Par Jean Daniel Napar - Président du Syndicat ACR
Tout au long de notre histoire, des avancées technologiques majeures ont permis de faire modifier significativement les habitudes et usages des êtres humains. C’est le cas aujourd’hui des objets connectés dans le bâtiment qui sont de plus en plus nombreux et pourtant suscitent de grandes interrogations.
Quels rôles vont-ils jouer dans les années à venir, à qui s'adressent-t-ils et à quelles applications se destinent-ils ou encore sont-ils réellement utiles et pertinents ?
Dans le cas des « thermostats », nous pouvons en particulier s’interroger sur la nature des équipements qu’ils pilotent, les technologies utilisées pour communiquer avec ces équipements, leurs spécificités et leurs fonctions particulières, ainsi que leurs prix.
Bref historique technologique sur les thermostats
Le terme thermostat a été développé par Albert Butz en 1886, fondateur de la société Honeywell, pour commander une trappe d'arrivée d'air sur une chaudière à charbon et ainsi « réguler » sa température. Associé à une horloge en 1906, le thermostat à horloge est à l’origine de la programmation temporelle de la "régulation".
A cette époque, le terme "réguler" n'était pas connu ni défini comme de nos jours même si le "régulateur à boules" de James Watt date de 1767. Applicable à la machine à vapeur, il s’agissait d’un système de commande destiné à maintenir constante la valeur d’une grandeur quelconque - ici la quantité de vapeur souhaitée constante - quelles que soient les perturbations qui pourraient la faire varier. Ces avancées technologiques ont abouti à la naissance d'une science multidisciplinaire : la cybernétique.
La cybernétique est la science des mécanismes autogouvernés et du contrôle. Inventé en 1947 par le mathématicien américain Norbert Wiener, ce terme promeut une vision unifiée des domaines naissants de l'automatique, de l'électronique et de la théorie mathématique de l'information, en tant que « théorie entière de la commande et de la communication, aussi bien chez l'animal que dans la machine » (selon le titre de l'œuvre fondatrice de Norbert Wiener). Elle permet de mettre en évidence le « feedback » (ou rétroaction) comme phénomène indispensable pour concevoir une logique d'autorégulation, nommée aussi une boucle de régulation.
On peut décrire l’automatique tel que suit (source : ESSI Polytech Nice Sophia) :
L'utilisation ou non du feedback détermine deux types de régulation :
- Régulation à boucle ouverte (sans feedback) : la variable perturbatrice agit sur la variable régulante. Cette boucle rapide et relativement peu précise consiste à anticiper l'évolution d'une perturbation en agissant directement sur l'organe de réglage. Réguler un système en boucle ouverte, c'est agir en aveugle, sans tenir compte des résultats de son action.
- Régulation à boucle fermée (avec feedback) : la grandeur régulante agit (par l'intermédiaire du processus) sur la grandeur réglée. C'est la boucle de régulation de base par excellence, déterminée par une consigne. Elle est précise, mais relativement lente. Quand la consigne est constante, on parle de boucle de régulation, quand elle est constamment variable, on parle de boucle d'asservissement.
L’informatique est le domaine le plus dynamique. En quelques décennies, l'Internet s'est imposé dans notre vie quotidienne à travers les sites Web et désormais les applications de type "objets connectés".
Alors qu'Internet ne se prolonge habituellement pas au-delà du monde électronique, l'internet des objets connectés représente les échanges d'informations et de données provenant de dispositifs présents dans le monde réel vers le réseau Internet. On peut les définir comme des « capteurs incorporant de l‘électronique, un logiciel et une connectivité Internet (adresse IP, donc identifiable et unique), capable de rassembler des informations, d'échanger des données, et de faire la liaison entre un phénomène physique et le monde informatique ». Ils sont donc capables de réagir avec l'infrastructure Internet, et d’élargir ainsi l'implication de l'homme avec l'affichage et la mise à disposition des informations.
Analyse du marché des « thermostats connectés »
Il faut se poser la question de la vraie motivation des acteurs légitimes de la régulation qui ont une expérience éprouvée dans le chauffage et les nouveaux entrants. Il nous semble que plutôt la motivation est d'obtenir et transférer des données parfois confidentielles que de mettre en place des algorithmes de régulation, programmation et optimisation. Il est possible même que le nom de ces "objets connectés thermostats" soit un abus de langage …
En fonction d’éléments disponibles publiquement, cette analyse permet de distinguer :
A) Les différents modèles de « thermostats connectés » sur le marché français
A ce jour, on peut recenser 46 modèles de « thermostats connectés » commercialisés ou en cours de commercialisation en France, et 63 à l’échelle mondiale.B) Les technologies de liaison vers le phénomène physique traité
Type(s) d'équipement(s) commandé(s)Les modèles sont très variés, mais on peut distinguer ceux qui commandent un seul équipement, et ceux qui en commandent plusieurs.
De plus, l'interface avec l’équipement agit le plus souvent à un seul niveau de la chaîne de transformation de l’énergie (i.e. génération, stockage, distribution, émission), le plus souvent génération ou émission, mais aussi à plusieurs niveaux dans certains cas.
C) Les fonctions déclarées disponibles
Le panel de fonctions mises à la disposition est très large, soit 15 familles de fonctions recensées. Les plus utilisées sont la programmation horaire (citée 42 fois), les applications smartphone/tablette/PC (citées 38 fois), l’auto-apprentissage (cité 19 fois) et la Géo localisation (citée 14 fois).D) Les prix offerts
Actuellement, les prix annoncés sont globalement entre 50 € et 600 €, voire plus.Avant conclusion : patience et vigilance !
