Par Marie-Hélène Foucard- ingénieur chercheur, EDF R&D, Énerbat
Depuis novembre 2011, les bâtiments de bureaux sont soumis à la réglementation RT 2012 issue du Grenelle de l’environnement. Or du fait des délais de construction – dans cette branche comme pour l’ensemble des bâtiments tertiaires –, il n’existe actuellement pas ou très peu de réalisations RT2012.
Pour pouvoir disposer d’éléments tangibles dès maintenant, la RT 2012 étant censée correspondre au niveau du label BBC RT2005, il a été décidé de réaliser un retour d’expérience sur des projets à ce niveau de performance.
Ce retour d’expérience est réalisé à partir de plusieurs sources, en particulier des projets labellisés BBC de l’observatoire Effinergie et des projets électriques performants recueillis par EDF. Quelques éléments issus du retour d’expérience de l’ADEME sur les projets PREBAT1 sont donnés à titre d’information quand ils concernent le tertiaire. (Tableau 1)
Les projets de l’étude DGUHC-AICVF sont
issus d’une étude exploratoire réalisée
en 2009 qui visait à donner des premières
informations sur les valeurs absolues de
Cep (RT 2012) pour les secteurs bureaux
et enseignement. Les bâtiments ont été
obtenus en isolant la zone bureaux de
projets parfois plus globaux. Les surfaces
utiles de l’ensemble de ces projets sont
très variables. Ils peuvent être de catégorie
CE1 ou de catégorie CE22. Seuls sont
disponibles le Ubat et le Ubatref.
Les projets
BBC Effinergie correspondent à ceux
dont les données sont disponibles sur les
fiches publiées dans la base et qui ont pu être identifiés comme des immeubles de
bureaux. Pour les autres projets, on dispose
en partie de l’étude thermique.
Mises en garde : l’analyse des projets
a été réalisée sur la base des données
disponibles et correspondant aux prescriptions
des bureaux d’études, sans
chercher à juger de leur pertinence, sans
porter d’avis sur les niveaux de performance
proposés, ni sur les résultats.
L’échantillon est relativement restreint
et il sera difficile de tirer des conclusions
statistiquement représentatives à partir
des constats de cet article.
1. Les Bâtiments Exemplaires BBC- PREBAT- BILAN
2007- 2012 octobre 2012 (328 tertiaires dont 139
bureaux).
2. Les locaux CE1 sont ceux pour lesquels la réglementation
considère qu’ils peuvent être conçus
sans climatisation. Construire un bâtiment classé
CE1 n’interdit pas la climatisation mais nécessite de
concevoir un bâtiment plus performant pour lui permettre,
avec le refroidissement, de rester en dessous
des exigences fixées pour ce même bâtiment non
climatisé.
Depuis 2007 et au 30/09/2012 (source
Tableaux de bord BBC-Effinergie), on
dénombre 97 opérations labellisées, soit
477 436 m², et 792 demandes de label, soit
5 558 600 m². Le ratio obtention du label/
demande de label (taux de transformation)
sur la période est de 12,2 % en opérations
(8,6 % en surface). Il est en croissance,
du fait sans doute d’une meilleure
appropriation par la profession, mais
aussi de la réduction, quand la période
d’analyse augmente, de l’effet dû au
délai d’obtention du label. (Figures 1 & 2)
Même si les données ne sont pas tout à
fait en phase (constitution des dossiers/
délai d’obtention), il est intéressant de
les comparer à la construction neuve.
Sur l’année 2011, le nombre de demandes
correspond à 20 % de la construction
neuve (yc extensions) de 2010. Si l’on
considère les labels obtenus, on tombe à 1,8 % de la surface construite. La suite de
l’analyse porte sur les bureaux.
La fourchette des valeurs Ubatref des bâtiments est très large pour les bâtiments RT 2005 comme pour les bâtiments performants. De par l’utilisation d’un bâtiment de référence de même forme, la RT 2005 n’incite pas à jouer sur la forme du bâtiment pour optimiser le Ubat. (Tableau 2)
La fourchette des Ubat est elle aussi très large, ce qui confirme voire amplifie le constat précédent sur la forme du bâtiment. Cependant, la comparaison avec le Ubatref montre que dès que l’on cherche la performance, on est obligé de travailler sur le bâti. (Tableau 3)
La séparation par
catégorie (CE1/CE2) des projets RT 2005
montre que le bâti est bien meilleur pour
les bâtiments de type CE1. L’isolation n’est
pas le poste le plus important à optimiser
pour un bâtiment climatisé.
