Par Clémence CHARLIGNY - BIM Manager chez OTE Ingénierie - Ingénieur GCE. INSA Strasbourg
Cette chronique fait un point explicatif sur le BIM (Building Information Modeling ou modèle d’information du bâtiment), en apportant les informations essentielles et en se référant à des projets et retours d’expérience, ce qui en fait un travail particulièrement intéressant à lire et à partager.
Collaborer [définition dictionnaire Larousse] :
- travailler de concert avec quelqu’un d’autre, l’aider dans ses fonctions.
- participer avec un ou plusieurs autres à une œuvre commune.
La collaboration est définie comme l'acte de travailler ensemble pour atteindre un objectif commun. Dans ce sens, le processus BIM apporte une réponse pour accompagner le défi de la collaboration entre divers intervenants d’un projet.
Au travers de ces lignes, nous souhaitons vous faire partager aujourd’hui notre vision de la collaboration BIM.
Un processus à intégrer en amont
Le principal enjeu dans une démarche BIM n’est pas l’outil logiciel, mais la coordination, la communication et la concertation entre les intervenants d’un projet.
Pour bien mener un projet collaboratif BIM, il convient de définir notre point de départ (ressources matérielles et ressources humaines), notre direction (objectifs du projet) et nos moyens pour y parvenir (méthodes et outils). Les outils logiciels BIM interviennent uniquement pour conduire ce processus.
Notre processus est formalisé par le BIM Manager dans le Plan d’Exécution BIM ou Convention BIM. Ce document guide la collaboration BIM et est unique pour chacun de nos projets. Il va vivre tout au long du projet pour s’adapter aux nouvelles méthodes, à l’arrivée de nouveaux intervenants dans le projet, à l’utilisation de nouveaux outils, ...
Intégration du processus dès la phase d’un concours de maîtrise d’œuvre ou d’un concours en conception-réalisation-exploitation-maintenance.
Au démarrage du projet et en amont de toute modélisation, nous réunissons les intervenants pour définir :
- Les enjeux de ce projet ;
- les objectifs à atteindre ;
- le planning d’intervention ;
- les missions et les rôles confiés à chaque acteur ;
- les flux de données de maquettes ;
- la structure de nos échanges ;
- les méthodes de travail collaboratif ;
- les outils.
Par exemple, nous définissons qui met en place et administre le serveur d’échange, qui compile et contrôle les maquettes, comment nous allons créer nos maquettes, quels logiciels nous souhaitons utiliser.
Le BIM : un gain partagé
Un processus BIM est pertinent seulement s’il génère des bénéfices pour l’ensemble des intervenants d’un projet. Chaque intervenant œuvre pour atteindre des objectifs communs dans la conception, la construction et l’exploitation d’un bâtiment. Chaque acteur souhaite atteindre les objectifs communs du projet, mais également des objectifs propres à sa discipline.
Les outils et les processus BIM offrent une large palette de possibilités. Ils facilitent la collaboration, mais également les méthodes et les études. De nombreuses applications vont dans ce sens : relevé laser d’un bâtiment existant, visites virtuelles, comparaison des offres lors d’un concours, analyses thermiques, industrialisation, gestion de patrimoine ... Les applications sont diverses et concernent l’ensemble des intervenants gravitant autour de la conception, de la construction ou de l’exploitation de bâtiments.
Apports du BIM dans la construction d’un centre de recherche CRITT à Illkirch (67)
Sur ce projet, l’ensemble des intervenants (du maître d’ouvrage jusqu’à la maîtrise d’œuvre), était moteur pour mettre en place un processus collaboratif BIM. Nos échanges au démarrage du projet ont permis de mettre en place ce processus bénéfique. Nous avons choisi de mener de front six objectifs sur ce projet.
Les objectifs communs étaient :
- de mener une expérimentation sur la mise en place d’un outil collaboratif BIM ;
- de formaliser les pratiques autour du BIM ;
- de capitaliser les informations dans une base de données communes (en conception et en chantier pour l’exploitation et la maintenance).
