Par Patrick Delpech - Ingénieur ENSAIS – Formateur au GMTI94 - GEFEN
Après avoir présenté le fonctionnement et les domaines d’utilisation des principaux types de robinets d’équilibrage dynamique, le dossier développe les conditions dans lesquelles leur déploiement pourra être un succès.
Une révolution technique dans l’équilibrage hydraulique ?
Dans le CFP n°771 d’octobre 2013, on pouvait lire : « Il est advenu une révolution technique sur la chaine du réglage hydraulique. Sans échéance réglementaire particulière, sans directive européenne contraignante, les industriels fabricants de vannes hydrauliques ont pourtant fortement amélioré les services rendus par leurs produits destinés aux circuits à débit variable ».
On ne peut effectivement que se réjouir de cette innovation et espérer que ce virage technologique sera, pour les circuits à débit variable, équivalent à l’apparition il y a une trentaine d’années des robinetteries volumétriques (qui permettent la mesure des débits), pour les circuits à débit constant.
Pour cela, il faut parier sur le réglage effectif de ces nouveaux robinets et le bon comportement dans la durée de leur dispositif de mesure et de réglage de l’écart de pression sur lequel leur fonctionnement repose. Ce dernier point passera sans doute par une grande vigilance sur la qualité de l’eau dans nos circuits de chauffage, comme cela est d’ailleurs nécessaire à la durabilité de l’ensemble de l’installation.
Au-delà, il ne faudra pas que l’on retombe dans les difficultés que connurent bien malgré eux les fabricants de robinets volumétriques. En effet, malgré tous leurs efforts en termes de communication et de formation, une part très importante de robinets volumétriques, de 30 à 50% selon les sources, ont été installés non réglés ou du moins très sommairement, ce qui fut à l’origine d’une mauvaise image de ce secteur professionnel.
Avec cette nouvelle génération de robinets, ce risque est à nouveau important sur les installations à débit variable car, parfois dits « automatiques », ils pourraient laisser penser qu’il n’est pas nécessaire de les régler.
Après avoir présenté les principales technologies de robinets dynamiques et précisé leurs domaines d’utilisation, nous reviendrons sur les conditions nécessaires à leur bon réglage initial.
On peut principalement distinguer deux types de robinets d’équilibrage dynamique.
- Les robinets d’équilibrage et de maintien de pression différentielle
- Les robinets d’équilibrage dynamique et de régulation
Les robinets d’équilibrage et de maintien de pression différentielle
Figure n°1 : Robinets d’équilibrage et de maintien de pression différentielle - Source IMI Hydronic
A l’origine de ces vannes, on trouve ce que l’on appelle les « soupapes différentielles » dont l’installation était, avant l’apparition des circulateurs à vitesse variable, bien connue pour les circuits à débit variable équipés de robinets thermostatiques (Rth), pour en aider au bon fonctionnement et protéger le circulateur à vitesse constante.
Or, à l’origine d’un bon débit équilibré, il y a toujours le réglage indirect d’un écart de pression et le maintien constant de cet écart est dans certaines conditions une garantie de stabilité de la circulation.
Il en a découlé la recherche d’un dispositif à même d’assurer à la fois l’équilibrage et le maintien constant de l’écart de pression (DP) en tête de chaque antenne à équilibrer.
Pour cela, il est apparu des robinets d’équilibrage dynamique et de maintien de pression différentielle à installer en série avec l’antenne, et non plus en bipasse comme les anciennes soupapes, et bien différents de ces dernières qui n’avaient pas vocation à la précision.
Figure n°2 : Robinets thermostatiques et robinets d’équilibrage et de maintien de pression différentielle - Source Danfoss
Le bon comportement des robinets d’équilibrage et de maintien de pression différentielle
Le fonctionnement des robinets d’équilibrage et de maintien de pression différentielle est simple à comprendre.
Si sur un circuit de distribution à débit variable, par exemple de type « chandelles » et comportant une succession de colonnes, les robinets thermostatiques (ou d’une façon générale les vannes de régulation 2 voies) de quelques colonnes se « ferment », l’écart de pression (DP) d’alimentation aux bornes des autres colonnes augmente.
