Par C. SCHWARZBERG du BE Enerlab et D. VIVIEN du BE Vivien
Cette chronique montre tout l’intérêt et les limites d’une étude par Simulation Thermique Dynamique. Elle s’applique à la bergerie du Centre Départemental d’Élevage Ovin (CDEO) à Ordiarp, dans le pays basque. Les premiers intéressés sont donc des béliers reproducteurs !
Une mission originale
Le Centre Départemental d’Élevage Ovin (CDEO) gère une sélection de béliers reproducteurs, dont les semences sont prélevées en vue d’inséminer artificiellement les brebis des éleveurs membres.
Le fonctionnement organisé sous forme de coopérative (Coopérative d’Insémination Ovine des Pyrénées – CIOP) est le suivant :
- Les éleveurs membres mettent à disposition du centre leurs meilleurs béliers. Ils conservent leurs troupeaux de brebis.
- Ces béliers sont logés à l’année dans la bergerie du centre et sont réservés exclusivement à un usage de reproduction artificielle.
- Le CDEO se charge de l’ensemble de la procédure consistant à récolter la semence des béliers, à la transporter auprès de l’éleveur et à inséminer les brebis.
Fig.1 : Panorama photographique d’une bergerie du centre d’Ordiarp
Le CDEO étudie les spécimens et calcule les appariements avec pour objectifs :
- L’amélioration globale de l’espèce
- La qualité de la production laitière des brebis
- L’esthétique des cornes de bélier
Le centre dispose d’un laboratoire accolé à la bergerie principale pour étudier génétiquement les meilleurs appariements, analyser la semence récoltée et conditionner les doses à envoyer aux éleveurs. L’efficacité du processus est essentielle car, à l’inverse de l’insémination bovine, il est nécessaire de travailler en « semence fraiche » : la congélation dégrade la semence ovine qui n’est plus propre à féconder les brebis. Face à l’impossibilité d’une conservation par le froid, le cycle séparant la récolte et l’insémination doit être inférieur à 8 heures.
Avec environ 800 béliers présents à l’année répartis sur les trois bâtiments du site, et plus de 95 000 inséminations artificielles (IA), le CDEO est le 3e centre de collecte de sperme ovin français. Le pic d’IA est atteint aux mois de juin et juillet avec 3 000 doses prélevées par jour.
1.1 Des locaux devenus trop petits
Construit dans les années 70 pour 10 000 IA annuelles, le centre a multiplié par 10 sa production en 40 ans, ce qui, à bâtiments constants, pose aujourd’hui de nombreuses problématiques :
- Le laboratoire de 60 m² est nettement insuffisant pour accueillir tous les bergers lors des pics d’activité.
- Les bergeries souffrent de la chaleur à cause de l’activité intense se déroulant en Juin/Jjuillet.
- L’ensemble des bâtiments, vieux de plus de 40 ans, montre des signes de fatigue. En particulier la toiture en panneaux d’amiante.
Le problème des surchauffes dans la bergerie est celui qui inquiète le plus le centre. Les bergers ont en effet constaté qu’il était impératif de maintenir une température d’ambiance inférieure à 30°C. Au-delà, la semence récoltée n’est plus viable et doit être jetée (contrôle méthodique au microscope). À l’inverse, une température intérieure inférieure à 20°C diminue l’activité sexuelle des animaux. Avec l’augmentation de la densité d’animaux et des canicules plus fréquentes, la perte d’exploitation est importante.
Fig.2 : Photographies des cases individuelles et collectives
En plus de vouloir résoudre les problématiques liées aux bâtiments, le centre souhaiterait réduire ses coûts de fonctionnement en limitant le nombre de béliers hébergés à l’année. Jusqu’à présent, il fallait attendre la maturité d’un spécimen, voire de sa descendance, pour apprécier le résultat d’un croisement. Un certain nombre de béliers sont donc hébergés sur le site dans l’attente de cette évaluation.
Les progrès de la génomique permettent aujourd’hui d’étudier le potentiel du futur bélier dès sa naissance. La sélection de l’élite s’effectue ainsi sans délai.
Tous les animaux sont néanmoins conservés pour ménager une « génération de secours », en cas de problème sur les reproducteurs de premier choix.
L’intérêt du centre serait de fonctionner avec un nombre réduit à la seule élite, économisant ainsi d’importants frais d’hébergement.