Les objectifs propres étaient :
- pour l’architecte, de modéliser les ouvrages architecturaux en 3D et intégrer des détails techniques de mise en œuvre dans cette maquette.
- pour le B.E.T., d'analyser (calculs structurels et études économiques) et mener une pré-synthèse de conception entre la structure et les lots techniques.
- pour le futur locataire du bâtiment, d'anticiper l’aménagement et définir les fonctions des locaux.
Centre de recherche CRITT
Maître d’ouvrage : Région Alsace
Architecte : Antonelli et Herry
BET : OTE Ingénierie
Construction de modèles collaboratifs
Chaque intervenant du projet œuvre à la construction d’un modèle commun (la maquette numérique BIM). Ce modèle est le support de leurs conceptions et de leurs études techniques. Plus qu’un modèle en trois dimensions, il contient les informations que chaque intervenant souhaite partager. Pour mener efficacement la collaboration, les données à échanger doivent être stockées au bon endroit, disponibles au bon moment et consultables par l’ensemble des interlocuteurs.
Concrètement dans un processus BIM, nous définissons les informations suivantes à inscrire dans le modèle BIM :
- Quels objets vont être modélisés ? Uniquement les réseaux principaux de gaines ou modélisation jusqu’au petit appareillage ?
- Qui modélise cet objet ? Un mur structurel est-il modélisé par l’architecte, le B.E.T. structure ou les deux entités ?
- Quel est le niveau de détail de la modélisation de l’objet ? La chaudière sera modélisée par un parallélépipède simple ou intégrera-t-elle une projection réaliste ?
- Comment l’objet va être modélisé ? Nous définissons des règles de modélisation.
- Quelles informations l’objet va recevoir ? Nous définissons les propriétés et les caractéristiques que l’objet va contenir.
- Comment cet objet sera exporté en IFC (format normalisé pour l’interopérabilité) ? Nous définissons la classe IFC associée ainsi que les propriétés que nous souhaitons exporter en IFC.
Cette démarche est la seule manière de garantir que les données inscrites dans une maquette lors de la conception, puissent être utilisées par la suite pour le chantier puis pour la gestion de patrimoine !
Structurer les informations pour la gestion de patrimoine d’un centre hospitalier
En concertation avec le maître d’ouvrage, l’équipe de maîtrise d’œuvre et l’entreprise, nous compilons dans un document unique, les informations liées à chaque objet de la maquette BIM. Les informations nécessaires à renseigner seront les informations utiles pour la conception, les travaux et la gestion de patrimoine. Une attention particulière a été portée au fait de ne pas inscrire un nombre trop important d’informations.
Pour notre projet de centre hospitalier, nous avons choisi d’inscrire un nombre restreint de données dans la maquette numérique. Seules les informations strictement nécessaires et strictement maîtrisées sont inscrites dans la maquette numérique BIM. Ci-dessous l’exemple pour un objet faux plafond.
Échange de fichiers et interopérabilité
Les fichiers informatiques sont les supports de l’information. Les maquettes BIM sont créées à l’aide de logiciels modeleurs (Revit, ArchiCAD, AllPlan, …). Dans le cadre d’une collaboration BIM, nous échangeons des informations par des maquettes numériques :
- Les fichiers sont stockés sur un serveur d’échange : ils sont accessibles pour tous les intervenants ;
- Les tailles des fichiers sont optimisées et limitées : ils seront aisément échangeables ;
- Les informations dans les fichiers sont structurées : chaque intervenant peut retrouver aisément l’information dont il a besoin ;
- Les informations sont échangées plus fréquemment : mise à disposition de maquettes de manière hebdomadaires (BIM niveau 2) ou les maquettes sont mises à disposition en temps réel (BIM niveau 3) ;
- Les droits d’accès au serveur d’échange sont gérés : les intervenants peuvent soit consulter, soit modifier les fichiers.