En effet, même avec une réduction automatique de la vitesse de la pompe, la Hmt fournie restera supérieure au strict besoin nécessaire. Cet excès de Hmt ne sera pas « brulé » par les pertes de charge (PdC) de la distribution en alimentation des colonnes, puisque le débit y sera en diminution de par la fermeture de certains robinets thermostatiques (Rth).
Il en découlera donc une augmentation du DP au pied des colonnes dont les Rth ne se seront pas « fermés ».
Sans robinet en contrôle de leur pression différentielle d’alimentation, ces colonnes verront leur débit augmenter aussi longtemps que leurs propres Rth n’auront pas à leur tour réagi.
Dans cette situation (fermeture des Rth de quelques colonnes), les robinets d’équilibrage et de maintien de la pression différentielle installés en pied de colonne constateront donc une augmentation des écarts de pression d’alimentation et en conséquence se « fermeront » pour le maintenir constant.
Ainsi l’écart de pression aux bornes des colonnes dont les Rth ne se sont pas « fermés » n’augmentera pas et l’on évitera donc que la « fermeture » des Rth de certaines colonnes n’entraine l’augmentation du débit dans les autres colonnes.
Figure n°3 : Robinets d’équilibrage et de maintien de pression différentielle - Source Oventrop
Une autre situation est à étudier à l’intérieur même de chaque colonne.
Si une partie des Rth des émetteurs d’une colonne se « ferment », son débit se réduira et par voie de conséquence également les PdC de son robinet d’équilibrage (s’il est de modèle statique).
Ce dernier remplira alors de moins en moins son rôle et l’écart de pression disponible au pied de la colonne s’appliquera de plus en plus sans réduction, aux bornes des radiateurs dont les Rth ne se seront pas fermés. En conséquence, ils verront leurs débits augmenter(*), ce qui n’était pas le bût de la fermeture des autres Rth… Dans cette situation, le robinet d’équilibrage et de maintien de la pression différentielle constatant l’augmentation de l’écart de pression, se « fermera » pour rétablir le DP contrôlé.
(*) Notons que cette évolution permettait aux anciennes distributions déséquilibrées équipées de Rth de corriger automatiquement une partie de leur défaut.
En effet, lorsque les Rth des colonnes hydrauliquement favorisées se « ferment », l’augmentation de DP profite aux émetteurs ou aux antennes hydrauliquement défavorisées.
Cet « auto-équilibrage » utile aux distributions déséquilibrées condamne d’ailleurs nombre de pompes à vitesse variable à rester réglées en vitesse fixe, car l’augmentation de leur Hmt est nécessaire à la meilleure irrigation des zones mal irriguées (dès lors que les zones favorisées se trouvent « rassasiées » et que leurs Rth se « ferment »).
On constate donc que les robinets d’équilibrage et de maintien de la pression différentielle d’alimentation des antennes à équilibrer réagissent de façon logique sur les circuits à débit variable, qu’il s’agisse de la « fermeture » de Rth (ou autres vannes de régulation 2 voies) dans les autres colonnes, ou de la « fermeture » de Rth au sein même de l’antenne étudiée.
Nous verrons que cela ne sera pas le cas pour l’autre catégorie de robinet d’équilibrage dynamique que nous allons maintenant étudier, et dont la vocation technique n’est pas tout à fait la même.
Les robinets d’équilibrage dynamique et de régulation
Une 2ème catégorie de robinets est utilisée pour l’équilibrage dynamique des circuits à débit variable.
A la différence des précédents, ils ne contrôlent pas (en règle générale) la pression différentielle entrée/sortie des antennes, mais leur propre écart de pression d’alimentation.
En d’autres termes, ces robinets contrôlent et maintiennent leur propre perte de charge (PdC).
Ces robinets sont par ailleurs motorisables et alors capables d’assurer une fonction supplémentaire de régulation en complément de leur fonction d’équilibrage dynamique. Nous verrons alors qu’en mode régulation leur comportement hydraulique sera bien préférable à celui d’une vanne traditionnelle de régulation 2 voies.
A l’origine, c’est d’ailleurs pour cette fonction d’amélioration du fonctionnement des vannes de régulation 2 voies qu’ils ont été conçus, avec en prime le traitement dynamique de l’équilibrage.
