Par Olivier GUILLEMOT- Directeur du BET POLENN et consultant certifié PassivHaus
Un bâtiment passif, c’est quoi ?
Un bâtiment passif est une construction sans système de chauffage (ou presque !).
Une définition plutôt humoristique est proposée ici.
Mais pour une définition plus rigoureuse, il vaut mieux retenir : « Un bâtiment passif est une construction à très basse consommation dont la grande majorité des besoins en chauffage est comblée par les apports solaires et les apports internes, ce qui permet de se passer d’un système de chauffage conventionnel ».
Ainsi, dans une maison passive au sens du Passiv Haus Institut, plus de 70% des besoins de chauffage sont couverts gratuitement. Pour atteindre cette performance, les besoins doivent être réduits au maximum et les apports solaires et internes doivent être optimisés. Le soleil, les occupants et la chaleur issue de l’activité de ces occupants sont la chaudière principale de la maison passive ; seule une petite partie d’énergie devra être apportée par une autre source.
Dans la jungle des supers référentiels thermiques …
Plusieurs labels Basse Consommation ou Passif existent : Effinergie+ en France (adossé ou non au référentiel pilote Bepos), Minergie P en Suisse, Passiv Haus en Allemagne, etc. Le tableau suivant présente quelques éléments de comparaison.
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Certificateur |
Minergie |
PHI (Passivhaus Institut) |
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Logiciel de calcul / outils |
Moteurs CSTB TH-BCE |
Justificatif Minergie-P |
PHPP (Passive House Planning Package) |
Température de consigne |
19°C |
20°C |
20°C |
Niveau de performance (neuf) |
40 kWhep/m²/an (pondéré selon zone géographique) |
Chauffage : 15 kWhu/m²/an |
Chauffage : 15 kWhu/m²/an |
Postes énergétiques pris en compte |
Chauffage |
Chauffage |
Chauffage |
Surface |
SHON RT |
Surface de référence énergétique |
surface habitable |
Spécificités Energie primaire |
Électricité : 2,58 |
Électricité : 2 |
Électricité : 2,7 |
Étanchéité à l’air |
0,6 m3/h/m² sous 4 Pa |
0,6 vol/h sous 50 Pa |
0,6 vol/h sous 50 Pa |
Compléments |
Dans le cadre du label Bepos : |
Une comparaison objective des performances est cependant difficile : les surfaces de référence, les méthodes de calcul, les températures intérieures de consignes et de nombreux autres critères restent différents.
Par exemple, l’écart d’un degré de température de consigne (entre les référentiels effinergie+ et passivhaus par exemple) représente, pour ces bâtiments très performants, une augmentation des besoins de l’ordre de 15%.
Cependant, le niveau passif du label allemand Passivhaus constitue, aujourd’hui, de par son exigence, ses critères de qualité et son historique, le label référence en Europe en terme de bâtiment passif. Ce label sera particulièrement détaillé dans le reste de cet article.
La première maison passive, sous forme de projet pilote, a été conçue en 1991 à Darmstadt sous la conduite du Docteur Wolfgang Feist (Allemagne). Ce projet pilote s’inscrivait dans la suite du développement du concept de bâtiment basse énergie, dont le Dr Feist et le Professeur Bo Adamson (Suède) sont en grande partie à l’origine.
Passivhaus Darmstadt Kranichstein - Architectes: Prof. Bott, Ridder, Westermeyer. Photo: H.G. Esch.
Ce bâtiment, qui intègre déjà les grands principes qui décrivent les bâtiments passifs actuels, a été instrumenté et a montré une performance très importante. Une économie de près de 90% a été réalisée en comparaison aux standards de construction de l’époque.
Depuis, le label Passivhaus s’est développé au sein du Passivhaus Institut (PHI). En France, le passivhaus est représenté par l’association maison passive France.
Les objectifs d’un bâtiment passif peuvent être résumés simplement : réduire au maximum les consommations énergétiques pour le chauffage et le rafraîchissement et assurer un très bon confort toute l’année.
