Par Alain GARNIER ingénieur et directeur du bureau d'études GARNIER à Reims.
Si nous savons réduire toutes les pertes énergétiques du bâtiment, si nous savons concevoir et réaliser des bâtiments basse consommation voire BEPOS, nous sommes ponctuellement isolés dans un contexte urbain du quartier, qui lui peut être exécrable sur le plan de la performance énergétique !…. Le point de vue de l'énergéticien doit, et cela apparait évident désormais, sortir des frontières du bâtiment pour s'attacher tant bien que peu au quartier. C'est l'approche énergétique de l'éco-quartier.
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Ce n'est pas en plantant sur un terrain vierge quelques bâtiments à basse consommation d'énergie, une station de tramway et quelques pistes cyclables que l'on a créé un éco-quartier.
Les éco-quartiers ne pourront donc pas se faire sans les grands acteurs du bâtiment. On y retrouvera donc les promoteurs, les investisseurs et les gestionnaires de réseaux qui, pour la plupart, ont une casquette de vendeur d'énergie. En France, les bailleurs sociaux se sont beaucoup impliqués dans les quartiers puisqu'ils ont tout intérêt à voir leurs factures d'énergie diminuer : ils sont devenus un moteur majeur dans le lancement de telles opérations.
Un projet d'éco-quartier va intégrer dès sa conception de nombreuses réflexions, notamment :
- La gestion de l'eau : traitement écologique des eaux usées, épuration, protection des nappes phréatiques, récupération de l'eau de pluie pour une réutilisation dans le quartier.
- Le traitement des déchets : collecte des déchets sélective, tri, recyclage, compostage, traitement thermique.
- La stratégie énergétique : atteindre un bilan énergétique neutre, voire positif, c'est à dire que la production et la consommation d'énergie doivent au minimum se compenser. La politique énergétique du quartier durable devra reposer sur des énergies renouvelables, et la mise en place de systèmes spécifiques permettant des synergies et la mutualisation des équipements.
Eco-quartiers: opportunité pour l'énergéticien et l'urbaniste
Les éco-quartiers devront être conçus comme un écosystème intégré. Par ailleurs la création de ces quartiers nouveaux ne devra pas masquer la nécessité de rénover nos villes entièrement sur le plan énergétique et surtout de faire évoluer le comportement de ses habitants en favorisant les échanges et la concertation (écologique, politique, économique) dans les quartiers existants.
En écologie, un écosystème désigne l'ensemble formé par une association ou communauté d'êtres vivants (ou biocénose) et son environnement biologique, géologique, édaphique, hydrologique, climatique, etc. (le biotope). Les éléments constituant un écosystème développent un réseau d'échange d'énergie et de matière permettant le maintien et le développement de la vie.
L'énergéticien devra travailler avec l'urbaniste dès l'esquisse d'un projet ; Il réalisera avec lui un programme permettant des synergies, la mutualisation des équipements ainsi que la construction de bâtiments à basse consommation d'énergie le tout avec une très grande éco-efficacité dans tous les domaines. On s'apercevra rapidement que cette opportunité simplifiera la réalisation de bâtiments à énergie positive (BEPOS) en termes de performance et de coût global.
Pour les bâtiments, l'énergéticien favorisera:
- l'architecture bioclimatique, en permettant de tirer le meilleur parti des conditions du site et de son environnement, pour une architecture naturellement la plus confortable pour ses habitants.
- l'architecture passive, en permettant d'obtenir une consommation énergétique très basse, voire entièrement compensée par les apports solaires et internes.
- le recours à des matériaux d'isolation thermique à faible énergie grise.
- le recours à des matériaux d'isolation thermique à changement de phase (PCM) qui en plus de servir d'isolation thermique en hiver, présentent des atouts écologiques et économiques pour la climatisation des bâtiments.
La RT2012 ne parle que très peu des problèmes de surchauffe d'été alors que le problème devient crucial.
En plus des masques lointains et intégrés aux bâtiments il faudra trouver d'autres retardateurs de climatisation.L'utilisation de ces matériaux est maintenant justifiée par les surchauffes apportées par l'efficacité de l'isolation thermique ainsi que l'augmentation des surfaces vitrées. - L'utilisation de techniques, matériaux et dispositifs propres à l'éco-aménagement et l'éco-construction.