Figure n°4 : Robinets d’équilibrage Oventrop et IMI Hydronic non équipés de motorisation pour la régulation
Figure n°5 : Robinets d’équilibrage Oventrop et IMI Hydronic équipés de motorisation pour la régulation
Source Eformation Xpair- ADEGEB
Comportement des robinets d’équilibrage dynamique et de régulation
Les fabricants expliquent clairement le fonctionnement des robinets d’équilibrage, de régulation et de contrôle de DP (autour d’eux même) en considérant ces 3 fonctions réalisées en série, telles que symbolisées ci-dessous.
Figure n°6 : Principe de fonctionnement des robinets d’équilibrage dynamique et de régulation - Source Comap Bollorex
Comme déjà indiqué, la première vocation de ces nouveaux robinets d’équilibrage est de se substituer aux anciens robinets de régulation dont nous allons commencer par rappeler la difficulté de fonctionnement hydraulique.
En effet, sur une installation équipée d’un robinet d’équilibrage statique comme symbolisé ci-dessous, pour un écart de pression d’alimentation A/B donné, lorsque le robinet de régulation 2 voies « se ferme », la PdC sur le robinet d’équilibrage se réduit très vite en proportion quadratique de la réduction du débit.
Dès lors, l’écart de pression d’alimentation A/B s’applique progressivement de plus en plus aux bornes du robinet de régulation et s’oppose à sa fermeture. Cela rend de ce fait très difficile son fonctionnement à faible ouverture, avec des risques acoustiques et de « pompage ».
Figure n°7 : Installation standard d’équilibrage et de régulation
Sur la même installation, symbolisée ci-dessous, équipée d’un robinet d’équilibrage dynamique, il faut comprendre que lorsque le robinet se ferme sur demande de sa « fonction régulation », la chute de PdC sur « sa fonction équilibrage statique » se trouve compensée par la fermeture de la 3ème fonction de « maintien de pression » (équilibrage dynamique).
Ainsi, l’écart de pression autour de « la vanne de régulation » reste constant et rien ne s’oppose à sa fermeture demandée par la « fonction régulation ».
Figure n°8 : Installation d’équilibrage dynamique et de régulation
Ces intéressants robinets ont donc vocation à être installés sur chaque émetteur à réguler par variation de leur débit d’irrigation par V2V.
Sur les grandes distributions, leur fonctionnement sera favorisé par l’installation, en tête des principales antennes, de robinets d’équilibrage et de maintien de pression différentielle d’alimentation. On dira alors que ces robinets complémentaires sont de 2ème niveau d’équilibrage.
Nous reviendrons plus loin sur cette très importante notion de 2ème niveau d’équilibrage.
Figure n°9 : Robinets d’équilibrage dynamique et de régulation, complétés par des robinets d’équilibrage dynamique et de maintien de pression différentielle - Source Eformation Xpair - ADEGEB
Mais attention danger !
Les robinets d’équilibrage dynamique et de régulation ont pour vocation à équiper chaque émetteur nécessitant une régulation par vanne 2 voies.
Mais, non motorisés, sans utilisation de leur fonction régulation, les robinets d’équilibrage dynamique en contrôle de leur propre pression différentielle d’alimentation peuvent-ils être utilisés pour leur seule fonction d’équilibrage dynamique :
- A la place des robinets d’équilibrage dynamique et de maintien de pression différentielle, à l’entrée des antennes d’alimentation de plusieurs émetteurs, eux-mêmes régulés par vannes de régulation 2 voies, telles que des robinets thermostatiques ?
- En remplacement de robinets d’équilibrage statique, à l’entrée des antennes d’alimentation de plusieurs émetteurs, tels que des radiateurs, équipés de robinets manuels ?
Nous allons voir que cette utilisation n’est pas logique et les fabricants ne la prévoient d’ailleurs pas.
Figure n°10 : Robinets d’équilibrage dynamique et de régulation en substitution de robinets d’équilibrage dynamique et de maintien de pression sur des distributions équipées de robinets thermostatiques.