Et se préciser par quelques principes :
Limiter au maximum les besoins thermiques du bâtiment (en chaleur ou en rafraichîssement) par :
- une très forte isolation des murs et des menuiseries extérieures,
- une perméabilité à l’air très faible,
- la suppression de tous les ponts thermiques,
- la réduction drastique des pertes par la ventilation.
Récupérer et conserver au maximum les apports gratuits :
- optimiser les surfaces vitrées et leurs orientations pour récupérer un maximum d’énergie solaire passive en période de chauffage,
- utiliser des vitrages performants qui laissent entrer la chaleur du soleil.
Garantir un confort optimal en mi-saison et en été :
- principalement par la mise en place de protections solaires adaptées,
- par la mise en place de ventilation naturelle,
- éventuellement par la mise en place de systèmes complémentaires (puits canadiens, etc.),
- la forte isolation et la maîtrise de la perméabilité jouent également ici un rôle majeur.
Les exigences suivantes caractérisent le label passivhaus :
- besoins de chauffage ≤ 15 kWh/m²/an
OU puissance de chauffage ≤ 10 W/m²
- besoins de rafraîchissement ≤ 15 kWh/m²/an
- consommations en énergie primaire ≤ 120 kWh/m²/an
- Étanchéité à l’air ≤ 0,6 vol/h
- Surchauffe (≤ 25°C) ≤ 10% du temps
Ces critères sont principalement dédiés au résidentiel. Par principe, ils sont également considérés pour les bâtiments publics, les bâtiments tertiaires ou les autres types de bâtiment. Dans certains cas particuliers, pour des bâtiments spécifiques, certaines limites peuvent malgré tout être adaptées au cas par cas, en coordination avec le certificateur.
Historiquement, le renouvellement d’air était assuré en Allemagne par l’ouverture des fenêtres. La ventilation mécanique simple flux, arrivée en France dans les années 70 et plus fortement développée après les années 80, notamment avec les solutions hygro-réglables, n’étaient pas présentes en Allemagne.
Les maisons passives qui exigent une très forte étanchéité à l’air et la maîtrise des entrées d’air neuf, rendent impossible une bonne qualité d’air intérieur sans ventilation mécanique. L’ouverture des fenêtres n’est plus suffisante pour aérer convenablement. De manière naturelle, les objectifs de réduction des besoins thermiques ont orienté le système de renouvellement d’air vers les centrales de ventilation double flux.
Ces équipements imposent une distribution de gaines de ventilation dans toutes les pièces du bâtiment pour apporter l’air neuf ou extraire l’air vicié. Dans un souci d’optimisation de l’investissement, l’une des exigences repose sur l’utilisation de ce réseau de ventilation pour apporter l’énergie nécessaire pour chauffer le bâtiment pendant les périodes les plus défavorables, tout en limitant les débits d’air aux débits hygiéniques.
Ainsi, sur la base de 30 m3/h/personne, un ratio classique de 30 m² de surface habitable par personne et une température de soufflage maximale de 50°C (limite de « brulage » des poussières), la puissance maximale apportée par le système de ventilation s’élève à 10 W/m². Cette première valeur représente l’un des critères de définition d’une maison passive : s’affranchir de l’utilisation d’un système de chauffage traditionnel ; les besoins étant directement apportés par le réseau de ventilation.
Ce niveau de performance permet d’atteindre, dans les climats d’Europe centrale et continentale, un besoin de chauffage de l’ordre de 15 kWh/m²/an.
Ces deux critères (10 W/m² et 15 kWh/m²/an) représentent les paramètres les plus connus et emblématiques du passif. L’origine de ces paramètres explique également le mythe de la maison sans chauffage : hors cas exceptionnel, une maison passive nécessite un appoint de chauffage, en revanche celui-ci est tellement faible qu’un système de chauffage traditionnel est inutile. Il peut être apporté très simplement par la ventilation (mais ce n’est pas une obligation !).
Oui, bien sûr !
Il est vrai que c’est normalement inutile de le faire car le système de ventilation double flux permet d’assurer une qualité d’air optimale notamment grâce à la filtration de l’air neuf. En revanche, si vous souhaitez malgré tout aérer, rien ne vous empêche d’ouvrir votre fenêtre !
