Par Nathalie TCHANG - Directrice Adjointe du bureau d'études « Energie et Développement Durable » TRIBU ENERGIE
Le Diagnostic de Performance Energétique, outil à la fois récent et incontournable, mérite un point clair et objectif sur ses défauts mais également son potentiel d'avenir. C'est clairement un indicateur de performance ou de « non performance énergétique », et dans ce cas il a le mérite de présenter dans un cadre conventionnel un état pour comparer deux situations, avant et après améliorations. Si le discours paraît simple, la mise en application l'est moins et nécessite d'être cadrée. Cette chronique fait le point à ce jour !
1°) Contexte actuel
Le DPE ou Diagnostic de Performance Energétique est devenu un outil incontournable.
- Il est désormais affiché dans toutes les vitrines des agences immobilières
- Il est joint depuis 2006 lors des ventes aux actes notariaux
- Le montant du prêt à taux zéro est conditionné par la classe énergétique issue du DPE
- Le Grenelle de l'environnement renforce le dispositif par l'annonce de l'obligation de réaliser des DPE pour les locations de bâtiments tertiaires et par l'obligation de réaliser des DPE à l'immeuble pour les bâtiments de moins de 50 logements en chauffage collectif
Mais il est également décrié quant à sa fiabilité : résultats aléatoires selon les opérateurs.
Le ministère du logement a annoncé la mise en place d'un plan de fiabilisation de ce dispositif étant donné son importance croissante.
2°/ Rappel de l'historique du dispositif
En 1996, la loi sur l'air indiquait qu'il fallait mettre en place un système d'affichage des consommations dans les logements lors des transactions immobilières (vente et location). Les particuliers devaient pouvoir être capables d'évaluer leurs consommations énergétiques. Cette loi a donné lieu à la mise en place d'un groupe sur « l'affichage des consommations » qui a aboutit à l'élaboration de la méthode de calcul 3CL (Calculs des Consommations conventionnelles dans les logements).
Cette loi a été abrogée puisque la Directive Européenne Performance Energétique des Bâtiments a indiqué en 2003 que tous les états membres de la communauté disposaient d'un délai de 3 ans pour mettre en place un « certificat énergétique des bâtiments lors de la vente ou de la location », ce qui a été appliqué par la France de la façon suivante :
3°/ Le Diagnostic de Performance énergétique en quelques mots
Il est valable 10 ans, se compose de 4 pages et doit être réalisé par un diagnostiqueur indépendant et certifié.
Le DPE est un état des lieux de la performance énergétique d'un bâtiment :
- Consommations énergétiques
- Consommations d'énergie finale, par usage et par type d'énergie (kWhEF/m²an)
- Consommation d'énergie primaire (kWhEP/m²an)
- Consommation d'énergie d'origine renouvelable (kWhEP/m²an)
- Émissions de gaz à effet de serre (kgéqCO2/m²an)
- Coût des consommations d'énergie (€/m²an)
- Étiquettes « énergie » et « climat »
Mais il doit également contenir des recommandations pour l'amélioration de la performance énergétique du bâtiment :
- Bon usage des locaux
- Bonne gestion des équipements
- Recommandations techniques
- Dans certains cas
- Travaux types
- Évaluation de la rentabilité des améliorations proposées
Ses 4 volets d'application :
DPE |
DPE |
DPE |
DPE |
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Champs d'application |
Tous les bâtiments existants proposés à la vente |
Tous les bâtiments de logements existants proposés à la location (création ou renouvellement de bail) |
Tous les bâtiments neufs |
Tous les bâtiments publics |
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1er Juillet 2007 |
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Quelques retours de mécontentements les plus fréquents :
- DPE établis sans visite sur site
- DPE établis rapidement ; données d'entrée de calculs erronées car par défaut
- Résultats différents pour une même maison mais avec un DPE réalisé par des opérateurs différents
- Logiciels de calculs avec des résultats différents
- DPE factures dans des résidences secondaires aboutissant à une classe A
- Recommandations non adaptées
4°/ Les problèmes rencontrés concernant la qualification des acteurs
Les diagnostiqueurs immobiliers avaient étaient choisis en 2006 comme un des acteurs pour réaliser les DPE pour plusieurs raisons :
- Nombre de transactions immobilières de plusieurs millions de logements par an (vente+location) à pas assez de bureaux d'études, ni de thermiciens pour faire face à cette demande importante
- Réduction des coûts pour les particuliers en faisant appel à un professionnel polyvalent qui propose un « package » de diagnostics immobiliers (amiante ; loi carrez ; plomb ; …)
- Un diagnostiqueur immobilier formé ; qualifié et sérieux peut faire un état des lieux fiable après une formation de quelques jours, surtout si c'est un professionnel du bâtiment, mais il a beaucoup de difficultés à indiquer des recommandations car il ne le fait pour aucun autre diagnostic (conclusion du projet européen Impact en 2006) et il n'est pas en confiance pour en faire d'où le recours à des recommandations automatiques ou les pages vides sur ce sujet pour de nombreux DPE.