Figure n°10-2 : Robinets d’équilibrage dynamique et de régulation en remplacement de robinets d’équilibrage statiques sur des distributions équipées de robinets manuels
Mais la tentation est grande et mieux vaut bien comprendre le fonctionnement de ces robinets d’équilibrage dynamique et de régulation lorsqu’installés dans cette situation, sans leur fonction régulation.
Comportement des robinets d’équilibrage dynamique et de régulation en amont de robinets thermostatiques
Etudions le comportement des robinets d’équilibrage dynamique et de régulation, utilisés sans leur « fonction régulation » et installés en amont de V2V de régulation ou de robinets thermostatiques, par exemple sur les colonnes d’une distribution en chandelle.
Etudions pour commencer ce qui se passe sur une colonne lorsque les V2V installées sur d’autres antennes se « ferment ».
Comme nous l’avons vu précédemment, si les robinets thermostatiques de certaines colonnes se « ferment », l’écart de pression aux bornes des autres colonnes augmente et par voie de conséquence leur débit également.
Dans ces conditions, pour un robinet en contrôle de son propre DP situé sur une colonne dont les Rth ne se sont pas fermés, le débit augmentant, les PdC sur le robinet d’équilibrage augmentent, et la fonction « maintien de pression » demande le bridage pour rétablir la PdC et donc l’écart de pression sur le robinet, ce qui limite l’augmentation de débit.
Le fonctionnement du robinet est alors tout à fait logique.
Mais, si l’on étudie le comportement du robinet lorsque certaines V2V ou Rth de l’antenne sur laquelle il est installé se ferment, les choses se gâtent.
En effet, si une partie des Rth de l’antenne elle-même se ferment, le débit de la colonne diminue et les PdC du robinet diminuent. Dès lors, la fonction « maintien de pression », constatant la réduction de l’écart de pression autour du robinet essaye de le rétablir en demandant son ouverture (car elle effectue la correcte interprétation d’une réduction du débit). Mais dans ce cas, la réduction de débit était souhaitée et due à la fermeture de quelques Rth !
En s’ouvrant le robinet d’équilibrage dynamique ne fait alors qu’augmenter l’écart de pression aux bornes des Rth qui essayaient de se fermer et le débit dans d’autres émetteurs qui ne demandaient rien.
Le fonctionnement du robinet d’équilibrage dynamique est ainsi illogique et plus mauvais que ne serait celui d’un simple robinet d’équilibrage statique, car il participe à l’augmentation de l’écart de pression aux bornes des émetteurs, alors que l’on souhaitait le réduire pour éviter notamment l’augmentation du débit dans les émetteurs dont les Rth ne se sont pas fermés.
Ce type d’installation n’est donc pas à prévoir.
Etudions maintenant leur installation sur des circuits équipés de robinets manuels en entrée des émetteurs, tels que des radiateurs.
Risque d’utilisation des robinets d’équilibrage dynamique et de régulation en amont de robinets manuels
Ces installations sont considérée être à débit constant, mais en réalité le même problème que celui étudié au § précédent interviendra lorsque des usagers fermeront leurs robinets manuels, par exemple lors d’une absence prolongée.
Nous avons vu au précédent § que dans cette situation, l’écart de pression au pied de la ou des colonnes concernées augmente, et qu’au lieu de se fermer leurs robinets d’équilibrage dynamique et de régulation s’ouvrent. Ils participent alors à l’augmentation de pression différentielle et donc de débit sur les autres émetteurs de ces colonnes.
En conséquence, mieux vaut sur ces distributions équipées de robinets manuels conserver les robinets d’équilibrage statiques ou, installer des robinets d’équilibrage dynamique en maintien de pression différentielle, quoique ceux-ci soient alors peu utiles sur des distributions pour l’essentiel à débit constant.
Etudions d’ailleurs maintenant à ce sujet, l’intérêt d’installer des robinets d’équilibrage dynamiques sur des antennes à débit constant.
Utilisation des robinets d’équilibrage dynamique et de régulation sans leur fonction régulation sur les circuits à débit constant
D’une façon générale les robinets d’équilibrage dynamiques ont vocation à être installés sur les circuits comportant des vannes de régulation 2 voies et donc à débit variable.
