Rénovation Énergétique des copropriétés : inventons les offres de demain et agissons !

Julien PARC et Charles ARQUIN

Chronique
Publié le

Julien PARC, Responsable “Etudes Prospectives” & Charles ARQUIN, Directeur Rénovation et Associé - POUGET Consultants

L’enjeu est de taille … 900 000 rénovations « ambitieuses » par an en 2030 … contre 60 000 en 2022 … Cette « rupture » passe par de nombreux leviers dont l’accélération de la rénovation énergétique des copropriétés !

Elle nécessite que chaque copropriété s’organise dans son projet de rénovation, en réalisant un DTG (Diagnostic Technique Global), en engageant des travaux collectifs. Elle nécessite aussi de très nombreuses interventions dans les logements et donc la construction d’offres globales et packagées.  


parc copropriété

Comment rénover le parc de copropriétés, les freins et opportunités par Pouget Consultants


Rénovation des copropriétés : un enjeu central et de taille

Ce lundi 25 Septembre, les autorités ont annoncé les grands axes d’une planification écologique pour permettre de réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre de la France d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Pour atteindre ces objectifs, une réduction drastique de notre consommation d’énergie dans les logements est nécessaire.  Le contexte actuel, caractérisé par une inflation des prix et une pression sur le pouvoir d'achat renforce la pertinence d’une politique ambitieuse de rénovation énergétique.

La loi Climat Résilience apporte en ce sens un calendrier : les logements classés G au DPE seront interdits à la location dès le 1er Janvier 2025 ; les logements classés F au DPE dès le 1er Janvier 2028 et les logements classés E dès le 1er Janvier 2034.

En complément, et dans le cadre du Conseil National de la Refondation « Logement », la Première Ministre a annoncé en Juin l’objectif de réaliser 200 000 rénovations d’ampleur en 2024, contre environ 60 000 aujourd’hui. C’est 900 000 rénovations « ambitieuses » par an qui sont prévues en 2030 !

Avec plus de 10 millions de logements en France, la rénovation des copropriétés, représente un enjeu central. C’est un parfait exemple de la difficile équation à résoudre : nécessité de mobiliser tout un collectif à partir de situations, positions et intérêts individuels potentiellement divergents.   

Quelques données clés nous aide à comprendre l’enjeu en copropriété :

  • Environ 650 000 copropriétés regroupent près de 10 millions de logements (soit 28% du parc total) dont près de 8 millions de résidences principales.
  • 47% des logements sont occupés par leur propriétaire, 30% par un locataire, 13% sont des résidents secondaires et 10% sont des logements vacants.
  • 46% des logements ont été construits avant 1948, 17% entre 1948 et 1970, 37% après 1970 – entraînant des performances énergétiques et des solutions techniques très variables.   
  • 45% des copropriétés ont moins de 10 lots, 43% ont entre 10 et 49 lots, 11% ont entre 50 et 199 lots et 1% ont plus de 200 lots.


Ainsi, le parc de bâtiments est principalement constitué de petits collectifs (<10 lots), anciens (<1948) et chauffés individuellement. Il s’agit d’un patrimoine particulièrement complexe à rénover, tant sur le plan technique qu’économique.


Intervenir par l’intérieur des logements : un passage obligé !

L'arbitrage entre les travaux à réaliser dans les parties collectives et individuelles s'effectue idéalement après la réalisation d'un Diagnostic Technique Global (DTG). Ce diagnostic architectural et thermique permet d'évaluer l'état global de la copropriété et son fonctionnement énergétique puis de proposer des solutions de travaux chiffrées, en vue d'améliorer l’usage, le confort et les charges énergétiques des copropriétaires. Le DTG facilite également la distinction entre les travaux qui relèvent du collectif de ceux qui relèvent du logement.

