Par Patrick DELPECH, ingénieur ENSAIS
Equilibrage par uniformisation des températures de retour : Nouvelles réalisations durant la saison 2016/2017
L’équilibrage par mesure des températures de retour vise, par l’égalisation des températures de retour d’eau à hauteur des robinets d’équilibrage, à rétablir une uniformisation de la température moyenne des antennes alimentées.
La méthode d’équilibrage est la seule à prendre en compte et à compenser les chutes de températures dues aux pertes en ligne, très importantes sur les anciennes distributions et parfois sur les nouvelles installations où les débits distribués sont faibles.
Depuis 2002 à 2013, avec plus de 100 000 logements traités, la méthode Equilog (équilibrage des circuits de chauffage par uniformisation des températures de retour) s’est, sous l’impulsion du centre Expertise Réseau et Equilibrage de Dalkia, particulièrement développée en Ile de France. Depuis 2014, la société Mapsec spécialisée dans le domaine de la mise au point des installations de génie climatique en a repris la mise en œuvre et, si la société Dalkia en reste le premier utilisateur en Ile de France, Mapsec intervient aujourd’hui sur tout le territoire pour toutes les autres grandes sociétés d’exploitation et depuis cette année pour de grands bailleurs sociaux.
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Sous l’impulsion des Certificats d’Economie d’Energie Précarité, l’activité est en très fort développement. Une série d’articles récents s’y réfèrent dans la presse technique :
- CFP n° 813 de sept 2017 p 46 à 53.
- CVC n°897 d’oct 2017 p 20 à 22 (à paraitre)
- CFP n°814 d’oct 2017 p 50 à 53 (à paraitre)
Le présent article développe les opérations les plus intéressantes réalisées durant la dernière saison de chauffe.
Traitement du réseau de chaleur Mont Joyeux de Tours (Dalkia)
L’opération visait l’équilibrage des circuits secondaires raccordés au réseau primaire du quartier Mont Joyeux à Tours, mais il y est apparu des besoins de remplacement de vannes d’équilibrage et le traitement des circuits secondaires a été reporté à la prochaine saison de chauffe.
En première étape, il a donc été réalisé l’équilibrage du circuit primaire par uniformisation des températures de retour, même si celui devra être contrôlé à l’issue de celui des secondaires.
Le réseau alimente 9 bouteilles de découplage en sous stations, avec au secondaire les réseaux de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire.
Au secondaire des bouteilles :
- La régulation de la température de départ des circuits de chauffage s’effectue par variation de la température de départ en fonction de la température extérieure par action sur une vanne de régulation 3 voies.
- La régulation de la température de production d’ECS s’effectue par action sur V3V mélangeuse au primaire de l’échangeur de production.
Figure n°1 : Sous-station du réseau primaire du quartier Mont Joyeux de Tours
Le réseau primaire est apparu sensiblement déséquilibré avec une sous-alimentation très mal alimentée à son extrémité.
Figure n°2 : Evolution des températures de retour des sous-stations du réseau de chaleur Mont Joyeux avant et après équilibrage
Le traitement effectué a permis de passer sans difficulté les grands froids du mois de janvier dernier.
Si cet équilibrage ne devrait pas apporter d’importantes économie de combustible (voir en annexe : « Intérêt de l’équilibrage des réseaux primaires », l’opération devrait au moins permettre de réaliser d’importantes économies d’électricité de pompage.
Traitement d’un millier de logement à Montargis (Dalkia)
L’équilibrage par uniformisation des températures de retour de toutes les colonnes de chauffage du quartier s’est déroulé sur 3 mois. Il s’est effectué dans l’urgence à la suite d’une série de disfonctionnements particulièrement dus à des inondations.
Les vannes d’équilibrage étant heureusement bien implantées et en bon état de fonctionnement, l’opération a donné toute satisfaction avec une baisse du taux d’appel téléphonique de 80% sur la zone traitée et un retour au calme des usagers évoqué dans la presse locale.
Lancement du traitement de 6000 logements (OPHL Montreuillois)
A leurs cours actuels, les CEE précarité financent intégralement un équilibrage de type Equilog sur les circuits qui ne nécessitent pas de remplacement ou d’installation de nouvelles vannes d’équilibrage. Il y a là le moyen d’amorcer le traitement systématique du parc d’un bailleur, car on peut valoriser les économies d’énergie sur les premières opérations réalisées (de l’ordre de 10%) pour financer ensuite celles qui nécessiteront des investissements.