En premier lieu, on remarque que le marché des objets connectés est en pleine expansion avec l’arrivée d’acteurs économiques avec des profils très diversifiés. Grâce à internet, ces produits permettent aux particuliers d’avoir un aperçu plus ou moins précis des usages des phénomènes physiques dans un bâtiment (ex : suivi de la température à distance). Leur qualité dépend grandement du protocole de communication ou des fonctions proposées, et se reflète généralement dans le prix.
Toutefois, la grande diversité des "thermostats" ne permet pas à ce jour de dégager de vraies tendances. Le marché a besoin de maturité et de temps pour faire émerger des leaders et converger d'un marché de niche (voire d’une mode) à une production de masse.
A ce stade, on peut identifier les caractéristiques suivantes de ces « thermostats connectés»
- Ils impliquent des capteurs en plus de ceux existants qui permet soit d’afficher une information « à afficher », soit de prendre une décision, en général de type « tout ou rien ». Néanmoins, si la liaison est fait par un bus entre l'équipement et "l'objet connecté thermostat", cette affirmation est à la mettre dans le contexte !
- En tant qu’outil de métrologie, les capteurs des thermostats se déterminent en fonction de leur précision, et doivent être calibrés. Concernant les thermostats connectés on peut s’interroger sur les référentiels de normalisations utilisés, et / ou les essais réalisés permettant d’identifier des valeurs opposables. Par conséquent, les économies d'énergie annoncées pourraient ne pas être calculées selon les référentiels en vigueur en France et donc non validées. Il est évident que les valeurs d'entrée dans les outils de calculs réglementaires ou des incitations doivent prendre en compte la situation explicite et connue de la mise en œuvre des objets connectés.
- L’action est unidirectionnelle (sans feedback), c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’auto-diagnostic de l’installation à laquelle le « thermostat » est relié (pour connaitre son état avant d'actionner une commande). De plus, si le contact « tout ou rien » actionne un générateur d’énergie (ex : une chaudière), celui-ci va sans cesse être mis en marche-arrêt, ce qui réduit sa durée de vie. Enfin, lorsque le vecteur d'énergie est l'eau chaude, cette action est un élément perturbateur de l’équilibrage hydraulique. De nouveau, si la liaison avec l'équipement est faite par un bus, l'échange et le résultat final est proportionnel à la richesse du protocole utilisé. Tout particulièrement il est conseillé dans la phase de conception de bien suivre le cycle de transformation d'énergie, depuis la génération, stockage, distribution et émission en ajoutant l'équilibrage hydraulique. Le thermostat (de tout type) doit prendre en compte cette logique.
Conclusion: de la régulation / GTB vers l’internet !
Le rôle de la régulation et la de gestion technique des bâtiments est d'assurer l'équilibre entre la maximisation du confort humain et la minimisation de l'énergie utilisée pour atteindre ce confort. Concernant les thermostats, les moyens mis en œuvre pour assurer cet équilibre peuvent être hiérarchisés comme suit :
Offres des constructeurs traditionnels (membres ou non du Syndicat ACR)
- Une régulation en boucle fermée conforme aux référentiels normatifs en vigueur (NF EN ISO), et une intelligence décentralisée dans le régulateur.
- Une programmation standardisée dans les référentiels du bâtiment.
- Un accès bidirectionnel par internet.
- Une régulation en boucle ouverte utilisant des capteurs non standardisés générant une imprécision due aux sondes, mais aussi due au mode de régulation lui-même.
- Une programmation non standardisée (sauf exception), liée parfois aux comportements des utilisateurs (pourtant non pris en compte dans la réglementation).
- Accès bidirectionnel par internet.
Pour rendre ce processus harmonieux, l'activité de normalisation, les tests dans des laboratoires indépendants voire la certification, est le moyen le plus adapté. La coopération des comités européens de normalisation à plusieurs niveaux et interdisciplinaires (CEN/CENELEC/ETSI) reste donc une des clés de l'avenir dans ce domaine. Les membres du Syndicat ACR sont d’ailleurs acteurs de ce processus de coopération à l'échelle française, européenne et mondiale.
Par Jean-Daniel Napar- Président du Syndicat ACR
Je suis thermicien et je travaille chez Qivivo, une startup proposant un thermostat "connecté" ou "intelligent". Notre thermostat fonctionne effectivement avec un contact sec, mais cela comme une majorité des thermostats en place dans les logements des Français. Il ne faut pas oublier un point qui n'est pas cité dans cet article : l'usager. Aujourd'hui, effectivement, comme le dit "Alex" beaucoup de thermostats connectés sont de simples thermostats que l'on peut gérer à distance. Mais il y en d'autres, comme Qivivo, qui ont la capacité d'apprendre les habitudes et de baisser la température dès que le logement est inoccupé. Des économies à la clé sur des centaines de logements strictement similaires : 31% d'économies chez le bailleur social Podeliha, 25% chez Nantes Habitat. Les locataires n'avaient ni internet, ni smartphone. Et finalement c'est le plus important, réduire la facture de nos clients, le plus simplement possible. Ne nous rangez pas dans le groupe des "collecteurs et revendeur de données" par la crainte de voir Google sur ce marché. D'autres comme nous on de réelles motivations écologiques. Amis lecteur d'xpair, venez nous voir à Nantes, ou prenez rdv avec nous, nous pourrons vous expliquer précisément ce que nous proposons.