Le projet de Plan Pluriannuel de Travaux (réalisé dans le DTG), permet de proposer à la copropriété une stratégie d’action alternative pour la réalisation des travaux : lister et lisser les travaux sur les 10 années à venir. Réaliser des travaux par étapes est sans doute moins efficace d’un point de vue énergétique, mais c’est parfois la seule solution qu’ont les copropriétés pour agir, notamment quand les quote-part sont supérieures aux possibilités financières des petites copropriétés.

La prise de décision pour les travaux sur les parties communes est plus compliquée qu’une décision privative car elle requiert une décision en assemblée générale (à l’article 25) et nécessite de convaincre un groupe de copropriétaires dont les intérêts divergent. Ces travaux collectifs sont pourtant prioritaires car plus efficaces (ratio coût d’investissement - gain de performance énergétique) : isolation des murs par l'extérieur, isolation des planchers bas et hauts, remplacement des installations de chauffage collectives.

La réalisation des travaux collectifs est une condition nécessaire MAIS parfois non suffisante à une sortie de passoires énergétique ET souvent non suffisante à l’atteinte d’une performance énergétique et environnementale « compatible 2050 ».

En raisonnant sous l’angle des « aides mobilisables » pour la rénovation, on peut d’ailleurs remarquer que pour beaucoup de copropriétés, des travaux restreints aux parties communes ne permettent pas toujours d’atteindre les 35% de gain énergétique [1] aujourd’hui nécessaires pour bénéficier de MaPrimeRénov’ Copro. Certains enjeux patrimoniaux et architecturaux peuvent en effet rendre la rénovation des parties collectives techniquement complexe :

  • Impossibilité d’isoler par l’extérieur les façades ou pignons (dans les cas du bâti ancien, des balcons filants, des façades avec modénatures, de l’empiètement impossible).
  • Caractère individuel des équipements de chauffage et d’eau chaude sanitaire empêchant la réalisation de gains de performance substantiels. Les travaux privatifs d’intérêt collectif peuvent parfois permettre de franchir le seuil de gain énergétique dans les copropriétés où les parties privatives (fenêtres et robinets thermostatiques par exemple) n’ont pas déjà été rénovées. Notons par ailleurs des avancées sur l’interprétation des travaux privatifs « qui génèrent un gain énergétique », qui peuvent être votés d’intérêt collectif et donc bénéficier de MPR copro (MaPrimeRénov’ Copropriétés).

A ce titre, le dispositif d'aide actuel comporte des risques. En effet, il pourrait décourager certains projets qui n'atteignent pas le seuil de 35%, ou au contraire, inciter à des rénovations minimalistes qui visent uniquement à respecter ce critère d'éligibilité. La rénovation d'une copropriété est un processus complexe et coûteux en termes d'accompagnement, et il est essentiel que chaque copropriété s'engage au maximum de son potentiel énergétique. Pour ce faire, le système d'aide pourrait évoluer afin de mieux prendre en compte la capacité intrinsèque du bâtiment à recevoir des travaux en parties collectives. 

Or de nombreux objectifs sont inatteignables pour ces logements, sans intervenir par l’intérieur, à commencer par le respect du critère de décence basé sur les étiquettes DPE et à plus long terme, l’objectif d’un parc de bâtiments au niveau BBC. Dans de nombreuses situations, l’intervention dans les logements sera donc nécessaire.

[1] La condition majeure pour l’obtention de l’aide aux Syndicats de Copropriété (SDC) « MaPrimeRénov’ Copropriétés » vise l’atteinte d’un gain énergétique de 35% entre la situation initiale et la situation projetée après travaux sur les parties communes des copropriétés.