Sur ce modèle l’OPH Montreuillois a passé commande à la société MAPSEC d’une 1ère tranche pour le traitement de 3400 logements.
A son issue, il sera étudié le financement d’une 2ème tranche de 3000 logements qui nécessiteront des installations ou des remplacements de vannes d’équilibrage.
La saison 2016/2017 a vu également pour Mapsec augmenter le nombre d’audits, réalisés en vue d’évaluer l’intérêt d’opérations d’équilibrage prévues durant la prochaine saison.
Nous développerons ci-dessous deux audits particulièrement intéressants.
Audit d’une résidence à St Germain en Laye (Logirep)
Cet audit réalisé pour le compte de LOGIREP concernait une résidence très récente construite en 2013, mais présentant d’importants symptômes de déséquilibre.
La résidence comportait une centaine de logements répartis en 4 bâtiments alimentés en eau de chauffage à partir d’une chaufferie centrale au gaz naturel.
Figure n°3 : Réseau principal de la résidence
Chaque bâtiment dispose d’une vanne d’équilibrage volumétrique de DN 50 ou 65.
L’installation est optimale et chaque appartement chauffé par radiateur dispose :
- d’une vanne de régulation 2 voie pilotée pat thermostat d’ambiance
- d’une vanne d’équilibrage volumétrique
- d’un comptage de calorie
Figure n°4 : Alimentation de 4 appartements de la Résidence auditée
Le circuit de chauffage a été audité par la mesure des températures de retour des 4 bâtiments et par la mesure des températures de retour de tous les appartements du bâtiment n°17 le plus éloigné de la chaufferie.
Ces relevés ont été effectués par grand froid (- 2°C). La température du circuit a été légèrement abaissée pour s’assurer de la grande ouverture des vannes de régulations 2 voies.
Les mesures de température d’eau ont par ailleurs été doublées d’enregistrements de température ambiante sur un panel d’appartements, allant de la zone indiquée comme mal chauffée à des zones indiquées comme bien ou trop chauffées.
Les 4 bâtiments ont été diagnostiqués comme mal équilibrés entre eux.
Figure n°5 : Relevé des températures de retour des 4 bâtiments de la résidence
Il apparaît que le bâtiment n°17 le plus éloigné de la chaufferie est le moins bien irrigué (température de retour la plus faible). Les bâtiments n° 23 et 19 apparaissent suralimentés (températures de retour les plus élevées).
La position de réglage des robinets d’équilibrage des 2 bâtiments les plus défavorisés n°17 et n° 21 sont respectivement de 7 T et 7,9 T (pour un maximum d’ouverture de 7,9 tours). Ces robinets d’équilibrage sont les moins bridés, ce qui laisse prévoir que les robinets des bâtiments suralimentés le sont très insuffisamment.
Cette situation de déséquilibre est corroborée par les enregistrements de températures ambiantes effectués dans des logements respectivement dans le bâtiment 17 le moins irrigué et dans le bâtiment 19, le mieux irrigué.
Figure n°6 : Enregistrements de températures effectués dans le bâtiment 17 le moins irrigué et dans le bâtiment 19 le mieux irrigué
Au sein du bâtiment n°17, l’équilibrage est également apparu médiocre avec des températures de retour des appartements désordonnées. Le déséquilibrage a par ailleurs été corroboré par des enregistrements des températures ambiantes dans 4 logements.
Figure n°7 : Mesures des températures de retour des colonnes du bâtiment 17
On a pu sur ce site constater une bonne corrélation entre les températures ambiantes des 4 appartements contrôlés et les températures de retour mesurées sur les lignes qui les alimentaient.
Figure n°8 : Corrélation entre les températures de retour des colonnes et les appartements correspondant dans le bâtiment 17
Cette relation fondamentale n’est évidemment pas une découverte puisqu'elle est à la base de la méthode d’équilibrage utilisée.
Notons que dans le cas des colonnes de circuits, cette corrélation évidente est difficile relever car il n’est pas facile de repérer les colonnes en correspondance avec les appartements contrôlés et il faut de plus que les enregistrements de températures ambiantes et les mesures de températures de retour soient concomitantes.
La première publication effectuée sur ce sujet date de 1999 (publication de décembre 1999 CFP n°619).