- Le problème pour les particuliers vient du fait que celui qui paie le DPE ou les autres diagnostics immobiliers est le vendeur, qui est souvent plus intéressé par un prix bas que par une prestation de qualité à le choix se fera donc souvent au moins-disant.
- Pour les gestionnaires de parc, les appels d'offre ont été lancés massivement entre 2007 et 2009 avec la volonté de réaliser des DPE sur l'ensemble de leur parc dans des délais très courts et avec des critères de prix souvent prépondérants, les marchés ont donc souvent été attribués à des sociétés importantes qui n'avaient pas suffisamment de main d'œuvre qualifiée pour réaliser ces missions, certains ont fait réalisé les DPE par des intervenants non formés et non certifiés, d'autres en certifiant en interne leur personnel via une filiale mais sans formation de qualité à la base, la qualité des rendus s'avèrent donc souvent de qualité médiocre sans contrôle qualité extérieur.
Certaines sociétés font faire les visites par du personnel non qualifié et non certifié et le rapport est ensuite signé par un salarié qui est certifié ….cela pour limiter les frais de certification du personnel avec le risque de démission une fois la certification obtenue pour aller se vendre à la concurrence.
Par ailleurs, en 2007-2008, l'ANPE recommandait souvent aux personnes en recherche d'emploi de se reconvertir en Diagnostiqueur Immobilier…
Il semble qu'un autre problème du DPE vient de la certification des compétences des acteurs.
En effet, il y a un grand nombre d'organisme certificateurs avec des niveaux très différents d'examens. Un opérateur préférera s'inscrire chez un organisme ayant un examen réputé facile plutôt que difficile. Par ailleurs, le COFRAC ne vérifie absolument pas le niveau technique de l'examen, il ne fait que vérifier que les procédures sont bien appliquées.
Alors que le DPE est censé être réalisé aussi bien dans des logements que de très grands bâtiments tertiaires, la plupart des organismes certificateurs ont focalisé leurs examens sur des cas simples de maisons ou appartements.
5°/ Une des méthodes de calcul du DPE : 3CL
La méthode de calcul 3CL (Calculs des Consommations Energétiques dans les Logements) a été élaborée dans le cadre d'un groupe de travail initié en 1996 et se composant du ministère du logement DGUHC ; ADEME ; DGEMP ; EDF ; GDF ; Chaleur fioul ; FG3E ; FFB ; Cerqual ; … Tribu Energie coordonnait les travaux.
La mise au point de la méthode avait été instaurée à l'origine pour répondre à la loi sur l'air concernant l'affichage des consommations avec la cahier des charges que n'importe quel particulier devait pouvoir évaluer ses consommations énergétiques, il fallait donc une méthode très simple pour limier les erreurs.
La méthode 3CL se base sur :
- la méthode DEL2 (Dépenses énergétiques des logements) qui avaient été mises au point par le CSTB dans les années 80 et qui avaient été validées par des tests in situ
- des éléments complémentaires du groupe de travail (rendements des systèmes ; …)
- une description simplifiée de l'enveloppe
Cette méthode a fait l'objet de comparaisons « terrain » sur plusieurs centaines de logements et de comparaisons sur des échantillons statistiques CEREN. …
Principe : peu de données d'entrée (<30), donc moins de risque d'avoir des résultats différents selon les utilisateurs, en théorie …
Avantages :
- CONSENSUS : Il existe de nombreuses méthodes permettant d'estimer « sur le pouce » les consommations énergétiques des logements, mais c'est la première fois qu'un groupe de travail avec des acteurs aussi différents (EDF, GDF, FG3E, chaleur fioul, ADEME,…) s'est mis d'accord.