Le constat,
même s’il est moins flagrant du fait de
la recherche d’une performance globale
élevée, est identique sur les bâtiments
performants. La connaissance des caractéristiques
par paroi permet de pousser
un peu plus loin l’analyse. La comparaison
des taux de performance par paroi montre
que même si la performance est recherchée
sur l’ensemble des parois, l’effort
relatif est réalisé en priorité sur les parois
verticales opaques.
Dans le cas de l’observatoire
elles sont suivies de très près par
la toiture-terrasse. L’analyse ne met pas
en évidence de différence flagrante entre
les énergies de chauffage, ce qui est justifié
du fait que le chauffage est loin d’être
un usage prépondérant. (Tableau 4)
Caractéristiques générales
Le nombre de projets étant réduit et
ceux-ci différant par leur zone climatique et/ou par leur conception (en
particulier le taux de surface vitrée qui
varie de 15 à 50 %), les informations
suivantes ne peuvent pas être considérées
comme représentatives. Elles
permettent seulement de donner un
éclairage sur la construction niveau BBC
RT 2005. Les niveaux de performance
(1- Cep/Cepref) s’étagent entre 50 % et
150 %, principalement entre 50 % et 60 %.
La grande majorité des bâtiments (13/19)
sont plus ou moins climatisés. Par contre,
dans l’échantillon Prebat, la tendance
est inversée avec un peu plus de la moitié
(55 %) qui n’est pas climatisée.
Systèmes chauffage/climatisation/
ventilation
Dans les projets Effinergie, on constate
une prédominance du thermodynamique.
Les autres projets sont tous
thermodynamiques et souvent avec un
plancher comme émetteur. Cette forte
représentativité des systèmes thermodynamiques
est aussi constatée par
l’ADEME sur les bâtiments de bureaux
PREBAT. Les chaudières bois apparaissent
en deuxième position. Le chauffage
électrique direct est lui très peu
représenté (moins de 2 %). (Tableau 5)
La récupération sur l’air extrait est quasi
systématique avec pour les valeurs disponibles,
des efficacités entre 60 et 90%.
Éclairage
L’éclairage est un poste important de
consommation dans les bâtiments de
bureaux et sur lequel on constate un
gain important grâce à un éclairage
plus performant que celui de référence
(12 W/m²) et à la présence d’une bonne
gestion (programmateur, détecteur de
présence…). Les valeurs de consommation
sont cependant très différentes
d’un projet de bureaux à l’autre :
- 9,8 à 29,2 kWhep/m² pour Effinergie
(moyenne 17 kWhep/m²) ;
- 13,9 à 41,2 kWhep/m² pour les autres
projets (moyenne 24,4 kwhep/m²).
L’équipement d’éclairage n’est quasiment
jamais mentionné sur les fiches de
la base Effinergie.
L’analyse des autres
projets montre qu’en moyenne, la valeur de référence de l’éclairage est de 53
kWhep/m². Celle-ci étant indépendante
des performances du matériel en place
dans le bâtiment et de sa gestion, les
valeurs basses correspondent à des bâtiments
qui bénéficient d’un fort éclairage
naturel. (Figure 3)
En relatif, cette
consommation de référence correspond
à 36 % du Cepref (41 % pour les bâtiments
CE1 et 34 % sur les bâtiments CE2, le Cepref
étant plus élevé pour ces derniers du
fait de la présence du poste climatisation).
Le gain par rapport à la référence
est en moyenne de 54 % soit 28 kWhep/
m². La performance du matériel y contribue
pour 24 % (puissance moyenne installée
de 9 W/m²). Le reste du gain est
dû à la gestion et à l’éclairage naturel
(orientation et transmission lumineuse).
