Le financement du bâtiment ou du quartier bas carbone s’effectue avec une vision de risque écologique bien entendu mais également de risque économique. Car comment valoriser en 2020 ou 2030 un bâtiment mal conçu sur le plan énergie et carbone et avec des énergies fossiles ? Le risque est également politique pour que l’investissement public soit bien soit irréprochable. Ecoutez pour cela la 4ème et dernière capsule vidéo de Jean-Christophe VISIER : Financement du bâtiment bas carbone.
« Financement du bâtiment bas carbone »
Vidéo avec Jean-Christophe VISIER – Directeur Energie Environnement au CSTB
Philippe NUNES : Bonjour Jean-Christophe VISIER.
Bâtiment bas carbone, quartier bas carbone, comment financer cela Jean-Christophe VISIER ?
Jean-Christophe VISIER : C’est une vraie question de se dire que l’on est actuellement dans une transition, on a ce sujet du changement climatique qui est devant nous et la question est : peut-on se l’offrir ?
Quand on regarde les acteurs qui se préoccupent fortement de ces sujets, on a travaillé par exemple avec COVIVIO sur sa stratégie bas carbone, on voit qu’il y a aussi des analyses de risques qui sont faites, c’est-à-dire que les acteurs un peu en pointe se disent n’y a-t-il pas un risque financier important à ne pas penser carbone aujourd’hui ? C’est-à-dire que si je fais un bâtiment qui consomme beaucoup d’énergie fossile, est-ce que je ne risque pas demain de me retrouver sur une augmentation de ma facture qui serait considérable et qui me mettrait à risque ? C’est ce que l’on voit actuellement sur le débat des transports.
On constate que les acteurs en pointe commencent aujourd’hui à se dire, en particulier ceux qui gèrent de l’immobilier en grand nombre, qu’il faut essayer de définir des stratégies en spécifiant : « l’accord de Paris dit qu’il faut aller à 2050 à une neutralité carbone » c’est-à-dire qu’il va falloir que je fasse baisser les émissions de carbone de manière considérable et comment vais-je pouvoir le faire ? En traitant d’un côté la construction neuve performante et de l’autre côté éventuellement de la revente d’actifs dont je me dis que j’aurais du mal à les rendre bas carbone, dans mes achats d’actifs de prendre des actifs qui auront encore de la valeur dans quelques années et dans mes rénovations optimiser le carbone. Leur question est : le bâtiment que j’ai aujourd’hui en 2020, si je prends la RE 2020, quelle sera sa valeur en 2025 et en 2030 ? Quels sont les risques que je prends en ayant un bâtiment qui serait peut-être 2018 voire 2020, mais qui en 2030 pourrait apparaître comme peu performant ? Voici donc la manière de penser des acteurs qui réfléchissent à une stratégie bas carbone car ils ont une manière de penser à long terme.
On travaille aujourd’hui avec l’ADEME sur un référentiel qui permettrait de caler des stratégies bas carbone compatibles avec l’accord de Paris afin d’essayer de maîtriser ces risques qui sont environnementaux mais également économiques, car la conviction que l’on a est que le secteur économique est en train de se saisir de ces sujets-là. On l’a constaté dans le fait que certains grands investisseurs sont sortis des mines de charbon parce qu’ils disaient qu’il y avait un risque économique et un autre risque c’est que dans 20 ans lorsque je dirai à mes enfants que j’investissais dans les mines de charbon, pourront-ils le comprendre ?
PN : Il pourrait donc y avoir un risque politique, un risque de mauvaises décisions politiques eu égard aux investissements collectifs qui pourraient être faits ?
J.C.V : Ces questions sont en train de se poser avec un passage au juridique sur des sujets de carbone. Par exemple aux Pays-Bas, vous avez des citoyens qui ont attaqué le gouvernement sur le fait qu’il n’allait pas assez loin par rapport aux engagements qui avaient été pris. Il y a un certain nombre d’acteurs en pointe qui pensent que ces cas vont se multiplier ou bien cela sera vécu comme une faute de ne pas avoir tenu un certain engagement.
À PROPOS DE L'INTERVIEWÉ
Jean-Christophe VISIER - Directeur Énergie Environnement au CSTB
Jean-Christophe Visier mène depuis le début des années 1980 au Centre Scientifique et Technique du Bâtiment des travaux de recherche appliquée sur l’énergie et l’environnement dans la construction et l’immobilier. Il est aujourd’hui directeur Énergie Environnement du CSTB. Dès le mois de janvier 2019, Jean-Christophe VISIER sera nommé au nouveau poste de directeur de la prospective au CSTB