et sa labellisation BEPOS est en cours.
Résultats
Les résultats ci-dessous sont issus d’une campagne de mesure effectuée durant les 2 années suivant la livraison du bâtiment.
En termes de confort tout d’abord : la capacité du bâtiment à valoriser tous les apports de chaleur (qu’ils soient internes ou solaires) permet d’atteindre des températures bien supérieures à la consigne de chauffage. On le constate sur le graphe ci-dessous, où la consigne de température était de 20°C durant les plages d’occupation. Sur la période étudiée, la température était sensiblement supérieure à 20°C, voire supérieure à 22°C durant plus de 50% du temps d’occupation, les degrés au-dessus de 20°C étant obtenus de façon passive.
En termes de qualité de l’air, évalué exclusivement sous l’angle du taux de CO2 à ce stade, on constate que le taux de CO2 reste inférieur à 700 ppm dans les salles d’enseignement …et qu’en cas d’arrêt anticipé de la ventilation, le taux de CO2 augmente de 500 ppm en moins de …10 min ! Ces mesures mettent en évidence la nécessité absolue de la ventilation sur le plan de la qualité de l’air en milieu scolaire.
Sur le plan énergétique, le bâtiment présente des consommations plus de 80% inférieures à un bâtiment aux usages comparables (l’actuel bâtiment de l’Ecole des Ponts et Chaussées par exemple).
Le chauffage ne représente plus qu’une part dérisoire du bilan énergétique (7%), équivalent à 4 kWh-élec/m²SU/an. On note évidemment la part majeure des usages non conventionnels, qui s’élèvent à 56% des consommations énergétiques totales, et qui se décompose entre bureautique (usages informatiques essentiellement des laboratoires de recherche) et le poste « Divers », qui comprend les usages de la salle d’essai.
La consommation totale d’électricité s’élève à 48.7 kWh/m²SU/an.
La production d’électricité par les photopiles est très proche des prévisions (156 kWh/an) et couvre aujourd’hui près de 65% des consommations énergétiques totales, c’est à dire 100% des usages dits conventionnels et une partie des usages non conventionnels.
Perspectives
L’instrumentation ciblée que nous avons menée permet surtout d’identifier les gisements d’économie d’énergie restant et d’évaluer leur impact énergétique. Le diagramme suivant montre que la mise en œuvre du cumul des actions préconisées permet d’atteindre un niveau effectif de bâtiment à « énergie positive » tous usages confondus.
Pour conclure, au delà de l’objectif « BEPOS tous usages », l’atteinte d’un niveau de performance effectif et global nécessite une révolution non seulement technico-architecturale mais également organisationnelle. Elle nécessite la mise en place de méthodologies plus collaboratives non seulement au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre, mais également de reconstruire des chaînons manquant entre programmation / conception et exécution / exploitation. C’est par l’implication de l’ensemble des acteurs que ces résultats ont pu être obtenus et pourront être confirmés.
ACTEURS PRINCIPAUX
→ Maîtrise d’ouvrage : Ecole des Ponts et Chaussées, assisté par H4
→ Architecte : Atelier Thierry Roche
→ BET Fluides/HQE partie Energie : ENERTECH
→ BET HQE : TERRE ECO
→ Conseil Qualité de l’air intérieur : MEDIECO
→ Entreprise en charge du lot Clos Couvert : LEON GROSSE
→ Entreprise en charge du lot CVC/PLB : Etp BILLON
→ Entreprise en charge des Courants Forts et Faibles : CEGELEC
→ Exploitation & maintenance : SNEF
Par Cristel CORRADINO
du cabinet d’ingénierie énergétique SIDLER / ENERTECH
Bonjour,
Ces solutions sont vraiment superbes !
Pouvez-vous indiquer les prix de telles œuvres? Merci d'avance.