Il s’agit donc de sécuriser la production de semence, en maintenant des conditions d’ambiance optimales pour les béliers restants.
1.2 La Simulation Thermique Dynamique à la rescousse des béliers
Dans le cadre d’une mission d’audit énergétique partiellement financée par l’ADEME, le CDEO a fait appel au Bureau d’Études VIVIEN de part sa qualification et son expérience dans ce domaine. Le B.E VIVIEN s’est adjoint les compétences d'Enerlab, bureau d’études également spécialisé en STD.
L’objectif de l’étude est de mener un audit complet du laboratoire afin d’estimer le coût d’une rénovation globale performante et d’étudier le confort dans la bergerie principale à l’aide de la Simulation thermique dynamique. Cet article se concentre sur l’étude du confort des béliers.
Fig.3 : Logos ADEME, BE VIVIEN et ENERLAB
1.3 Méthodologie de l’étude
L’étude s’est décomposée en trois phases complémentaires :
- Phase 1 : visite et relevés visuels
- Phase 2 : suivi instrumenté sur trois semaines des conditions d’ambiances (température et hygrométrie) en plusieurs points
- Phase 3 : modélisation numérique
De part nos études précédentes, nous confrontons systématiquement sur les bâtiments existants, le modèle numérique à des relevés de températures. Cette démarche, bien que fastidieuse, nous semble indispensable.
Le logiciel de Simulation thermique dynamique utilisé est TRNSYS. Au départ plutôt destinées à l’étude des systèmes solaires par des équipes de chercheurs universitaires, ces applications se sont considérablement étendues, et on compte parmi elles la Simulation thermique dynamique de bâtiments, comme outil d’aide à la conception ou d’audit par des bureaux d’études thermiques.
Le logiciel propose aux concepteurs une bibliothèque de composants et une plate-forme pour créer des connections entre eux.
Il s’agit donc de modéliser l’environnement virtuel du bâtiment et d’y insérer la maquette. Il est alors possible de faire varier l’ensemble des paramètres pouvant influer sur le confort ou les besoins énergétiques.
La difficulté d’utilisation du logiciel consiste à cerner clairement le périmètre et à évaluer les paramètres d’études nécessaires pour limiter le modèle à son plus juste niveau de complexité.
Fig.4 : Logo TRNSYS 17
Posibilités et limites de la simulation thermique dynamique
La STD est un outil extrêmement puissant qui permet de simuler avec une précision parfaite le comportement de n’importe quel système, pourvu que l’on soit prêt à investir un temps infini à le modéliser. Ainsi, le savoir-faire du spécialiste en STD ne réside pas dans la recherche de la perfection mais bien dans l’obtention d’une précision adaptée au budget de l’étude, la complexité du système et la connaissance des hypothèses.
Dans le cas présent, l’étude souffre de plusieurs imprécisions importantes qui imposent la plus grande prudence dans l’interprétation des résultats. Il est intéressant de les présenter succinctement car elles sont caractéristiques et se retrouvent de façon plus ou moins marquées dans l’ensemble des études par STD. Pour les comprendre, il faut auparavant présenter le bâtiment.
2.1 Présentation du bâtiment étudié
Le bâtiment se compose de plusieurs volumes en simple rez-de-chaussée.
Un corps principal abrite les béliers, en trois zones ouvertes de différentes hauteurs et largeurs, orientées selon un axe Nord/Sud comme représenté sur la figure 5.
Fig.5 : Plan de repérage des zones
Construite dans les années 70, la bergerie est simple et sobre. Le choix de conception s’est porté sur une grande perméabilité de l’enveloppe, avec la mise en œuvre de surfaces de bardage bois ajouré et d’ouvertures en faîtages. Le bâtiment n’est pas du tout isolé.
Ventilation naturelle perfectionnée
Deux phénomènes physiques sont utilisés pour ventiler le bâtiment : les effets du vent et du tirage thermique. Dans un premier temps, les ouvertures des parois verticales permettent une ventilation traversante. Dans un second temps, les ouvertures des faîtages, judicieusement placées au plus haut des volumes, mettent à profit le tirage thermique ou « effet de cheminée ».
Les entrées d’air ne sont pas localisées au point le plus bas des façades. Les cases au niveau du sol ne sont donc pas balayées directement par ce flux de ventilation, mais par un courant induit, sans inconfort pour les béliers.