- Les modifications de fichiers sont suivies : suivi des ajouts ou des modifications des documents.
Les maquettes BIM sont soit consultées directement pour en lire une information, soit utilisées dans des logiciels d’analyse pour réaliser des calculs. Pour que les fichiers de maquettes soient exploitables par des logiciels d’analyses, il est nécessaire de contrôler et maîtriser l’interopérabilité logicielle.
Les logiciels d’analyses sont nombreux. L’enjeu est donc de réaliser des maquettes numériques qui soient exploitables par l’ensemble de la chaîne logicielle d’un projet.
Les fichiers sont échangés soit en format natif, soit dans le format normalisé IFC.
L’équipe se met d’accord sur des règles de modélisation, pour que les modèles soient exploitables.
Des contrôles sont réalisés, pour vérifier que le processus BIM n’entraîne pas de perte d’informations.
Échange de fichier et interopérabilité logicielle sur le projet de construction d’un pôle multi-services pour le CROUS de Nancy
L’architecte a réalisé sa modélisation sur le logiciel ArchiCAD. Le B.E.T. a réalisé sa modélisation sur le logiciel REVIT et ses études sur des logiciels d’analyse (Attic+, Advance, ...). Les intervenants ont échangé des fichiers IFC (version 2x3), pour qu’il soit possible de dialoguer entre les logiciels.
Nous avons défini (et testé ! ), les configurations d’export et d’import de fichiers IFC, afin que tous les intervenants retrouvent les informations dont ils ont besoin. Nous avons eu une démarche de tests au démarrage du projet, pour configurer les options d’import et d’export de nos logiciels. Cette démarche de recherche et de développement est nécessaire au vu de la jeunesse des outils BIM que nous utilisons. Après quelques allers-retours de fichiers entre les intervenants, nous avons défini les paramètres qui nous permettaient à tous d’exploiter les maquettes.
Les fichiers ont été échangés sur un serveur commun, puis toutes les maquettes ont été superposées pour des opérations de synthèse de conception et de revue technique de projet.
Superposition des maquettes fluides, électricité et structure pour les opérations de revue de projet de synthèse de conception
Maître d’ouvrage : CROUS Lorraine
Architecte : Les Architectes SA et a[b+d]
BET : OTE Ingénierie
Le BIM manager – un coordinateur
Le BIM Manager intervient pour : animer la collaboration, assister les intervenants dans la mise en œuvre du processus et contrôler les échanges de maquettes numériques BIM. C’est le garant de la bonne mise en place du processus BIM. En plus de ses fonctions principales, il assure au cas par cas des missions complémentaires : animation de la revue de projet ou de la synthèse, aide au choix des outils, encadrement du planning, ...
Le processus BIM modifie les méthodes, les missions, la hiérarchie et l’organisation autour d’un projet. Le BIM Manager intervient pour gérer et assister ces changements, qu’elles concernent les aspects matériels, outils, organisations ou humains. Il apporte des réponses aux besoins d’un projet à l’aide d’un processus BIM. Son poste est polyvalent et ses missions évoluent en même temps que l’évolution du projet.
Le BIM Manager n’est pas le seul intervenant impliqué dans la démarche collaborative BIM : c’est un processus collectif !
Les maquettes numériques suivent le flux présenté sur ce schéma. Chaque intervenant produit une maquette suivant les conventions définies avec le BIM Manager. Les maquettes sont ensuite contrôlées et compilées par le BIM Manager pour être mises à disposition pour l’ensemble des intervenants.
Exemple d’organigramme dans un processus BIM
Organisation de l’équipe pour le projet de reconstruction des ateliers du lycée Schwilgué
Visualisation de la maquette BIM du lycée Schwilgué
Maître d’ouvrage : Région Alsace
Architecte : AMRS Architectes
BET : OTE Ingénierie
Pour ce projet, les intervenants expérimentaient pour la première fois le processus BIM dans un niveau 2.