- La construction de quartiers mixtes assurant un grand nombre de fonctions urbaines (logements, activités économiques, commerces de proximité, bureaux, équipements, etc.).
- Les implantations d'activités ayant un excès de chaleur ou de froid à dissiper (data centers, etc.) et proches des besoins calorifiques importants de chaleur ou de froid (tels que les hôpitaux, les piscines, les data centers, etc.).
Les data-centers évacuent leur chaleur de réjection des condenseurs à l'atmosphère alors qu'il existe des besoins calorifiques à proximité pour peu que l'urbaniste et l'énergéticien aient réfléchis ensemble sur leur implantation.
- Les implantations d'hôpitaux et de piscines proches des chaufferies biomasse ou biogaz, de façon à obtenir un dimensionnement de réseau évitant les pertes calorifiques.
- Les implantations de bâtiments hauts à l'arrière des pavillons pour leur éviter de leur voler le soleil en hiver.
- Un gabarit dans les PLU imposant aux bâtiments hauts de respecter le droit au soleil entre eux.
L'article 11 du projet de loi dit Grenelle 2 prévoit, pour les constructions satisfaisant à des critères de performance énergétique élevée, un dépassement de 30 % des règles relatives au gabarit et à la densité d'occupation des sols.
Exemple de gabarit de la ville de Paris (PLU adopté en 2006 et qui doit orienter l'évolution de la ville pour les années à venir) : Pour une rue de largeur P, la hauteur autorisée sera de P + 2 à P + 3 mètres sur la façade et de P + 6 à P + 8 mètres au-dessus des combles, sauf dans certaines rues où la façade sur rue ne pourra dépasser 18 mètres.
- Les orientations de rue favorisant l'architecture passive. Dans le cas contraire, on sera obligé d'avoir recours à des bow-windows ou à une construction en épi ou encore, ayant ses volumes en gradinage de peignes en décroissance ce qui favorisera la pénétration du soleil.
Projet de concours Ecole Perier Lyon Confluence – Equipe Architecte Groupe ATLA'S Lyon et bet HQE A. GARNIER Reims
- Les protections naturelles protégeant du vent les bâtiments.
- Les espèces végétales protégeant d'un ensoleillement trop important en été les bâtiments fortement vitrés.
- Les réseaux gravitaires avec une pente constante évitant la consommation d'énergie de pompes de relevage.
- Les rejets de pollution de toutes natures tenant compte de la direction des vents dominants.
Pour l'énergie et l'eau, l'énergéticien favorisera…
- La construction de bâtiments bioclimatiques avec des équipements permettant d'être autonomes ou au moins ayant un bilan énergétique positif.
- Les réserves naturelles d'eau alimentées par les eaux pluviales pour le rafraîchissement et l'arrosage
- Un choix de générateur en rapport avec les efficiences énergétiques qu'il nous faudra réaliser dans les prochaines décennies.
- Le bouquet énergétique (ou encore mix énergétique qui est la proportion de différentes sources dans la production d'énergie) avec une priorité aux EnR.
Il sera préférable de mutualiser les chaufferies plutôt que d'en avoir une multitude…
Productions de chaleur autonomes avec utilisation d'énergie fossile et d'EnR (> 70% des besoins calorifiques)
Dans le cas d'une piscine, nous avons une puissance chaudières démesurée par rapport aux besoins. La puissance appelée n'est que de 45% du fait que les chaudières sont calculées sur le réchauffage des bassins en 48 h (2 fois par an : en mars et septembre). Il vaudrait mieux faire profiter les bâtiments proches de cette surpuissance disponible ce qui permettrait de plus un meilleur « rendement chaudières ». Production de chaleur mutualisée avec utilisation d'EnR en priorité (> 70% des besoins calorifiques) :
On implantera de préférence la chaufferie centrale près de la piscine pour éviter d'avoir un réseau de chaleur particulier long .
- Le recours à des capteurs solaires thermiques sur des bâtiments ayant de gros besoins en eau chaude sanitaire.
- La distribution de gaz naturel avec injection de biogaz.