Développer des offres de rénovation dédiées


logement collectif

Industrialisation de la rénovation énergétique de logements collectifs avec fabrication hors site – Source EnergieSprong -

Actuellement, les travaux de rénovation énergétique en parties privatives, en dehors du remplacement des menuiseries et des systèmes de chauffage, sont rares. On peut espérer le développement d’offre globale et « au logement » dans les années à venir. Le propriétaire bailleur ou occupant se verrait ainsi proposer des packs de travaux préétablis, similaires au fonctionnement d’un cuisiniste avec des modèles présélectionnés. Ces packs devraient garantir :

  • L’atteinte d’une étiquette DPE après travaux
  • Des matériaux et équipements « bas carbone »
  • Une intervention rapide tout en maintenant l’occupation dans les lieux
  • Une réponse au confort d’usage, notamment vis-à-vis du confort d’été
  • Une cohérence avec les travaux collectifs à venir


L’industrialisation des solutions en parties privatives est essentielle, tant pour les interventions sur le bâti (isolation thermique par l’intérieur, menuiseries) que pour les équipements techniques (ventilation, chauffage, eau chaude sanitaire). Les combinaisons de travaux doivent également s’appuyer sur les caractéristiques techniques du bâtiment et du projet (chaudière étanche ou non, type de ventilation, …).

L’isolation thermique par l’intérieur constitue un des sujets clés à aborder, à dire d’expert, ce sujet concerne plus de 3 millions de logements collectifs en France pour lesquels une intervention par l’extérieur n’est pas envisageable sur l’ensemble des façades. Par ailleurs, l’isolation des murs par l’intérieur ou par l’extérieur est le geste travaux le plus efficace. Sa réalisation est synonyme dans 75% des cas de sortie de passoires énergétique. Pourtant, isoler par l’intérieur son logement est encore une action très rare, principalement en raison de la réduction de la surface habitable qu'elle engendre et de la complexité de la mise en œuvre (site occupé et durée d’intervention).  

Afin de lever une partie de ces freins, une solution innovante consiste à mettre en œuvre un système complet préétudié, précalepiné. Ces solutions sont dites « sèches », c’est-à-dire sans ajout d’eau ni de peinture, donc pas de temps de séchage. Selon les spécificités du site, la mise en œuvre est inférieure à une journée par pièce traitée, Un défi ! En plus de faciliter la mise en œuvre pour en accélérer l’exécution, il existe des solutions isolantes pour réduire l’emprise au sol du système d’isolation : produits performants des Panneaux d’Isolation sous Vide PIV (en anglais VIP Vacuum Insulation Panel). Par exemple, pour une épaisseur finie de 6 cm (panneau isolant 4 cm, revêtement 2 cm), il est possible d’atteindre une résistance thermique du nouveau doublage comprise entre 5 et 6 m².K/W. 

Du point de vue des systèmes de chauffage et d’ECS individuels, aujourd’hui les solutions intégrant une énergie renouvelable ENR sont rares et doivent faire l’objet d’un fort développement des industriels pour dépasser les contraintes d’intégration de ces énergies (intégration des unités extérieures des PAC, acoustique des ballons thermodynamiques, …). Ce développement s’accompagne d’autant plus de la nécessité de réduire les consommations par l’isolation dans ces logements.


isolant thermique

Exemple d’isolant thermique très mince, sous vide VIP - Isolation thermique quatre fois supérieure à celles des isolants classiques


Accompagner et profiter des moments clés !

Au-delà des solutions techniques, les offres d’accompagnement à l’échelle du logement sont à inventer et à généraliser.

Le recours à des catalogues de solutions doit permettre de répondre à cet enjeu. Aujourd’hui, aucun outil ne permet réellement d’accompagner un propriétaire dans les travaux de son bien. Contrairement aux logements en monopropriétés classés F ou G, les appartements ne sont pas soumis à l’audit réglementaire obligatoire en cas de vente, l’accompagnement se concentre sur les travaux collectifs et les aides financières sont faibles et peu adaptées à ce contexte. En parties privatives : les aides MaPrimeRénov’ et les Certificats d’Economies d’Energie (CEE) sont encore insuffisantes pour pousser les ménages à entreprendre des travaux conséquents. Dans les petites copropriétés anciennes, souvent dégradées et nécessitant de travaux globaux de structure et de remise aux normes, le reste à charge peut atteindre 50 000 € par appartement. Ainsi, les travaux, pour pallier la dégradation du bâti, sont prioritaires et les travaux énergétiques sont relayés au second plan.