Notre BIM Manager est intervenu sur ce projet pour :
- Définir la structure du fichier (segmentation des modèles) ;
- Contrôler les objets et leurs informations associées ;
- Vérifier l’uniformité des modèles BIM et les règles de modélisation ;
- Définir le planning de conception et de modélisation ;
- Administrer le serveur d’échange de fichiers.
En plus des missions classiques pour un BIM Manager, celui-ci a accompagné les intervenants dans leurs questions pratiques sur l’utilisation du logiciel Revit et a formulé des recommandations sur la manière de modéliser.
Sensibilisation des intervenants
L’humain reste le facteur essentiel dans le succès d’un processus collaboratif BIM. Plus qu’une envie commune de collaborer, il faut sensibiliser les intervenants sur le sujet. Le potentiel du BIM est sans limites, mais il convient de définir l’investissement que nous retenons et le résultat que nous souhaitons atteindre. Les objectifs à atteindre par l’équipe doivent rester raisonnables et dans la limite des capacités des intervenants.
Les intervenants doivent être conscients des enjeux de ce processus, seule une adhésion collective permet de mener un projet à bon port et dans une dynamique commune.
Assistance au maître d’ouvrage pour la rédaction d’un programme BIM du projet de construction d’un établissement d’enseignement.
Nous assistons notre client pour la rédaction d’un programme technique avec une composante BIM. Notre client souhaite mettre en place un processus BIM pour : communiquer sur les travaux qu’il va réaliser, mener la synthèse chantier avec cet outil et pour disposer d’une base de données BIM de gestion de patrimoine. Nous avons échangé avec le client pour l’aider à poser des mots sur ces trois objectifs.
Sur ce projet, le processus BIM sera mené en conception de projet, en travaux et en exploitation-maintenance. Nous assistons notre client pour définir : ce qu’il est possible ou non de demander aux intervenants (maîtrise d’œuvre, entreprise ou exploitant), les besoins du client et les exigences associées, le cadre du processus BIM, ..., mais surtout comment structurer les données pour qu’il puisse exploiter la maquette pour la gestion de patrimoine.
Notre approche permet de définir avec le client des objectifs communs réalistes. Nous accompagnons ensuite la mise en place du processus collaboratif BIM entre tous les intervenants.
En bref – 10 points à retenir pour collaborer en BIM
- Le processus BIM assiste la collaboration entre les acteurs.
- Il est plus simple de mettre en place un processus BIM en amont d’un projet (avant toute modélisation).
- La démarche produit des bénéfices à tous les intervenants et à toutes les phases.
- L’information à échanger doit être stockée au bon endroit, doit être disponible au bon moment et doit être consultable.
- Les informations sont hébergées sur des fichiers informatiques structurés.
- Les fichiers échangés doivent être interopérables pour pouvoir être exploités.
- Le BIM Manager accompagne, encadre et assiste le processus BIM…
- …mais il n’est pas le seul intervenant engagé sur le sujet.
- Pour mener un processus efficace, il convient de comprendre les principaux mécanismes et les enjeux d’un processus BIM.
- Pour collaborer ensemble, nous devons surtout communiquer et partager un désir commun d’atteindre les objectifs du projet.
Par Clémence CHARLIGNY - BIM Manager chez OTE Ingénierie - Ingénieur GCE INSA Strasbourg
Pour plus d’info, contacter OTE INGENIERIE. - tél. 03 88 67 55 55 - clemence.charligny@ote.fr
OTE Ingénierie est une ingénierie leader dans l’Est de la France, et également implantée près de ses clients à Illkirch, Colmar, Mulhouse, Metz, Nantes, Paris, Lyon, … Avec 205 personnes dont 105 cadres et ingénieurs, OTE Ingénierie assure les missions d’Assistance à la Maîtrise d'Ouvrage (AMO), de Maîtrise d'œuvre, de BIM, d’Économiste de la construction, Ingénierie d’Environnement, …
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