Fig.6 : Photographie intérieure de la bergerie, faitage ouvert et parois verticales ajourées
Fig.7 : Photographie extérieure de la bergerie, toiture en amiante-ciment & parois verticales ajourées
Absence d’équipements
Aucun équipement climatique n’est installé dans la bergerie, ce qui est parfaitement cohérent au vu de sa conception.
L’avantage : pas de consommation énergétique, ni contrainte de maintenance.
L’inconvénient : pas de contrôle précis sur la température et le degré d’humidité de l’air ambiant, ni de gestion de la ventilation et de la qualité d’air (évacuation des odeurs et polluants).
Fonctionnement et charges internes
Le bâtiment héberge à plein temps 450 béliers et une dizaine de bergers en journée. Les animaux représentent une charge thermique de 60 à 150 W selon l’épaisseur de leur laine, qui est tondue environ deux fois par an, notamment avant l’été. Cela représente donc un potentiel de chauffage de 60 kW !
Les béliers dégagent aussi une charge d’humidité et d’ammoniaque (urine) considérable mais il n’existe pas, à l’image des humains, de tables de références.
Fig.8 : Photographie des béliers
Isolation du sol … par de la paille
L’épaisseur de paille au sol varie de 5 à 50 cm entre les interventions de nettoyage des cases, réalisées tous les trois mois.
Les bottes de paille compactées destinées à la construction ont une caractéristique thermique de l’ordre de 0,07 W/m.K. Un paillage, peu compressé, aura une performance d’isolation moindre, qui diminue également quand son degré d’humidité augmente. D’ailleurs, la décomposition de la paille et des déjections animales sont susceptibles de générer des apports de chaleur et d’humidité dans les locaux. Faute d’information suffisante, ce phénomène ne sera pas pris en compte.
À présent que nous connaissons mieux le bâtiment, les imprécisions de l’étude sont plus facilement identifiables.
2.2 Imprécisions de l’étude
La première imprécision importante correspond à la modélisation des transferts d’air interzones ainsi qu’entre l’intérieur et l’extérieur. Les équations régissant les phénomènes de convection sont extrêmement complexes, surtout lorsqu’il faut combiner l’effet du tirage thermique avec la ventilation forcée (par le vent) latérale et transversale.
Bien entendu, des logiciels existent pour effectuer cette modélisation, mais ils ajoutent une couche de complexité qui ne se justifie aucunement dans le cadre de cette étude. Quelle approche simplifiée adopter dans une telle configuration ?
Le réflexe que nous conseillons pour la modélisation simplifiée de phénomènes complexes est d’utiliser le très puissant … tableur Excel ! Accompagné d’un bon cours de transferts thermiques, il est possible à peu près de tout modéliser. Cette technique n’est pas toujours très précise, mais elle permet d’avoir une première estimation du résultat.
Fig.9 : Logo Excel
Dans le cas de la bergerie, les calculs ont ensuite été contrôlés par comparaison des humidités spécifiques (quantité d’eau sous forme de vapeur contenue dans 1 kg air sec) intérieures/extérieures mesurées et modélisées.
Une précision supérieure sur les phénomènes de convection est totalement inutile car les apports sont mal maîtrisés, en particulier les apports d’humidité. Le graphique suivant, issu des relevés, montre l’évolution des humidités spécifiques extérieure (sonde 2 en bleu clair) et intérieure (sonde 1 en bleu foncé) ainsi que l’écart entre les deux (courbe grise). Compte tenu des débits en jeu correspondants à plusieurs milliers de m3/h, une humidification allant de 1 à 4 geau/kgair est pratiquement équivalente à une humidification industrielle !
Le constat est identique pour la paille. Avec une épaisseur allant de 5 à 50 cm et une performance thermique diminuée par l’urine, il est inutile de chercher une précision absolue sur les phénomènes décrits précédemment.
Fig.10 : Courbes des humidités spécifiques intérieures/extérieures
Si le Maître d’ouvrage souhaite un engagement sur le résultat en termes de nombre d’heures de dépassement d’une température seuil, l’étude est clairement inutile. Pour cela, il faudrait instrumenter sur une longue période et combiner plusieurs approches logicielles. Dans le cas de la bergerie, il se pourrait que le montant des études nécessaires à atteindre la précision souhaitée dépasse le montant des travaux !