L’installation de robinets d’équilibrage dynamique et de régulation est cependant indiquée par les fabricants sur des antennes à débit constant, notamment dans le cas d’antennes de distribution de type monotube dérivé et équipées de robinets spécifiques à ce type d’installation (figure n°11 ci-dessous) ou d’alimentation de batteries régulées par V3V, elles-mêmes alimentées par un débit constant (figure n°12 ci-dessous).
Figure n°11 : Robinet d’équilibrage dynamique en contrôle de pression sur lui-même en maintien du débit d’une boucle monotube - Source Oventrop
Figure n°12 : Robinet d’équilibrage dynamique en contrôle de pression sur lui-même et en maintien du débit d’alimentation de batteries régulées par V3V - Source Danfoss
On pourrait s’interroger sur l’intérêt d’une telle installation puisque, sans aucune variation de débit, les services rendus par les robinets d’équilibrage dynamiques ne seraient dans cette situation guère différents de ceux apportés par les robinets d’équilibrage statique.
En fait, il existe de nombreuses installations mixtes (comportant des antennes à débit constant et des antennes à débit variable) et, sur les antennes dont le débit est certainement constant il est alors utile d’installer des robinets d’équilibrage dynamique et de régulation sans leur fonction régulation.
Ainsi, sur ce type d’installation, les robinets d’équilibrage dynamique et de régulation empêcheront le débit d’augmenter dans les antennes « à débit constant » lorsque le débit des antennes à débit variable se réduira du fait de la fermeture des V2V qui les équipent.
On pourra alors aboutir à des installations mixtes de type :
Figure n°11bis : Installation avec antennes à débit variable et antennes à débit constant équipées de robinets d’équilibrage dynamique correctement installés - Source Oventrop
Figure n°12bis : Installation avec antennes à débit variable et antennes à débit constant équipées de robinets d’équilibrage dynamique correctement installés - Source Oventrop
Remarque : sur les distributions à débit variable, il très utile d’installer en extrémité de distribution ou d’antennes quelques émetteurs alimentés à débit constant.
En effet un problème majeur posé par les circuits de chauffage à débit variable est le refroidissement de l’eau en cours de distribution à faible demande, car les chutes de température augmentent avec la réduction de la vitesse de l’eau distribuée.
Il en est de même sur les distributions d’eau glacée avec cette fois-ci un réchauffage de l’eau en cours de distribution.
En maintenant constant le débit dans les extrémités du circuit, on aide alors au maintien de la température de l’eau distribuée.
Les robinets thermostatiques dynamiques
Comme nous venons de le voir, les robinets d’équilibrage dynamique et de régulation ont pour vocation à équiper chaque émetteur nécessitant une régulation par vanne 2 voies.
Le robinet thermostatique est la V2V de régulation la plus répandue. Danfoss, acteur majeur du secteur, vient donc naturellement d’inventer les premiers robinets thermostatiques hydrauliquement dynamiques.
Figure n°13 : Robinets thermostatique dynamique - Source Danfoss
Seul risque de cette brillante innovation, qu’on en déduise qu’il n’est plus nécessaire d’installer un 2ème, voire un 3ème niveau d’équilibrage.
Figure n°14 : Les niveaux d’équilibrage
Cette élimination des niveaux supérieurs d’équilibrage a par le passé déjà fait des ravages, car il s’est longtemps dit que les robinets thermostatiques pourraient s’y substituer, du moins sur les petites et moyennes distributions.
En fait, sans parler des têtes mal réglées par les usagers et des problèmes d’ouverture des Rth en périodes de remises en régime, c’était sans intégrer que lorsque l’équilibrage est uniquement réalisé sur les émetteurs, il se trouve en réalité sur la plupart des circuits de chauffage collectif inaccessible. Or la première fonction du 2ème niveau d’équilibrage est de pouvoir ajuster l’équilibrage au cours de la vie de l’installation, sur des robinets accessibles, installés en gaines techniques ou en sous-sol.
On pourra rétorquer que la nouvelle génération de Rth est plus performante que l’ancienne, et que certains modèles disposent d’une limitation de débit à l’ouverture réglable.