- La centralisation des productions de chaleur et de froid pour augmenter l'efficience énergétique, permettre les transferts thermiques et éviter la pollution.
Profil des besoins habituellement rencontrés en froid et chaud
Bouquet énergétique proposé
La machine à absorption sera à réchauffage indirect, son bouilleur sera alimenté par la chaudière bois en hiver (≥ 50% de couverture). En été lorsqu'il y aura moins de 40% de puissance, la production de chaleur est assurée par une chaudière à condensation. Dans le cas d'une boucle d'eau en géothermie, la machine à absorption réalisera à la fois le chauffage et le froid toute l'année. Avec une couverture en EnR (bois, etc.) de plus de 50%, le réseau de chaleur bénéficiera d'un taux de TVA réduit.
Profil des besoins couverts en froid et chaud avec le bouquet énergétique
- Le recours des groupes production de froid pour produire de l'eau chaude sanitaire à partir de 80% préchauffée à 45°C par le condenseur et 20% réchauffée à 60°C par leurs surchauffeurs.
- Les réseaux de chaleur sans trop de déclivité de façon à éviter la mise en place d'échangeurs de déconnexion et de pompes relais.
Tube en PER pré-isolé pour le transport de froid (REHAU) Tube en acier pré-isolé pour le transport de chaud - Les réseaux de chaleur à base d'EnR à basse température (géothermie, chaufferie biomasse (solide et/ou liquide) ou biogaz combinées avec de huile végétale (HVP ou HVB), panneaux solaires thermiques, pompes à chaleur)
- Le chauffage à partir de récupération et de transfert de chaleur perdue venant de l'industrie (gazeuse, solide ou liquide).
- Le chauffage à partir de centrales de cogénération.
- La récupération de chaleur sur les eaux usées à partir de systèmes thermodynamiques. Le système est réversible, il permet également de rafraichir les bâtiments en été lorsque la température des eaux usées est inférieure à la température intérieure des bâtiments.
Doc. Lyonnaises des Eaux (GDF SUEZ) Solution « Degrés Bleus » - La récupération de chaleur sur les applications de froid alimentaire (condenseurs ou groupe de transfert de meubles frigorifiques, d'ateliers de boucherie, de chambres de stockage, etc.).
- Le stockage solaire permettant une autonomie de plusieurs jours ou semaines.
- Le chauffage des bâtiments à partir d'émetteurs à basse température (35°C).
- Les réseaux de froid à basse température (16°C).
- Le recours à des pompes à chaleur qui en été produisent de l'eau chaude sanitaire en même temps qu'elles permettent le rafraîchissement de bâtiments.
- La cascade d'énergie (ou optimisation énergétique) qui utilisera tour à tour et intelligemment les EnR ou énergies perdues et en fin de cycle les énergies fossiles en vue de tirer un maximum d'efficience énergétique. Cette efficience maximale sera obtenue par la dégradation séquentielle ou l'appauvrissement de la quantité et qualité de l'énergie au cours de chaque besoin thermique. Les systèmes en cascade, coté des besoins, auront recours à des montages en dérivation ou en injection de façon à consommer un maximum des EnR, à revenir à basse température et offrir la possibilité d'un débit variable ce qui diminuera les pertes de distribution et favorisera la condensation et donc d'efficience énergétique.
- La mutualisation des équipements thermiques et les synergies entre les habitants. Outre le problème des transports, on devra réfléchir plus sur l'implantation des équipements car en mutualisant leurs systèmes de production, on réaliserait non seulement des économies de travaux du fait du foisonnement des besoins mais on augmenterait de beaucoup l'efficience énergétique des systèmes. On mettrait en commun la chaleur ou le froid perdu, on pourrait même produire une partie de notre électricité (revente ou secours). On aurait des systèmes mieux suivis et donc plus pérennes.
Par Alain GARNIER
Alain Garnier est ingénieur et directeur du bureau d'études GARNIER 120 rue Gambetta à Reims
– Lauréat du premier prix de l'Eco-Efficacité catégorie « concepteurs » en 2009
récompense remise lors de l'UCE (Université du confort et de l'eau) de ICO à Lille.
www.be-garnier.fr
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Sources & liens
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