Si le Maître d’ouvrage souhaite utiliser la STD comme outil « économique » pour comparer l’efficacité relative de différentes solutions sans les tester in situ une par une, alors l’étude est parfaitement adaptée. Dans le cas de la bergerie, il a été convenu d’appliquer la solution retenue sur une petite portion de bâtiment avant déploiement sur l’ensemble du site.
Malgré tout, des conclusions intéressantes
3.1 Un bâtiment bioclimatique
Les relevés, le ressenti des bergers et la simulation montrent que la conception naturelle et l’astuce de ventilation par tirage thermique du bâtiment donnent de bons résultats. En ce sens, la bergerie est bioclimatique.
Pour illustrer ces propos, nous proposons une étude des mesures de températures de la zone Est de la bergerie (figure 12). La figure 11 indique l’emplacement des sondes.
Pour des raisons de planning, les relevés ont été réalisés sur les mois de Décembre 2015/Janvier 2016. Du fait de la douceur inhabituelle de cet hiver, nous pouvons en déduire le fonctionnement de la bergerie en mi-saison.
Fig.11 : Localisation des sondes
Fig.12 : Courbes des températures sur la Zone Est, relevées par les sondes 3 et 4
Les relevés de la sonde 4, localisée en façade Sud, présentent des variations proches de celles des températures extérieures, avec des valeurs presque constamment supérieures.
Les amplitudes suivent logiquement le cycle jour-nuit. L’écart de température s’explique par l’impact du rayonnement solaire et de la température radiante de la façade. Les relevés de la sonde 3, positionnée plus à l’intérieur, suivent toujours la même allure de courbe, mais avec des amplitudes nettement atténuées, aussi bien pour le froid que pour le chaud.
Le constat est simple : ces relevés sont représentatifs de la configuration dans laquelle la bergerie fonctionne le mieux. Les dispositifs de ventilation, sous l’effet des fortes amplitudes de températures extérieures, travaillent efficacement pour tempérer les variations intérieures et réguler les charges internes.
Cependant les mesures réalisées par CDEO sur l’été 2011 et la Simulation thermique dynamique montrent que le dispositif trouve ses limites lors de séquences caniculaires : la température extérieure nocturne élevée ne permet plus de rafraîchir le bâtiment.
3.2 Un inconfort avéré
L’ensemble des investigations permet de confirmer l’inconfort ressenti par les bergers. La STD donne une température intérieure supérieure à 30°C pendant 30 à 200 heures (selon la zone) sur Juin/Juillet. Cela correspond à un dépassement des conditions de confort de 2 à 13% du temps d’occupation.
Fig.13 : Fréquences cumulées de températures d’air
L’inconfort est bien présent, mais à notre sens, étonnamment faible par rapport au ressenti décrit par les bergers lors de notre visite. Suite à ce constat, une analyse plus approfondie a mis en avant le rôle prépondérant du rayonnement de la toiture : il faut raisonner en température opérative et non pas en température d’air !
En intégrant le rayonnement des parois, le graphique des fréquences cumulées montre un dépassement de 110 et 250 heures correspondant à 7 à 17% du temps d’occupation sur la période de Juin/Juillet.
3.3 Une humidité très importante
Le graphique suivant, issu des mesures d’humidité, montre l’humidité relative régnant dans la bergerie. Des relevés complémentaires réalisés par le CDEO affichent une hygrométrie extérieure toujours supérieure à 60%, y compris en plein été. En conclusion, le climat est humide et les dégagements de vapeur des béliers aggravent la situation.
Note : Il est erroné de comparer les humidités relatives intérieures et extérieures car elles sont dépendantes et variables en fonction de la température de l’air. La comparaison doit se faire, comme précédemment, en humidités spécifiques.
Fig.14 : Évolution de l’humidité relative de la zone centrale
Solutions
Compte-tenu des fortes contraintes de la bergerie, le plus simple aurait été de fermer complètement le bâtiment et de le climatiser. Cependant, en plus d’augmenter les coûts de fonctionnement de la bergerie, cela irait à l’encontre de la conception naturelle initiale du bâtiment à laquelle il ne manque pas grande chose pour être confortable.
4.1 Isolation de la toiture
Malgré le coût important lié au désamiantage, l’isolation de la toiture est un prérequis indispensable avant d’envisager un système de rafraîchissement. Le graphique suivant montre l’impact de l’isolation en sous-face par 20 cm de laine de verre au niveau de la température de surface intérieure de la toiture.