Ce sera alors faire un pari incertain sur la durée de vie des régulations terminales par vanne 2 voies et supposer que leur remplacement ultérieur sera effectué par des modèles adéquats dont on retrouvera alors la bonne valeur de réglage de la limite de débit à l’ouverture.
Quelle qu’en soit la technologie, pour protéger l’avenir, conservons donc précieusement les niveaux d’équilibrage supérieurs, veillons à ce qu’ils soient effectivement correctement réglés, et surtout bien installés pour qu’ils restent accessibles lorsque les bâtiments seront occupés.
Reste enfin à lister les conditions dans lesquelles ces nouvelles générations de robinet d’équilibrage dynamiques connaitront, sur les circuits à débit variable, le succès de la précédente génération sur les circuits à débit constant.
Equilibrage dynamique en chauffage, les conditions du succès
Comme indiqué en introduction du dossier, les robinets d’équilibrage dynamique devront évidemment disposer d’une bonne durabilité de leur dispositif de mesure et de contrôle de leur écart de pression. Ceci passera sans doute par une grande vigilance sur la qualité de l’eau dans nos circuits de chauffage, comme cela est d’ailleurs également nécessaire à l’ensemble de l’installation.
Dans cette hypothèse, et celle de l’installation de modèles appropriés, intéressons-nous surtout à notre capacité à déterminer les données qui seront nécessaires à leur bon réglage initial.
Sur les installations neuves, ces données nominales de DP, de débit ou de températures de retour à régler seront normalement disponibles, puisque venant d’être calculées ou définies.
L’enjeu porte en fait sur nos possibilités de déterminer correctement ces éléments sur les installations existantes, secteur énergétique et économique autrement plus important que celui de la construction neuve.
En effet, dans un vieux pays comme le nôtre, le gros de la consommation nationale s’effectue et s’effectuera sans doute encore longtemps sur le parc des circuits de chauffage collectifs réalisés au siècle dernier et particulièrement entre 1950 et 1980.
Or, il ne faut pas se faire d’illusion sur la disponibilité des archives sur ces anciennes distributions.
On pourrait évoquer 3 situations :
- pour les installations d’avant 1960, il ne reste en général rien,
- pour les installations de 1960 à 1980, les archives papiers sont le plus souvent enfouies et oubliées au fond de quelques armoires,
- pour les installations de 1980 à 2000, on sera confronté à des disquettes ou autres standards informatiques périmés.
Dans ces conditions, pour déterminer par exemple les débits à régler, il reste :
- 1/ A estimer les puissances à fournir par chaque émetteur type présent dans le bâtiment à traiter et pour tous les émetteurs particuliers installés sous terrasse, contre pignon ou au RdC.
- 2/ A déterminer les émetteurs correspondant à chacune des colonnes ou autres antennes à régler
Pour la détermination des puissances à fournir par chaque émetteur installé, nous disposons aujourd’hui d’outils puissants pour autant, sans parler des débits d’aération, que l’on puisse correctement leur affecter les volumes chauffés qui leurs correspondent et la véritable nature des parois. Et là est bien la difficulté.
Sur un projet important récent, en vue d’une rénovation, un maitre d’ouvrage a fait calculer les déperditions et également mesurer la puissance réelle des émetteurs installés, car il n’avait pas été effectué sur la résidence de précédentes réhabilitations, ni constaté d’insuffisance ou d’excès de puissances installées.
On a pu alors constater, entre les puissances estimées et les puissances installées, des écarts allant jusqu’à 47% !
Sans précédentes rénovations ni problèmes de puissances initialement installées sur cette résidence, on peut sans doute en conclure combien il est difficile d’estimer les déperditions des anciennes constructions. Il est notamment très difficile de pouvoir correctement réaffecter aux émetteurs installés (et donc à chacune des colonnes à régler) les déperditions de certains locaux telles que celles des circulations de logements et autres débarras, souvent situés au contact de locaux non chauffés.
Enfin, « au pied » de colonnes de même diamètre, déterminer les émetteurs qu’elles alimentent réellement relève d’un jeu de piste qui se termine souvent par le réglage de débits très hypothétiques. Or, il suffira seulement de quelques colonnes mal alimentées pour qu’il soit nécessaire de chauffer généreusement tout le reste du bâtiment.