Figure n°9 : Corrélation entre les températures de retour des émetteurs du Gefen (construction 1997) et les températures ambiantes des locaux correspondants (publication de décembre 1999 CFP n°619)
Audit d’un équilibrage réalisé par réglage des débits sur des robinets d’équilibrage automatiques (SOCRAM)
Cet audit par mesure des températures de retour est intéressant car il a été réalisé sur deux bâtiments des années 60 (130 logements sur 4 étages), fortement déséquilibrés et sur lesquels l’équilibrage a été effectué par réglage de consigne de débit sur des robinets d’équilibrage dynamique installés en pieds de colonne pour un bâtiment et par la méthode Equilog pour l’autre.
Le bâtiment équilibré par réglage de consigne de débit sur des robinets d’équilibrage dynamique a fait l’objet d’un relevé préalable de ses températures de retour en pieds en colonne montrant un fort déséquilibre.
Figure n°10 : Relevé des températures du bâtiment court avant équilibrage
Après équilibrage par réglage de consignes de débit sur chaque colonne les températures de retour ont été à nouveau mesurées. La régularité des températures relevées a montré la réalité de l’équilibrage effectué, mais avec la constatation d’un abaissement continu au fil de la circulation signe probable de la non prise en compte des pertes en ligne et d’une forte réduction du débit distribué.
Figure n°11 : Relevé des températures du bâtiment court après équilibrage par réglage de débits
Ce phénomène a totalement disparu sur l’autre bâtiment plus long mais équilibré par uniformisation des températures de retour.
Figure n°12 : Relevé des températures de retour du bâtiment long après équilibrage par la méthode Equilog
Cet audit confirme à priori l’importance des pertes en ligne sur les bâtiments anciens et la nécessité de les prendre en compte ce que seul l’équilibrage par mesure des températures de retour permet effectivement.
Patrick DELPECH, ingénieur ENSAIS
SOURCES ET LIENS
- Mise au point : www.mapsec.fr
- Eformation Xpair
- Simulateur hydraulique de chauffage
SUR LE MEME SUJET
- Equilibrage hydraulique du réseau primaire du CEA SACLAY
- Tout sur l'équilibrage hydraulique statique et automatique
- Équilibrage automatique chauffage, conditions du succès
- Opération d’équilibrage par mesure de températures de retour
- Équilibrage et températures de retour des réseaux primaires
ANNEXE - Intérêt de l’équilibrage des réseaux primaires
Le déséquilibre des réseaux primaires se traduit par un décrochage de bâtiments par grands froids (qui vient se rajouter aux déséquilibres des secondaires).
Ce décrochage est rare (période longue de grand froid) et fugitif.
Le déséquilibre des réseaux primaires est beaucoup moins important en termes de surconsommation que celui des réseaux secondaires, mais Il peut donner lieu à des regroupements de mécontents et à l’intervention des médias et/ou des élus.
Pour repousser au maximum les risques de décrochage, le déséquilibre des réseaux primaires se traduit par une température ou un débit au primaire supérieurs à ce qu’ils pourraient être.
Si les vannes de régulations ne sont pas de type 2 voies au primaire, les températures de retour des réseaux sont supérieures à ce qu’elles devraient être.
Conséquence du défaut d’équilibrage des réseaux primaires :
- Augmentation des pertes en ligne
- Augmentation des consommations électriques de pompage
- Risque d’inconfort en période longue de grand froid
Intérêt pour les sociétés d’exploitation
- Amélioration des rendements pour les cogénérations, les pompes à chaleur et les chaudières à condensation,
- Diminution des charges de combustible et de consommation électrique
- Diminution des risques de regroupement des « mal chauffés »
Bonjour,
Votre article montre très bien que l'équilibrage des installation de chauffage est nécessaire tant pour le confort des résidents que pour la réduction des frais de chauffage.
Je tenais à signaler qu'il existe d'autres méthodes pour équilibrer les installations : mesure des débits, simulation.... et qu'il existe d'autres entreprises d'équilibrage d'installation de chauffage.
Chaque méthode d'équilibrage à ses avantages et inconvénients, ses conditions de mises en œuvre, ses limites et nécessitent toutes des compétences multiples du personnel les mettant en œuvre.
Equilibrer une installation n'est pas aussi simple que l'on croit et quelque soit la méthode utilisée un équilibrage est nécessaire pour garantir le confort des résidents et des gains non négligeable sur le poste énergie.
Je conseille donc de lire cette article uniquement pour les résultats obtenus des équilibrages.
Salutations