La différence au niveau de la température maximale atteinte est impressionnante avec une diminution de 8°C. Toutefois, l’effet sur le nombre d’heures de dépassement de 30°C de température opérative est faible. Cela s’explique par le fait que la toiture isolée chauffe moins le jour … et rafraîchit moins la nuit. Ainsi, il est indispensable d’associer l’isolation de la toiture à un système de rafraîchissement.
Fig.15 : Fréquences cumulées avant/après de la surface intérieure de toiture
4.2 Free-cooling
Un débit minimum est important pour assurer la qualité de l’air de la bergerie (évacuation d’humidité, d’ammoniaque, …). On laisse le ventilateur fonctionner à cette vitesse minimale lorsque les températures extérieures sont trop fraîches et qu’on souhaite conserver la chaleur intérieure.
Quand la température intérieure s’élève au-dessus des températures extérieures, une augmentation de débit permet d’évacuer des calories.
Aux heures estivales où il fait plus chaud et/ou plus humide à l’extérieur qu’à l’intérieur, on rétablit le débit au strict nécessaire.
Fig.16 : Photographies de dispositifs de ventilation
Ce principe de ventilation peut fonctionner uniquement si le débit entrant dans la bergerie correspond au débit sortant, extrait par le ou les ventilateur(s) installé(s).
Il s’agit donc de rétablir une enveloppe continue et relativement étanche dans laquelle des entrées d’air sont créées avec des surfaces dimensionnées en fonction des débits de ventilation souhaités.
Si le débit est variable, cette surface l’est également : les entrées d’air sont donc équipées de volets ou ventelles motorisé(e)s, pour agrandir ou diminuer l’ouverture parallèlement à la régulation de vitesse des ventilateurs.
En dépit de son coût important, le free-cooling permet seulement une amélioration des conditions intérieures d’environ 20%. À noter que la technique est inefficace par canicule car l’air extérieur ne permet plus de rafraîchir la bergerie.
4.3 Rafraîchissement adiabatique
Arroser pour rafraîchir, c’est utiliser un phénomène naturel simple : celui de l’évaporation de l’eau. Pour effectuer ce changement d’état, l’eau utilise une certaine quantité d’énergie, dite latente, ce qui a pour résultat de faire baisser la température du milieu dans lequel l’énergie est prélevée.
Ce procédé passif ne date pas d’aujourd’hui. Il était notamment utilisé dans les patios de l’architecture méditerranéenne où les fontaines et bassins servaient d’agrément tout en présentant un intérêt climatique.
Nous avons utilisé avec succès des solutions adiabatiques par le passé, notamment pour le rafraîchissement de chais de domaines viticoles. La technique la plus efficace à notre connaissance est la Coolbox du fabricant Cooléa qui consiste à pulvériser de l’eau dans l’air insufflé.
Fig.17 : Coolbox du fabricant COOLEA
En raison des fortes humidités relatives à l’extérieur et à l’intérieur, ces solutions n’apportent que très peu d’amélioration des conditions ambiantes avec un risque sanitaire élevé (maladies de type champignons sur les sabots).
4.4 Rafraîchissement local
Conserver le bâtiment existant, isoler la toiture et rafraîchir uniquement la zone des boxes : la solution paraît idéale sur le papier, mais comment amener la juste quantité d’énergie jusqu’aux boxes dans le respect des règles de confort (pas de déplacement d’air ressenti par les béliers) et des règles sanitaires (gestion de la condensation et encrassement des équipements) ?
Notre réflexion s’est d’abord portée sur le plancher chauffant/rafraîchissant. Le sol étant en terre, la solution serait relativement peu coûteuse. De plus, elle aurait l’avantage d’amener l’énergie uniquement dans les boxes, au travers de la paille, par contact direct. En effet, les béliers soumis à une chaleur excessive se coucheraient instinctivement sur la surface fraîche.
Cependant, la solution présente deux problèmes majeurs. D’une part, la gestion des condensats est impossible et, d’autre part, l’efficacité du rafraîchissement au travers de la paille n’est pas évidente. Afin de l’évaluer, nous avons procédé à un calcul d’échanges thermiques en statique (température et hygrométrie données) à l’aide du tableur Excel. Les résultats consignés dans le tableau ci-dessous montrent que, même avec une paille peu isolante, le système serait inefficace.