Si, par exemple, vous ouvrez la fenêtre de votre chambre, tous les jours, pendant cinq à dix minutes, l’augmentation de consommation de chauffage restera généralement inférieure à 0,5% de la consommation totale.
En revanche, pour conserver la performance de votre bâtiment, il ne faut pas que l’ouverture des fenêtres vienne refroidir en profondeur le bâtiment : l’énergie nécessaire pour le réchauffer pourrait dans ce cas augmenter trop fortement vos consommations énergétiques et, dans le même temps, dégrader le confort.
L’approche passive n’est pas équivalente à l’approche bioclimatique : il est possible de construire passif sans une approche bioclimatique complète ; il est également encore plus simple de construire selon les principes du bioclimatisme sans pour autant atteindre le niveau passif ! En revanche, prendre en compte au maximum les principes du bioclimatisme permet très souvent d’atteindre les exigences du label plus simplement et surtout de réduire le budget global du projet.
Ainsi, une maison enclavée dans un contexte urbain dense ou orientée au nord et très peu compacte pourrait cependant être passive. En revanche, pour atteindre ce niveau de performance, l’isolation devra être renforcée, des systèmes énergétiques plus performants devront être mis en œuvre, des astuces architecturales généralement coûteuses devront également être envisagées pour permettre, malgré tout, une très bonne performance énergétique.
À l’inverse, si le bâtiment est compact, bien orienté, très peu ouvert au nord, protégé des vents dominants, protégé naturellement du soleil d’été et largement ouvert au soleil d’hiver, alors le niveau passif sera atteint beaucoup plus simplement. Le budget lié au passif sera également largement réduit.
À l’exemple du bioclimatisme, passif et construction écologique ne sont pas liés mais les deux notions vont cependant très souvent de pair.
En effet, il est totalement envisageable de construire une maison passive en parpaing, laine de verre, polystyrène, dalle PVC, etc. Pour de multiples raisons liées notamment à la qualité de l’air intérieur, à l’impact environnemental de la construction, au confort hygrothermique ou encore au contenu en énergie grise, il est préférable de s’orienter davantage vers la construction « écologique ».
Utiliser des matériaux bio-sourcés, des revêtements de sol et des peintures sans COV, des isolants avec plus de déphasage et d’inertie tels que la laine de bois ou la ouate de cellulose par exemple ou encore l’ossature bois pour isoler fortement tout en conservant des dimensions de murs acceptables, permettent de construire passif tout en maîtrisant l’impact environnemental et énergétique de sa construction.
La prise en compte spécifique de l’énergie grise, par exemple, dans un projet de construction passif est totalement justifiée. Il serait en effet absurde de construire une maison passive pour réduire la consommation énergétique de chauffage avec des matériaux qui nécessiteraient, pour leur fabrication, une quantité comparable d’énergie… Il est donc préférable de choisir des matériaux à faible contenu en énergie grise.
Mais non ! Les exigences des maisons passives n’imposent en rien l’architecture du bâtiment. Ces exigences traduisent des objectifs de performance mais pas du tout les moyens pour y arriver : une maison passive peut ressembler à une maison traditionnelle ou à une maison ultra-moderne et à l’architecture originale.
Le travail de conception de l’architecte (ou du constructeur) n’est pas vraiment différent : il devra composer un projet adapté au site et aux futurs habitants ou utilisateurs, performant, esthétique, le tout dans un budget limité. Une nouvelle contrainte sera « uniquement » ajoutée : le projet devra respecter les exigences passives ! Une contrainte parmi tant d’autres dans un projet de construction (qualité du sol, réglementations diverses, etc.) qu’il est cependant nécessaire d’intégrer dès le début aux réflexions de conception.
Mais un projet sans contrainte est-il vraiment un projet d’architecte ?