- FIABLE: La méthode a fait l'objet de tests sur un panel de plusieurs milliers de maisons (étude retours terrain EDF, CEREN, base de données du groupe, autres) afin de comparer le « réalisme » des résultats de la méthode avec les factures.
- Les nombreux tests qui ont été effectués dans le cadre du groupe de travail par les fournisseurs d'énergie, le CEREN, le CSTB … ont montré que la méthode 3CL donnait un niveau de précision très satisfaisant, comme le montre les courbes ci-après.
- Transparence des algorithmes : téléchargeables gratuitement pour développer des logiciels
- Données climatiques départementales
- Traite 95% des maisons et des logements du parc
- EVOLUTIVE : Tout nouveau paramètre peut facilement être intégré dans la méthode.
- La méthode actuelle ne peut pas être utilisée pour faire un diagnostic thermique qui prend en compte le comportement de l'usager. En revanche, elle peut comparer deux états (avant/après) dans un cadre conventionnel.
Inconvénients :
- La méthode n'est pas basée sur une méthode au pas de temps horaire.
- Les apports solaires par les baies vitrées sont pris en compte de façon forfaire, donc difficile de valoriser une maison bioclimatique.
Pourquoi peut-il y avoir des différences entre une méthode conventionnelle type 3CL et des factures ?
- Température intérieure et scénarios d'occupation différents : Le calcul conventionnel est fait pour une température intérieure constante de 18-19°C dans toutes les pièces avec un réduit de nuit pendant 8h et une semaine d'inoccupation en période d'hiver.
- Données météorologiques : le calcul conventionnel se fait avec des fichiers météo conventionnels (moyenne sur 30 ans), il peut y avoir plus de 40% d'écart d'une année à l'autre selon la rigueur de l'hiver.
Comparaison avec des factures sur des maisons individuelles
Comparaison des dépenses pour l'effet joule
Base de donnée du groupe de travail « Affichage »
Comparaison des dépenses pour le gaz
100 maisons neuves option "GV connu"
Ecart entre les factures € TTC/an AC et base EDF
Moyenne des écarts entre les factures AC (courbe bleue) et base EDF (rose) = 3 %
200 maisons existantes option "Je ne connais rien"
Ecart entre les factures € TTC/an AC et base EDF
Moyenne des écarts entre les factures AC (courbe bleue) et base EDF (rose) = 28 %
Ecart entre AC et CEREN
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On constate que plus les logements sont récents (ou bien isolés) plus les risques d'écarts entre les factures et la méthode sont faibles.
6°/ Les logiciels
L'arrêté sur les méthodes de calcul DPE laisse la possibilité d'utiliser 3 méthodes de calculs :
- 3CL
- DEL6 (basée sur la RT2005)
- Pleiade-Comfie.
Actuellement, la plupart des éditeurs de logiciels utilisent les algorithmes de la méthode 3CL, mais ils ne sont pas à l'abri de « bugs » lorsqu'ils ont réalisés les codages informatiques des nombreuses formules mathématiques surtout lorsque les développeurs ne sont pas des thermiciens c'est la raison pour laquelle une procédure d'évaluation des logiciels a été mise en place.
L'évaluation est une démarche volontaire des éditeurs de logiciels soucieux de fournir des logiciels de qualité à leurs utilisateurs. Elle se compose de deux étapes successives :
- une phase d'autotests permettant aux éditeurs de mettre au point leurs logiciels
- une phase d'évaluation permettant aux éditeurs d'obtenir un avis sur la qualité technique de leurs logiciels.
Elle concerne uniquement les logiciels dont les calculs de consommation conventionnels d'énergie pour les bâtiments existants sont basés sur la méthode 3CL-DPE.
Sont évalués les calculs d'indicateurs par les différentes méthodes (méthode conventionnelle « bâtiments existants », méthode conventionnelle « bâtiments neufs » et méthode « factures ») ainsi que les méthodologies d'élaboration de DPE.
La liste des éditeurs ayant passé avec succès ces tests est disponible sur : www.rt-batiment.fr
7°/ Conclusions
Rappelons déjà que la France fut l'un des premiers états membres de l'Europe à transcrire la directive performance énergétique bâtiment et le DPE est l'une des exigences mentionnées dans cette directive.
Des démarches volontaires avaient été amorcées au préalable dans d'autres pays et ils avaient également rencontrés de nombreuses difficultés concernant les modalités d'application ; les sauts de classes; la qualification des acteurs ; …
Tous les états membres de l'Europe sont encore en période de rodage, mais de façon différente selon contextes locaux, car le dispositif est jeune.