Dans la continuité des travaux engagés par l’Etat et la filière pour organiser l’accompagnement des propriétaires de maisons individuelles et les copropriétaires, il est essentiel de structurer celui de l’accompagnement des propriétaires d’appartement, qu’ils soient occupants ou bailleurs. Il est impératif de dépasser la tension présente entre l’intervention en partie collective et le soutien aux propriétaires bailleurs dans leurs travaux privatifs. L’intervention sera nécessaire systématiquement à l’échelle du logement et de la copropriété, simplement dans des proportions variables en fonction des situations. Et l’accompagnement doit donc s’organiser pour prendre en compte cette double contrainte.

A ce titre, les acteurs de la copropriété (maître d’œuvre, Syndic, entreprises travaux) devront faire évoluer leur offre pour proposer des services individualisés aux copropriétaires en complément des offres collectives existantes. 

Les préconisations du DPE peuvent être renforcées en ce sens, avec la structuration d’une combinaison de travaux cohérente à l’échelle de l’appartement qui intègre les capacités d’intervention à l’échelle de la copropriété. Ces préconisations peuvent être intégrées au plan pluriannuel de travaux (PPT) afin de définir un ordonnancement de travaux par étapes intégrant les travaux en parties privatives et les travaux en parties collectives. Une vision globale avec un programme travaux adopté en début de projet permet d’avoir une vigilance particulière sur les interactions et interfaces entre les lots de travaux et ainsi limiter les pertes de gain énergétique.

Par les contraintes de l’occupation, la rénovation énergétique des appartements n’est que rarement envisagée. Or, il existe dans la vie de l’appartement des moments clés auxquels il est essentiel de se raccrocher, à savoir la relocation et l’achat. Ces étapes sont généralement l’occasion de réaliser des travaux pour lesquels il s’agit d’embarquer systématiquement la performance. Le système d’aides financières doit donc s’adapter à ces situations et apporter un signal fort pour favoriser les travaux énergétiques. L’obligation de sortie de passoire en cas de transfert du bien peut permettre également d’équilibrer la balance économique du traitement des passoires énergétiques, notamment avec l’accentuation de la valeur verte du logement qui permet de compenser la perte de surface intérieure liée à l’isolation.

Il reste que dans certaines situations, l’isolation des murs par l’intérieur n’est techniquement pas possible ou même en ayant été réalisée, l’étiquette D n’est pas atteinte. C’est en particulier le cas pour les appartements de petites surfaces pour lesquelles les consommations d’eau chaude sanitaire ramenées à la surface habitable demeurent très élevées. Cette réalité physique ne doit pas éclipser la nécessité de maintenir une exigence forte sur le traitement des logements ayant le statut de passoire énergétique. Si des adaptations de la réglementation sur ces cas particuliers ont lieu, elles doivent permettre de garantir au futur occupant un confort et des charges acceptables et donc confirmer la nécessité d’intervenir systématiquement sur ce qui peut être fait (menuiseries, toiture, système d’eau chaude sanitaire performant, etc ...).

Enfin, au-delà des approches architecturales et techniques, l’implication des habitants doit être au cœur du parcours de rénovation. Cette mobilisation a vocation à s’appuyer sur plusieurs leviers : sensibilisation à la rénovation énergétique et à ses atouts, sensibilisation à l’usage post-rénovation, coaching énergétique ou carbone individuel, etc ...

La lutte contre le dérèglement climatique exige une réponse immédiate et quotidienne, collective et individuelle …  


engagement equipe

Réussir la rénovation énergétique en copropriété, un engagement d’équipe


Julien PARC, Responsable “Etudes Prospectives” & Charles ARQUIN, Directeur Rénovation et Associé - POUGET Consultants


Source et Lien

pouget consultants

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