Par Patrick DELPECH, ingénieur ENSAIS
Dans le cadre de l’attribution des Certificats d’Economie d’Energie, une fiche d’opération standardisée relative à l’équilibrage hydraulique des réseaux primaires de chauffage est, en collaboration avec l’ADEME, à l’étude au sein du Groupe Technique de l’ATEE.
Son intitulé sera relatif à l’abaissement des températures de retour de ces réseaux dans le but notamment d’améliorer le rendement des productions d’énergie sensibles à ce paramètre.
Rappelons en quoi consistent les réseaux de chauffage dit « primaires »
Lorsque les distances entre la chaufferie et les différents circuits de chauffage à réguler sont importantes, on alimente ces derniers à partir d’un circuit commun, dit réseau primaire.
La limite entre réseau primaire et réseaux secondaires s’effectue dans une sous-station.
On distingue principalement :
Figure n°1 : Réseau primaire avec sous-stations équipées d’échangeurs et régulées par des V2V installées au primaire
Figure n°2 : Réseau primaire avec sous-stations équipées de bouteilles de découplage et régulées par V3V installées au secondaire
- Les réseaux primaires équipés d’échangeurs en sous-station
Il s’agit notamment des réseaux à eau surchauffée (température supérieure à 110 °C) et d’une façon générale des réseaux les plus importants.
Chaque sous-station dispose alors d’une régulation du secondaire installée au primaire, des échangeurs et préférentiellement effectuée par variation de débit sur des vanne 2 voies. - Les réseaux primaires équipés de bouteilles de découplage
Ces réseaux sont les plus nombreux. Leur température maximale est inférieure à 110 °C. Ils sont de tailles moyennes pour des puissances allant de quelques centaines de kW à quelques dizaines de MW.
La régulation de la puissance des circuits secondaires est le plus souvent effectuée au secondaire des bouteilles par action sur des vannes de régulation trois voies.
Conséquences du déséquilibre des réseaux primaires
Sur un réseau primaire déséquilibré, certaines sous-stations sont moins bien alimentées que les autres. En règle générale, afin que la sous-station la plus défavorisée puisse malgré tout fournir une puissance de chauffe suffisante, il faut véhiculer un débit et/ou une température d’eau primaire supérieurs à ce qui serait normalement nécessaire.
Le plus souvent, sauf par très grands froids et sur les réseaux très déséquilibrés, il est ainsi possible de couvrir les besoins des réseaux secondaires, mais au prix d’une surconsommation d’électricité de pompage, d’une consommation supplémentaire de combustible due à une augmentation des pertes de chaleur en ligne et une température moyenne de retour plus élevée qu’à la normale.
Ainsi, même sans symptôme apparent, le déséquilibre des réseaux primaires est source de surconsommations de combustible et d’électricité.
Les débits et températures primaires excessifs sont en effet sources :
- De surconsommations électriques de pompage
- D’une augmentation des pertes en ligne aller
- D’une augmentation des températures de retour (par recyclage des surdébits d’alimentation des sous-stations défavorisées) qui sera :
- Source d’une augmentation des pertes en ligne retour
- Source d’une diminution des rendements des récupérateurs de chaleur, des chaudières à condensation, des cogénérations, des pompes à chaleur, des puits de géothermie, etc.
Lorsque les réseaux primaires ne disposent pas de régulations installées au primaire des sous-stations ou si elles sont réalisées par action sur des vannes de régulation 3 voies, les conséquences interviennent en permanence. C’est le cas de la majorité des circuits primaires de taille moyenne équipés de bouteilles de découplage.
L’équilibrage de ces réseaux devrait être une priorité. Il permettra l’essentiel des économies à attendre. En complément, l’installation de pompes primaires à vitesse variable et de vannes de régulation 2 voies coté primaire permettra le maximum d’économie d’énergie, mais l’investissement à réaliser sera alors beaucoup plus important.
Figure n°3 : Installation de vannes de régulation 2 voies au primaire des sous-stations
Lorsque les réseaux primaires disposent déjà de régulations primaires réalisées par action sur des vanne de régulation 2 voies, les surconsommations d’énergie dues à un déséquilibre sont plus faibles car elles n’interviennent que lors des périodes de remise en température des circuits secondaires après période de ralenti, lorsque toutes les V2V tendent à l’ouverture. L’équilibrage reste cependant très souhaitable notamment pour éviter le laminage des vannes de régulation 2 voies qui équipent les sous-stations les plus favorisées.