Une solution récente permet de résoudre ces 2 difficultés.
Elle consiste à effectuer l’équilibrage par uniformisation des températures de retour(*) des antennes comme l’effectue la société MAPSEC (**) pour le compte de plusieurs grandes sociétés d’exploitation (Dalkia, Cofely-Soccram, Idex, etc.).
(*) Si la distribution hydraulique le permet, il est tout à fait possible de procéder à des réglages de températures diversifiées pour tenir compte d’opérations de réhabilitations hétérogènes.
(**) MAPSEC, 80 rue de Paris 93100 Montreuil Tél : 01 48 59 06 05
En effet, pour une température de départ stabilisée, les températures de retour mesurées sur les colonnes en saison de chauffe sont en complète cohérence avec les puissances réellement installées et les débits en circulation.
De plus, la méthode permet de prendre en compte les pertes en lignes (chutes de température de l’eau au fil de la distribution) importantes sur les anciennes distributions collectives, et également de prendre partiellement en compte les éventuelles surchauffes dues à des erreurs de dimensionnement, car ces surchauffes influent aussi à la hausse les températures de retour d’eau mesurées.
Figure n°17 : Extrait d’un rapport d’équilibrage par uniformisation des températures de retour - Source Idex
Plus de 80 000 logements, ont déjà été traités avec succès selon cette procédure dite « méthode EQUILOG », y compris sur des robinets d’équilibrage dynamiques et, l’absence de contre-performances permet de constater que sur les grandes installations les émetteurs installés ont été raisonnablement bien dimensionnés.
De même, on constate que sur les bâtiments ayant fait l’objet de rénovations thermiques homogènes (remplacement de l’ensemble des ouvrants, isolation de toutes les parois verticales extérieures), l’équilibrage initial ou postérieur réalisé selon cette méthodologie suffit, et que l’ajustement de la puissance de chauffage peut alors s’effectuer par simple réglage de la loi de chauffe.
On pourra sur Xpair consulter un exemple typique de réalisation :
Conclusions
L’abaissement de la consommation énergétique de notre parc de chauffages collectifs existants repose sur l’isolation, le bon réglage des combustions, de la régulation et de l’équilibrage.
Malgré son influence majeure sur le réglage de la régulation et le rendement des chaudières à condensation (et des cogénérations), le dernier poste était jusqu’à présent le maillon faible.
Mes 40 années de travail dans le secteur professionnel me permettent de constater qu’après une très longue pause, jamais le problème n’a autant été d’actualité.
On peut faire confiance aux industriels pour concevoir des produits performants, c’est donc au secteur du réglage qu’il faut porter attention.
Pour cela, il faudra sans doute mieux distinguer les activités de désembouage (lorsque nécessaire) et celles d’installation de robinets d’équilibrage, de celle de leur réglage initial proprement dit.
En effet, quel que soit le type de robinet, il est tentant pour une entreprise d’installation ou de désembouage d’intégrer à sa proposition le poste de mise en service sans toujours être à même de pouvoir en définir tous les paramètres.
Evidemment on peut imaginer qu’une même société puisse répondre à l’ensemble d’une opération de rééquilibrage, mais il faut alors qu’elle dispose d’équipes aux savoir-faire très différents, pratiques et théoriques.
Aussi, pour assister les maitres d’ouvrage en coordonnant ces opérations de rééquilibrage de la prescription à la réception, des bureaux d’étude ou des ingénieurs conseils spécialisés trouveront là une riche et utile activité, car dans le parc existant il n’est pas une opération qui ne présente quelque sérieuse difficulté particulière.
Enfin, il serait utile que de véritables formations de techniciens et d’ingénieurs spécialisés en thermo-hydraulique et équilibrage soient mises en place, car il s’agit d’une spécialité à part entière.
Par Patrick Delpech
Patrick Delpech est ingénieur ENSAIS et auteur de nombreux ouvrages et logiciels de génie climatique.
Il est formateur au GMTI94 - GEFEN (Greta des formations à l’énergie à ALFORTVILLE).
Il est également rédacteur sur l'e-formation Xpair- ADEGEB et pilote le comité de rédaction.
SOURCES ET LIENS
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