On a tendance à attendre, lorsqu'un dispositif réglementaire est mis en place, qu'il soit parfait de suite, ce qui est illusoire…
Pour mémoire, il existe depuis 1974 en France une réglementation thermique obligatoire pour toutes les constructions neuves. Or en 2011, dans le secteur de la maison individuelle, presque la moitié des maitres d'ouvrage type particuliers, déposant un permis de construire n'en ont pas connaissance et donc sont incapables de justifier de son respect.
Le DPE est victime de sa médiatisation et désormais de ses enjeux, surtout en matière de financement. Il est donc primordial de le fiabiliser mais à travers tous les maillons de la chaine des acteurs, car il ne faut pas croire que l'Etat pourra seul résoudre tous les problèmes. On peut citer en autre :
- Les responsabilités du client commanditaire du DPE : choix du diagnostiqueur pour ses compétences d'abord et ensuite pour son prix ; transmission au diagnostiqueur de tous les éléments possibles (factures ; travaux réalisés ; accès à l'ensemble du bien ;…) ; courrier à l'organisme certificateur en cas de constatation d'une erreur majeure ;…
- Les sociétés de diagnostics immobiliers : former de manière continue le personnel ; confier la visite sur site et l'élaboration du rapport à une seule personne ; réaliser des contrôles qualité sur les dossiers ; ne répondre que sur des secteurs pour lesquelles elles disposent de personnes compétentes ; ….
- Les bureaux d'études : devenir un acteur de ce dispositif surtout sur les grands tertiaires et les parcs immobiliers car c'est un outil très utile pour réaliser des stratégies énergétiques de parcs immobiliers et donc un préalable qui déclenchera des audits énergétiques sur les bâtiments les plus énergivores.
- Les notaires et agents immobiliers : arrêter de dire que le DPE n'a aucun intérêt et que c'est de la paperasse en plus ;…
- Les organismes certificateurs : harmoniser les niveaux des examens et renforcer les contrôles.
- Ne pas confondre DPE et audits énergétiques qui sont deux dispositifs complémentaires mais bien distincts ….
Par Nathalie TCHANG
Nathalie TCHANG est Ingénieur et Directrice Adjointe du bureau d'études « Energie et Développement Durable » TRIBU ENERGIE. Elle est également coordinatrice du groupe de travail des applicateurs de la RT2012.
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→ SOURCES & LIENS
Bonjour,
Je viens de faire réaliser un DPE pour une maison récente, ainsi construite :
*mur en béton armé de 25 cm d'épaisseur avec isolation extérieure de 22cm et isolation intérieure de 7cm (R=8,7m2.KW°
*fenêtres en pvc double vitrage renforcé, sur façade exposée sud/sud-est, et protégée par une large avancée de toit,
*chauffage par plancher chauffant hydraulique, alimenté par chaudière électrique,
*ECS produite par chauffe-eau thermodynamique.
La maison est construite sur un vide sanitaire de 0,8m de hauteur, et n'a pas de combles aménageables.
La superficie de la maison est de 156m2, sur deux niveaux, avec un séjour cathédrale.
Le toit est isolé avec de la mousse de bois de 22 cm d'épaisseur. La charpente est apparente.
Une climatisation ne se justifie pas. En été, la température maximum est de 26,5°C.
En énergie finale,
la consommation électrique réelle est de 4889 KWh par an pour le chauffage et l'ECS, et permet une classe B, en diagnostic énergétique,
la consommation estimée par le diagnostiqueur, avec la méthode des 3LC, est de 11399 KWh, et donne une classe D !
De quoi y perdre son latin, et le sommeil !
Comment sont conçus ces logiciels ? Quelle part d'autonomie est laissée au diagnostiqueur ?
Les renseignements fournis par le DPE, à un acheteur éventuel, sont, évidemment, faux !
Et dans ce cas, c'est le vendeur qui est victime de l'erreur, dirons-nous, d'un logiciel qui ne prend pas en compte des particularités, bien pensées !
Ainsi, l'objectif du DPE concernant la transparence des caractéristiques thermiques et de la production d'ECS de ma maison, est complétement dévoyé !
Pouvez-vous m'aider à trouver une solution à ce problème ? Pouvons-nous revenir à un calcul sur factures réelles ?
Je vous remercie pour votre attention.