La situation du parc existant face à l’équilibrage hydraulique
Les réseaux primaires sont très fréquemment déséquilibrés car il est le plus souvent possible d’alimenter suffisamment les sous-stations défavorisées et les symptômes induits sur les circuits secondaires sont alors faibles ou fugitifs.
L’évaluation des défauts d’équilibrage des réseaux primaires s’effectue le plus souvent par la mesure des débits, ce qui suppose cependant avec suffisamment de précision la disponibilité des débits théoriques nécessaires et les moyens de mesures correspondants.
Figure n°4 : Campagne d’évaluation de la situation d’équilibrage de réseaux primaires publiée dans le CFP n°617 Oct. 99
Mais, pour un régime primaire stabilisé et abaissé en température et en débit, la mesure des températures des températures de retour des sous-stations permet encore plus surement une bonne évaluation de la situation. Lorsque les régimes de fonctionnement des réseaux secondaires sont comparables, on visera l’uniformisation de ces températures de retour.
Figure n°5 : Températures de retour des SSt du réseau de Tours Montjoyeux, avant et après équilibrage
Source Ste MAPSEC, méthode EQUILOG
Figure n°6 : Températures de retour des SSt du réseau primaire Epinay La plaine Sud pour une température de départ abaissée à 45 °C
Source Ste MAPSEC, méthode EQUILOG publiée dans le CFP n°792 Oct. 15
Lorsque les régimes de température des circuits secondaires ne sont pas homogènes, l’interprétation et le réglage de la distribution est plus complexe.
Une importante opération de ce type, mixant des circuits de tous type est en cours de réalisation pour le traitement de la centaine d’échangeurs du réseau primaire du CEA de Saclay . Les travaux et relevés préliminaires ont été effectué cette saison, l'équilibrage sera réalisé cet hiver prochain par la méthode EQUILOG.
Comparaison des déséquilibres au primaire et au secondaire
Il y a lieu de bien distinguer les conséquences des déséquilibres des réseaux primaires de celui des réseaux secondaires. Les défauts d’équilibrage des réseaux secondaires génèrent des écarts de température entre les locaux qui s’accroissent avec la baisse des températures extérieures. Ils génèrent des surconsommations dues à la surchauffe des zones favorisées.
Figure n°7 : Evolution des températures ambiantes dans un bâtiment dont le circuit secondaire est déséquilibré
Le maintien de températures ambiantes acceptables sur les zones mal irriguées conduit à la surchauffe de tous les autres locaux. Les conséquences en termes de surconsommation de combustible et de confort des usagers sont très importantes.
Les défauts d’équilibrage des réseaux primaires ne sont pas perçus par les usagers aussi longtemps que les sous-stations défavorisées restent suffisamment approvisionnées. Ils ne sont pas source de surconsommations par surchauffe des locaux dont la température relève de la régulation des circuits secondaires, mais pour l’essentiel de surconsommations de pompages et de pertes en production. Seuls les réseaux primaires très déséquilibrés présenteront un symptôme fugitif de « décrochage » par grand froid.
Figure n°8 : Evolution des températures ambiantes dans un bâtiment dont le circuit primaire est très déséquilibré
Les déséquilibres primaires sont donc moins énergivores et moins pénalisants que ceux des circuits secondaires, mais tout aussi fréquents.
Sans que cela soit rigoureusement nécessaire, pour être totalement optimal et compte tenu de leurs importances relatives en termes de pertes énergétiques, l’équilibrage des réseaux secondaires doit si possible s’effectuer avant celui du réseau primaire qui les alimente.
Conclusion
Il n’est jamais facile de voir en face une réalité dégradée lorsque l’on ne dispose pas de son traitement. Faute de remède efficace et bon marché, notre secteur s’est depuis toujours habitué à gérer des réseaux hydrauliques de chauffage majoritairement très déséquilibrés.
Les récents progrès réalisés, tant dans le domaine de la technologie des robinets d’équilibrage que dans celui de la prise en compte des températures de retour commencent à porter leurs fruits. Il est probable que dans les prochaines années la situation sera de plus en plus lucidement évaluée et donc progressivement corrigée.
Par Patrick DELPECH, ingénieur ENSAIS
SOURCE ET LIEN
- Mise au point : www.mapsec.fr
- Eformation Xpair
- Simulateur hydraulique de chauffage
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L equilibrage est primordiale pour diminuer la temperature de production donc directement la temperature de retour des circuits se qui represente une amelioration du rendement sur les moyens de production. Tres interessant lors de generateurs a condensation .