Répartition par usages
La répartition par usages n’est pas
simple d’exploitation, que ce soit pour
la référence ou le projet à cause des interactions
chauffage/refroidissement/
éclairage. Les variations d’un projet
à l’autre sont importantes du fait des
choix de conception (accès à l’éclairage
naturel, type d’émission, optimisation
d’un poste plutôt qu’un autre…). L’éclairage
est le poste le plus consommateur
et généralement celui optimisé en
premier.
Le poste ventilation (où sont
aussi comptabilisés les auxiliaires des
émetteurs) prend aussi de plus en plus
d’importance, en particulier dans les
bâtiments climatisés, ce qui oriente les
projets vers des émetteurs performants
(Ventilo-convecteurs haute performance, plancher/
plafond rafraîchissant…).
Pour les bâtiments
CE1, le poste chauffage est relativement
optimisé grâce à une bonne
isolation, un taux de récupération élevé
en double flux et un choix judicieux des
émetteurs. Le Cep moyen des bâtiments
de bureaux du retour d'expérience ADEME-PREBAT est de
63 kWhep/m² (55 % ne sont pas climatisés).
La part moyenne de l’éclairage est
de 35 %, intermédiaire entre celle pour
les bâtiments climatisés et non climatisés
pris séparément et la consommation
unitaire de 22 kWhep/m². (Figure 4). Ces
valeurs moyennes cachent cependant
de fortes disparités. (Tableau 6)
Recours au photovoltaïque
Cinq projets Effinergie et deux autres
projets font appel au photovoltaïque, la
valeur de cet apport n’étant pas toujours
accessible. Le taux de recours au photovoltaïque
est plus élevé sur les projets de
bureaux PREBAT (60 %), mais 27 projets
sur 120 sont à énergie positive pour les
cinq usages réglementés. Le photovoltaïque
est peu utilisé pour atteindre le
niveau BBC. Il peut par contre permettre
d’aller plus loin en performance.
Quelques points essentiels à retenir de
cette analyse.
Sur l’aspect bâti, si l’utilisation
d’un bâtiment de référence de
la RT 2005 n’incite pas à jouer sur l’optimisation
architecturale du bâtiment
(forme…), dès que l’on cherche la performance
(niveau BBC), il est obligatoire
de travailler sur le bâti. La climatisation
est relativement présente (45 % à 75 %
des cas suivant les échantillons), mais
l’information sur la part de surface du
bâtiment concernée n’est pas disponible.
L’éclairage, poste le plus consommateur,
est généralement celui optimisé en premier. Le poste ventilation (où sont
aussi comptabilisés les auxiliaires des
émetteurs) prend aussi de plus en plus
d’importance, en particulier dans les
bâtiments climatisés, ce qui oriente les
projets vers des émetteurs performants
(Ventilo-convecteurs haute performance, plancher/plafond
rafraîchissant…). La récupération
sur l’air extrait est quasi systématique.
De façon général, le recours au photovoltaïque
est peu utilisé pour atteindre
le niveau BBC. Il peut par contre permettre
d’aller plus loin en performance.
En ce qui concerne les systèmes électriques,
le chauffage par effet Joule est
marginal et le chauffage thermodynamique
prédomine. Plus spécifiquement,dans les cas des bâtiments de catégorie
CE1, le poste chauffage est relativement
optimisé grâce à une bonne isolation,
un taux de récupération élevé en double
flux et un choix judicieux des émetteurs.
Les prestations observées (bâti et systèmes)
sont meilleures que celles généralement
suffisantes pour assurer le respect
de la RT 2012 et ne montrent pas de
distorsion entre les types de systèmes de
chauffage. Ce constat ne concerne évidemment
pas les bâtiments de catégorie
CE1 que l’on souhaiterait climatiser. Pour
ces bâtiments, du fait d’un choix volontaire
des Pouvoirs Publics, il y aura des
difficultés à respecter les exigences de la
RT 2012.
Par Marie-Hélène Foucard
Ingénieur chercheur, EDF R&D, département Énerbat - En partenariat avec la revue CVC déc. 2013 de l'AICVF
Association des Ingénieurs en Climatique, Ventilation et Froid.
Dossier coordonné par José Naveteur et Jacques Daliphard
SOURCES et LIENS
Téléchargez la plaquette du 34ème Congrès National de l’AICVF à la Grande Motte le 12 septembre 2014 34ème Congrès National de l’AICVF