Épaisseur paille [cm] |
Température plancher [°C] |
Température paille [°C] |
Condensation |
10 |
20 |
28,5 |
Moyenne au niveau plancher |
20 |
20 |
29,5 |
Forte au niveau plancher |
20 |
17 |
28,8 |
Forte au niveau plancher |
30 |
17 |
29,2 |
Forte au niveau plancher |
Le plancher n’étant pas la bonne surface, pourquoi ne pas tenter la même idée sur les murs ? Cette solution semble plus adaptée car la faisabilité du traitement des condensats serait plus aisée et la barrière de la paille serait supprimée. Cependant, la surface de contact des murs étant inférieure à celle du plancher, l’ensemble des béliers ne pourrait pas bénéficier du rafraîchissement. Cela pourrait générer des luttes néfastes à la santé du troupeau.
La dernière solution, celle qui a été retenue, correspond au rafraîchissement par déplacement d’air. Le principe consiste à utiliser des diffuseurs adaptés afin d’insuffler de l’air faiblement rafraîchi (5K d’écart maximal avec la température ambiante) en régime laminaire. L’avantage du flux laminaire est de ne pas se mélanger avec l’air ambiant afin d’arriver intact jusqu’à l’animal. La solution retenue est celle du constructeur TROX.
L’installation est donc composée d’une centrale de ventilation simple flux, un réseau de gaines isolées et des diffuseurs placés à environ 1,80-2 mètres de hauteur tel qu’illustré sur les figures suivantes. Il aurait été plus efficace de placer les diffuseurs dans l’enclos, sous la forme d’un petit poteau. Cependant, il aurait été impossible de les protéger contre les coups de tête et les déjections animales tout en maintenant un bon niveau de diffusion.
Fig.19 : Coupe d’implantation dans la zone centrale – La taille des gaines, imposée par une faible différence de température, est un élément à prendre en compte dans l’étude de faisabilité
Fig.20 : Diffuseurs sélectionnés chez le fabricant TROX
En plus d’apporter la charge frigorifique très localement, cette solution présente l’avantage, de part la faible différence de température avec l’air ambiant, de supprimer les très importantes consommations latentes de rafraîchissement. La puissance nécessaire est d’environ 100 kW, à comparer aux 300 kW nécessaires à une climatisation globale.
Par conséquent, le déplacement d’air en complément de l’isolation de la toiture est la seule solution qui permet l’atteinte du confort, le respect des contraintes sanitaires et une efficacité énergétique acceptable.
Conclusions
La solution technique adoptée du rafraîchissement local par diffusion d’air est originale mais parfaitement reproductible dans des cas similaires. Elle permet de supprimer la condensation ce qui facilite sa mise en place et diminue fortement les consommations d’énergie : l’air n’est plus déshumidifié par le rafraîchissement. Elle nécessite néanmoins une étude de faisabilité précise au niveau de l’implantation car la faible différence de température entre l’air ambiant et l’air soufflé entraîne des gaines de tailles considérables.
En plus d’être originale, cette étude a tout d’abord été l’occasion d’alimenter notre réflexion de fond autour de la Simulation thermique dynamique. La STD a la réputation d’être un outil extrêmement puissant qui peut simuler le comportement de tout système avec une précision absolue. C’est tout à fait vrai, pourvu que l’on soit prêt à investir un temps infini à le modéliser !
Ainsi, le savoir-faire du spécialiste en STD ne réside pas dans la recherche de la perfection mais bien dans l’obtention d’une précision adaptée au budget de l’étude, la complexité du système et la connaissance des hypothèses.
Il découle de ce constat qu’il est vain de chercher à multiplier les couches logicielles afin de modéliser précisément des phénomènes secondaires. En réalité, la plus-value de l’ingénieur consiste, dans ces cas-là, à adopter une approche sommaire, troquant son logiciel de simulation par un classique tableur Excel et un bon cours sur les transferts thermiques.
Finalement, afin de fiabiliser la maquette numérique, il nous apparaît vraiment indispensable de croiser les résultats calculés avec le maximum de mesures et les informations récoltées en interrogeant les occupants.
Pour plus d’informations sur notre étude, veuillez contacter les bureaux d’études du projet par e-mail :
- Bureau d’études Vivien : contact@be-vivien.fr
- EnerLab : contact@ener-lab.fr
Remerciements : Marie-Ange Hammy pour la mise en forme des figures
Par Christian SCHWARZBERG du BE Enerlab et Dominique Vivien du BE Vivien
Dommage que la question de Didier n'est pas eu de réponse d' XPAIR depuis 2016 !