Construire passif coûte, aujourd’hui, en France, généralement plus cher, mais plus cher que quoi ? Tout dépend du projet, de sa complexité, de sa compacité, de la possibilité ou de la volonté de travailler selon une approche bioclimatique, d’intégrer plus ou moins de composants « écologiques » ou bio-sourcés, etc.
Pour des bâtiments équivalents, les « surcoûts », ou plutôt les surinvestissements observés tournent autour de 15 à 25% pour les maisons individuelles, 5 à 10% pour les logements collectifs et 0 à 5% pour les bâtiments tertiaires.
Lors d’une étude de conception passive, il est intéressant d’étudier ce surinvestissement sur la durée, en comparant non seulement les économies d’énergie mais également les économies de maintenance et de renouvellement d’équipement technique. En fonction des choix et des orientations initiales du maître d’ouvrage, ce surinvestissement peut être totalement amorti en 20 à 30 ans, sans même prendre en compte les améliorations de confort, la valeur résiduelle du bâtiment, etc.
La conception de bâtiments passifs nécessite de mettre en œuvre des compétences particulières afin de prendre en compte l’ensemble des exigences tout au long des phases du projet. Pour atteindre ce niveau de performance, une approche globale qui intègre des compétences mixtes d’architecte et d’ingénieur, est en effet nécessaire. Il s’agit notamment de remettre en perspective les acquis et les réflexes de nos métiers sur des projets dont la qualité thermique et énergétique bouleverse souvent les approches traditionnelles.
Des formations reconnues par l’institut Passivhaus sont dispensées aujourd’hui par l’organisme référent du label en France : La Maison Passive France. Ces formations, sur une durée de 10 jours, permettent de traiter l’ensemble des thèmes liés au bâtiment passif : isolation des parois, menuiseries extérieures, ventilation, chauffage, prise en main du logiciel PHPP, approche économique, etc. À la suite de ces formations, un examen international conçu par l’Institut Passivhaus (et traduit dans les langues de chaque pays !) permet de sanctionner l’acquisition (ou non !) des compétences développées dans la formation.
En cas de réussite à l’examen et en fonction de la formation initiale et du métier de chacun (architecte, ingénieur, etc.), deux types de certification peuvent être données : Designer ou Consultant. Cette qualification est cependant associée à une personne et non à une entité comme un bureau d’études ou un cabinet d’architecte.
L’association La Maison Passive France est également le représentant de l’institut Passivhaus pour la certification des bâtiments en France. Cette certification peut permettre d’obtenir des aides régionales ou départementales selon les politiques locales mais rien n’est aujourd’hui prévu au niveau national. La certification reste cependant intéressante pour conforter la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage dans leurs choix : dans le cadre de la certification, la Maison Passive reprend à l’aveugle l’ensemble du calcul PHPP à partir des documents transmis (plans, coupes, détails, systèmes énergétiques, etc.). D’autre part, la réalisation d’un bâtiment passif certifié peut permettre, pour le concepteur principal, d’obtenir la certification Designer ou Consultant Certifié sans nécessité de passer l’examen.
Pour résumer, construire un bâtiment passif impose une grande exigence de conception et de construction. Il offre en retour un confort très élevé, une très faible consommation énergétique globale, une qualité importante et durable qui repose principalement sur le bâti et non sur les systèmes énergétiques.
Cependant, pour arriver à cette qualité optimale et pour y parvenir sans surcoût important, il est nécessaire que la volonté d’atteindre la passif soit exprimée au plus tôt et que l’équipe de conception (constructeur, architecte, bureau d’études) soit constituée en conséquence, avec une expertise ou une connaissance du passif !
Par Olivier GUILLEMOT
Directeur du BET POLENN et consultant certifié PassivHaus
SOURCES ET LIENS
- www.maisonpassive.be
- www.passiv.de
- www.lamaisonpassive.fr
- www.effinergie.org
- www.minergie.ch
- www.habitat-ecologique.net
AUTRE CHRONIQUE d'Olivier GUILLEMOT
Quelques autres existent : zehnder, nilan. Ces solutions ont souvent l'avantage du "3 en 1" : ventilation double flux, production d'eau chaude sanitaire et chauffage sur air.